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Photoluminescence des solutions solides
Maurice Curie
To cite this version:
Maurice Curie. Photoluminescence des solutions solides. J. Phys. Radium, 1924, 5 (3), pp.65-83.
�10.1051/jphysrad:019240050306500�. �jpa-00205136�
LE JOURNAL DE PHYSIQUE
ET
LE RADIUM
PHOTOLUMINESCENCE DES SOLUTIONS SOLIDES par M. MAURICE CURIE
SOMMAIRE Généralités.
I.
-Corps solides photoluminescents.
II.
-Principales observations expérimentales: spectres d’émission, spectres d’excitation; comparaison
des spectres d’absorption, d’excitation et d’émission; déclin de la phosphorescence; action de la température et du champ magnétique; action des radiations de faibles fréquences; action de
l’écrasement et de la pression.
III.
-Essais de théories : théories chimiques ; théories électroniques.
Bibliographie.
Généralités. - Dans cette monographie, je traiterai particulièrement les questions
suivantes :
Peut-on grouper les nombreux faits établis par les divers expérimentateurs qui ont
étudié la luminescence des corps solides# A-t-on réussi à dégager de ces faits quelques lois
ou remarques assez générales? Sur quelles hypothèses se basent les essais de théories expli- catives, et comment se rattachent ces théories aux idées actuelles sur les émissions (ie
rayonnements électromagnÓtiques->?
L’ordre historique ne sera pas suivi et seules les notions qui se dégagent avec le plus
de probabilité seront conservées.
’
Un corps est dit luminescent lorsque le rayonnement qu’il émet est plus grand que celui du corps noir, pour une même température et pour une même région étroite du spectre lumineux; c’est évidemment le cas pour un corps qui émet des radiations visibles dès la
température ordinaire.
On désigne par photoluminescence la transformation d’un rayonnement correspondant
au spectres lumineux en un autre rayonnement visible, émis par le corps dans toutes les directions.
Le spectre d’émission comprend, en général, une ou plusieurs bandes, inème pour 1111
rayonnement incident monochromatique; de plus, après la suppression de l’excitation,
1"énlission subsiste encore, pendant des temps variables. Si la durée de l’élnission est très
brève, la photolulninescence est le plus souvent appelée fluorescence ; si l’émission dure
pendant un temps perceptible, on dit qu’il y a phosphorescence. La distinction entre ces
deux désignations n’est donc pas nette, comme d’ailleurs entre les deux phénomènes
mêmes.
L’excitation de la luminescence peut encore s’obtenir par des moyens très vatïés, sans
que l’émission soit très iuoliiiée ; -, c’est ainsi que la luminescence s’obtient par I’nctiou des rayons cathodiques et des rayons X, des rayons et ~, parle passage de la décharge dans
les gaz raréfiés, par élévation de température; elle apparait pendant certaines cristallisa- tions ou broyages de cristaux, dans diverses réactions chimiques, ctc.
La photoluininescence des corps solides permet d’observer les divers caractères des émissions de luminescence; la phosphorescence s’obser;e particulièrement avec les, corps solides (1).
Les progrès réalisés dans cette étude sont notamment durs aux travaux poursuivis depuis plus cl’une vingtaine d’années par P. Lénard et son école.
(a) Les gaz des ampoules de Crookes présentent cependant uue luminescence durable âpre- 11’
de la décharge. La description de ce phénomène sort dn cadre de cet article, d’aiUeurs )’ehide de ta luminescence des gaz, des vapeurs et. des solutions..
LZ JOURNAL DE PHYSIQUE Itf LE RADIUM.
-SÉRIE VI.
-T. V. - iV° 3
-MARS U~4.
B
i.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphysrad:019240050306500
1.
-CORPS 50LIDE pHoTvi,u>iiNEscExT;.
Ce sont, en général, (le., solutions solides formées par une faible quantité d’un sel de métal lourd (lluninogène) en dilution dans llll corps minéral solide mauvais conducteur de l’électricité t diluant).
.
Exceptionnellement, les sels lfnranyle sont flLlol’escellts à 1"état pur (nitrate d’urallyle).
