Groupe de travail
d’analyse ultramétrique
P HILIPPE R OBBA
Lemmes de Hensel pour les opérateurs différentiels, II
Groupe de travail d’analyse ultramétrique, tome 6 (1978-1979), exp. n
o23, p. 1-8
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23-01
LEMMES DE HENSEL POUR LES
OPERATEURS DIFFERENTIELS,
IIPhilippe
ROBBAGroupe d’Analyse ultramétrique (Y. AMICE,
G.CHRISTOL,
P.ROBBA)
6e année, 1978/79,
n°23,
8 p. 11juin 1979
[Univ. Paris-Sud, Orsay]
Etant donné un
système différentiel dY/dx = MY ,
avec Mméromorphe
en0 ,
lathéorie classique (cf.
parexemple
WASOW[11])
donne une base de ses "solutions tonnelles" de la forme + Clog t) $(t) ,
avectq
= x pour un entierq
convenable,
P une matricediagonale
à coefficientspolynomiaux,
C une matri-c e
constante,
et ~ une matriceappartenant
àIl est bien connu que l’étude d’une
équation différentielle linéaire
d’ordre n seramène
à l’étude d’unsystème
dupremier
ordre(et réciproquement,
l’étude d’unsystème
se ramène à l’étude d’une seuleéquation grâce
au lemme du vecteurcyclique
( [ 3 ] ,
lemme1.3).
WASOW,
à la suite dedifférents auteurs,
notamment TURRITTIN[10] (voir
aussiKATZ
[5]),
traite le cas dessystèmes différentiels. Récemment,
MALGRANGE[8]
aproposé
uneméthode
deréduction différente s’appliquant
à uneéquation différen-
tielle. Il obtient une factorisation de
l’opérateur différentiel considéré
associée à ladécomposition
de sonpolygone
de Newton. Cesrésultats
sont tout à fait compa- rables aux lemmes de Hensel de factorisation depolynômes
à coefficients dans des corpsultramétriques (cas commutatif),
voir parexemple [1]
pour de telsénoncés.
Des
résultats analogues
avaientégalement
été obtenus par DWORK et moi-même dans lecas
d’opérateurs différentiels ([4], [9]).
Je
reprends
dans cetexposé
tous cesrésultats
sous leur forme laplus générale possible et j’introduis
les notionsqui
meparaissent
lesplus pertinentes.
En par-ticulier, je soulignerai
leparallèlisme
entre le cas commutatif et le cas non oom-mutatif.
Dans le
paragraphe 1,
on introduit la fonction de valuation d’unopérateur diffé- rentiel,
et on énonce sesprincipales propriétés.
On verra enparticulier
que,jusqu’à
un certainpoint,
dupoint
de vue de la fonction de valuation tout se passecomme si la
dérivation
commutait avec lamultiplication.
Dans le
paragraphe 2,
nousénonçons
lesdifférente
lemmes de factorisations. Ils sont de deuxtypes :
unepropriété
de factorisation associée auxchangements
depentes
de la fonction de valuation(théorème
2.2 et corollaire2.3)
et unrelève-
ment de factorisation dans le corps
résiduel (théorèmes
2.4 et2.5).
Dans le
paragraphe 3,
nous montrons comment ces lemmes de factorisationpermettent
(*)
Texte reçu le 7juillet 1979.
Philippe RCBBA, 138
rueNationale, 75013
PARIS.23-02
d’obtenir la
réduction classique
dtuneéquation différentielle ayant
unpoint
sin-gulier irrégulier.
1. Fonction de valuation d’un polynôme
différentiel.
1.1. Soit K un corps value
ultramétrique complet
muni d’unedérivation
9 . On note v la valuation deK,
et si aucune confusion n’est àcraindre)
le nombre
On suppose que
etC à)
> - cequi signifie
que ladérivation
est continue. Ladérivation
est trivialesi,
et seulementsi,
= + ~ .On note
D K (ou
D si aucune confusion n’est àcraindre)
l’anneau desopéra-
teurs
différentiels
à coefficients dansK,
i. e. l’ensemble des sommes finies P== Z
a. ~i (a.
