Article original
Dépérissement forestier et perturbations minérales
aux niveaux histologique et cellulaire
dans les aiguilles de Picea abies L.
Étude par microanalyse X
JP Garrec E Laitat I Richardin C Rose
1
INRA,
Centre de recherches forestières deNancy,
Laboratoire d’étude de la
pollution atmosphérique,
54280Champenoux, France;
2Faculté des sciences
agronomiques
del’État, Département
debiologie végétale,
5030
Gembloux, Belgique
(Reçu
le 31octobre1990; accepté
le 6 mars1991 )
Résumé — Des
jaunisements
foliaires liés à des carences minérales sont observés dans les arbresdépérissants.
Pourcomprendre
les causes de cephénomène
et pour évaluer sonimpact physiologi-
que, nous avons étudié dans des
aiguilles
vertesd’épicéas dépérissants,
les concentrations en élé- ments minéraux aux niveauxhistologique
etcellulaire, grâce
à l’utilisation d’une microsonde électro-nique.
Lamicroanalyse
des différents élémentsindique
queglobalement,
dans lesaiguilles,
leseffets des facteurs du
dépérissement
sontéquivalents,
sur lacomposition minérale,
à un vieillisse- ment accéléré de celles-ci. En effet on observe que cesfacteurs,
comme levieillissement,
entraî-nent en
particulier
une baisse depotassium
et uneaugmentation
de calcium et demanganèse
dansles différents tissus.
Cependant
nous mettons enévidence, grâce
à cettetechnique précise,
que sui- vant les tissus le vieillissement ou les facteurs dudépérissement
occasionnent des modifications io-niques
différentes. Si les effets du vieillissement se manifestent surtout par desperturbations
ioni-ques
plus
fortes au niveau des faisceauxlibéro-ligneux,
en revanche dans le cas de cedépérissement,
la baisse dupotassium
estparticulièrement
accentuée dansl’épiderme
et les sto-mates.
Parallèlement,
nous détectons dans lescomplexes stomatiques
une accumulationplus
im- portante de calcium et demanganèse.
Ces fortes variationsioniques,
mises en évidence dans les tissus voisins de la surface desaiguilles d’épicéas dépérissants, suggèrent
uneparticipation
non né-gligeable
deparamètres atmosphériques (ozone, dépôts
acides secs ethumides)
dans lephéno-
mène du
dépérissement.
Enparticulier
enperturbant
le fonctionnement des stomates, ilspourraient
être une des causes des déficits
hydriques
queplusieurs
auteurs ont constaté dans lesaiguilles.
Picea abies
/ dépérissement
forestier /microanalyse
X / élément minéralSummary—
Forest decline and ionic disturbances at thehistological
and cellular levels in the needles of Picea abies. AnX-ray microanalysis study.
Foliaryellowing
in relation to mineraldeficiencies has been observed in
declining Norway
spruce. To determine the causes of thisphe-
nomenon and to assess its
physiological impact,
the element contents at thehistological
andcyto- logical
level in green needles fromdeclining
spruce were studiedby
electronmicro-probe.
The mi-croanalysis
of different elements shows that at the whole needle level the effects of decline on the mineral content resemblepremature
senescence. Decline as well asageing
lead to a decrease inpotassium
and an increase in calcium and manganese in the different tissues. This accurate tech-nique
indicates that at the cellular level,ageing
or decline cause different ionic disturbances.Ageing
mainly
leads tohigh
ionic disturbances at the vascular tissue level; however decline results inhigh
de-crease in
potassium
in theepidermis
and stomata. At the same time agreater
accumulation of cal- cium and manganese is observed in the stomatalcomplexes.
Thehigh
ionic disturbances detected in the tissues situated near the surface of needles fromdeclining
spruce,provide good
evidence that at-mospheric parameters
are involved(ozone,
wet ordry
aciddeposition)
in the forest declinephenome-
non. In
particular, by disturbing
the stomatal movements these ionic modificationsmight
be one of thecauses involved in the decrease in water content observed
by
several authors in these needles.Picea abies / forest decline
/ X-ray microanalysis
/ mineral contentINTRODUCTION
Des phénomènes
dedépérissement
sontapparus vers 1970
dans
uncertain nombre de forêts européennes et, si la pollution atmosphérique (ozone
etdépôts acides)
est fortementsoupçonnée
d’inter-venir dans
ceux-ci,
d’autres stress commela
sécheresse auraient
unrôle primordial (Rehfuess, 1987; Becker, 1989;
Roberts etal, 1989).