Les composés phosphorescents les plus remarquables sont le sulfure de zinc et les sul- fures alcalino-terrcux obtenus par chimique. Yoici quelques indications sur la prépara-
tion des deux substances les plus répandues ; leur luminosité est encore perceptible plusieurs
heures après la fin de l’excitation.
a) Sulfure de zinc à phosphorescence verte. ZiiS (Cti, --,-a). - On commence par préparer
le ZnS pur par voie humide. Après séchage et pulvérisation, on ajoute le luminogène, qui
est le cuivre, dans une proportion d’environ une partie de cuivre pour 30 000 de ZnS, en
humectant le ZnS avec une solution de sulfate de cuivre. On sèche, puis on calcine en creuset
de quartz fermé vers i 200ûC pendant une demi-heure environ; on accroît l’intensité lumi-
neuse en ajoutant un fondant au moment de la calcination, 1 p. 100 de chlorure de sodium par exemple. Un tel sulfure phosphorescent est noté ZnS (Cu, Na). La « blende de Sidot »
est un ZnS (Cu).
b) Sulfure de calcium à phosphorescence volette. CaS (Bi, Na). - Il faut opérer par voie sèche. On calcine, par exemple, un mélange intime de 50 grammes de carbonate de chaux contenant le lUluinogène, qui est le bismuth, avec 25 grammes de soufre pulvérisé auquel
on ajoute 1 p. 100 de carbonate de soude comme fondant. On chauffe vers 900,C pendant une
demi-heure environ. Le bismuth doit être présent dans une proportion un peu inférieure à
un millième du poids de CaS. Le cuivre, le plomb, le manganèse sont encore de bons lumi-
nogènes pour les sulfures alcalino-terreux. L’enduit de Balmain est un CaS (Bi).
Les oxydes alcalino-terreux sont moins fortement luminescents que les sulfures, et la
durée de la phosphorescence est bien plus brève. Le soufre paraît avoir des propriétés par- ticulières favorisant la persistance de l’émission lumineuse.
On trouv e aussi, à l’état naturel, des corps fortement fluorescents, mais généralement fai-
blemeiit phosphorescents. )n peut citer certains échantillons de fluorine, de diamant,de rubis,
de willéii-tite ( silicate d’aluminium et de lithium), etc. ; presque tous les verres ont aussi une
faible fluorescence. Ces corps contiennent fort probablement des impuretés luminogènes.
Divers composés organiques, comme l’anthracène etl’esculine, sont fluorescents, même
à l’état solide; de nombreuses couleurs d’aniline sont fluorescentes en solution dans un
diluant organique comme l’acide phtalique ou la gélatine. Mais la persistance de l’émission lumineuse est toujours très brève ; cependant, en dissolvant certains composés organiques
dans l’acide borique fondu (1), oll obtient, après solidification, des matières phosphorescentes
dont la persistance peut atteindre. une minute (une partie d’uranine dans 3 000 parties
d’acide borique, par exelple.)
.La loi de l’optimurn d’Urbain (existence d’une concentration en luininogène optimum) a
été établie pour l’excitation cathodique. Son application à l’excitation par la lumière n’a pas été étudiée systélnatiquement ; la position du maximum doit être souvent malaisée à définir.
J’indiquerai simplement ici que toute photoluminescence du ZnS vert a disparu pour une teneur en cuivre de l’ordre de un millième, alors que le ZnS contenant 5 p. 100 de manga- nèse a une belle phosphorescence orangé; d’autre part, dans une série de rubis artificiels à teneurs en oxyde de chrome comprises entre 0,1 et 10 p. 100, tous les échantillons étaient
photoluininescents ; le plus vif éclat correspondait à la concentration de 9,5 p. 100.
II.
-PRINCIPALES OBSERVATIONS BXPÉRI)1ENT.BLES.
~. Spectres d’émission.
-Le spectre (rémission comprend, dans certains cas, une seule bande, souvent très diffuse [ZnS (Cuj] : dans d’autres cas, il y a plusieurs bandes CaS ou bien encore des raies et des bandes (rubis).
ZnS
-Nichols et 8Ierrilt (2) ont fait. aye(’ un certain échantillon, de nombreuses
déterminations spectrales. L’appareil employé était un spectrophotolnètre de Luinmer-
Brodhun à système dispersif de verre. Les mesures étaient effectuées comparativ ement au
spectre fourni par une flamme d’acétylène; la répartition de l’énergie dans le spectre de cette
flamme avait été déterminée antérieurement. L excitation du sulfure de zinc était obtenue
avec une lampe à arc entre charbons et on faisait une correction pour 1‘intensité du rayonne- nement rélléchi par le sulfure.
Dans ces conditions, la distribution de l’énergie dans le spectre de luminescence du sul- furf’ de zinc était donnée, pendant l’excita-
tion et à la température ordinaire. par la courbe représentée en fig. 1.
La majeure partie de l’énergie est ré- partie entre les longueurs d’ondes 4 ~00 et
5800 .~; il y a un maximum unique très
-
Fig. 1. Fig. 2.
accentué à i 000 Â enviroll. On ne peut noter aucune apparence de structure fine, même
avec un réseau très dispersif.
