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Couper mieux et moins pour assurer un avenir économique des régions

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Couper mieux et moins pour assurer un avenir économique des régions

Mémoire de l’Action pour la protection des forêts du Québec (APFQ)

Présenté à la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les

régions ressources .

Le vendredi 14 février 2003

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Table des matières

Avant-propos ... 3

1. Introduction ... 6

2. Les pratiques forestières actuelles ... 6

2.1 La surexploitation ... 7

2.2 Les conséquences pour l’environnement ... 9

2.3 Les travaux sylvicoles ... 16

3. L’industrie ... 16

3.1 La sous-traitance ... 17

3.2 Les profits des grandes compagnies ... 17

3.3 Les infractions ... 18

3.4 La transformation ... 19

4. Conclusion ... 20

Bibliographie ... 23

Annexe ... 25

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Avant-propos

L’Action pour la protection des forêts du Québec (APFQ) est un regroupement de citoyennes et de citoyens et d'organismes qui promeut l'utilisation responsable et diversifiée de nos forêts et qui tente de sensibiliser la population au problème de la déforestation excessive qui a présentement cours au Québec. L’APFQ s’est formée officiellement le 22 octobre 2002 à Gatineau en Outaouais. À ce jour, l’APFQ compte plus d’une soixantaine de membres individuels et un organisme membre qui regroupe près de 8 000 personnes.

L’APFQ ne représente donc pas l’intérêt d’une industrie, mais celui de la population québécoise dans son ensemble. L'APFQ est un groupe de pression à vocations multiples dont la principale est d’ordre environnemental. L’APFQ compte également parmi ses objectifs la diversification et la viabilité économiques des régions du Québec.

***

L’objet du présent mémoire portera uniquement sur la gestion de la forêt québécoise, le mandat de l’APFQ étant limité à ce sujet. Toutefois, comme la forêt fournit de l’emploi direct et indirect à près de 250 000 personnes; qu’elle représente 12 milliards de dollars en exportations; que quelque 250 municipalités ont l’industrie forestière comme assise économique principale; qu’il y a au Québec 300 usines de sciage et 63 usines de pâtes, papier et carton; l’APFQ considère que l’avenir économique du Québec et particulièrement en région est tributaire en grande partie d’une saine gestion forestière.

C’est pourquoi l’objet de ce document tentera de sensibiliser les membres de la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources de l’importance de préserver la qualité et la pérennité de nos forêts afin d’assurer aux régions une économie dynamique et diversifiée qui perdura dans le temps.

***

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L’APFQ désire partager avec les membres de la Commission son désaccord face à l’utilisation de l’expression «régions ressources». En effet, cette expression nous apparaît très inappropriée pour identifier un groupe de régions administratives représentant 15,4 % de la population et 13,6 % des emplois au Québec1. Cette appellation sous-entend que ces régions ne constituent que des pourvoyeurs de matières premières dont l’unique raison d’être serait de fournir ces matières premières à des fins financières et économiques. Il en va de même pour le terme «MRC ressources»

également utilisé dans les documents de la Commission. Or, l’APFQ considère que ces régions, qui regroupent la Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, le Bas-Saint-Laurent, la Côte- Nord, le Nord-du-Québec, le Saguenay—Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue, la Mauricie, et ces Municipalités régionales de comté (Vallée-de-la-Gatineau, Pontiac et Antoine-Labelle) doivent être considérées au même titre que les autres régions du Québec, c’est-à-dire comme faisant partie intégrante de l’économie québécoise et non pas seulement comme des zones d’exploitation et de transformation.

Les difficultés économiques de ces régions découlent, selon nous, d’une vision très réductrice de leurs potentiels de développement. La fermeture de municipalités, phénomène encore d’actualité, démontre bien à quel point certaines régions dépendent uniquement de l’extraction des matières premières pour leur survie. En ce qui concerne la question forestière, cette réalité est d’autant plus pertinente. Tant et aussi longtemps que le gouvernement du Québec considérera ces régions comme des «régions ressources», celles-ci demeureront assujetties au modèle de développement qu’on leur impose. L’APFQ considère qu’un changement de mentalité est nécessaire à cet égard et que cela doit commencer par une sémantique appropriée.

***

D’autre part, l’APFQ dénonce les trop courts délais pour la présentation de mémoires. En effet, beaucoup d’organismes n’avaient que quelques jours pour présenter leur mémoire s’ils désiraient être entendus lors des audiences publiques régionales.

Même un des commissaires, Richard Savard, reconnaît que le tout a été «fait à la vitesse»2.

Le mandat de la Commission est «d’analyser le niveau actuel des redevances liées à l’exploitation des ressources naturelles, l’usage fait par le gouvernement des montants perçus, les retombées actuelles dans les régions concernées (régions et MRC ressources),

1 Source : Gouvernement du Québec, Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources, Les ressources naturelles dans les régions du Québec : quelques indicateurs, Québec, 2002, p. 4.

2 Moisan, Mylène, «Commission sur la maximisation des retombées en région, des délais courts pour présenter les mémoires», Le Soleil, 2003-01-11, p. A8.

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et de proposer un plan d’action visant à maximiser, pour les régions ressources, les retombées économiques découlant de l’exploitation des ressources naturelles sur leur territoire»3.

Avec un mandat aussi important et des enjeux aussi capitaux pour l’avenir du Québec, l’APFQ considère que le gouvernement du Québec aurait dû allouer davantage de temps à la Commission pour remettre son plan d’action, ce qui aurait permis, entre autres, aux divers organismes de profiter de délais plus raisonnables pour présenter leur mémoire.

Sébastien Béland, président

Action pour la protection des forêts du Québec (APFQ) 23, Jeanne-Marie-Chavoin #306

Hull (Québec) J8Z 1V9 (819) 770-5961

apfq@videotron.ca

3 Gouvernement du Québec, Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources, «Mandat», http://www.commission- regions-ressources.qc.ca/.