Ces phénomènes
ont d’abordété ob-
servés
sur desrésineux,
et se caractéri-sent visuellement et d’une
façon
assezgé-
nérale
par une chute desaiguilles
et/oudes jaunissements
de celles-ci.De nombreuses
analyses
foliaires ontmontré que ces
jaunissements
prove- naient essentiellement de carences miné- ralesqui
concernaient surtout les élé- mentsMg,
K et Ca avec desimportances
relatives différentes selon les
régions (Zoettl, Huettl, 1986; Landmann
etal, 1987; Huettl, 1989).
Parallèlement, l’analyse
despluviolessi-
vats sous couvert
(throughfall
etstemflow)
a
montré
quegénéralement
parrapport à
la
composition
despluies incidentes,
ceux-ci sont moins riches en
NH 4
etNO 3
etplus concentrés
enK,
Ca etMg,
avec des va-riations
selonl’espèce
forestière et le site étudié(Lovett
etal, 1985; Reynolds
etal, 1989; Sigmon et al, 1989).
Plusieurs hypothèses
ontété avancées pour expliquer
cedépérissement
forestier.Les carences minérales
proviendraient d’un lessivage accéléré des
ionsde la feuille,
avec pourconséquence
uneaug-
mentation des concentrations enéléments dans les pluviolessivats. Ce lessivage
accru
aurait
pourorigine le dépôt humide
d’acides et de
NH 4 + (pluie
etbrouillard),
etil serait stimulé par les effets de l’ozone sur les
perméabilités
cuticulaire et membra- naire(Gunthardt-Goerg, Keller, 1987;
Adams
et al, 1990; Barnes, Brown, 1990).
L’enrichissement des eaux de
pluviolessi-
vats
résulterait cependant
enpartie
deséchanges
au niveau foliaire et enpartie
dulessivage
dudépôt
sec sur la frondaison(Lindberg
etal, 1986; Percy, 1989;
Puc-kett, 1990). Cet échange
d’éléments au ni-veau foliaire et la
réabsorption
des cationsperdus transfèrent
l’acidité à la rhizos-phère.
Mais actuellement il est de
plus
enplus envisagé
que les carencesminérales
fo- liairesseraient
induites par une mauvaise alimentation minérale àpartir
des racinesou
d’éléments
nondisponibles dans
le sol.Les dépôts acides
auniveau du sol
provo-queraient
unlessivage superficiel
desélé-
ments
minéraux
et unelibération de l’alu-
minium(Blank et al, 1988; Schulze, 1989;
Ulrich, 1990).
Pour rechercher
l’origine
et évaluer l’im-portance de
ces carences foliaires aux ni-veaux
histologique
etcellulaire,
nous avonsentrepris
une étude par microana-lyse
X.Si
enrapport
avec ledépérissement
fo-restier,
de nombreusesanalyses foliaires
ont
été effectuées,
en revanche lesétudes
à l’échellecellulaire
de lacomposition
mi-nérale
des feuilles ontété
peuabordées.
Des
profils
des concentrations en Ca et Kdans quelques
stomatesd’aiguilles d’épi-
céa
ontété montrés
par Bosch et al(1983). Les
travauxrécents de Fink (1990)
sur des
arbres dépérissants
insitu
et surdes arbres traités par des
«pluies
acides»montrent des accumulations extracellu- laires de
cristaux
d’oxalate de calcium auniveau de
l’épiderme. Ces
accumulationsn’existent cependant
pas surles parois
ex-ternes des cellules
épidermiques,
etceci
serait
expliqué par
lephénomène du plu- violessivage
du calcium.Le
but de nos recherches par microana-lyse
X estquadruple;
il consisteà :
- vérifier l’existence de
perturbations
miné-rales
dans
lesfeuilles vertes, préalables
au
développement
desymptômes visibles;
-
déterminer les
tissusles plus touchés
par
cesperturbations
etestimer les consé-
quencesphysiologiques qui
endécoulent;
-
obtenir, grâce
à la microlocalisation desperturbations ioniques,
des indications surles facteurs à
l’origine
dudépérissement (effets
de facteursatmosphériques qui
al-téreraient
les tissuspériphériques
desfeuilles,
ou effets defacteurs édaphiques qui
affecteraient les tissus centraux(Fink, 1988; Zoettl et al, 1989;
Huettlet al, 1990);
- comparer les modifications minérales liées aux facteurs du
dépérissement
aveccelles
induites par le vieillissement des ai-guilles.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Matériel végétal
Des rameaux ont été
prélevés
en octobre auCol du Donon
(Vosges)
sur desépicéas âgés
de 80 à 120 ans, de 2 classes extrêmes de dé-
périssement (classe
0 : 0-10% de chute d’ai-guilles,
arbres sains et classe II : 25-60% de chuted’aiguilles
sansjaunissement).