Par l’examen (la spectre de phosphorescence à divers instants après l’arrêt de l’excita- tion (courbes de la fige 2), on voit que la position du maximum ne change pas et que l’étale- ment reste sensiblement aussi grand. Ces courbes sont relatives aux premières secondes qui
suivent la cessation de l’excitation; ensuite, les mesures spectrales deviennent mauvaises;
les ordonnées donnent les intensités lumineuses du sulfure de zinc en fonction des intensités
correspondantes du spectre de la flamme d’acétylène.
Avec l’échantillov de sulfure utilisé et dans les conditions expérimentales, la lurnines-
cence maximum était obtenue en moins de 3 secondes d’excitation. D’autre part, l’étalement et la position du maximum de la bande d’émission semblent, dans certaines limites, à peu
près indépendants de la fréquence de la lumière incidente. Il est difficile de dire s’il se pro- duit ou non un déplacement du maximum ou un étalement plus considérable lorsqu’on fait
varier dans de grandes limites l’intensité du faisceau excitateur.
En excitant cie même sulfure de zinc pas les rayons ultra-violets, Nichols et Merritt ont observé l’apparition d’une deuxième bande située dans l’extrême violet; cette nouvelle émission ne présenta it aucune persistance,
’Avec des sulfures du type ZnS, CdS (Cu), A. Guntz a obtenu un spectre continu pré-
sentant une bande unique dont le maximum ne se trouve plus dans le vert, mais est rejeté
vers les plus grandes longueurs cl’onde. Ce déplacement serait surtout attribuable à l’absorp-
tion par le CdS des vibrations cle fréquences les plus élevées du spectre continu d’émission.
CaS (Bi).
-les sL11ÎL11’PS alcalino- lerreux contenant métaux lourds comme
luminogènes, les apparences sont généra-
lenient plus compliquées. C’est ainsi que,
d’après Lénard est KlatL (3), on distingue dans
le CaS Bi, Xa) trois bandes de phosphores- cence 7.., et ; Il p hlu· grande longueur
d’onde serait même formée par trois bandes Fig. 3.
y. chevauchai Les unes sur les autres.
Souvent, ces différentes ne présentent pasleur maximum d’éclat pour les mêmes
fréquences ni pour les mêmes températures. On reviendra plus loin sur ces
derniers points.
Lénard et lilatt donnent dans cette publication de nombreux exemples de la
.d’un de bandes dériiissi’ons avec le pour un tnème diluant. et avec le pour un même luminogene, Dans le tableau suivant se trouvent indiquées les positions des maxima des diiféi’eiitL>s 1>aiites pour quelques sulluies "bande la plus intense
à la température ordinaire, pour les fréquences 1’>x>ilalion fa;oral>les).
Rubis
-Il présente une 1>elle fluorescence ronge dont voici lu spectre, Iel qu’i( a été décrit dernièrement Co) (excitation par la lumière solaire ; B, bande; L, raie) :
Continuant les recherches cl’Ed. et H. Becquerel, Morse (’J) a observe, sur certaines fluo-
rines, la fluorescence obtenue par une étincelle électrique éclatant entre des électrodes de métaux divers. En plus d’une large bande, il apparaît de nombreuses raies et bandes
-étroites, probablement dues à la présence de terres rares; la position des raies variait net-
tement avec la nature des électrodes, donc avec la longueur d’onde de la radiation exci- tatrice.
Morse a retrouvé des apparences analogues dans certains spectres de lherlllo-lun1Înes-
cence de fluorines, phosphorescence accélérée par la chaleur; il semble, par suite, qu’un spectre de phosphorescence de longue persistance puisse présenter dos raies.
Les substances luminescentes formées par un oxyde ou un sulfure alcalino-terreux con- tenant une trace de terre rare donnent aussi des spectres de fluorescence présentant 1 des raies
et des bandes étroites, surtout aux basses températures; l’excitation peut s’obtenir par l’ultra-violet moyen.
L’emploi des terres rares comme luminogènes donne donc souvent des 1> pho- toluminescence comprenant des raies On sait qu’il en est de même pour l’excitation par les rayons cathodiques ; le spectre d’une même rare dépend nettement du diluant (Frbain).
En dehors des apparences spectrales, l’émission présente certaines particularités inté-
ressantes. Par exemple, Wood i ’> a montré que l’éclat intrinsèque d’une substance photo-
luminescente (crown) dépend le la direction d observation : la loi de
D’autre part, la est polarisée, même quand lit lumière excitatrice ne l’est pas. Ce fait est général pour le~ cristaux. C’est que Il. Becquerel e) observé ce phénomène sur un cristal de nitrate d’uranyle : ce corps est favorable il l’examen,
son spectre de fluorescence ~’ compose de plusieurs bandes étroites et les plans
de vibrations ne sont pas les mêmes pour 1 -" De a
observé que la lumière émise par la kunzite est polarisée, la direction des vibrations étant
parallèle à l’allongement des « fibres » du cristal.
