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Academic year: 2022

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Le geste traductif : pour poursuivre la réflexion…

FONTANET, Mathilde

Abstract

Le présent article a pour but de caractériser finement le geste traductif en se libérant de la dichotomie source-cible (ou lettre et esprit). Il porte en particulier sur le statut du texte traduit, les paramètres déterminant les choix traductifs, le statut réservé par le traducteur à l'univers discursif de l'original et les inhomogénéités discursives entre original et traduction. Sur cette base, il entreprend de proposer une nouvelle définition de la traduction.

FONTANET, Mathilde. Le geste traductif : pour poursuivre la réflexion…. In: Nadia d'Amelio.

Au-delà de la lettre et de l'esprit : pour une redéfinition des concepts de source et de cible. Mons : CIPA, 2007. p. 189-202

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14833

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Le geste traductif : pour poursuivre la réflexion…

La traductologie progresse, mais il est encore certains points où – faute de maturité, peut-être – elle bute, tâtonne ou se satisfait d’approximations. A notre sens, il conviendrait notamment de poursuivre la réflexion sur le geste traductif, afin de le caractériser plus finement. Aussi aimerions-nous soulever dans le présent article quelques questions auxquelles ont déjà été apportées beaucoup de réponses, mais qui pourraient gagner à être abordées sous un angle nouveau. Nous nous pencherons en particulier sur :

1) le statut du texte traduit1 ;

2) les paramètres déterminant les choix traductifs ;

3) le statut réservé par le traducteur à l’univers discursif de l’original ; 4) les inhomogénéités discursives entre original et traduction ;

5) le mirage de la lettre et de l’esprit ; et 6) la définition de la traduction.

1 Le statut du texte traduit

Quel est le statut du texte traduit et quelle relation entretient-il avec l’original ? Commençons par rappeler l’évidence : toute traduction est un discours rapporté, un métatexte qui, par convention, fait l’économie de la forme seconde pour se présenter comme un discours premier. Cette convention facilite sensiblement la lecture. De fait, qui parviendrait à s’absorber dans des textes jalonnés de formules telles que « Dans son message, le Directeur général vous souhaite la bienvenue… » ou

La nouvelle Die Verwandlung commence en substance de la manière suivante :

« Lorsqu’un beau matin Gregor Samsa s’éveilla de rêves agités »...2

Ce confort de lecture tend cependant à occulter l’existence de l’original, qui n’est souvent rappelée que brièvement dans le péritexte. Assimiler la traduction à l’original est d’autant plus facile que leurs supports ne diffèrent guère. A titre d’illustration, le spectateur d’un film adéquatement doublé est plus enclin à oublier qu’il ne prend connaissance que d’une version médiate de la bande son originale que celui qui lit les sous-titres surimposés sur l’image : parce que le sous-titre est présenté sur un autre support (de nature graphique) perçu parallèlement au message de nature phonique, le spectateur ne saurait perdre de vue qu’il lit une traduction. Or, à l’exception de quelques mots au début du livre, rien ne vient en général matériellement rappeler au lecteur d’un livre traduit qu’il y a eu médiation. Un roman russe, même s’il a été traduit et se donne donc à lire dans une langue nouvelle, reste un livre et, en tant que tel, offre somme toute une très grande ressemblance avec l’original.

Les lecteurs d’œuvres littéraires s’accommodent souvent fort bien de ne pas avoir entre les mains un texte d’origine. Peu sensibles à la nature implicitement seconde

1Par « texte traduit », nous entendons ici le produit de la traduction.

2 Traduction des premiers mots de « Die Verwandlung » de Kafka (« Als Gregor Samsa eines Morgens aus unruhigen Träumen erwachte,... »

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de la traduction, ils tendent à établir une équation d’identité entre celle-ci et l’original.

Theo Hermans, dans Paradoxes and Aporias in Translation and Translation Studies, fait clairement ressortir combien les expressions et manières de dire conventionnelles invitent à cet amalgame :

(...) a statement like ‘I have read Dostoevsky’ (...), when we unpack it, means something like: what I read was actually a translation of Dostoevsky, but because it was a sound translation, it was, to all intents and purposes, as good as reading the original. (p. 10)

Selon lui, la traduction est généralement considérée comme une forme de discours délégué régi par l’hypothèse de l’équivalence :

(…) we construe translation as a form of delegated speech governed by the assumption of equivalence. (pp. 10-11)

Hermans prend ici pour exemple une œuvre littéraire (un roman de Dostoïevski) et un discours de Boris Eltsine, sans préciser si la situation reste à son sens la même dans tous les cas. Or, selon nous, la nature du lien entre l’original et la traduction n’est pas une constante : elle est fonction de la valeur que l’on attache au premier.

A l’heure actuelle – celle du plurilinguisme et de la mondialisation – de nombreux textes sont diffusés parallèlement dans plusieurs langues, sans que soit précisé l’idiome de la version originelle. Bulletins et revues multilingues, dépliants d’information, modes d’emplois…, nous côtoyons sans cesse des textes dont nous ignorons la généalogie. Original et traductions vont leur chemin sur un pied d’égalité.