Les
prélèvement
ont été effectués par «tir au fusil», dans le tierssupérieur
deshouppiers.
Lesrameaux ont été immédiatement
recoupés
sousl’eau. Au
laboratoire, après
une nuit à l’obscurité defaçon
à obtenir un maximum de fermeture des stomates, les rameaux ont étéplongés
dans l’azote
liquide, puis
lesaiguilles
vertes sontséparées
par annéed’âge (uniquement
les ai-guilles
de l’année et celles de 3 ans ont été rete-nues)
et stockées aucongélateur
à-70 °C.Ces
prélèvements
ontporté
sur 2 classes dedépérissement
x 3 arbres par classe x 2 annéesd’aiguilles
par branche.Préparation
des échantillons etanalyses
Des coupes transversales
(épaisseur
500μm)
ont été effectuées dans les
aiguilles,
au moyen d’uncryomicrotome
à -30 °C. Les coupes ont été ensuitelyophilisées
à -10°C,
defaçon
àéviter le
déplacement
des ions. Avant la microa-nalyse
X(microscope électronique
àbalayage Cambridge-Stereoscan
90équipé
d’unediode),
les coupes ont été recouvertes d’un film de car- bone
(20 nm)
et fixées sur unporte-objet
aumoyen d’une colle conductrice au carbone
(Gar-
rec,
1983).
Les conditions de fonctionnement de la mi- crosonde sont les suivantes :
- tension d’accélération du faisceau d’électrons : 25
kV;
- 2
grossissements
ont été utilisés :*
x 1 520 : la surface de la zone
analysée
parbalayage
est dans ces conditions de 22,4 x 17,6= 394
μm 2
* x 323 : la surface
analysée
est de 91,6 x 75 =6 875
μm 2
- durée de
l’analyse :
100 s.Les rayons X émis par les échantillons sont détectés par une diode
(analyse
endispersion
d’énergie)
et un programme ZAF définit les concentrationsapparentes
des élémentsK, Ca,
Mg,
P,S,
Mn et Cl.Microlocalisations
Dans les coupes transversales effectuées au
milieu des
aiguilles,
les concentrations en ionsK, Ca, Mg, Mn, CI,
Si et P ont été étudiées dans 4 zonesprécises
de tissus(fig 1 ) :
- les cellules de
garde
des stomates(G
= x1 520);
-
l’épiderme (G
= x 1520);
- le
parenchyme (G
= x323);
- les faisceaux
libéro-ligneux (G
= x323).
Sur les coupes
lyophilisées,
la distinction entre les faisceaux libériens et les faisceaux li- gneux est rendue très difficile.Ces
analyses
ont étérépétées
sur 5aiguilles
différentes.
Expression
des résultatsPour
quantifier
les résultats et pour connaître la relationqui
transforme les concentrations appa- rentes en unités de concentrationclassiques,
des témoins ont été réalisés en
imprégnant
desdisques
depapier
filtre avec des concentrations croissantes et connues d’éléments. Ces témoins ont étécongelés, lyophilisés
etanalysés
de lamême manière que les échantillons
végétaux.
Pour
chaque
élément, àpartir
des concentra-tions
apparentes
trouvées dans les échantillonsbiologiques,
et parcomparaison
avec la courbed’étalonnage
obtenue avec les témoins, la concentration réelle dans les différents tissusvégétaux
a été calculée(Garrec et al, 1983).