Il y aurait aussi polarisation partielle avec les corps isotropes, pour des directions- inclinées sur la normale.
B. Spectres d’excitation. - Ce sont, en général, les radiations violettes et ultra-yio- lettes qui produisent la luminescence, c’est-à dire des radiations de fréquences relativement
grandes.
La loi bien (’olllllle de a été donnée dans llll mémoire intitulé « changement de réfrangibilité delà lumière », paru en 1852 dansles
«Philosophical Transactions ». Elle peut
s’énoncer de la manière suivante : la fréquence de la lumière émise ne peut être supérieure-
à la fréquence de la lumière excitatrice ; elle est nettement inférieure dans la plupart des cas.
Celle loi s’adapte fort simplement aux conceptions d’Einstein relatives à la théorie des
quanta. Ainsi que l’a dit ce physicien ~1), l’énergie fle luminescence provenant de la radiation
excitatrice, le quantum de lumière émise ne peut dépasser le quantum absorbé.
Bieii que la loi de Stokes soit en désaccord avec certains faits expérimentaux, elle n’en
reste pas moins la loi fondamentale des émissions de photoluminescence. Aucune exception
ne semble exister pour les émissions de phosphorescence. Au contraire, dans le cas des émis-
sions de fluorescence, d’assez fréquentes exceptions ont été signalées : le spectre d’excitation
empiète sur le spectre de fluorescence.
Ces exceptions ont surtout été observées avec les substances organiques fluorescentes i cependant, pour (Cu) par exemple, avec une région spectrale d’excitation s’étendant entre 0,4ïiJ. et Nichoirs et Merritt (2) ont constaté que le spectre cl’émission atteignait 0,"6,). pendant l’excitation. Les désaccordes avec la loi de Stokes peuvent s’expliquer dans la
théorie électronique de la photoluminescence.
Le domaine d’excitation correspondant à la bande ;e1-te d’émission du ZiiS (Cu,lNa)paraît
s’étendre sans limite du côté de l’ultra-violet; les rayons X excitent encore fortement cette luminescence. Avec l’ultra-violet moyen, on a r-u qu’il apparaît une nouvelle bande d’élnis- sion dans le violet.
Pour le rubis, l’excitation se prolonge aussi dans l’ultra-violet. C’est ainsi que, par l’excitation au moyen de la forte raie du mercure 3 660 3, on observe encore l’émission dans le rouge d’un ensemble complexe de raies et de bandes.
Avec les sulfures alcalino-terreux, les apparences sont plus complexes. En projetant un , spectre sur une surface enduite d’un de ces sulfures, Lénard (1°) a montré qu’il existe, pour
une bande plusieurs bandes d’excitation établissant une phosphorescence
de longue durée. Lénard désigne ces bandes par les lettres d2, etc... ( Daucr r’rozess); il distingue, en outre, une bande d’excitation III correspondant à une fluorescence (Momentan- prozess) et une bande d’excitation ll, dans la région des très courtes longueurs d’ondes, cor- responclant à une persistance intermédiaire (Ultrarliolett-prozess).
Fig. 4.
La figure 4 donne le~ bandes d’excitation cli, et na correspondant à la bande
dn composé CaS (Cu~.
Pour un même lummogene (cuhre par exemple . dilué dans les 3 différeilts sulfures.
all’alinn terreux suliu1-e; de calcium, (le strontium et de bal’yuIll). les rapports des longueurs d onde des bandes d’excitatio-i correspondantes, aux racine.;; carrées des cons-
tantes di Fle.liiqies, soiit égaux.
Lénard en déduit que la longueur d’onde d’excitation métal lumonigène est cons- tante ; elle serait la même dans le sulfure et dans le vide, i.;~h == ) o. C’est la loi dite des « longueurs d’onde absolues », qui serait un guide précieux pour la com-
préhension des phénomènes si complexes de photoluminescence.
Le travail a été développé dernièrement par F. Schmidt (, Il) qui a déterminé les cons-
tantes diélectriques de ces sulfures pulvérulents en utilisant des mélanges liquides de mêmes
constantes diélectriques : la capacité d’un condensateur ne doit pas par l’introduction du sulfure dans le liquide. La constante du rapport est vérifiée dans le cas des sul-
fures, des oxydes et des séléniures alcalino-terreux phosphorescents.