Ce sont des homologues. Dans cette démocratie des écrits, le texte traduit est un remplaçant à qui l’autorité de sa source a été si pleinement déléguée qu’il vient librement la supplanter.

Il arrive toutefois que le péritexte signale la langue originale, par une mention telle que « traduit de l’anglais » ou « original : espagnol ». Il en va ainsi de bon nombre de règlements et de documents administratifs. Le texte traduit remplace là aussi l’original, mais sans pouvoir se prévaloir de toute son autorité. Par un discret garde- fou, le diffuseur se réserve la possibilité de le ramener à ce qu’il est : une lecture d’un précédent. Cette réserve est formulée expressément lorsqu’il est précisé que l’une des versions « fait foi ». Il n’empêche que, le plus souvent et en dehors du contexte juridique, le texte traduit est bien considéré comme un remplaçant. Le lecteur s’inquiète fort peu de sa nature seconde, implicite, qu’il a tôt fait d’oublier pour assimiler la traduction au texte premier.

La situation est quelque peu différente quand apparaît un auteur dont l’identité transpire dans le texte. Tout écrit scientifique, journalistique ou politique exprime nécessairement le point de vue d’une individualité. La traduction, par l’aveu qu’elle fait de venir en second, ne peut alors prétendre remplacer pleinement l’original : elle n’est pas, comme lui, pénétrée d’un lien infrangible avec son principe créateur. La version traduite d’une œuvre littéraire, en particulier, parce qu’elle passe nécessairement par un créateur second – un recréateur – n’entretient qu’un rapport médiat avec l’auteur premier, qui ne s’y manifeste plus que comme principe externe.

Elle ne pourra aspirer qu’à représenter3 l’original. L’auteur n’est cependant pas le seul facteur susceptible de conférer un caractère « inégalable » à l’original. D’autres qualités intrinsèques peuvent aussi motiver un attachement semblant exclure toute

3 Selon le Trésor de la langue française, représenter signifie entre autres « rendre présent sous la forme d'un substitut, en recourant à un artifice ; être cet artifice, ce substitut » et « reproduire, restituer les traits fondamentaux de quelque chose ou de quelqu'un ».

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velléité de trouver un substitut parfaitement adéquat.

Le facteur déterminant est ici l’importance accordée à l’original en tant que texte. De fait, un homologue possède davantage d’autonomie qu’un remplaçant et, à plus forte raison encore, qu’un représentant. Le statut du texte traduit est déterminé par la mesure dans laquelle il semble envisageable de le substituer à l’original. Pour illustrer la différence entre homologue, remplaçant et représentant, prenons l’exemple d’une personne qui se trouve dans l’impossibilité de répondre favorablement à une invitation et se propose d’envoyer « une autre » à sa place : - s’il s’agit d’un être vénéré ou adoré (une personne inspirant des sentiments

amoureux ou dotée d’un pouvoir qu’elle est seule à posséder), tous lui enjoindront de se résoudre à décliner l’invitation ;

un parallèle peut être tiré avec l’interdiction de traduire certains textes sacrés ; - si l’invité jouit d’un certain prestige ou est particulièrement apprécié, mais peut

toutefois déléguer à un autre le rôle qu’il était censé jouer, il pourra se faire représenter ; ses hôtes ne perdront pas de vue qu’il est absent, mais s’estimeront déjà heureux de pouvoir profiter de sa contribution « indirecte » ;

parallèlement, un roman peut être traduit à l’intention de lecteurs ne comprenant pas la langue de l’original ;

- enfin, si sa présence est sollicitée pour une fonction bien précise et que nul ne se soucie par ailleurs de sa personne en dehors du rôle qui lui revient, quiconque à même de remplir cette fonction pourra parfaitement le remplacer ;

de même, tout texte de type informatif dont la forme ne revêt pas d’intérêt en soi peut être adéquatement remplacé par une traduction.

Ainsi, le statut de la traduction varie en fonction de celui de l’original, l’autonomie de la première et le prestige du second fluctuant selon un rapport inversement proportionnel : plus l’intérêt de l’original réside dans sa fonction (et non dans ses caractères propres), plus la traduction gagne en autorité, allant parfois jusqu’à occuper toute la place aux yeux de son lecteur.

Pour la traduction littéraire, la conception du texte traduit en tant que

« représentant » de l’original permet de marquer sa relation de dépendance à l’égard de celui-ci, sans passer par le critère de l’équivalence, tout à la fois illusoire et trop indéfini. Le commentaire qui suit, formulé par Marie-Thérèse Serrière au sujet de la représentation théâtrale et de la mise en scène, pourrait d’ailleurs être transposé pour s’appliquer à la traduction4 :

La représentation est pour l'œuvre une seconde naissance. Mettre en scène, c'est mettre au monde, mais cette fois au monde sensible, concret. C'est mettre en corps, c'est mettre en acte. Le théâtre est incarnation.5

Nous pourrions ainsi concevoir que la traduction littéraire est « pour l'œuvre une seconde naissance » dans le monde sensible de la langue cible, dans laquelle elle vient « incarner » l’original.