EK)
muni del’addition évidente
et de lamultiplication
définiepar ôa = aô +
5(a) .
A
P(x) e K[x] ,
on associe defaçon canonique
Pour éviter toute confusion nous noteronstoujours P(x)
lespolynômes ,
et P ou lesopéra-
teurs
différentiels.
Comme nous
désirons
comparer lespropriétés
desopérateurs différentiels
avec lespropriétés
despolynômes (cas commutatif)
nous utiliserons lesymbole "
pour indi- quer que lesopérations
sonteffectuées
comme si ladérivation
commutait avec lamultiplication. Ainsi,
siP(~) =Ia~ ~ ~ tandis
queP(~ô)
=Za.(~)~-
P(&+ ~) =R(ô)
avecR(x) =?(x+ ~) ,
tandis que?(&+ ~)
=Ia.(5
+~)~ .
1.2. Pour et P=
L~
on poseOn note
N(P, t) (resp. n(P ~ t))
leplus grand (resp.
leplus petit)
entieri tel que
v(a.) + it = v(P , t) .
On dit que t est une valeur
exceptionnelle (pour P )
siN(P , t) ~ n(P , t) .
Rappelons
queN(P , t) (resp. n(P ,t)) représente
le nombre dezéros (dans
laclôture
algébrique
deK )
dupolynôme P(X)
situés dans ledisque
(resp.
dans ledisque B(0 , t") = (x
EK ; v(x)
>t)) ,
et donc t est valeurexceptionnelle si,
et seulementsi, P(X) possède
une racine de valuation t .Nous allons
indiquer
lesprincipales propriétés
de la fonction de valuation.1.3.
Addition :Soient
Pet Q ~ IL
on a, pour toutt ,
On a
égalité
siv(P , t) t)
ou siN(P , t) ~N(Q, t)
ou sin(P , t) t) .
1.4.
Multiplication, commutation, adjonction.
1.4.1. Soient
p(x) et Q(X)
pour1.4.2. Soient
P y Q E l~ .
Pourt $ c~ ~
on aP our t
~ ~
on a1.4.3.
Soit ~D~ .
Soitp~==Z(-l)~ ~ a.
sonadjoint.
On apour
t: ~
1.5. Homothétie :
SoitP(X) eK[X] .
pourt ~~,
et donc
1.6.
Translation : Soit EK[X] . Soit ~
E K .0n a,
pourt $
et donc
Si
~y
on aégalement
1 . 7 .
Remarque importante.
Il
résulte
clairement despropriétés 1 .4,
1.5 et1.6
que lex fonctionsv(P , t)
et
N(P ,t) (resp. n(P , t) )
ne secomportent
bien que pour(resp.
et donc nous
considèrerons qu’elles
ne sontdéfinies
que dans ce cas.On observera que si l’on écrit P =
1
a.~i b. ,
avec a. , b. EK ,
on a, pouri i i 1
23-04
2. Lemmes de Hens el .
2.1. Opérateur
t-dominant, t-egtrémal,
fuohsien.Soit
P EP #
0 . On dit que P estt-dominant (t 03B1) si
On dit que P est si
N(P , t) = deg P ,
etn(P,t)==0 .
Rappelons
que, dans le cascommutatif,
EK[X]
est t-dominantsi,
et seule-ment
si,
tous ses zéros sont devaluation > t ,
et est t-extrémal si tous seszéros
sont de valuation t .Considérons
le casparticulier
K =k((x))
muni de la valuationx-adique
et dela
dérivation
ô =d/dx .
On a alors = - 1 . On voit que, dans ce cas, la condition P E11c
est dominantéquivaut
à dire que P vérifie la condition deFuchs. Aussi les
opérateurs
03B1-dominants seront aussiappelés
fuchsiens.2.2. THEOREME. - Soit A E Soit
1 ° Il existe
Q ~
P E~ avec P t-dominant, degP =N(A , t) ,
tel queA = QP .
2°
(Unicité)
si lion a une autredécomposition A = Q
p , vérifiant les mêmesconditions,
il existe de Ktel ue
1
et aP .