Schmidt reprend l’interprétation de Lénard concernant les longueurs d’onde absolues )"0
d’excitation dans le vide; ces longueurs d’onde, pour les différentes bandes successives d’excitation dans une même substance phosphorescente, peuvent être rattachées suivant une
formule du type de celle de Balmer. Cette interprétation de la constance du rapport
suppose que la longueur d’onde joue, dans le mécanisme d’émission lumineuse un rôle pré- pondérant ; actuellement, on est accoutumé à réserver ce rôle à la fréquence de la vibration.
De plus, les déterminations directes des indices de réfraction due ces substances (12) ne v éri-
fient pas la relation de Maxwell li = n2, comme le montre le tableau suivant :
, - - - .--- . -- . - --- .- -
L’existence de longueurs d’onde « absolues o d’excitation ne semble donc pas pouvoir
être admise. Pour expliquer ces bandes d’excitation, il vaudrait peut-être mieux chercher à faire intervenir l’absorption propre du diluant. Walter e 3) a, en effet, montré que les sulfures
,
alcalino-terreux présentent une absorption sélective avec des bandes nettes précisément
’
dans les régions envisagées. On revienda plus loin sur ce point.
C. Comparaison des spectres d’absorption, d’excitation et d’émission. -
L’énergie de luminescence provient d’une absorption de l’énergie d’excitation. Mais, si toute
radiation excitatrice doit être absorbée, toute radiation absorbée n’est pas forcément excita-
trice ; le plus souvent, il n’y a pas coïncidence des spectres d’excitation et de forte absorption.
L’énergie restituée par l’émission n’est qu’une faible fraction de l’énergie absorbée, celle-ci
se dissipant en majeure partie dans le diluant sans produire de luminescence. D’après
demann (14), le rendement dans une région spectrale favorable à l’excitation atteint à peine quelques unités pour cent.
En général, il n’y a pas non plus de relation simple entre les spectres d’absorption et
d’émission. Parfois, cependant, les radiations émises font partie du spectres d’absorptiol (Ed., Il. et J. Becquerel). Le rubis présente un exemple relnarquable de ce cas; voici un
tableau permettant la comparaison des deux raies les plus intenses des deux spectres, à
diverses températures (~) :
n J. ,La résonance semble ici possible: lnai.. comme on l’a vue. petit être obtenue par une lumière excitatrice de fréquence bien plus élevée.
Le plu; souvent, la coïncidence des spectres d’absorption et d’elcitation n’existe pas, les deux spectres sont la continuation l’un de l’autre. D’une manière générale, le diluant doit ètre transparent aux radiations émises ; de plus. si l’absorption provoque l’émission. la lui de Stokes intervient.
S’il 1 a plusieurs bandes d’émission, les bandes LI’ahsorption sont parfois en même
nombre et s’intercalent entre les bandes d’éinission j c’(,st, par exemple, ce que Fou observe pour de nombreuses bandes de sel d’urane.
Burke avait trouvé que le verre d’urane rendu fluorescent dev enait plus absorbant pour les radiations qu’il est capable d’émettre. Après controverse (Camichel. Nichols et Merritt,
il a été nettement établi que la fluorescence du verre d’urane ne inudiiie pas son
absorption.
D. Déclin de la phosphorescence. - La durée de l’émission d’une sui),Itlll(-u phos- phorescente après la suppression de l’excitation, dépend de nombreux facteurs : mode et
temps d’excitation, mode de préparation, température, pression, etc... Il semble cependant
que les allures générales des courbes de cllute de la phosphorescence en fonction du temps
soient souvent voisines. (Les déterminations ont été habituellement faites à la température orclinaire.)
Pour les corps à faible persistance lumineuse (fluoresceiits comme les sels eu te verre d’urane, certains phosphates de chaux, etc., Ed. Becqiierel a proposé la forme suivante, assez
bipl1 en accord avec les résultats expérimentaux :
On a aussi envisagé des sommes d’exponentielles.
D’autre part, Ed. Becquerel a proposé pour les sulfures lJhOVplloreSCCllts la forme empi- rique :
H. Becquerel a repris cette formule sous lu forme
i
qui est la formule précédente dans laquelle on fait nt == 2. Cette expression permet de calcu-
ler la quantité totale d’énergie de luminescence émise :
Ce type simple se retrouve aisément à l’aide des hypothèses électroniques habituelles.
Mais, il semble que la forme à uu seul terme ne soit valable qu’au début de la chute ; pour de
plus longs temps, on peut chercher il adjoindre un deuxième terme analogue. C’est ainsi que, pour un échantillon de CaS (Bi), H. Becquerel donne :
le premier terme devenant prépondérant au bout d’un certain teinps.
’ Nichols et Vlerritt (2) ont fait de nombreuses mesures à ce qui soiil conîirrna t ÎYP’.