Un cas un peu particulier mérite d’être relevé : celui de l’édition bilingue.

Manifestement, le texte traduit ne supplante pas ici l’original, pas plus qu’il ne

4 Nous nous éloignons évidemment du sens premier de ses mots, car elle se place ici dans la perspective de la réalisation de l’œuvre théâtrale.

5Serrière, Marie-Thérèse. Le T.N.P. et nous. Paris: Corti, 1959, p. 166

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cherche à le remplacer ou à le représenter, puisque celui-ci demeure inaltérable (ou, du moins, inaltéré) : la traduction fait ici office d’éclairage et vient, en quelque sorte, compléter sa source.

Ainsi, le statut du texte traduit dépend du prix que l’on accorde à l’original. Un discours sacré peut être éclairci dans une « version bilingue » par une traduction lui servant de voie d’accès, tandis qu’un texte d’auteur est représenté dans une autre langue par sa traduction et qu’un texte de type informatif ou incitatif est remplacé (ou supplanté) par son homologue rédigé dans un autre idiome.

2 Les paramètres déterminant les choix traductifs

Bon nombre de traductologues, dans leur souci de systématiser les « stratégies de traduction », négligent selon nous certains paramètres ou traitent en bloc ce qui mériterait d’être différencié : à en croire certains, toutes les démarches et tous les choix traductifs pourraient trouver leur place le long d'un seul axe, alors qu'il conviendrait d'en prendre davantage en considération.

Bien que la traduction puisse être envisagée sous plusieurs angles, c’est à notre sens dans la perspective du traducteur qu’il y a lieu de la caractériser. De fait, en dehors des consignes préalables qui lui sont données et des interventions que peuvent pratiquer par la suite des éditeurs ou des censeurs, c’est bien le traducteur qui, à partir d’un texte original, en produit un autre, et c’est donc bien lui qui opère les choix traductifs.

Selon nous, les paramètres qui vont caractériser ces choix sont extrêmement nombreux. Au sujet de la traduction poétique, dans Pour une critique des traductions : John Donne, Antoine Berman considère la position traductive et le projet de traduction comme pris dans un horizon, qu’il définit en première approximation comme

l’ensemble des paramètres langagiers, littéraires, culturels et historiques qui

« déterminent » le sentir, l’agir et le penser d’un traducteur. (p. 79)

Tel qu’il le conçoit, cet horizon définit le champ des possibilités de traduction qui s’offre au traducteur. Il prend pour exemple la retraduction de poèmes de Sappho, dans le cadre de laquelle

l’horizon de [la] retraduction, ce-à-partir-de-quoi [le traducteur] retraduit (…), se spécifie en une pluralité d’horizons plus ou moins articulés entre eux. (p. 79)

Parmi les paramètres qu’il évoque figurent :

l’« état » de la poésie lyrique contemporaine française (…), le savoir sur la poésie lyrique grecque et, plus généralement, la « culture » grecque qui se développe aujourd’hui – notamment en France –, et qui diffère profondément du savoir des siècles antérieurs.

(pp. 79-80)

En fait, le geste traductif fait intervenir une multitude de considérations. Chaque mot est en soi un pari, l’aboutissement d’une démarche analytique, voire d’une forme d’analyse combinatoire.

A l’évidence, le traducteur est un énonciateur et c’est en tant que tel qu’il convient de le présenter. Dans son ouvrage L’énonciation de la subjectivité dans le langage, Catherine Kerbrat-Orecchioni6 propose une reformulation du schéma de la

6 Kerbrat-Orecchioni, Catherine, L’énonciation de la subjectivité dans le langage, pp. 18-19.

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communication de Jakobson. Elle y place, parmi les facteurs influençant l’émetteur : ses compétences linguistique et para-linguistique, ses compétences idéologique et culturelle, ses déterminations « psy- », les contraintes de l’univers de discours et le modèle de production. Du côté du récepteur, elle prévoit les mêmes paramètres, à l’exception du modèle de production, mué en modèle d’interprétation.

A notre sens, le traducteur, en tant qu’émetteur, est non seulement influencé par tous les facteurs que recense Kerbrat-Orechioni, mais également tributaire de ses présuppositions concernant les facteurs qu’elle retient pour ses récepteurs : intuitivement ou non, il sera conditionné par l’image qu’il se fait d’eux, de leurs attentes, de leurs compétences, de leur tolérance. Ainsi, si la qualité de son travail est directement liée à ses compétences (ses connaissances, son intelligence, sa sensibilité, sa créativité…), ses choix traductifs découlent quant à eux de toute une série d’hypothèses. Ils sont certes liés à ses objectifs de traduction (que nous évoquerons plus bas) et aux moyens dont il dispose pour atteindre ceux-ci, mais ils se fondent par ailleurs sur sa perception :

• de l’original (de son sens, de son impact, des effets recherchés…) ;

• du lecteur cible (de ses connaissances, ses attentes, sa sensibilité…) ;

• des normes (langagières ou non) prévalant dans les deux cultures concernées ;

• du degré de dérogation à la norme qu’il estime possible ou souhaitable ;

• des exigences du commanditaire ;

• des contraintes liées au support.