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«S’il y a tant de bois que ça dans la forêt québécoise, que font les abatteuses dans les réserves fauniques, dans les ZEC, dans les territoires de trappe autochtones, dans ces territoires nordiques où un arbre prend une éternité à devenir petit, dans les cimetières amérindiens, derrière les chalets?»4

Richard Desjardins

1. Introduction

La Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources fut créée dans la foulée du Rendez-vous national des régions qui s’est tenu à Québec du 12 au 14 novembre 2002. Les attentes de ce Rendez-vous étaient grandes et d’aucuns prétendaient qu’un tel exercice s’avérerait inutile. La répartition des redevances suite aux activités liées à l’exploitation des ressources naturelles allait rapidement s’imposer comme priorité, soulevant derechef la question de la gestion forestière. Robert Laplante, directeur de L’Action nationale, avançait alors que :

[...] les problèmes de développement de ces régions du Québec tiennent pour l’essentiel aux limitations que leur impose le Régime forestier et le modèle d’exploitation forestière qu’il définit autant qu’il sert. [...] Un Sommet des régions devrait être l’occasion de faire muter notre modèle d’exploitation forestière, de donner les moyens aux populations régionales de vivre de la forêt plutôt que de continuer de dépendre des compagnies5.

Toutefois, le Rendez-vous national des régions a accouché d’une souris en ce qui a trait à la gestion forestière. Le Rendez-vous a évacué, pour des considérations davantage politiques qu’économiques, tout débat portant sur le fondement même de notre régime forestier.

C’est dans cette optique que l’APFQ présente son mémoire à la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources. Afin d’assurer un avenir aux régions et afin de maximiser les retombées économiques liées à la forêt, les commissaires se doivent d’accorder une place privilégiée à la gestion forestière au sein de leur plan d’action qu’ils doivent déposer au ministre des Ressources naturelles au plus tard le 31 mars 2003.

Ce mémoire se divise en deux grandes parties. La première, intitulée «Les pratiques forestières actuelles», touche la surexploitation, les chemins forestiers, les travaux sylvicoles ainsi que la pollution liée aux activités forestières. La seconde partie

4 Dubois, Pierre, Les vrais maîtres de la forêt québécoise, Montréal, Écosociété, 2002, p. 13.

5 Laplante, Robert, «Une grande corvée forestière», L’Action nationale, vol. XCII, no. 8 (octobre 2002), p.6.

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traite de l’industrie forestière, plus particulièrement de la sous-traitance, des profits des grandes compagnies, des infractions à la Loi sur les forêts et de la transformation des produits du bois. L’APFQ ne se limite pas à dénoncer la situation actuelle des forêts face aux régions québécoises : l’organisme propose aussi de nombreuses solutions qui supporteront et amélioreront l’économie des régions et du Québec en général.

2. Les pratiques forestières actuelles 2.1 La surexploitation

Afin de maximiser les retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions, le gouvernement du Québec doit d’abord s’assurer que ces ressources soient gérées de façon durable de sorte à garantir une qualité de vie économique, environnementale et sociale aux générations actuelles et futures.

Cela implique nécessairement une vision à long terme qui dépasse largement la durée d’une vie d’homme. En effet, lors d’une réunion de la Table de concertation pour la gestion intégrée des ressources pour les zones 71-21 et 71-04, Yvon Pomminville de l’entreprise forestière Louisiana-Pacific expliquait que les calculs de régénération s’effectuaient normalement sur une période de 150 ans. Ainsi, même si un arbre peut prendre environ 70 ans à atteindre sa maturité, son environnement, quant à lui, est perturbé pour une période beaucoup plus longue. Quand nous considérons que dans le nord du Québec, les forêts poussent généralement moins vite que dans le sud, à cause de facteurs bioclimatiques, nous pouvons facilement imaginer la durée de l’impact des travaux forestiers dans ces régions nordiques.

Or, le régime forestier actuel ne permet pas une telle vision à long terme. La forêt se vide à un rythme effréné sous l’oeil approbateur du ministère des Ressources naturelles (MRN) et de nos représentants élus. En vertu du régime forestier mis en place en 1987, « chaque usine dispose d’une garantie d’approvisionnement, qui prend la forme d’un contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) d’une durée de 25 ans, renouvelable bien sûr!»6. Ce système qui constitue la base de la foresterie québécoise permet aux entreprises de contrôler 95% du territoire. Il permet également le pillage systématique des forêts publiques et des régions. Les droits de coupes sont insuffisants, les crédits sylvicoles trop généreux, les redevances aux régions presque inexistantes. L’APFQ recommande donc que le régime forestier actuel subisse une véritable refonte de sorte que la population québécoise reprenne le contrôle de ses forêts.

6 Dubois, Op.cit., p. 30.

Recommandation 1 :

Que le régime forestier du Québec subisse une véritable refonte de sorte que la population reprenne le contrôle de ses forêts afin d’assurer une meilleure gestion et des retombées économiques raisonnables pour les régions.

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Ce régime forestier institutionnalise donc les abus commis par les compagnies forestières qui menacent vraisemblablement la pérennité de la ressource. Le film L’erreur boréale de Richard Desjardins et de Robert Monderie n’était que la pointe de l’iceberg. Même si la sortie du film a ébranlé le milieu forestier et le gouvernement du Québec, même si une grande partie de la population fut abasourdie, voire choquée, par les images de dévastation, rien n’a vraiment changé. Les pratiques douteuses de l’industrie forestière et la surexploitation de la forêt perdurent.

En décembre 2002, la Vérificatrice générale du Québec rendait publique un rapport accablant où elle remettait, en quelque sorte, en question l’ensemble du régime forestier. De graves lacunes dans notre régime forestier furent ainsi dévoilées. Mais la principale lacune révélée par Doris Paradis concerne le risque élevé de surrécolte : « Ces lacunes augmentent les risques de surrécolte des bois de la forêt publique, de non- préservation des sols et de l’eau ainsi que de non-maintien de l’état et de la productivité des écosystèmes forestiers. »7

Les lacunes révélées à l’intérieur du rapport sont si nombreuses que nous avons l’impression que la ressource forestière est entièrement contrôlée par les compagnies, malgré le fait qu’elle soit publique à 90%. Du risque de surexploitation, aux droits de coupe non perçus, aux crédits pour dépenses inadmissibles, à la surveillance et contrôles insuffisants en passant par une biodiversité menacée, des pratiques frauduleuses et de la manipulation de données, le rapport de la Vérificatrice générale rend nécessaire une refonte complète de notre régime forestier. Compte tenu les effets de ces lacunes sur les retombées économiques dans les régions, L’APFQ recommande que le chapitre 4 de ce rapport soit soigneusement étudié par les commissaires et que la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources le prenne en considération lors de la rédaction de leur plan d’action final.

