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Article pp.121-123 du Vol.3 n°2 (2013)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Intoxication mortelle à l ’ ecstasy et rigidité cadavérique précoce

Fatal poisoning with ecstasy and early rigor mortis

B. Simonnet · M. Labadie · E. Tentillier · F. Orcival · P. Chanseau · V. Dumestre-Toulet · M. Thicoipé

Reçu le 27 février 2012 ; accepté le 7 août 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Introduction

Les arrêts cardiaques d’origine toxique posent le problème de l’identification du toxique en cause et des traitements spé- cifiques à entreprendre. Nous rapportons ici une intoxication massive mortelle par ecstasy dont la prise en charge initiale a été compliquée par l’installation d’une rigidité majeure.

Cas clinique

Le Centre de réception et de régulation des appels du service d’aide médicale d’urgence reçoit, à 11h49, l’appel d’une mère dont le fils de 18 ans, consommateur de cannabis, est rentré de soirée vers 11h et présente des tremblements et une détresse respiratoire. Le niveau de conscience est difficile à évaluer par téléphone. Devant une suspicion de crise convulsive, une équipe du Service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) est mobilisée en renfort des sapeurs pompiers déjà en route. À 11h59, les sapeurs pompiers découvrent le patient en arrêt cardiaque. À son arrivée à 12h12, le SMUR retrouve un patient en asystolie sans choc délivré par le défibrillateur semi automatique avec des pupilles en mydriase bilatérale aréactive. L’équipe constate une hypertonie généralisée limi- tant l’ampliation thoracique lors du massage cardiaque externe. Après deux échecs de laryngoscopie directe liés à

une ouverture de bouche réduite (1,5 cm), l’intubation orotra- chéale est réalisée à l’aide d’un mandrin d’Eschmann. La rigi- dité thoracique perturbe également la ventilation mécanique.

L’EtCO2(End Tidal CO2) initiale est de 12 mmHg puis chute rapidement en dessous de 10 mmHg. La température est de 39,6 °C. L’adrénaline est administrée en intraveineux aux doses recommandées. L’interrogatoire retrouve une notion de prise de stupéfiants (cannabis et ecstasy) lors d’une rave-party et d’hyperthermie au retour. Il n’y a pas d’autres antécédents.

L’avis du centre antipoison est sollicité devant le toxi- drome sérotoninergique associant tremblement, hypertonie, crise convulsive, hyperthermie, mydriase puis arrêt car- diaque. Les antidotes des intoxications aux neuroleptiques ont été discutés (dantrolène et tropatépine) mais n’ont pas été retenus compte tenu du délai d’acheminement et de l’absence d’indication dans l’arrêt cardiaque. Compte tenu de l’âge et de l’origine toxique supposée, la réanimation est poursuivie pendant 90 min sans modification de l’aspect pupillaire ou de l’hypertonie. Le décès est finalement déclaré à 13h20 avec persistance de la rigidité.

Les analyses toxicologiques, pratiquées sur des prélève- ments (sang total, urines, contenu gastrique) par chromato- graphie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC/MS) ont montré des concentrations très élevées de MDMA (3-4 methylène dioxyméthamphétamine) (2715 ng/ml), MDA (méthyldioxyamphétamine) (95 ng/ml), THC (Δ9-TetraHydroCannabinol) (9,5 ng/ml) et THC-COOH (acide 11-nor-THCcarboxylique) (110 ng/ml) dans le sang et des concentrations de MDMA (12 135 ng/ml), MDA (635 ng/ml) et THC-COOH (73 ng/ml) dans les urines. Ces résultats confirment l’origine toxique du décès chez un consommateur chronique de cannabis et la responsabilité de l’ecstasy dans ce tableau clinique. Il n’y a pas eu d’autre recherche de stupéfiants.

Discussion

Le principe actif de l’ecstasy est le MDMA [1] dont les mécanismes d’actions semblent nombreux et complexes

B. Simonnet (*) · E. Tentillier · F. Orcival · M. Thicoipé Samu, Pôle des urgences adultes, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, F-33076 Bordeaux cedex, France

e-mail : bruno.simonnet@chu-bordeaux.fr M. Labadie · P. Chanseau

Centre anti poison et toxico vigilance (CAPTV), Pôle des urgences adultes, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, place Amélie-Raba-Léon, F-33076 Bordeaux cedex, France

V. Dumestre-Toulet

Laboratoire Toxgen, 11, rue du Commandant Cousteau, F-33100 Bordeaux, France

Ann. Fr. Med. Urgence (2013) 3:121-123 DOI 10.1007/s13341-012-0239-4

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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[2]. Le métabolite actif (MDA) est responsable d’une libéra- tion prédominante de sérotonine, et dans une moindre mesure de dopamine et de noradrénaline. L’effet psychosti- mulant est lié à la libération de dopamine et l’effet adréner- gique à la libération de noradrénaline [3].