L’opération traduisante est ainsi de nature fondamentalement subjective, car elle est déterminée par la manière dont le traducteur se projette, notamment, dans le texte source comme dans le lecteur cible. Il s’appuie par exemple nécessairement sur plusieurs a priori concernant, entre autres, les connaissances encyclopédiques du lecteur, ses compétences syntaxiques, sa tolérance à l’égard des innovations et le niveau d’explicitation souhaitable. A la suite d’une appréciation des diverses exigences et contraintes auxquelles il se sent soumis, le traducteur va pondérer ses priorités et, ainsi, procéder à une forme de paramétrage des éléments et effets à restituer.

3 Le statut réservé par le traducteur à l’univers discursif de l’original

Le paramétrage auquel procède le traducteur est bien entendu avant tout fonction de l’enjeu de la traduction, de l’objectif qu’il s’assigne dans sa démarche. Or, cet objectif s’exprime dans une large mesure par le statut qu’il pense devoir réserver à l’univers discursif de l’original dans l'univers du récepteur ou, en d’autres termes, par la manière dont il aimerait voir son lecteur intégrer les éléments du texte original dans son propre univers.

A titre d’exemple, une lettre qu’Aristote a écrite à son médecin au sujet de l’hygiène corporelle peut être traduite dans diverses perspectives, notamment :

• historique (p. ex. pour exposer au lecteur les préceptes de l’époque en matière de médecine ou de philosophie du corps) ;

• médicale (p. ex. dans l’idée que des enseignements pourraient être tirés de la lettre, dont la médecine actuelle pourrait s’inspirer) ;

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• sociologique (p. ex. pour mettre en lumière la manière dont un savant peut s’adresser à son médecin par voie épistolaire ou le type de relation qu’entretiennent deux hommes d’âges différents) ;

• poétique (p. ex. pour transmettre la qualité du style, les effets rythmiques ou la portée des métaphores de l’original) ;

• linguistico-stylistique (p. ex. pour faire ressortir la tolérance du grec ancien à l’égard de l’implicite et des redondances ou les normes prévalant à l’époque en matière de formules de politesse).

Selon la perspective qu’il jugera bon d’adopter, le traducteur cherchera à projeter l’univers discursif de l’original sur l’univers de son lecteur de manière à l’y inscrire en tant que réalité, isoréalité, métaréalité, pseudo-réalité, protoréalité ou supraréalité7. C’est le rapport entre ces deux univers qui déterminera les priorités que le traducteur sera amené à définir et autour desquels il opérera le paramétrage susmentionné.

La réalité

Le traducteur entreprend d’inscrire l’univers discursif de l’original dans l’univers du récepteur en tant qu’élément de la réalité pour la plupart des textes dits pragmatiques. Par exemple, pour qu’un mode d’emploi soit « utilisable » et trouve sa fonction dans la sphère d’action du récepteur, chacun de ses éléments d’information doit pouvoir s’intégrer immédiatement dans l’univers de celui-ci, se greffer sans entrave sur l’image que le récepteur se fait du monde extralinguistique, de manière à compléter celui-ci adéquatement pour ses besoins d’action.

L’isoréalité

Le traducteur cherche à projeter le texte en tant qu’isoréalité lorsqu’il vise à ce que l’univers discursif soit perçu par son lecteur comme reflétant une réalité parallèle, c’est-à-dire marquant une certaine distance (des points de vue temporel, culturel, social ou géographique), mais procédant de la même nature, de sorte que ses éléments viennent étendre la connaissance du monde du lecteur, même si c’est par des informations qui ne sont pas directement utilisables. La compatibilité profonde entre les deux plans discursifs permet un enrichissement indirect de la réalité du lecteur, le texte traduit pouvant venir s’y projeter et lui apporter un nouvel éclairage ou servir de commentaire sur celui-ci. Par exemple, une biographie d’Attila trouvera son intérêt en tant que réalité révolue et distante, et donc extérieure, mais pouvant être perçue par le lecteur comme reposant sur des mécanismes similaires à ceux qui régissent le destin d’un homme moderne.

La métaréalité

Si le traducteur compte projeter l’univers discursif de l’original en tant que « fiction » sur l’univers de son lecteur, il cherchera à lui proposer une métaréalité, distincte de son propre univers, mais à laquelle il aura émotionnellement accès. La métaréalité

7 Cette liste n’est qu’une ébauche et mériterait d’être affinée et, très probablement, complétée. Au sujet des préfixes utilisés, il est précisé dans le Trésor de la langue française que :

iso : indique une identité, une équivalence ou une égalité ;

mét(a) : exprime en philosophie et dans les sciences humaines « ce qui est au-delà, dépasse, englobe » ; pseudo : signifie « qui est faussement, qui passe pour..., qui veut passer pour » ;

proto : signifie « qui se situe au commencement de » ou « qui est immédiatement antérieur à » et marque l'antériorité spatiale ou temporelle ;

supra : signifie « qui se situe au-delà » ou relève d’un ordre supérieur.