De plus, en octobre dernier, le professeur d’aménagement des forêts de l’Université Laval, Louis Bélanger, évaluait la surexploitation des forêts résineuses entre 10 et 20 % de la capacité réelle. Quant aux forêts feuillues, la surexploitation friserait les 30 %. Selon lui, « le gouvernement coupe trop et mal. Le ministère confond l’intérêt du

7 Vérificateur général du Québec, Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2001-2002, Tome II, Chapitre 4, p. 75.

Recommandation 2 :

Que le chapitre 4 (intitulé Gestion de la ressource forestière) du Tome II du Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2001-2002 déposé en décembre 2002 par la Vérificatrice générale du Québec soit soigneusement étudié par les commissaires et que la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources le prenne en considération lors de la rédaction de leur plan d’action final.

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public avec l’intérêt des compagnies»8. Un tel constat fait peur et laisse envisager un avenir bien sombre pour les régions qui dépendent en grande partie de la forêt.

Parallèlement aux calculs du professeur Bélanger, un rapport émanant d’un comité scientifique du MRN a démontré que les hypothèses de départ servant à évaluer le rendement de la forêt québécoise étaient fausses. Ainsi, les volumes de coupe ont été augmentés en fonction de ces hypothèses de rendement dont la base est l’éclaircie précommerciale (EPC), un traitement sylvicole qui « consiste à couper de jeunes tiges, pour permettre aux arbres restants d’augmenter leur croissance en diamètre»9. Par conséquent, une surexploitation de l’ordre d’environ 15 % est démontrée. Qui plus est, le MRN a avoué que la forêt de feuillus avait également été surexploitée principalement à cause de mauvaises évaluations de rendement.

Pour les économies régionales, cela représente un risque élevé car si la forêt est surexploitée par rapport à sa capacité de régénération naturelle, elle pourrait ne plus fournir les arbres nécessaires pour le roulement des usines. Dans un tel contexte, il y a lieu de s’inquiéter du sort des 250 municipalités qui dépendent de la ressource forestière pour survivre.

Cependant, comme la Loi sur les forêts fournit des garanties d’approvisionnement aux compagnies et comme la révision de cette loi qui rentrera en vigueur en 2005-2006 n’est qu’une mise à jour et qu’aucun changement véritable ne semble en vue, il apparaît évident que la surexploitation pourra continuer et ce, pour des années encore. L’APFQ demande donc à la Commission qu’elle recommande au gouvernement du Québec la nomination d’un « Inspecteur des forêts » indépendant et redevable à l’Assemblée nationale, ce qui permettrait entre autres de dépolitiser la gestion forestière et de contrer le puissant lobby exercé par l’industrie auprès des élus et des fonctionnaires.

2.2 Les conséquences sur l’environnement

Le régime forestier permet également aux compagnies d’effectuer des types de coupe peu respectueuses de l’environnement. En effet, même si l’on a changé son nom, la coupe à blanc demeure le type de coupe le plus répandu, surtout dans les forêts de

8 Moisan, Mylène, « Les forêts du Québec condamnées, selon un expert; Elles pourraient cesser de pousser d’ici 50 ans si rien n’est fait », Le Soleil, 2002-10-07, p. A3.

9 Champagne, Anne-Louise, « Le rendement de la forêt québécoise a été surévalué; Une étude confirme que l’hypothèse de départ du MRN était fausse», Le Soleil, 2002-11-07, p. A1.

Recommandation 3 :

Que la Commission recommande au gouvernement du Québec de nommer un

« Inspecteur des forêts » indépendant et redevable à l’Assemblée nationale.

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résineux. En effet, selon Statistiques Canada, en 1999, 85 % des coupes effectuées au Québec étaient des coupes à blanc.

Ce type de coupe, appelé aujourd’hui coupe avec protection de la régénération et des sols (CPRS), entraîne plusieurs effets négatifs sur l’environnement et sur la diversité biologique. Et comme toute forme de pollution ou de dégradation de l’environnement entraîne à son tour des coûts sociaux élevés, les régions ont avantage à préserver leurs milieux naturels respectifs afin d’assurer un développement durable.

Réserve faunique La Vérendrye, mai 2002

Une biologiste de l’Université de Montréal, Edenise Garcia, a démontré que les coupes à blanc libéraient du mercure, contaminant ainsi lacs et poissons. «L’eau de ruissellement entraîne ce mercure dans les lacs où il [...] devient assimilable par les algues et le zooplancton dès les premiers mois suivant la coupe»10. Il y été maintes fois prouvé que les poissons se nourrissant de ces algues et micro-organismes se retrouvent avec du mercure dans leur chair et les derniers poissons de la chaîne ont une très forte concentration en mercure. Il deviendra peu à peu impossible de manger les poissons venant des rivières et des lacs à proximité des coupes forestières. Ainsi, lorsque le stock de bois ne sera plus suffisant pour faire vivre les travailleurs forestiers, il sera impossible pour les régions de se tourner vers la pêche sportive pour générer des revenus.

10 Baril, Daniel, «La coupe à blanc et les incendies de forêt libèrent du mercure», Forum, vol. 37, no. 4 (16 septembre 2002).

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La coupe à blanc libère du mercure dans les cours d’eau. Réserve faunique La Vérendrye, juin 2002

La déforestation excessive qui a présentement cour au Québec entraîne donc de nombreuses conséquences catastrophiques au niveau de la pollution. Celle-ci a des impacts directs sur la population qui habite en région près des coupes forestières ainsi que d’autres indirects pour ceux qui vivent à une plus grande distances des coupes.

D’autre part, la coupe forestière sur les bassins versants entraîne une augmentation de la concentration de phosphore dans les rivières11. Cet apport modifie grandement l’écosystème déjà en place, surtout du fait qu’il provoque une hausse de la température de l’eau. Par ce fait, la survie des poissons se trouve menacée.

