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La douleur du monde

HURST, Samia

HURST, Samia. La douleur du monde. Revue médicale suisse , 2014, vol. 443, p. 1795

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:84884

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 24 septembre 2014 1795 Nous savons qu’il a de graves séquelles,

mais ils veulent le maintenir en vie. On l’a vu pleurer, il s’agite et on nous dit : "Ne vous inquiétez pas, il ne souffre pas". C’est très difficile» ajoutent les parents.

Les parents parlent, les médecins répon­

dent sur les ondes : «Il faut toujours prendre du recul pour savoir quelle est la situation de l’enfant. Nous ne sommes pas dans un acharnement, mais dans un accompagne­

ment le temps de l’évaluation, pour être certains d’apporter les meilleures informa­

tions possibles, a déclaré, sur France Bleu, le Pr Fabrice Pierre, chef du Service de gynéco­

logie­obstétrique du CHU de Poitiers. Pour être sûr de pouvoir appréhender le type de séquelles, on ne peut pas le faire de façon précipitée. Il faut quelques semaines pour l’évaluer.»

«Des spécialistes de néonatalogie souli­

gnent la complexité, pour les grands préma­

turés, de prédire les séquelles, pas nécessai­

rement liées aux lésions cérébrales, et ce plus les enfants, donc leurs cerveaux, sont petits, avec des évolutions rapides dans un sens ou l’autre» rapporte l’Agence France Presse. «Le fait de bien se poser, pour être sûr qu’on ne fait pas de bêtises, et de réa nimer en attendant, est une procédure ha bituelle, demandée et conseillée par tous les organismes professionnels qui traitent de ce sujet. De temps en temps, il est urgent de ne pas agir. Il n’y a jamais urgence à tuer, d’autant que c’est irréversible», explique, calmement, le Dr Christophe Elleau, chef de l’Unité de néonatologie­Bloc Maternité du CHU de Bordeaux. On retiendra sa formule.

Quand et pourquoi y a­t­il urgence à tuer ? Comment les protagonistes sortiront­ils de l’impasse désormais médiatisée ? Face à la demande répétée des parents, l’équipe de néonatalogie du CHU de Poitiers a sollicité l’avis d’un groupe de réanimateurs de l’Hô­

pital Antoine­Béclère de Clamart (Hauts­de­

Seine). A l’heure où ses lignes sont écrites, on ne connaît pas le verdict des néonatolo­

gistes et des éthiciens. Et ensuite ? Qui tran­

chera, en cas de désaccord persistant entre les parents et les médecins de Titouan ?

Jadis, ces affaires n’étaient pas médiati­

sées et des solutions étaient trouvées dans le secret des consciences. Tel n’est plus, ici, le cas. On peut s’en émouvoir. On peut aussi songer aux parents des enfants prématurés, porteurs ou non de séquelles. A quoi son­

gent­ils quand ils voient et entendent les pleurs des parents du petit Titouan ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

La douleur du monde

Au printemps dernier, EXIT a fait les gros titres de la presse nationale en changeant ses critères pour accepter d’assister le sui­

cide de personnes atteintes de «polypatho­

logies du grand âge». Il n’y a bien sûr pas de statistiques si rapidement, mais à en croire les collègues qui reçoivent ces demandes il semble qu’il y ait eu depuis lors une augmentation du nombre de ces situations. Il semble aussi que cela mette ces collègues devant des problèmes difficiles.

Je veux bien le croire. Face à une demande d’assistance au suicide, les cas dit «ordinaires» sont déjà délicats. Imaginez une personne at­

teinte d’une maladie terminale, d’un mal physique. Si cette personne vient à demander une assistance au suicide, nous serons sans doute d’accord qu’il faut commencer par discuter avec elle des alter natives qui pourraient lui rendre la vie plus supportable. La médecine, et plus spécifiquement les soins palliatifs, sont ici conviés comme tout naturel­

lement. Avec une alternative décente, souvent (pas toujours mais souvent), on préfère en fait vivre.

Les cas qui semblent désormais aug­

menter sont cependant d’un autre ordre.

Imaginez une autre personne, chez laquelle la souffrance n’est pas due une seule mala­

die identifiable. Il y a quelques années, un cas de ce type avait lui aussi fait les gros titres. Un des chefs d’orchestre les plus réputés d’Angleterre, Sir Edward Downes, était venu en Suisse accompagner sa femme auprès de l’association Dignitas. Ils étaient mariés depuis plus d’un demi­siècle. Elle, atteinte d’un cancer incurable, souhaitait mettre fin à ses jours. Lui, progressivement aveugle et surtout bientôt veuf, n’a pas voulu lui survivre. D’autres se seraient, même malgré une douleur infinie, fait une raison ; mais lui, dans cette situation, il ne voulait pas. Ils sont morts ensemble.1

Ces situations nous ébranlent. Ici aussi,

après tout, il faudrait commencer par explo­

rer les alternatives. Mais où en trouver ? On voit bien comment cette étape devra ici impliquer plus que des professionnels de la santé. Comment faire concrètement ? Pre­

mier inconfort. Deuxième inconfort : ces cas ont la fâcheuse tendance à mettre le doigt sur les failles de nos sociétés. En nous si­

gnalant les conditions dans lesquelles les personnes préfèrent mourir, ils nous mon­

trent du même coup là où se trouvent les

alternatives indécentes. Que pouvons­nous faire de ça ? Troisième inconfort : et les autres cas, alors ? N’ont­ils pas eux aussi parfois d’autres sources à leur souffrance que la seule maladie ? Et si des personnes mala­

des souffrent, en plus de leur mal, d’isole­

ment ou de précarité matérielle par exemple, que pouvons­nous faire de ça ?

Ces cas nous mettent en fait sous le nez un des paradoxes qui se nichent au cœur du

«modèle suisse» de l’assistance au suicide.

Cette pratique, nous avons décidé de ne pas la médicaliser. Nous reconnaissons ainsi qu’elle dépasse les seuls horizons de la médecine. Mais nous insistons en même temps, en pleine contradiction, pour que la recherche d’alternatives décentes soit mé­

dicale. Nos collègues qui expriment leur désarroi ont donc raison. Pour faire justice à cette tâche, peut­être devrions­nous la considérer à l’égal de l’assistance au suicide elle­même : y participer, oui, mais ne pas en accepter le monopole.

1 Burns JF. With help, conductor and wife ended lives.

New York Times. 2009 July 14th.

carte blanche

Pr Samia Hurst Médecin et bioéthicienne Institut Ethique, Histoire, Humanités

Faculté de médecine CMU, 1211 Genève 4 Samia.hurst@unige.ch

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