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ne cherche jamais à s’insérer directement dans la réalité, mais l’imprègne plus subtilement, par la voie des associations, de l’identification et de la projection. Les éléments du discours n’enrichissent pas les connaissances encyclopédiques du récepteur, mais viennent plutôt les colorer ou les moduler, par une forme de résonance. Le texte, que le lecteur « utilisera » à des fins de loisir et de plaisir, aura une incidence indirecte sur sa perception du monde.

La pseudoréalité

Si le traducteur veut faire admettre comme « vrai » l’univers discursif de l’original alors même que sa véracité n’est pas démontrée, il fera en sorte qu’il vienne se plaquer sur l’univers du lecteur comme un élément de pseudo-réalité, c’est-à-dire en lui donnant l’apparence de la réalité immédiate du lecteur, même s’il lui est tout à fait extérieur ou s’il est purement construit. Par exemple, une publicité vantant une voiture donnée visera à modifier la vision du monde du récepteur pour que vienne s’y ajouter l’information que ladite voiture est plus désirable que toute autre pour tel ou tel motif. Le lecteur intégrera les éléments de pseudo-réalité au même titre que des données réelles. Tout texte publicitaire ou de nature argumentative procède de cette démarche. La manipulation interviendrait lorsque le processus a un caractère caché, lorsque c’est à l’insu du récepteur, par un effet de travestissement, que l’image nouvelle du monde vient se substituer à la conception qu’il en avait auparavant.

La protoréalité

Le traducteur cherchera à inscrire l’original dans l’univers discursif de son lecteur en tant que protoréalité si son but est que le texte puisse y déployer un effet, y avoir une incidence directe « en tant que texte ». Il en va ainsi de tout texte performatif (un texte de loi, une autorisation, un décret…) ou de toute forme de discours ayant une portée illocutoire manifeste (une proclamation, une promesse…). Le changement qui s’opérera peut revêtir un aspect inchoatif ou évolutif, le texte étant alors le vecteur d’une forme de germe de modification.

La supraréalité

Lorsque le texte à traduire doit venir s’imposer dans l’univers du récepteur comme relevant d’un ordre supérieur, ou pour ses propriétés magiques ou religieuses, le traducteur cherchera à l’inscrire comme une supraréalité. La traduction d’une prédiction ou d’une parole d’évangile aura par exemple pour but de transcender la réalité du lecteur. Elle ne viendra pas s’y ajouter, mais la redéfinir.

Il convient de préciser que la manière dont le traducteur pense devoir projeter l’univers discursif de l’original sur celui du récepteur n’est pas uniquement dépendant de l’original, tout comme le prévoit la théorie du skopos. Cependant, même si le traducteur est selon nous habilité à assigner à sa traduction une fonction autre que celle de l’original, rien ne l’autorise à tronquer ou à modifier le sens de celui-ci. Dès lors qu’il le dénature d’une manière ou d’une autre, il sort du contexte de la traduction.

Il serait par exemple envisageable de traduire

• une procédure d’entretien d’une centrale nucléaire (rédigée à l’origine comme projetant des éléments réels) pour dénoncer les dangers de l’installation et le manque de fiabilité des opérations, en adoptant donc la perspective de l’isoréalité ;

• une biographie qui se veut objective et réaliste de manière à dénoncer sa nature

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subjective et en adoptant donc la perspective de la métaréalité (une doctrine à vocation proto- ou pseudo-réelle pourrait également être traduite dans cette perspective pour que ressortent ses propres incohérences) ;

• une publicité japonaise non pas pour faire acheter le produit vanté, mais pour mettre en avant les mœurs des Japonais, en adoptant donc la perspective de l’isoréalité ;

• un poème dans le cadre d’une campagne électorale, en adoptant donc la perspective de la pseudo-réalité ;

• un poème pour le charger d’une signification prophétique ou religieuse, en adoptant la perspective de la supraréalité.

En quoi la manière dont le traducteur entend intégrer le texte dans l’univers du récepteur a-t-elle une incidence sur ses choix traductifs ?

S’il s’agit de permettre au lecteur d’intégrer directement le « message du texte » dans son monde extralinguistique, la démarche du traducteur consiste naturellement à gommer tout ce qui fait écran à la compréhension ou à l’action immédiates. Ainsi, pour traduire un mode d’emploi, il veille à ce que toutes les consignes s’orientent sur l’univers du lecteur et soient exploitables. Le cas échéant, il convertira les unités et reformulera le texte de départ pour l’adapter au contexte technique particulier (en matière de prise de courant, p. ex.) dans lequel son lecteur en prendra connaissance.