Il devient donc essentiel de modifier la réglementation portant sur les forêts afin d’exiger des compagnies forestières qu’elles laissent des lisières plus importantes sur le bord des cours d’eau et des lacs (la loi n’exige actuellement qu’une mince bande de 20 mètres).

Ensuite, l’énorme machinerie qui est utilisée pour la coupe est aussi une grande source de pollution. En effet, le simple lavage des machines forestières cause de graves problèmes environnementaux. Les travailleurs «[...] puisent de l’eau d’un ruisseau ou d’un lac [à proximité de leur machine], y ajoutant parfois certains produits chimiques.

11 Source : Francoeur, Louis-Gilles, «25 000 km de cours d’eau travaillés à la «pépine»; la Société de la faune et des parcs affirme qu’il faut commencer à «restaurer» les cours d’eau», Le Devoir, 2003-01-10, A1.

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[...] Les résidus du lavage se retrouvent en pleine forêt.»12 Les espaces où sont faits ces nettoyages se retrouvent contaminés et sans qu’aucune étude n’ait été faite à ce jour, nous pouvons imaginer que les arbres, s’ils y poussent, ne seront pas en bonne condition. Sans compter les boues contaminées par les hydrocarbures et les métaux lourds qui sont aussi dangereuses pour l’environnement. On estime qu’annuellement, plus de 63 000 litres d’huile et de graisse ainsi que 46 000 litres de boues contaminées sont ainsi déversés dans nos forêts par l’industrie forestière.

Afin de limiter les dégats environnementaux, le gouvernement devrait obliger toutes les entreprises forestières à utiliser des systèmes écologiques pour le nettoyage de leurs machines. À titre d’exemple, une entreprise du Lac-Saint-Jean, Sani-Terre, a créé un système de nettoyage de la machinerie forestière qui diminuerait considérablement la pollution causée par l’industrie13.

Finalement, un autre problème environnemental en lien avec le déboisement est l’épandage de purin de porc. De nombreuses terres boisées en région agricole sont rasées afin de permettre aux propriétaires de méga-porcheries de se débarrasser de leur purin.

Par exemple, dans la région de Chaudière-Appalaches, 170 km² de forêt ont été rasés pour servir à l’épandage14. Il s’agit d’une pratique totalement irresponsable face à l’environnement. De plus, le déboisement en milieu agricole accélère l’érosion éolienne et contribue à la dégradation des sols. Ce phénomène est très présent en Montérégie où plus de 8 000 hectares de forêts ont été déboisés sur une période de dix ans seulement15.

Les impacts négatifs des opérations forestières sur l’environnement et sur la biodiversité sont évidents et décriés depuis longtemps par beaucoup d’organismes et de spécialistes. Les coupes à blanc ne reçoivent pas l’aval de la population. À cet égard, plusieurs sondages ont démontré que la grande majorité de la population québécoise s’oppose vertement à ce type de coupe. Plus récemment, selon un sondage effectué par l’Observatoire de la foresterie du Bas-Saint-Laurent en juillet 2002, près du deux tiers de la population de cette région « attribuent à la forêt publique des valeurs reliées au patrimoine environnemental et social »16 plutôt que des valeurs relatives à l’économie et à l’emploi.

Or, malgré l’opinion populaire qui réclame depuis longtemps que le patrimoine environnemental et forestier du Québec soit protégé et que les coupes à blanc cessent

12 Lacombe, Réjean, «Le secteur forestier tourne au vert», Le Soleil, 2002-11-09, C1.

13 Source : Thériault, Paul-Émile, «Sani-Terre développe un lavage écologique», La Terre de chez-nous, Semaine du 9 janvier 2003, p.28.

14 Source : Champagne, Anne-Louise, «170 km² de terrains déboisés en neuf ans; Les champs de maïs et d’épandage de purin ont pris la place», Le Soleil, 2003-02-06, A14.

15 Le groupe de réflexion sur les habitats fauniques, « Un fond de l’air couleur poussière », La Terre de chez nous, Semaine du 23 janvier 2003, p. 35.

16 Thériault, Carl, « Les deux tiers de la population de la région jugent la valeur environnementale de la forêt publique plus bénéfique que la coupe du bois », Le Soleil, 2002-12-16, p. A13.

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définitivement, le ministère de l’Environnement du Québec est toujours absent dans la gestion forestière. Il est aberrant de constater que la forêt n’est pas considérée comme partie intégrante de l’environnement. Pourtant, c’est la forêt qui abrite les animaux17, qui protège les sols et les cours d’eau, qui assure la biodiversité végétale. L’APFQ recommande donc à la Commission que le ministère de l’Environnement du Québec ait désormais son mot à dire dans la gestion forestière et qu’il occupe une place prépondérante dans le processus décisionnel entourant la gestion forestière.

La conception purement commerciale de nos forêts constituent un risque environnemental et économique élevé pour les régions. Ces dernières ne peuvent compter actuellement que sur l’extraction de la matière première plutôt que d’axer leur développement économique sur la diversification. La forêt peut effectivement permettre aux régions de diversifier leur économie de diverses façons. Dans un article intitulé « La forêt autrement », Michel Venne fait état des autres utilisations possibles de la forêt. Il rappelle qu’il existe 84 ZEC, 700 pourvoiries, 2 400 aires de trappe et 36 000 baux de villégiatures au Québec. Le plein air, le récréotouristique, la pêche et la chasse sont pratiqués par des milliers de Québécoises et de Québécois et de touristes. Une kyrielle de produits non ligneux, comme par exemple le ginseng, des plantes médicinales, des petits fruits, des champignons sauvages, pourraient être exploités et permettre de développer différents marché dont la « parfumerie, la fabrication d’arômes, d’additifs, d’extraits végétaux ou d’huiles essentielles »18.

Il n’en tient qu’à la volonté du gouvernement du Québec de favoriser le développement de ces avenues fort prometteuses pour les régions. Une telle diversification diminuerait la dépendance des régions face à l’industrie forestière et à ses problèmes d’ordre commercial (crise du bois d’oeuvre opposant le Canada aux États- Unis) ou environnemental (feux de forêts, épidémies, insectes).