Avec le ZnS (CU L on a bien. pendant les dix premières secollll0’-: :
C’est ce qui appartit tii- 1(- de la fig, tl qui i correspondent a deux intensives
initiales légèrement différente.
,.
Fig. 5.
Les droites correspondent il la longueur d"onde ,
=5120 À de la bande verte 1’ ’ inission ;
on a retrouvé la forme rectdignc pour d’autres régions étudiées.
Mais, en suivant le déclin de la phosphorescence pendant des temps plus longs, ces phy-
siciens ont obtenu des résultats qui se traduisent par les courbes de la Hg. l) :
,
Fig.6.
A 2013 Zn., (Cn) n - CaS (Bi) C - Q"’illéiiiilo (excita lion par l’étincelle entre pointes de cadmium) >
Dans toutes on courte portion l’Pf’liliglle, au déhul, puis une-
courbure il nouveau d une droite, ce qui eorrespoud hieu a la forme il deux ierriies pro- posée par H. Becquerel.
Leuard et Hausser C 5) nul plus longtemps 1, lécliii de la phosphorescence;
ces physiciens pensent qu’eu ce qui la longue durée, il faut
renoncer à fortne .1 (pK’ u centres liii«il>1> liëterogènes et possèdent difîerentes. Les résultai (te Xili>ls et Merritt con-
duiraient ii supposer deux centres différents seulement.
Divers >iii fait des il *liil>li iiie ledelm.
c:,l bien
mais une forme exponentielle semble. de iiiêiiie, pouvoir convenir au début.
Si, par certains facteurs, comme l’élévation de température, oit vient a accélérer la vitesse de chute, il est donc probable que les courbes donnant conservent la même allure, mais que la première portion (lispartit plus rapidemeuL Certaius physiciens repré-
sentent Fintensite. après les secondes, par l’expression :
,et admettent varie avec in température pour un échaidillon de XnS passerait
de 0,6 a 5 quand la température s’élève de
-80° il + ’200,,C. (Il).
E. Action de la température et du champ magnétique. - Ed. Becquerel avait préparé un échantillon de sulfure (te strontium, pour lequel la composition de la lumière émise vqriait d’une façon frappante avec la température. A la température de - 20’C,
la teinte était violet sombre, l’éclat intense; -, il + 20°C, bleu violet; il + 10°C, bleu clair;
à + 70’C, vert; it + 90,C, vert jaune; à + 100’C, jaune; ii + 200"C, orangé, éclat très
faible. Après refroidissement, on pouvait renouveler l’expérience. Ed. Becquerel et
d’autres observateurs dans la suite donnèrent de nouveaux exemples moins frappants.
Lénard etKlatt (1) ont étudié uniquement la phosphorescence (les sulfures alcalino-ter- reux ; mais, leurs observations ont porté sur de nombreuses préparations, contenant des Itiiiii-
nogènes divers (Bi, Cn, Mn, I)b, Opérant il quelques bien déterminées
(-180>,
--45-, + + 100-, + 200°, + 3001, + ils ont établi que la position de chaque bande d’émission est sensiblement indépendante delà température, mais non l’iliteil-
sité relative des bandes, ni, par conséquent, la couleur de la phosphorescence pour un corps
possédant plusieurs bandes de phosphorescence. Pour ces auteurs, il y a, pour chaque bande,
une « limite supérieure d’inductibitité », qui est souvent assez élevée, mais qui tombe à -{- 100,C pour certaines bandes [BaS (Pb) ou BaS (Bi)].
Poursuivant les essais de DeByar, Le Roux e 7) a montré que, pour certains sulfures
phosphorescents alcalino-terreux, Féclairement dans l’air liquide ne produit qu’une faible luminescence, mais en laissant réchauffer dans 1 obscurité, on observe une vive émission de
lumière.
Plus récemment, Nichols etmerritt es) ont (les courbes de avec la tem- pérature, des intensités des différentes régions d’une même bande de luminescence. Ces expé-
rimcntaleurs ont opéré entre + 20° pt - 180"CsurleZnS(Cu),leBaS(Bi,
etia i;illfiiiiie naturelle. Ils ont obtenu des courbes complexes, qui diffèrent pour les diverses
régions d’une même bande, iiiais qui ne se traduisent, pour les longueurs d’onde des maxhna
des bandes, que par de faibles déplacements, de l’ordre de quelques dixièmes (Fangstroms.
Ces déplacements apparaissent surtout aux basses températures.
Dans un travail analogue au précédent, opérant entre + 20° et + 120’C, ne
trouva pas de déplacement du maximum pour la bande verte de fluorescence du ZnS (Cu).