Il en va de même pour imposer une pseudo-réalité : le lecteur doit pouvoir

« importer » sans entrave le message et, au besoin, la pseudo-réalité viendra évincer des éléments de connaissance préalable incompatibles avec elle – d’où l’aspect répétitif de certain slogans et publicités.

La production d’une isoréalité exigera que le texte soit directement intégrable, mais n’exclura pas une distance dans l’expression comme dans les faits évoqués. Le lecteur doit rester conscient que l’univers défini par le discours lui est extérieur, mais doit pouvoir en transposer les éléments facilement.

S’il s’agit d’une métaréalité, le traducteur pourra aisément marquer une distance dans le fond comme dans la forme, puisque le texte a le statut de la fiction.

Cependant, la nécessité de maintenir l’attention et l’intérêt du lecteur, qui n’a généralement pas d’autre motivation pour lire que la curiosité ou le plaisir, contraindra le traducteur à préserver une forme ou une autre de plausibilité et à ne jamais abuser d’effets de distanciation ou d’éléments par trop hétérogènes.

Le traducteur voulant projeter une protoréalité devra user d’une forme conventionnelle ou convenue (en adoptant un ton propice à une prise d’autorité) pour indiquer que le texte, par sa propre énonciation, réalise son propos. Il lui faudra donner des signaux, en quelque sorte, pour que s’enclenche un processus permettant le décodage de l’information.

Enfin, s’il s’agit d’une supraréalité, le traducteur usera volontiers d’un ton solennel, pathétique ou prophétique. A l’inverse de la protoréalité, qui relève des conventions humaines, la supraréalité repose sur la croyance en une force supérieure. Aussi le texte devra-t-il être empreint d’une puissante autorité et bien marquer qu’il est en rupture formelle avec l’ordinaire.

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4 Les inhomogénéités discursives entre original et traduction

Nous avons envisagé dans le paragraphe précédent diverses manières dont le traducteur peut entendre inscrire l’univers discursif de l’original dans l’univers du lecteur cible. Il reste à prendre en compte le degré de proximité objectif qui existe entre ces deux univers. De fait, le texte de départ peut se situer à une plus ou moins grande distance du lecteur cible et, selon la conception qu’a le traducteur de son travail, il va tendre à réduire ou à accentuer cette proximité.

Comme nous l’avons fait valoir, un seul et même texte peut donner lieu à des traductions différentes. Ainsi, par exemple, le traducteur s’attachant à étendre la portée incitative de Mein Kampf auprès de ses lecteurs cibles visera à intégrer dans leur conception du monde la pseudoréalité qu’échafaude l’original. Il aura donc tout avantage à ce que cette pseudo-réalité puisse se fixer aussi naturellement que possible dans l’univers de ses récepteurs. Sa tâche sera grandement facilitée s’il préexiste une homogénéité entre le texte original et la forme qu’il convient de donner à la traduction pour persuader ceux-ci au mieux : aucune énergie ne sera perdue par frottement, les effets rhétoriques et les images venant se couler spontanément dans le cadre préexistant. En revanche, s’il traduit le même discours pour en dénoncer le caractère odieux et manipulatoire, il ne sera que trop heureux de pouvoir mettre en évidence l’absence d’argumentation solide : toute forme d’inhomogénéité créant un effet de distanciation entre le propos et son récepteur sera la bienvenue, pour autant qu’elle ne fasse pas totalement obstacle à la compréhension.

Le traducteur doit donc gérer les inhomogénéités prévalant entre le contexte de production de l’original et celui de réception de la traduction et, selon les cas, s’attelle, soit à les gommer, soit à les renforcer. Ainsi, c’est le projet de traduction qui détermine s’il est nécessaire de rapprocher le propos du lecteur, pour le rendre plus digeste, plus facilement assimilable et opératoire, en créant un sentiment d’immédiateté – parfois en dépit d’un écart initial – ou si, au contraire, il convient de créer un effet de rupture, en instillant au besoin de l’étrangéité dans le propos, même si le texte de départ émane d’une culture voisine et hautement compatible avec celle du lecteur cible.

Pour atteindre son objectif de traduction (défini par le rapport qu’il entend établir entre l’univers discursif de l’original et la réalité extralinguistique de son récepteur), le traducteur va déterminer le degré d’homogénéité ou d’hétérogénéité souhaitable entre le texte et le contexte de sa réception. C’est ensuite sur la base de ses diverses présuppositions (sur le sens de l’original, les attentes et caractéristiques du lecteur cible, le commanditaire et le support…) et du degré d’homogénéité qu’il constate à l’origine entre le contexte de production de l’original et le contexte de réception qu’il prévoit pour sa traduction, qu’il va se livrer à l’établissement de priorités, puis au paramétrage de tous les facteurs à l’œuvre.

Sur la base d’un texte donné, un seul et même traducteur peut produire une multitude de traductions : pour les dénombrer, il conviendrait d’établir la liste de tous les éléments restituables dont il s’imprègne lors de la lecture du texte, de toutes les pondérations possibles entre ces éléments et de toutes les ressources dont il dispose en langue cible pour les exprimer. Ce chiffre s’obtiendrait en multipliant le nombre des pondérations par le nombre de ressources. Ainsi, plus le texte est complexe et plus le traducteur est perceptif, subtil et créatif, plus il devra écarter de solutions venant s’offrir à son esprit.