3°
Il existe P’ ~DK
avec P’t-dominant, t) ,
tels queQ1 .
1 ° et 2° se
démontrent
comme le lemme de Hensel dans le cascommutatif (cf.
parexemple [5J).
Comme la
multiplication
n’est pascommutative,
onpeut
effectuer les divisions à droi te ou àgauche,
d’oùl’énoncé 3° analogue
à 1 ° .Enfin,
le4° (dû
àMALGRANGE [8]) résulte
essentiellement du ’fait que les f actori- sationspeuvent
S’effectuer à droite et àgauche
lié avecpropriété
dtunicité.2.3.
COROLLAIRE. - Soit A ED~ .
Soit t ~ .1° Il
existe Q ,
P ~DK ,
avec Pt-extrémal
etdeg
P =N(A , t) - n(A , t)
tels que A =
QP .
2° On a
également
une factorisation A = P’Q’
où P’ vérifie les mémes condi-tions
que
P.2.4. Notons 0 l’anneau de valuation de K .
Supposons
que >0 . Alors ladérivation envoie 0
dans son idéal maximalet,
par passage auquotient, induit
ladérivation
triviale sur le corpsrésiduel
k de K .THEOREME. - Soit 03B1 > 0 . Soit A E de
degré m
+ n .Supposons
que son ima-ge
A
dansk[X]
s e factorise s ous la f ormeoù
P*
es t unitaire dede gré
n ,Q"
etP’’
é tantpremiers
entre eux.1° Il exis te un
relèvement unique Q ,
Pde Q ~ y P~~
avecdeg Q = m ,
deg P = n ,
Punitaire,
tel que2° Il existe
également
un relèvement P’ vérifiant les mêmeshypothèses
que P
et Q
tel quePour
démontrer
1° et 2° onprocède
comme dans[4’] (§6)
enconsidérant Inéquation
de factorisation comme un
système d’équations différentielles
nonlinéaires
en les coefficients de Pet Q. (La démonstration classique
dans le cas commutatif ne setranspose
pas au cas noncommutatif.)
2.5. Dans le cas où
~(&) == 0 ,
onpeut
encoredéfinir
parréduction
unedériva-
tion sur le corps
résiduel
de K(mais
celle-ci n’estplus forcément triviale).
Onpeut
encore se poser laquestion
de savoir si la factorisation del’image
del’opé-
rateur A dans se
relève.
Mais on n’obtient pas deréponse générale.
Un cas
particulier
a été traité dans[4~} (§6).
Nous allons donner un nouvel exem-ple.
On
prend
K =k((x)) ,
muni de sa valuationx-adique. Soit ~ = x(d/dx) .
On a~(ô) =
0 .(Mais
ici ladérivation
sur le corps résiduel esttriviale.)
Lerésultat
que nous allons énoncer
correspond
à un lemme dedécomposition classique
dans lecas des
systèmes différentiels ([7], § 2).
THÉORÈME. -
Soit K =k( (x) ) ,
et soità
=x(d/dx) .
Soit A e dedegré
m + n .
Supposons que
sonimage
Adans k[X]
se factorise sous la formeou
p{~
est unitaire dedegré
m .1° Si est
premier
àP~(x)
pour tout entier s>0 ,
il existe unrelèvement
uni que Q ,
Pde ~1/~ , P
avecdeg Q = m , deg P = n ,
P uni-23-06 taire,
tel que2°
Si
estpremier
àl1Î(X)
pour tout entier s>C ,
il existe unrelèvement unique
plQ* , p*
avecdeg P’
= n , plunitaire,
tel que3" si ~(X+ s)
estpremier à Q*(x)
pour -bout s=JS, P , Q,
P"~1 Q’
étant les
polynômes différentiels définis précédemment,
on a3. Application aux points singuliers irréguliers.
Dans ce
paragraphe,
on suppose que la valuation de K estdiscrète,
et que lecorps
résiduel
est decaractéristique
0 .L’exemple
leplus important
est celui où K =k((x))
muni de sa valuation x-adique
avec k decaractéristique
0 .Ce n’est pas le seul
exemple
mais nous ne savons pas si les autresexemples
ontun
intérêt pratique.