La construction de nombreux chemins forestiers constitue une autre réalité découlant de l’exploitation forestière qui est grandement dommageable pour l’environnement. En effet, les pratiques actuelles font en sorte que des centaines de chemins forestiers viennent fragmenter un territoire donné. Au lieu de créer un seul chemin principal pour le transport du bois, la coutume veut que des multiples autres chemins soient construits afin de faciliter le transport du lieu de coupe et d’ébranchage au

17 À ce titre, lire : Boivin, Simon, « Les animaux souffrent aussi des coupes forestières », Le Soleil, 2003- 02-01, p. A7.

18 Venne, Michel, « La forêt autrement », Le Devoir, 2003-01-20, p. B7.

Recommandation 4 :

Que le ministère de l’Environnement du Québec ait désormais son mot à dire dans la gestion forestière et qu’il occupe une place prépondérante dans le processus décisionnel entourant la gestion forestière.

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chemin principal. Il en résulte de véritables labyrinthes. Toutefois, la construction de ces trop nombreux chemins forestiers menace sérieusement la biodiversité des forêts et les habitats des animaux qui y vivent. Une étude réalisée par R. F. Noss démontre que ces chemins constituent une menace très sérieuse pour les écosystèmes forestiers.

En fait, les modes d’utilisation du sol et les infrastructures comme les routes, qui fragmentent des écosystèmes naturels, passent pour l’une des plus grandes menacent à la biodiversité (Noss, 1992). En raison de la fragmentation, des habitats se perdent; les habitats qui restent sont découpés en petites parcelles, ce qui fait que les populations des espèces sont de plus en plus isolées.19

Puisque la construction des chemins, des ponceaux et des ponts relèvent de la responsabilité des compagnies forestières et que l’entretien n’est plus de leur ressort après les activités de récolte, ces chemins tombent par la suite en décrépitude, faute d’entretien adéquat. Pour les régions, il serait préférable d’une part qu’il y ait moins de chemins et d’autre part que ces chemins soient entretenus une fois construit. Certes, elles n’ont pas les ressources nécessaires pour entretenir ces milliers de chemins forestiers, c’est pourquoi les pratiques à ce sujet doivent changer radicalement.

Les nombreux chemins forestiers fragmentent les écosystèmes. Chemin forestier C-11, ZEC Kipawa, Témiscamingue (zone opérée par Tembec), août 2002.

19 Gouvernement du Canada, Patrimoine canadien, Rapport sur l’état des parcs de 1997, Ottawa, 1998, p.

34.

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L’APFQ propose donc que l’on réduise considérablement la construction de nouveaux chemins forestiers au Québec et que l’on optimise l’utilisation des chemins existants. Pour ce faire, on ne peut laisser à l’industrie forestière la gestion des chemins qu’elle utilise pour le transport du bois car sa seule préoccupation se limite à ses activités de récolte et de transport vers les usines. Le Québec doit se doter d’un plan d’aménagement routier efficace qui respectera l’environnement et le développement durable. Actuellement, c’est tout le contraire qui se produit. Les chemins sont construits sans égard aux obstacles naturels, aux habitats et aux cours d’eau.

La construction de ponts et ponceaux menacent les écosystèmes des cours d’eau souvent riches en espèces animales et végétales de toutes sortes. Ici, le gravier du chemin a grandement modifié le cours d’eau.

Chemin forestier C-11, ZEC Kipawa, Témiscamingue, août 2002.

Un tel exercice ne se fera pas sans opposition, l’APFQ en convient. Cependant, il est nécessaire et urgent d’agir en ce sens. Cela obligera les compagnies à revoir leurs méthodes de transport du lieu de coupe au chemin principal. Nous ne pouvons plus nous

Recommandation 5 :

Que la construction des chemins forestiers relèvent désormais du gouvernement du Québec et que les compagnies forestières soient appelées à défrayer les coûts de construction de ces chemins. Le gouvernement du Québec devra réduire la construction de nouveaux chemins forestiers et obliger les compagnies forestières à optimiser l’utilisation des chemins existants.

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permettre de fractionner davantage le territoire encore vierge sous peine d’en payer le prix plus tard. Certains y verront probablement un frein au développement, mais l’APFQ est convaincue qu’il s’agit d’un investissement à long terme. De toute façon, les ZEC, les pourvoiries et les municipalités en ont déjà plein les bras avec les chemins existants puisque souvent, elles n’ont pas les ressources nécessaires pour les entretenir. L’objectif de la recommandation 5 est de limiter la fragmentation des écosystèmes aux zones déjà lourdement affectées.

2.3 Les travaux sylvicoles

Ce n’est pas à cause de leur conscience environnementale que les entreprises forestières font du reboisement. La raison serait plutôt l’obligation gouvernementale de le faire. Mais les entreprises profitent aussi du reboisement au détriment de la population régionale. En effet, ces compagnies replantent uniquement la matière ligneuse dont ils ont besoin.

Un grave problème de monoculture a présentement cour au Québec. Les entreprises forestières reboisent les espaces saccagés uniquement avec des conifères.

Cette pratique va à l’encontre de la nature, puisque les feuillus sont les premiers à repousser après une coupe à blanc par exemple. Ces forêts homogènes sont beaucoup plus vulnérables aux maladies et aux insectes. Ce problème est très grave pour la survie économique des régions puisque la monoculture forestière est précaire : les risques d’épidémies qui affectent des champs d’épinettes peuvent réduire à néant des années de travail d’un village ou d’une communauté.

Les solutions sont nombreuses afin de limiter les problèmes et ainsi assurer un avenir économique pour les régions. En replantant différentes essences d’arbres, les risques d’épidémies diminuent grandement.

Un second problème se pose face aux travaux sylvicoles. Avec l’utilisation des énormes machines servant à la coupe, le sol est si tapé qu’il est difficile pour les arbres de repousser de façon naturelle. Sans compter que les ornières créées par les immenses pneus provoquent une mauvaise irrigation du sol et ce, malgré la CPRS. Pour les régions, il s’agit là d’une situation catastrophique. En effet, si les arbres ne peuvent repousser rapidement, plusieurs travailleurs et travailleuses forestiers se verront dans l’obligation de diminuer, voire de cesser, leurs travaux de récupération de matière ligneuse. Si cette situation se présente un jour, ce sont des dizaines de villages qui seront obligés de fermer, entraînant des catastrophes économiques dans toutes les régions du Québec.