L’erreur standard
(P
=0,05)
sur la moyenne des 30 mesures(3
arbres x 2 branches x 5 ai-guilles)
effectuées pour chacun des 16 niveaux d’observation(2
classes x 2âges
x 4zones)
est :
P
= 18%; CI
= 14%; K = 19%; Ca = 29% et Mn = 8%.Une réduction des données et une
analyse
de la variance à 3 critères de classification
(classe, âge, zone)
ont été réalisées par le pro- gramme PROC GLM de SAS àpartir
des para- mètres mesurés :K, Ca, P, CI,
Mn.RÉSULTATS
Les
figures 2,
3 et 4représentent respecti-
vement les variations des
concentrations
en
K,
en Ca et en Mn dans les différents tissusfoliaires,
soit en fonction del’âge (toutes
classes dedépérissement
confon-dues),
soit en fonction de la classe de dé-périssement (tous âges confondus).
Dans le tableau
I,
nous avonsindiqué
les variations en
pourcentage
des concen-trations des éléments
K,
Ca et Mn en fonc- tion del’âge
desaiguilles,
ou de leur ni-veau de
dépérissement,
etceci
pour lesdifférents tissus foliaires
analysés.
Dans le tableau II,
nous avonsrécapitu-
lé les résultats
d’analyses
de variances.Des 3 critères de classification
pris
encompte,
la zone de tissusanalysée
est laplus
déterminantepour
tous les éléments.Ceci
confirmeque
leséléments minéraux
ont dessites de localisation préférentiels
dans
les
tissusvégétaux.
Tous les éléments
minéraux, à l’excep-
tion des teneurs en
Ca, permettent
de dis-tinguer l’âge
desaiguilles.
La classe de dé-périssement
estassociée
à desdifférences au moins hautement
significa-
tives pour les teneurs en
K,
Mn et P.Nous
indiquons ci-dessous,
élément parélément,
les résultats de cetteanalyse
sta-tistique.
Microlocalisation du
potassium (fig 2)
Les différences de concentrations en K sont très hautement
significatives
pour les 3 critères de classification(tableau II).
Nous constatons que : POTASSIUM
- les concentrations de K dans
l’épiderme
et dans les stomates sont
toujours
nette-ment inférieures à celles du
parenchyme
et des faisceaux
libéro-ligneux (rapport
del’ordre de
1/2);
- le vieillissement
entraîne
dans tous les tissus unebaisse des
concentrations enK;
celle-ci est
particulièrement
accentuée auniveau du
parenchyme
et des faisceaux(tableau I);
-
le
niveaucroissant
dedépérissement
estassocié dans la majorité des tissus à
unebaisse
des concentrations en K.Celle-ci
estimportante
auniveau de l’épiderme
etdes
stomates(tableau I),
mais elle nes’observe plus dans les
faisceauxlibéro- ligneux.
Microlocalisation
ducalcium (fig 3) Comme
pour leK,
les concentrations enCa dans l’épiderme
etdans les
stomatessont
inférieures
àcelles
duparenchyme
etdes faisceaux conducteurs
(rapport
del’ordre de 1/2;
variations
très hautement si-gnificatives
entre lesdifférentes
zones detissus) (tableau II).
Le vieillissement
se caractérise dans les tissus par uneaugmentation
nonsignifica-
tive des concentrations en
Ca,
surtout auniveau du
parenchyme
et des faisceauxconducteurs (tableau I).
Lamicro-analyse,
comme
les résultats d’analyses foliaires classiques,
montrent unenrichissement
plus
ou moinsmarqué
en Ca et un appau- vrissement en K avecl’âge.
Le
dépérissement
a pourconséquence
une
augmentation
nonsignificative
desconcentrations en
Ca, plus accentuée
auniveau
de l’épiderme
et des stomates(ta-
bleau I).
Microlocalisation du
manganèse (fig 4)
Le
manganèse
est un élément trèsdiscri-
minant(tableau II).
Comme pour le K et le
Ca,
les concen-trations les
plus
fortes en Mn s’observent dans leparenchyme
etles
faisceauxconducteurs
(envrion
3 foisplus
que dansl’épiderme
et lesstomates).
Le vieillissement
cause unetrès
netteaugmentation
des concentrations en Mn dans tous lestissus, plus importante
dansl’épiderme
et les stomates(tableau I).