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5 Le mirage de la lettre et de l’esprit

A en croire certaines théories, le traducteur devrait nécessairement privilégier, soit le fond, soit la forme – ou, en d’autres termes, la lettre ou l’esprit. Or, il est bien évident que, à de très rares exceptions près, le fond doit nécessairement être restitué, car il est peu fréquent que le langage s’affranchisse de la voie de la signification, et il est tout aussi évident que la forme doit être modifiée, puisque c’est précisément sous celle que le texte revêt dans la langue source (des points de vue phonique et graphique) que celui-ci n’est pas accessible au lecteur de la langue cible8. En évoquant la forme, on ne songe en fait guère à la « pure forme », mais à la manière dont le sens est ancré en elle. Plutôt que d’opposer fond et forme, il nous semblerait donc plus judicieux de parler de leur « degré d’adhérence » et de distinguer entre les situations où la lettre et l’esprit peuvent se découpler à souhait et celles où ils doivent rester solidaires.

Plus le centre de gravité du texte se situe à l’extérieur de celui-ci, moins la forme y est liée au fond et plus grande est la latitude dont dispose le traducteur dans sa démarche. Si la langue a pour mission première de réfléchir le monde extralinguistique ou d’y exercer un effet indépendant de la forme, il se doit de privilégier l’effet ou le message voulu. A l'inverse, plus le centre de gravité se situe à l'intérieur du texte, plus fond et forme sont intimement imbriqués, et plus le traducteur doit être soucieux de leur cohésion. Dans un texte autocentré, l’esprit est trop intimement lié à la lettre pour qu’il suffise de renvoyer à la réalité extralinguistique : la traduction devra elle aussi rester empreinte des aspérités textuelles, de la viscosité des phrases, de leur rythme, de leur sonorité.

La notion d’adhérence a déjà été évoquée. François Rastier, par exemple, définit la textualité comme

l’ensemble des propriétés de cohésion et de cohérence qui rendent un texte irréductible à une suite d’énoncés9.

De son côté, Antoine Berman, bien qu’il ne tienne pas du tout le même propos que nous, use d’expressions très intéressantes dans La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain. Selon lui, postuler que la traduction se limite à la captation du sens, « c’est détacher celui-ci de sa lettre, de son corps mortel, de sa gangue terrestre »10. Il évoque également « l'adhérence obstinée du sens à sa lettre »11. Selon nous, les expressions « cibliste » et « sourcier » sont trop imprécises pour pouvoir contribuer très utilement à la caractérisation d’une traduction : une démarche dite sourcière (ou cibliste) peut donner lieu à des traductions fort différentes.

Dans « Sourcistes et cibliers », Hewson indique que la marge de manœuvre du

« sourcier » est relativement faible, parce que se situant

entre littéralité (le respect d’une forme, incarnée dans une structure syntaxique, des choix lexicaux et grammaticaux) et lisibilité (le respect des contraintes du système linguistique

8 De plus, partir du principe qu’il y aurait une forme en langue cible qui pourrait entretenir un rapport d’identité ou d’équivalence quelconque avec celle de l’original nous semble totalement illusoire

9 Rastier, François, Sens et textualité, Paris : Hachette, 1989, 286 p. Collection Langue, Linguistique, p. 281.

10 Berman, Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, p. 53.

11 ibid. p. 59.

(12)

cible)12.

Il nous semble toutefois que la littéralité peut se conjuguer de manières très diverses.

Entendre privilégier la forme réduit certes la latitude dont on dispose du point de vue de la réénonciation, mais il reste encore à définir sous quel angle cette forme sera restituée, car tout reste encore à décider : la priorité sera-t-elle accordée au nombre de syllabes des mots, aux jeux étymologiques, aux réseaux dénotatifs, connotatifs, à la restitution des hiatus, à la résonance entre niveaux de langue, à l’ordre d’énonciation des concepts, à l’ordre d’arrivée des images, aux structures syntaxiques, rythmiques… Or, ces divers partis s’excluent bien souvent mutuellement.

Par ailleurs, le choix de la littéralité peut s’accommoder de plus ou moins d’archaïsation et de plus ou moins d’opacité. Enfin, et surtout, chacun des paramètres à définir peut en soi faire l’objet du choix de la lettre ou de l’esprit à titre indépendant. Tout dépend de la place qu’occupe l’altérité temporelle, géographique et thématique dans le classement des priorités et des sacrifices envisagés. En ce sens, parler d’une démarche globalement cibliste ou sourcière relève de l’approximation.

6 Une tentative de définition

Les définitions de la traduction que proposent les dictionnaires ordinaires sont en règle générale insatisfaisantes, car elle conjuguent les perspectives ou se fondent sur des notions par trop évasives. Ainsi, selon le TLF, traduire, c’est :

formuler dans une autre langue (langue cible) ce qui l'était dans la langue de départ (langue source) sans en changer le sens.