En 2005, 0,5 % des 15-24 ans ont déjà consommé de l’ecstasy ; l’usage au moins une fois dans la vie mesuré à 17 ans est passé, entre 2000 et 2005, de 2,1 à 3,5 % [4].

L’ecstasy se présente sous forme de comprimés de forme, de couleur et de composition variables. Il peut être associé à d’autres toxiques en plus ou moins grande quantité (chlo- roquine, strychnine) [5] responsables de tableaux parfois polymorphes. Certains auteurs rapportent une dose létale de MDMA de 200 mg [1] mais les concentrations plasmati- ques et les effets varient selon les individus [5]. Le cannabis, surtout à forte concentration (comme ici avec une intoxica- tion chronique) et en association est aussi impliqué dans des troubles somatiques [6].

L’intoxication au MDMA se caractérise par un syndrome sérotoninergique avec hypertension artérielle, tachycardie, mydriase, anxiété, agitation, myoclonies voire convulsions, hypertonie musculaire avec parfois trismus ou opisthotonos [7]. L’hyperthermie peut être majeure [8], parfois supérieure à 40 °C, et semble fréquente dans les tableaux les plus graves [9]. Le confinement et l’effort physique favorisent le risque d’hyperthermie maligne [9].

Dans ce cas clinique, nous décrivons un syndrome séro- toninergique lié à une prise de MDMA. L’installation d’une hypertonie majeure après unnoflowinférieur à 10 min peut s’expliquer, soit par le seul syndrome sérotoninergique, soit par l’apparition d’une authentique rigidité cadavérique pré- coce. Habituellement, la rigidité cadavérique s’installe entre 2 et 6 h après le décès, est maximum entre 6 et 10 h et persiste jusqu’à 3 jours. L’installation est par ailleurs plus rapide en cas de décès toxique (strychnine) [10], de convul- sion ante mortem, d’effort musculaire intense ou de sidéra- tion de l’organisme (décapitation, fulguration) [11]. L’appa- rition d’une rigidité cadavérique est liée à une contraction musculaire non réversible et à la consommation d’ATP : l’arrêt des pompes ATPasique entraîne une accumulation de Ca++dans le réticulum sarcoplasmique des cellules mus- culaires, d’où une augmentation de la concentration cyto- plasmique du Ca++. Sous l’action du Ca++, se forment des ponts entre les filaments d’actine et de myosine [12]. Dans le cadre d’un arrêt cardiaque survenu après une hyperthermie maligne liée aux anesthésiques, la rigidité musculaire est décrite comme persistante après la mort et ne disparaissant pas à la mobilisation [13]. On peut aussi envisager que cette rigidité précoce et inhabituelle à ce stade de la réanimation est due à une intrication des deux phénomènes.

Biologiquement, on peut retrouver une rhabdomyolyse favorisée par l’effort et l’hyperthermie et parfois associée à une insuffisance rénale aiguë, une hyponatrémie aggravée

par une ingestion massive d’eau, une acidose métabolique et une cytolyse hépatique [5].

Le traitement du syndrome sérotoninergique est essentiel- lement symptomatique : refroidissement externe, sédation, curarisation (curare non dépolarisant), amines vasopressives si nécessaire et traitement des troubles hydroélectrolytiques [9]. Dans le cadre d’un arrêt cardiaque après intoxication par MDMA, aucune thérapeutique spécifique n’est recomman- dée : aucune des molécules testées chez les patients avec activité cardiaque conservée n’a prouvé son efficacité dans une étude contrôlée (propranolol, dantrolène, bromocriptine, cyproheptadine, olanzapine, chlorpromazine) [9]. De plus, les antidotes ayant une indication en cas d’arrêt cardiaque sont très limités : le dantrolène [9] n’a pas d’indication dans ces circonstances. Le transfert sur planche à masser automa- tisée vers une assistance circulatoire, un moment discuté, n’a donc pas d’indication ici: le MDMA n’est pas un cardioto- xique fonctionnel, lenoflowest supérieur à 5 min, l’asystolie est persistante et l’EtCO2est inférieur à 10 mmHg [14].

Conclusion

L’ecstasy (MDMA) est un stupéfiant fréquemment consommé dans des contextes festifs et peut entraîner un syndrome sérotoninergique majeur avec hyperthermie maligne voire un arrêt cardiaque. Dans ce cas clinique, une hypertonie de type cadavérique s’est installée très précoce- ment, compliquant la réanimation médicale initiale. Malgré l’identification précoce de l’étiologie de l’arrêt cardiaque, il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement spécifique à entreprendre dans ce contexte.

Références

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