3. L’industrie

L’industrie forestière a toujours pu faire ce qu’elle désirait dans les forêts du Québec. Malgré le fait qu’elles continuent à enregistrer des profits de plusieurs millions de dollars à chaque année, les compagnies forestières réclament toujours de l’aide

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financière auprès des gouvernements du Québec et du Canada. Elles ont recours à toutes sortes de moyens pour réduire leurs dépenses liées à l’exploitation telle que la sous- traitance, ce qui entraîne inévitablement des pertes d’emplois dans les régions et une hausse des infractions à la Loi sur les forêts. Malheureusement, on n’encourage pas assez les deuxième et troisième transformations du bois au Québec car presque tous les efforts sont concentrés sur l’industrie de l’extraction et de la première transformation.

3.1 La sous-traitance

Le problème de la sous-traitance dans l’industrie perdure depuis les années 1980.

En 1994, le nombre d’emplois forestiers liés à la sous-traitance est passé à environ 70 %.

Dans certaines régions, ce chiffre est encore plus élevé. Par exemple, pour l’entreprise Abitibi-Consolidated, dans la région de la Côte-Nord, 95% des travaux effectués en forêt sont faits par des sous-traitants. Ces méthodes de fonctionnement sont préjudiciables pour la population qui vit de la foresterie. En effet, se sont les sous-traitants qui doivent se procurer la lourde machinerie et investir des centaines de milliers de dollars à l’achat.

Les grandes entreprises n’ont pas en s’en préoccuper, pas plus que de l’entretien de ces machines. Lorsque l’une d’entre elles se brise, c’est le sous-traitant qui doit débourser pour les réparations. Ces dernières sont parfois si onéreuses que le travailleur forestier n’a pas les moyens de les effectuer. La population régionale qui vit de la récolte forestière est donc prise en otage par les grandes entreprises. Avec la sous-traitance, il est impossible d’arriver à créer une économie durable en région.

Il est évident que la sous-traitance est avantageuse pour les grandes entreprises.

Le niveau de syndicalisation est beaucoup plus bas20, les salaires des travailleurs et travailleuses sont moindres et ils sont payés selon leur rendement. Plusieurs travaux sont effectués à la hâte par les sous-traitants afin de maximiser leurs profits et, par conséquent, les normes de sécurités ne sont pas toujours respectées. Malheureusement, pour la population régionale, le coût social est énorme. Tous ces emplois sont très précaires et l’avenir économique de nombreux villages est incertain.

3.2 Les profits des grandes compagnies

En 2002, Domtar, Abitibi-Consolidated et Norampac ont enregistrées à elles seules des bénéfices nets de 141, 259 et 69 millions de dollars. Cependant, seulement une infime partie de ces bénéfices est retournée à la forêt et aux régions. Comme si ce n’était pas assez, les compagnies forestières profitent de toutes sortes de crédits d’impôts et d’aide financière apportée par les gouvernements. Par exemple, des crédits sylvicoles sont accordés aux forestières afin d’encourager le reboisement des terres publiques.

Puisque les compagnies ont le choix entre payer leurs droits de coupes et redevances en argent comptant ou en travaux sylvicoles, il est facile de comprendre pourquoi la plupart

20 «Entre 1985 et 1997, la présence syndicale en forêt est passée de 81,9% à 30,1%.» Dubois, Op.cit., p.123.

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d’entre elles choisissent de ne pas payer et d’effectuer des travaux sylvicoles. Il est nécessaire d’éliminer le crédit sylvicole aux entreprises forestières et d’obliger celles-ci à reboiser elles-même les terres avec différentes essences qu’elles achèteront à des pépinières gouvernementales.

Ces « coups de pouce » financiers doivent prendre fin immédiatement. Il est illogique d’accorder des crédits fiscaux à des compagnies qui devraient couper la forêt de façon assez responsable afin que la nature reprenne vie par elle-même. Aucun montant ne retourne directement aux régions et aux travailleurs et travailleuses, mais tout se retrouve dans les poches des actionnaires des grandes entreprises forestières. Tous les Québécois et les Québécoises se trouvent donc à subventionner ces grandes entreprises qui pillent les ressources sans rien laisser pour l’avenir économique des régions.

3.3 Les infractions

La hausse, depuis 1990, du nombre d’amendes données aux exploitants forestiers n’est pas due à un contrôle plus rigoureux des pratiques exercé dans les territoires forestiers, mais bien à une augmentation de la quantité de bois coupé. Il n’y a donc pas d’améliorations de ce côté et les amendes imposées n’ont rien pour effrayer les contrevenants. Par exemple, une amende de 200 $ pour coupe de bois sans permis, une de 250 $ pour avoir passé à moins de 20 m d’un cours d’eau avec de la machinerie forestière ou une de 125 $ pour avoir laissé des arbres dans un cours d’eau, pour n’en citer que quelques-uns. De plus, entre 1997 et 2001, seulement 16 % des accusés ont été trouvés coupables, le reste attendant toujours leurs procès.

Ce n’est pas avec l’annonce du 12 février dernier du ministre des Ressources naturelles, François Gendron, que la situation s’améliorera vraiment. Oui, il est nécessaire d’accroître le nombre d’inspecteurs sur le terrain. Oui, il faut «[...]préparer une série de mesures législatives pour renforcer les activités de contrôle et décourager les mauvais comportements [...]»21. Il est cependant essentiel d’aller encore plus loin. En effet, il est impératif d’augmenter le prix des amendes données pour les infractions à la Loi sur les forêts, en plus d’exercer un meilleur contrôle des pratiques en milieu forestier.

21 Gouvernement du Québec, Gestion de la forêt publique québécoise : le ministre Gendron renforce l’indépendance et la capacité de contrôle du ministère des Ressources naturelle, Québec, ministère des Ressources naturelles, communiqué de presse, 2003-02-12.

Recommandation 6 :

Que la Commission demande au gouvernement d’éliminer le crédit sylvicole aux entreprises forestières afin d’obliger celles-ci à reboiser elles-même les terres avec différentes essences qu’elles achèteront à des pépinières gouvernementales.