3.1.
LEMME. - Soit Kvalue complet
pour une valuationdiscrète,
muni d’unedé- rivation ~ continue, ayant
un corpsrésiduel
decaractéristique
0 . Soit L uneextension
algébrique
de K. Alors ladérivation
s’étend defaçon unique
àL,
etl’on
aRappelons
que la valuation de K s’étend aussi defaçon unique
à L car K estcomplet.
Il est bien connu que la
dérivation s’étend
defaçon unique
à L car K est decaractéristique
0 . La seule chose à montrer est donc que la nonned’opérateur
deÕ n’est pas
changée.
Cerésultat
n’est vrai que si lacaractéristique
de k estnulle. Par
contre, l’hypothèse
que la valuation de K estdiscrète
semble inutile.L’intérêt
de ce lemme est de montrer que si P EDK
est fuchsien en tantqu’élé-
ment de
DL ,
il est aussi fuchsien en tantqu’élément
deDK .
3.2.
THEOREME. - On suppose que la valuation de K estdiscrète,
et le corpsré-
siduel de K est de
caractéristique
0 . Soit P EP #
0 . Il existe uneextension finie L
de K,
desTj.
E L et desP.
ED~
fuchsiens(1 ~ 1 s q)
tels que l’on
aitDémonstration. -
Notonst.. == ~
etti’
i =1 ... ,
les valeursexceptionnel- les, associées
à ~ . Soit x une uniformisante de K . Onappelle
rang dePoincaré-Katz
Nous allons
démontrer
lethéorème
par une doublerécurrence
sur(deg P , r(P))
ordonnés
par l’ordrelexicographique ;
larécurrence
commence soit àdeg
P = 1 où lerésultat
estévidente
soit àr(P)
= 0 où il est aussi évidentpuisque
celas i gnif i e
que P es tfuchsien. (La ré currenc e
neport e
surr(P)
que pour les valeursentières
der (P ) . )
Diaprés
lethéorème
2.2 et le corollaire2.3
onpeut
se ramener au cas où P estt1-extrémal
avect
a(et
alorsr(P) = (03B1 - t1)/v(x)) .
Deux caspeuvent
seprésenter.
Cas 1
t n’appartient
pas au groupe de valuation de K.(c’est-à-dire r(P)
n’est pas
entier.)
Soit L l’extension de Kdéterminée
par lepolynôme
et
soit ~
E L une racine deP(X) .
On at 1
=sup 2EK v(T) - z) .
Comme lecorps résiduel de K est de
caractéristique nulle, diaprés
.AX[2~j,
il existe unconjugué ’~~ de ~
sur K avecv~’~= - T))
=t .
SoitR(x) == P(X
+~) .
Le po-lynôme
R s’annulant en0 ,
on an(R , tl)
>0 ;
commeTj~ - 1~
est racine de R etv(~ - ],1)
= on aN(R, t ) - n(R , t )
> 0 . Ilrésulte
alors de la propo- sition1.6
que l’on aet
le corollaire
2.3
nouspermet
alors d’abaisser ledegré
de P .Cas 2.
tl appartient
au groupe de valuation de Kr(P)
estentier).
Soit11
l’extension de Kdéterminée
par lepolynôme
et soit Ll’extension maximale non
ramifiée
de K dansSi §
est une racine deP(X) (appartenant
àLi )
ilexiste ~
E L tel quev(s - 1~)
>v(s)
=v(’~~
=tl .
Posons
R(X)
=P(X
+1~~ .
On a alorsn(R ~ t1)
> 0et, d’après
laproposition 1.6, n(P(à
+TT]) , ti)
> 0 . Sin(P(à
+1~) , tl) rz((P(a
+T)) , t1)
onpeut
abaisser le
degré
de Pgrâce
au corollaire2.3.
Sialors
tl
n’est pasexceptionnel
pourP(ô
+~)
et l’on ar(P(~+~))r(P(~)).
L’hypothèse
derécurrence
nouspermet
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