Le dépérissement amène également
une
très
netteaugmentation
des concen-trations en
Mn, légèrement plus marquée
au niveau de
l’épiderme
etdes
stomates(tableau I).
Microlocalisation du phosphore,
du
soufre, du
chlore et dumagnésium (fig 5)
La figure
5représente respectivement
lesvariations des
concentrations
enP, S,
CIet
Mg
en fonction del’âge
desaiguilles (toutes classes de dépérissement
et toustissus confondus),
ou enfonction de la
classe
de dépérissement (tous âges
ettous
tissus confondus).
À l’exception
duphosphore
et duchlore,
les concentrations en
S,
et surtout enMg
sont
faibles,
et sontà
la limite dedétection
par lamicrosonde. Les variations de
P et deCI observées
entre zonesde tissus
ou enfonction de l’âge
sonttrès hautement si-
gnificatives (tableau II). Le vieillissement
estassocié à
une baisse des concentra-tions
enP (43%)
etCI (80%), mais
en re-vanche le
dépérissement entraîne
unehausse
très significative
des teneurs en Pet une
baisse
nonsignificative du CI.
DISCUSSION
L’étude
parmicroanalyse d’un certain
nombre d’éléments minéraux dans les tis-
sus
d’aiguilles d’épicéas
montre que si lesfacteurs du dépérissement entraînent des
variations deconcentration,
celles-ci sont limitées tantque
lesaiguilles
restentvertes.
Il semble donc, d’après
nosrésul- tats, que les
carencesminérales
nesoient pas les
causesprimaires du dépérisse- ment,
tout aumoins dans le
casd’arbres défeuillés
sansjaunissement.
Dans les
aiguilles saines
oudépéris-
santes
du Donon,
les teneurs enMg
sontparticulièrement basses,
et les teneurs enMn sont
particulièrement élevées.
Cesobservations
sontà
mettre enrelation
avec
les caractéristiques des sols locaux, qui
sont connuspour être pauvres
enMg (Jover
etBarneoud, 1978)
etriches
en Mn(proximité de formations dévoniennes;
Bonneau, communication personnelle).
Peut-être faut-il voir dans
ces concentra-tions
anormales unfacteur prédisposant
au
dépérissement pour les épicéas de
cette
région ?
Le
principal acquis
de ce travail estd’avoir
montré
leparallélisme
entre lesef-
fets du vieillissement et ceux des facteurs du
dépérissement.
Eneffet, pour
ces 2phénomènes, les variations de
concentra-tion tissulaires
etcellulaires évoluent
tou-jours dans
lemême
sens.Cette
similitude, que
nous constatonspar analyse élémentaire,
confirmeque
lesfacteurs atmosphériques à l’origine de
cedépérissement agissent à
unniveau faible.
En
effet,
les travaux de Pierre(1984)
ontmontré
quel’impact
de stress faibles seré- percutait,
avanttout,
par la mise en route d’unprocessus
de sénescenceprécoce.
Toutefois,
dans ledétail les méca- nismes associés
audépérissement
et auvieillissement
sontdifférents,
enparticulier
pour
les éléments K
etCa : l’effet des fac-
teursdu dépérissement
estplus marqué
au
niveau des cellules stomatiques
etépi-
dermiques.
Le vieillissement estquant à
luiassocié à
defortes
modifications de com-position élémentaire,
au niveau du paren-chyme
et des faisceaux conducteurs. Des résultats similaires ont été obtenus par Eschrich et al(1988),
dans le cadre d’uneétude
parmicroanalyse
Xde la répartition
des
éléments
minéraux dans lesfeuilles
de hêtre au cours de leursénescence.
Cela confirme donc que le vieillisse- ment est
associé
surtoutà
desperturba-
tions minérales
au niveaudes tissus
cen- traux desaiguilles,
enparticulier
au niveaudes faisceaux
libéro-ligneux (Fink, 1988;
Schmitt, Ruetze, 1989).
Enrevanche,
ledépérissement
aurait pourconséquence
des
perturbations minérales localisées
dans les tissuspériphériques
desaiguilles,
par suite de la lixivation
foliaire,
parexemple.