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Il est nécessaire que le montant des amendes dépasse le profit qu’a réalisé une entreprise en contrevenant à la loi.

3.4 La transformation

Afin de s’assurer que l’économie des régions ne dépende pas entièrement de l’extraction de matières premières, dont le bois, il est extrêmement important d’encourager les deuxième et troisième transformations du bois. Une brigade des deuxième et troisième transformations a été mise sur pied afin d’aider les entrepreneurs à réaliser des études exploratoires et à identifier des opportunités pour développer des projets. Cependant, cette brigade n’a reçu que 0,3 millions de dollars pour son budget annuel.

Si nous voulons aider au développement des deuxième et troisième transformations du bois dans les régions, le budget de la brigade doit être substantiellement augmenté et son champ d’activité ne doit pas seulement s’arrêter aux études, mais doit aussi comprendre l’appui au démarrage de ces entreprises. La brigade doit aussi collaborer davantage avec les centres de développement locaux et les centres locaux d’emplois afin de maximiser l’utilisation des ressources et services mis à la disposition des entrepreneurs.

Les régions ne doivent pas être dépendantes d’une seule source de revenu comme c’est trop souvent le cas. En favorisant les deuxième et troisième transformations du bois dans les régions, le gouvernement du Québec briserait le cycle de dépendance dans lequel sont pris les différentes régions québécoises.

Recommandation 7 :

Que la Commission demande au gouvernement d’augmenter les amandes données suite à des infractions aux lois en vigueur.

Recommandation 8 :

Que la Commission demande au gouvernement d’encourager la deuxième et troisième transformations du bois dans les régions afin de leur assurer un avenir économique.

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4. Conclusion

Lors du Sommet national des régions, le ministre des Ressources naturelles, François Gendron, déclarait, à la suite des demandes des régions d’augmenter les redevances à ces dernières, qu’un arbre coupé en Abitibi lui appartenait autant qu’aux gens de l’Abitibi. Il a même ajouté qu’il s’agissait d’un principe inviolable.

Une telle déclaration a de quoi étonner, malgré la vertu qui l’habite. Comme la forêt est, en principe, publique, il est normal que l’argent qui en découle soit redistribué à l’ensemble des régions du Québec. Or, deux problèmes se posent. Premièrement, la forêt québécoise, malgré son statut de propriété publique, appartient en réalité aux compagnies forestières à qui l’on garantit un approvisionnement à perpétuité (à ce jour, aucun bénéficiaire de CAAF n’a perdu son contrat pour non respect des lois et règlements). Deuxièmement, il est faux de prétendre que les retombées économiques sont redistribuées à l’ensemble du Québec, les régions étant souvent les grandes perdantes de la redistribution des richesses collectives.

Par ailleurs, le contrôle de notre richesse collective par les compagnies est non seulement cautionné par les autorités gouvernementales, mais est également facilité par un accès privilégié aux décideurs politiques. Ce puissant lobby forestier est ancré dans les moeurs politiques québécoises et empêche toute remise en cause des façons de faire.

Dans un autre ordre d’idée, un document rendu public par Le Devoir « indique que les responsables des unités de gestion sont très au fait des faiblesses et des tricheries qui affectent les inventaires locaux et les rapports de coupe et d’aménagement soumis par les entreprises, ainsi que du manque de valeur des normes et des contre-vérifications du ministère, souvent déterminées d’avance par les exploitants forestier, qui embauchent les occasionnels du MRN qui les ont confectionnées! »22.

La proximité qui règne entre l’industrie et ceux qui devraient exercer le rôle de chien de garde de la forêt mine ainsi toute la crédibilité du ministère des Ressources naturelles et de son ministre. Les relations entretenues entre les dirigeants des grandes forestières et les bureaux de ministres et de sous-ministres constituent une violation patente de nos principes démocratiques.

***

Comme nous l’avons vu tout au long de ce mémoire, de graves problèmes persistent au sein de notre gestion forestière et ce, malgré les nombreux cris d’alarme lancés par divers organismes et associations. Toutes ces lacunes risquent, si ce n’est pas déjà le cas, de nuire considérablement au développement régional.

22 Francoeur, Louis-Gilles, «Le renard compte les poules; Les rapports des exploitants faussent le bilan forestier, selon les gestionnaires gouvernementaux», Le Devoir, 2002-12-07, A1.

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Le fait que la forêt boréale, auparavant peuplée de résineux, se transforme graduellement en forêt de feuillus augure mal pour l’avenir des régions. En effet, « on note un remplacement des conifères par des feuillus dans les secteurs accessibles de la forêt boréale. Cela peut s’expliquer par le fait que ce ne sont plus les feux de forêt, mais les activités de récolte qui constituent le principal agent de changement. La variation géographique dans la répartition des espèces contribue aussi aux différences entres les régions accessibles et non accessibles ».23

Les grands déserts laissés par les coupes à blanc changent de façon malheureuse l’aspect visuel de nos grands espaces, pourtant très primés par les touristes du monde entier. La Commission ne doit pas négliger l’aspect visuel des travaux forestiers car les régions pourraient perdre énormément au point de vue des activités de plein air et des activités récréotouristiques.

***

Afin de faire la lumière sur l’ensemble des sujets abordés et comme de nombreux autres problèmes n’ont pas été soulevés par ce mémoire, comme les lacunes du régime en place touchent toutes les sphères concernées par la gestion forestière, l’APFQ exhorte la Commission de recommander au gouvernement la tenue d’une enquête publique indépendante et itinérante dont le mandat serait d’étudier l’ensemble de la gestion forestière au Québec, allant du lobby exercé par l’industrie jusqu’aux considérations environnementales, économiques et sociales. Une telle enquête devra évidemment se dérouler en dehors du Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE), puisque celui-ci n’est redevable qu’au ministre de l’Environnement.

L’APFQ profite de l’occasion pour faire remarquer aux commissaires que le ministère des Ressources naturelles, en n’ayant aucun plan d’aménagement durable de la forêt24 et en attribuant des CAAF, viole sa propre Loi sur les forêts. En effet, cette dernière stipule que « la présente loi a pour objet de favoriser la reconnaissance du patrimoine forestier et l’aménagement durable de la forêt afin de répondre aux besoins économiques, écologiques et sociaux des générations actuelles et futures et ce, tout en

23 Gouvernement du Canada, L’état des forêts au Canada : 2001-2002, Ottawa, Ressources naturelles Canada, 2002, carte explicative.