Le problème de perspective tient au fait que la première langue évoquée est l’ « autre langue » sans qu’on ait définit la langue de référence.

Selon le Petit Robert, la traduction est un :

texte ou ouvrage donnant dans une autre langue l’équivalent du texte original qu’on a traduit13.

Là aussi, « l’autre langue » est la première à être énoncée. De plus, il conviendrait de préciser ce que signifie « traduire ». Enfin, la formulation est ambiguë et tout semble reposer sur le concept d’équivalence, qui reste non défini. Parallèlement, toujours selon le Petit Robert, traduire, c’est

faire que ce qui était énoncé dans une langue naturelle le soit dans une autre, en tendant à l’équivalence sémantique et expressive des deux énoncés13.

Ladmiral donne une définition bien plus adéquate, mais fait ressortir la difficulté de définir les concepts d’ « identité » et d’ « équivalence » :

La finalité d’une traduction consiste à nous dispenser de la lecture du texte original (…).

La traduction est censée remplacer le texte-source par le « même » texte en langue- cible. C’est le caractère problématique de cette identité qui fait toute la difficulté d’une théorie de la traduction : on parlera d’ « équivalence»…14

12 Hewson, Lance, « Sourcistes et cibliers », in Correct/Incorrect, Études réunies par Michel Ballard et Lance Hewson, Artois Presses Université, 2004, p. 126.

13 Le nouveau Petit Robert, Paris, 2002.

14 Ladmiral, Jean-René, Traduire : Théorèmes pour la traduction, France, Gallimard, 1994, p. 15.

(13)

Selon nous, il convient d’éviter de se fonder sur les principes d’identité et d’équivalence. Aussi proposons-nous les deux définitions suivantes :

Une traduction est un texte rédigé dans une langue, compte tenu des normes propres à celle-ci, qui tire l’intégralité de sa substance et, au besoin, de son essence formelle d’un texte premier, rédigé dans une autre langue, qu’il a pour objet de représenter, de remplacer ou d’éclairer.

et

Traduire, c’est produire dans une langue, compte tenu des normes propres à celle-ci, un texte dont la substance et – s’il y a lieu – l’essence formelle dérivent intégralement d’un texte premier rédigé dans une autre langue, dans le but de le remplacer, le représenter ou l’éclairer.

Cela permet de concevoir la langue de la traduction non pas comme « l’autre langue », mais bien comme la langue dont il est question.

L’expression « compte tenu des normes propres à celle-ci » établit que le traducteur doit se fonder sur les normes orthographiques, syntaxiques, grammaticales, stylistiques, etc. de la langue cible, sans exclure qu’il y déroge au besoin.

A défaut d’évoquer le concept d’équivalence, il nous semble justifié d’utiliser celui d’intégralité (l’intégralité, intégralement), car dès lors que le traducteur introduit dans le texte un élément dont la présence ne se justifie pas par le souci de restituer le texte original, il sort du strict domaine de la traduction.

Il est fait également fait allusion à la restitution de l’ « essence formelle » car le traducteur ne saurait légitimement opter pour une forme qui ne se justifie pas soit par la nécessité d’exprimer le sens aussi clairement que possible, soit par celle de reproduire des éléments formels constitutifs de l’original.

Dans le cas de la traduction d’un texte publicitaire, par exemple, le message peut être sensiblement modifié, mais il n’empêche que l’intégralité de la substance du texte traduit dérive du texte premier dans le sens que, par un principe d’économie, la présence de chacun de ses éléments se justifie par la nécessité de produire le même effet que le texte source. De même, les aspects formels du texte traduit seront probablement très différents de ceux de l’original, mais il suffira qu’ils aient été choisis de manière à avoir la même portée que ceux du texte premier pour

« dériver » de celui-ci.

(14)

Bibliographie

Berman, Antoine, La traduction et la lettre ou l’auberge du lointain, in Les tours de Babel, Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1985, p. 31-150.

Berman, Antoine, Pour une critique des traductions : John Donne, Gallimard, Paris, 1995, 276 p.

Hermans, Theo, « Paradoxes and apories in translation and translation studies », in Riccardi (A.), éd., Translation Studies - Perspectives on an Emerging Discipline. Cambridge, Cambridge University Press, 2002, pp. 10-23.

Hewson, Lance, « Sourcistes et cibliers », in Correct/Incorrect, Études réunies par Michel Ballard et Lance Hewson, Artois Presses Université, 2004, 134 p.

Kerbrat-Orecchioni, Catherine, L’énonciation de la subjectivité dans le langage, armand colin, Paris, 1980, 290 p.

Ladmiral, Jean-René, Traduire : Théorèmes pour la traduction, Gallimard, Paris, 1994, 274 p.

Rastier, François, Sens et textualité Hachette Supérieur (Langue, linguistique, communication), Paris, 1989, 288 p.

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