Ces perturbations importantes,
locali-sées
exclusivementdans
les tissuspéri- phériques,
laissent penser que, dansles arbres dépérissants à aiguilles vertes,
cephénomène
résulterait avant tout de l’ac- tion de facteursatmosphériques (polluants gazeux
etprécipitations atmosphériques).
Des
conclusions similaires ontété formu- lées
enmicroscopie optique
etélectroni-
que, dans le
cadre
d’études sur les altéra- tions des structures au niveaucytologique,
dans les
aiguilles
d’arbresdépérissants (Fink, 1988;
Forschneret al, 1989).
Ces
résultats suggèrent aussi
unerela-
tion
entre cesperturbations minérales
etl’augmentation
deconcentration ionique
des
pluvio-lessivats, classiquement
obser-vée sous les
houppiers
d’arbresdépéris-
sants. Du
point
de vue desbilans,
lespertes
en ions par lestissus
foliaires sonttoujours
trèsfaibles, comparativement
auxstocks
d’éléments foliaires(Abrahamsen, 1980; Amthor, 1986; Joslin et al, 1988).
Sur
leplan physiologique,
cesperturba-
tions ioniques dans
les tissuspériphéri-
ques des
aiguilles,
en modifiant enparticu-
lier les
concentrations
enK,
doiventaltérer
le fonctionnement des stomates
(Laffray
etal, 1982),
et intervenir enpartie
dans lesdéficits
hydriques
que l’on constate dans lesaiguilles
d’arbresdépérissants (Badot et al, 1988; Rosenkranz et al, 1989).
D’une
façon générale,
nosrésultats
semblent
indiquer,
pourexpliquer
cesphé-
nomènes de
dépérissement forestier,
quelorsque l’arbre
est en«équilibre»
avec sonsol (cas
d’unsol
peucarencé
ou d’unefaible
demande enéléments
parl’arbre),
ce
qui
se manifeste visuellement par desaiguilles vertes,
les stress liés audépéris-
sement
(sécheresse, pollution atmosphéri- que) n’entraînent dans
cesconditions
que desperturbations
faibles au niveau des ai-guilles.
Celles-ci secaractérisent
avant toutpar
lamise
en routed’un processus de
sénescenceprécoce (chute d’aiguilles).
En
revanche, lorsque
l’arbre est en«déséquilibre»
avec sonsol (cas d’un sol
pauvre en
éléments nutritifs
etplus
oumoins
carencé
par lesdépôts
acides et/ou d’une demandetrop
forte en éléments de lapart
del’arbre),
ceci setraduit
alorspar
des carences
marquées
au niveau des ai-guilles,
etpar leur jaunissement.
Si l’im-pact
direct de lapollution atmosphérique
sur les
relations ioniques
dansles aiguilles
est
alors comparativement peu détectable,
il ne
faut pas oublier
sonimpact
via le sol.Remarques
Dans le cadre
d’études
parmicroanalyse,
ilest
toujours
très difficilede
comparerles concentrations
enéléments obtenues par
cetteméthode, à celles obtenues
parles méthodes
courantes. Eneffet, par
cettetechnique, seules quelques cellules d’un
tissuparticulier
sontprises
encompte lors
de
chaque analyse,
et de cefait, les
va-leurs
peuvent être
différentes(d’un rapport
1
à 4)
de celles obtenues par lesanalyses
foliaires
classiques qui
concernent unemoyenne sur l’ensemble des
tissus.
Signalons également
que si la microa-nalyse
X est uneméthode
trèsprécise,
enrevanche elle
n’est pastrès
sensible. Enparticulier lorsque
les concentrations des élémentslégers
se situent au-dessous de 100μg/g, les résultats
nepeuvent plus être donnés qu’à titre indicatif. C’est le
cas, dans cetteétude, pour
lemagnésium
et lesoufre. Nous les avons
cependant repré- sentés
surles figures, afin de signaler
leurs faibles teneurs
relatives,
en sachant que les valeurs fournies parl’appareil
sontentâchées d’une
trop grande
erreur pourêtre prises
enconsidération.
Cette
technique
n’a donc paspermis
d’aborder la
répartition
dumagnésium,
bien que cet
élément
soit connu pourjouer
souvent un
rôle important
dansle phéno-
mène
dudépérissement.
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