J’ai tracé les courbes (les variations, avec la température. des intensités de fluorescence de divers composés en opérant sur une bande unique et -,tir la totalité de la lumière émise
par cette bande (11); j’employais le i>lioivinèlre sans écran diffusant de Fabry (20).
L’excitation était obtenue par le groupe de raies 3660 Si du mercure (lampe a mercure et
verre-filtre il l’oxyde de nickel, de Wood). Les formes des courbes sont extrêmement diverses.
Souvent, cependant, on remarque avec les substances nue baisse de lumi-
nosité aux basses températures alors que les substances fluorescentes n’éprouvent pas de
baisse nette.
- Ca F2 violette. Fiâ. 8.
-(CU, -Ntt), handt. x
La luminescence, pour tous les nombreux cas exalninés, disparait avant la tempéra-
ture du rouge. C’est avec le rubis que la fluorescence est la plus tenace (jusqu’à + 4500 C environ) ; au contraire, pour la fluorine, daiis les conditions (l’excitation utilisées, il existe une
deuxième large bande 2013 rouge verte
-qui n’apparaît qu’al des températures inférieures à- 75, C.
J’ai examiné particulièrement la décroissance lorsque la température s’élève. Aucun type
de forrnule générale satisfaisant n’a pu être établi. Les courbes logarithmiques de l’intensité ont une forme convexe dans la région des températures élevés -, seule, la courbe logarith- mique relative à la bande violette de la fluorine est sensiblement rectiligne. La vitesse de baisse de la luminosité est généralement très grande ; si l’on compare les résultats obtenus
avec différentes substances, cette vitesse ne paraît pas décroître quand la température
moyenne de la région de baisse croît.
En plus de ces différentes observations sur l’action de la température, on a déjà vu que
la vitesse de chute de la phosphorescence croît rapidement lorsque la température s’élèv e.
Enfin, il faut rappeler le remarquable effet de rétrécisscment aux basses températures
de certaines bandes floues de fluorescence, effet qui est parfois accompagné d’une résolution
en composantes fines. Ce phénomène a été d’abord observé dans l’air liquide par H. et J. Bec-
querel et Kamerlingh Onnes, principalement sur les sels d’uranyle : il y a souvent, en même temps, un léger déplacement vers les petites longueurs d’onde. Les mêmes faits se retrouvent pour les spectres d’absorption des sels d’uranyle.
Le rétrécissement n’est pas observable sur les larges bandes d’émission comme celles des
sulfures, même à la température de l’hydrogène liquide (Lénarcl) ; mais il réapparaît avec
certains composés minéraux à phosphorogènes présentant des bandes plus étroites. ~~l en
trouve un exemple dans les résultats déjà cités du travail de du Bois et Elias sur le rubis.
On extraira encore de ce travail le tableau suivant :
de la la longueur d’onde orayenue de l’enseiiible des deux J’a’tes
d’absoi-I)tioii du rubis 6 918 1 et 6 932 :v (F’ et
Du Bois et Elias ont pu décomposer à
-180° C sous l’action du champ magnétique, les
raies d’absorption 6918 et 6 932 A en chacune un quadruplet.
’
F. Action des radiations de faibles fréquences 2013Si l’on insole fortement une sur-
face enduite de sulfure phosphorescent ZnS (CuB et si l’on projette ensuite sur cette surface
un spectre continu, on observe que la place où s’étalaient les rayons peu réfrangibles est
rendue obscure. L’action excitatrice du spectre qui produit un accroissement de luminosité
s’arrête aux radiations bleues. Aussitôt après, commence 1 action antagoniste qui se pro-
longe au delà du rouge visible, présente un maximum pour ’ .9 p, ensuite un minimum pour
1,0 p. et un deuxième maximum pour 1, ,11 y, ; au-delà de 1,:1 on n observe plus d action sen-
sible. Avec le sulfure CaS (Bi), on obtient des apparences semblable.
Ce phénomène d’extinction a été utilisé par H. Becquerel pour étudier la partie infra-
rouge du spectre solaire. On l’emploie couramment dans les recherches sur la phosphores-
cence.
Il a été établi que les corps phosphorescents, soumis à l’action l’ayons roue:, ou
infra-rouges après excitation de lu phosphorescence montrent un renforcement momentané d’éclat lumineux suivi d’une rapide décroissance ; la quantité de lumière restituée pendant
l’extinction par ces radiations est bien inférieure à celle restituée lorsde 1 extinction normale.
Le spectre de phosphorescence ne semble pas subir de modifications pendant l’action
des rayons infra-rouges; mais cette affirmation ne peut être complète (bandes très diffuses).