24 Vérificateur général du Québec, Op.cit., p. 75.

Recommandation 9 :

Que la Commission recommande au gouvernement la tenue d’une enquête publique indépendante et itinérante dont le mandat serait d’étudier l’ensemble de la gestion forestière au Québec.

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tenant compte des autres possibilités d’utilisation du territoire »25 (ce qui n’est définitivement pas le cas).

***

La forêt québécoise doit être traitée avec le plus grand respect, non seulement pour protéger l’avenir des régions, mais plus particulièrement pour préserver les habitats fauniques, les lacs et les rivières. La forêt est notre plus grande richesse et nous sommes en train de la dilapider. Il est grand temps de porter un regard vers les autres pays et les pratiques forestières alternatives afin de donner une chance de survie à notre forêt.

Prenons comme exemple la Suède et la Finlande où la majorité du territoire forestier appartient à des petits producteurs qui cultivent leur forêt comme on cultive nos champs de maïs. Bien entendu, la productivité forestière est nettement supérieure à la nôtre. De plus, ces mêmes producteurs peuvent ensuite devenir actionnaires de compagnies ou sociétaires de coopératives qui oeuvrent dans les deuxième et troisième transformations du bois.

Il y a aussi les projets de forêts habitées qui doivent être mieux étudiés et pris en considération. Il y a plusieurs avantages à celles-ci dont la stabilisation des populations rurales, l’accès à un réseau de chemins entretenus, à un chemin ferroviaire et à un bassin de main d’oeuvre considérable.

Il est donc primordial de réaménager la forêt du Québec si nous voulons en assurer l’avenir économique des régions. Une forêt aménagée intelligemment redonnera vie à plusieurs régions éloignées qui éprouvent présentement de graves difficultés financières, la fermeture de plusieurs municipalités en étant la preuve.

25 Québec, Loi sur les forêts, 1986, Québec, Gazette officielle du Québec, Chapitre F-4.1.

(23)

BIBLIOGRAPHIE

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Boivin, Simon, « Les animaux souffrent aussi des coupes forestières », Le Soleil, 2003- 02-01, p. A7.

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Champagne, Anne-Louise, « Le rendement de la forêt québécoise a été surévalué; Une étude confirme que l’hypothèse de départ du MRN était fausse», Le Soleil, 2002-11-07, p. A1.

Dubois, Pierre, Les vrais maîtres de la forêt québécoise, Montréal, Écosociété, 2002, 200 pages.

Francoeur, Louis-Gilles, «25 000km de cours d’eau travaillés à la «pépine»; la Société de la faune et des parcs affirme qu’il faut commencer à «restaurer» les cours d’eau», Le Devoir, 2003-01-10, A1.

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Gouvernement du Québec, <http://www.commission-regions-ressources.qc.ca/>,

«Mandats» Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources.

(24)

Groupe de réflexion sur les habitats fauniques, « Un fond de l’air couleur poussière », La Terre de chez nous, Semaine du 23 janvier 2003, p. 35.

Lacombe, Réjean, «Le secteur forestier tourne au vert», Le Soleil, 2002-11-09, C1.

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Moisan, Mylène, «Commission sur la maximisation des retombées en région, des délais courts pour présenter les mémoires», Le Soleil, 2003-01-11, p. A8.

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Thériault, Carl, « Les deux tiers de la population de la région jugent la valeur environnementale de la forêt publique plus bénéfique que la coupe du bois », Le Soleil, 2002-12-16, p. A13.

Thériault, Paul-Émile, «Sani-Terre développe un lavage écologique», La Terre de chez- nous, Semaine du 9 janvier 2003, p.28.

Venne, Michel, « La forêt autrement », Le Devoir, 2003-01-20, p. B7.

Vérificateur général du Québec, Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2001- 2002, Tome II, Chapitre 4, p. 68-103.

(25)

ANNEXE

Les recommandations de l’Action pour la protection des forêts du Québec (APFQ) à la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources.

Recommandation 1 :

Que le régime forestier du Québec subisse une véritable refonte de sorte que la population reprenne le contrôle de ses forêts afin d’assurer une meilleure gestion et des retombées économiques raisonnables pour les régions.

Recommandation 2 :

Que le chapitre 4 (intitulé Gestion de la ressource forestière) du Tome II du Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2001-2002 déposé en décembre 2002 par la Vérificatrice générale du Québec soit soigneusement étudié par les commissaires et que la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources le prenne en considération lors de la rédaction de leur plan d’action final.

Recommandation 3 :

Que la Commission recommande au gouvernement du Québec de nommer un

« Inspecteur des forêts » indépendant et redevable à l’Assemblée nationale.

Recommandation 4 :

Que le ministère de l’Environnement du Québec ait désormais son mot à dire dans la gestion forestière et qu’il occupe une place prépondérante dans le processus décisionnel entourant la gestion forestière.

Recommandation 5 :

Que la construction des chemins forestiers relèvent désormais du gouvernement du Québec et que les compagnies forestières soient appelées à défrayer les coûts de construction de ces chemins. Le gouvernement du Québec devra réduire la construction de nouveaux chemins forestiers et obliger les compagnies forestières à optimiser l’utilisation des chemins existants.

Recommandation 6 :

Que la Commission demande au gouvernement d’éliminer le crédit sylvicole aux entreprises forestières afin d’obliger celles-ci à reboiser elles-mêmes les terres avec différentes essences qu’elles achèteront à des pépinières gouvernementales.

Recommandation 7 :

Que la Commission demande au gouvernement d’augmenter les amandes données suite à des infractions aux lois en vigueur.

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Recommandation 8 :

Que la Commission demande au gouvernement d’encourager la deuxième et troisième transformations du bois dans les régions afin de leur assurer un avenir économique.

Recommandation 9 :

Que la Commission recommande au gouvernement la tenue d’une enquête publique indépendante et itinérante dont le mandat serait d’étudier l’ensemble de la gestion forestière au Québec.

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