J’ai cherché à examiner l’action de ces rayonnements de faibles fréquences sur un grand
nombre de substances fluorescentes et phosphorescentes B 12); j’ai, pour cela, employé simul-
tanément des radiations excitatrices ultra-violettes et un faisceau étroit de radiations infra- rouges. On observe dans ces condition s :
Il avec les sulfures phosphorescents une tache noire sur un fond d’une très belle lumi- nosité à l’endroit où l’on concentre les radiations infra-rouges. Ce fait montre nettement que
ces radiations n’agissent pas uniquement colnme accélératrices, mais aussi comme extinc- trices. Si l’on déplace la surface enduite de sulfure, on met en évidence le renforcement d’éclat signalé ci-dessus : il apparaît une tache lumineuse suivie d’une traînée très sombre
après le passage du faisceau de rayons infra-rouges. Ce renforcement de l’éclat varie en
intensité et en durée avec le sulfure phosphorescent.
Un sulfure de zinc v iolet fluorescent était très sensible à l’action extinctrice.
2° On n’a observé aucun effet avec le dispositif décrit pour de nombreuses substances fluorescentes telles que des fluorines, de la rvillémite, un oxyde de zinc à phosphorogène cuivre, des sels d’urane, le platino-cyanure de baryum et diverses substances organiques. Il
en a été de même pour le tungstate de calcium phosphorescent.
L’action extinctrice des rayons infra-rouges est donc surtout sensible sur les sulfures
phosphorescents ; les séléniures alcalino-terreux phosphorescents présentent cependant une
sensibilité très nette (‘~’).
G. Action de l’écrasement et de la pression. - Si l’on triture dans un mortier un
sulfure phosphorescent, on constate que la qualité de la luminescence du produit est très amoindrie ; il en est de même lorsqu’on comprime le sulfure dans un moule, à la presse .
hydraulique. L’action de la pression est souvent accompagnée d’une émission lumineuse
(triboluminescence#)
D’après Kuppenheim (2’2), pour un même sulfure alcalino-terreux la phosphorescence
durable serait relativement moins abaissée que la fluorescence. Un sulfure alcalino-terreux abîmé par la pression s’améliorerait nettement par chauffage il une température bien inté- rieure à la température de préparation.
Lénard (23) a montré que la pression agit sur les molécules du diluant. Il a observé que la pression est d’abord sans action sur la couleur du sulfure ; puis le sulfure se teinte i>t enfin il redevient incolore. Lénard distingue trois modifications correspondantes, qui seraient dues à des changements dans des assemblages moléculaires du diluant.
L’action de la pression sur la luminescence se rattache peut être à des modifications
analogues du complexe lumonigène ; la diminution de la transparence des cristaux par érail- lement des facettes doit aussi intervenir.
III.
-ESSAIS DE THKORIHS.
A. Théories chimiques. - Les phénomènes de hhotolunlilescencn ont été souvent rap- prochés, avec raison, des phénomènes chimiques. Les considérations der cinétique chimique permettent des représentations claires des principaux faits observées.
Ed. Becquerel attribuait l’émisliull de phosphorescence à une recomhmaon
ments d’un composé chimique instable. qui aurait été dissocié sous 1 influence de ia lumière
excitatrice. Wiedemann et Schmidt 2’), Debicrlle ’J , puis J. Perrin ont développé cette
théorie de la substance dissociable et lui ont donné une forme générale permettant d’expli-
quer les différents cas des émissions de photoluminescence et leurs particularités.
Pendant l’excitation, la substance IUlll0nigène, dans l’état A, se transforme et prend un
autre état B, iiistable ; l’émission accon1pagne le retour de l’état B vers l’état A, ou vers un troisième état C, suivant les cas. COI11111C l’a fait remarquer Madame Curie, si les échanges chimiques qui ont lieu ne font point intervenir de substances étrangères, il est difficile de les déceler par l’analyse chimique car la dissolution, par exemple, pourra les ramener à l’état pri- mitif ; mais on pourrait déceler l’altéralion par des méthodes physique. Si, au contraire, la
transformation fait intervenir des molécules extérieures (air, par exemple), elle pourra être étudiée par les méthodes de la chimie.
Si l’on assimile le retour de B verts .1 ou vers C à une modification inononioléculaire irréversible (après cessation de l’excitation) et si l’on désigne par -i- le nombre de molécules
de B, on a :
,,
lx
D’autre part, l’intensité lumineuse i sera donnée par : i = -- G
*1 / On retrouve donc la première formule d’Ed. Becquerel :
Si l’on assimile la réaction à une recombinaison d’ions, on a, en appliquant les considé- rations habituelles, et eïl désignant par >1 le nombre d’ions positifs, par exemple, au temps t : -.
cl’autre part
par suite :
, ,