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Lors du Sommet national des régions, le ministre des Ressources naturelles, François Gendron, déclarait, à la suite des demandes des régions d’augmenter les redevances à ces dernières, qu’un arbre coupé en Abitibi lui appartenait autant qu’aux gens de l’Abitibi. Il a même ajouté qu’il s’agissait d’un principe inviolable.

Une telle déclaration a de quoi étonner, malgré la vertu qui l’habite. Comme la forêt est, en principe, publique, il est normal que l’argent qui en découle soit redistribué à l’ensemble des régions du Québec. Or, deux problèmes se posent. Premièrement, la forêt québécoise, malgré son statut de propriété publique, appartient en réalité aux compagnies forestières à qui l’on garantit un approvisionnement à perpétuité (à ce jour, aucun bénéficiaire de CAAF n’a perdu son contrat pour non respect des lois et règlements). Deuxièmement, il est faux de prétendre que les retombées économiques sont redistribuées à l’ensemble du Québec, les régions étant souvent les grandes perdantes de la redistribution des richesses collectives.

Par ailleurs, le contrôle de notre richesse collective par les compagnies est non seulement cautionné par les autorités gouvernementales, mais est également facilité par un accès privilégié aux décideurs politiques. Ce puissant lobby forestier est ancré dans les moeurs politiques québécoises et empêche toute remise en cause des façons de faire.

Dans un autre ordre d’idée, un document rendu public par Le Devoir « indique que les responsables des unités de gestion sont très au fait des faiblesses et des tricheries qui affectent les inventaires locaux et les rapports de coupe et d’aménagement soumis par les entreprises, ainsi que du manque de valeur des normes et des contre-vérifications du ministère, souvent déterminées d’avance par les exploitants forestier, qui embauchent les occasionnels du MRN qui les ont confectionnées! »22.

La proximité qui règne entre l’industrie et ceux qui devraient exercer le rôle de chien de garde de la forêt mine ainsi toute la crédibilité du ministère des Ressources naturelles et de son ministre. Les relations entretenues entre les dirigeants des grandes forestières et les bureaux de ministres et de sous-ministres constituent une violation patente de nos principes démocratiques.

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Comme nous l’avons vu tout au long de ce mémoire, de graves problèmes persistent au sein de notre gestion forestière et ce, malgré les nombreux cris d’alarme lancés par divers organismes et associations. Toutes ces lacunes risquent, si ce n’est pas déjà le cas, de nuire considérablement au développement régional.

22 Francoeur, Louis-Gilles, «Le renard compte les poules; Les rapports des exploitants faussent le bilan forestier, selon les gestionnaires gouvernementaux», Le Devoir, 2002-12-07, A1.

Le fait que la forêt boréale, auparavant peuplée de résineux, se transforme graduellement en forêt de feuillus augure mal pour l’avenir des régions. En effet, « on note un remplacement des conifères par des feuillus dans les secteurs accessibles de la forêt boréale. Cela peut s’expliquer par le fait que ce ne sont plus les feux de forêt, mais les activités de récolte qui constituent le principal agent de changement. La variation géographique dans la répartition des espèces contribue aussi aux différences entres les régions accessibles et non accessibles ».23

Les grands déserts laissés par les coupes à blanc changent de façon malheureuse l’aspect visuel de nos grands espaces, pourtant très primés par les touristes du monde entier. La Commission ne doit pas négliger l’aspect visuel des travaux forestiers car les régions pourraient perdre énormément au point de vue des activités de plein air et des activités récréotouristiques.

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Afin de faire la lumière sur l’ensemble des sujets abordés et comme de nombreux autres problèmes n’ont pas été soulevés par ce mémoire, comme les lacunes du régime en place touchent toutes les sphères concernées par la gestion forestière, l’APFQ exhorte la Commission de recommander au gouvernement la tenue d’une enquête publique indépendante et itinérante dont le mandat serait d’étudier l’ensemble de la gestion forestière au Québec, allant du lobby exercé par l’industrie jusqu’aux considérations environnementales, économiques et sociales. Une telle enquête devra évidemment se dérouler en dehors du Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE), puisque celui-ci n’est redevable qu’au ministre de l’Environnement.

L’APFQ profite de l’occasion pour faire remarquer aux commissaires que le ministère des Ressources naturelles, en n’ayant aucun plan d’aménagement durable de la forêt24 et en attribuant des CAAF, viole sa propre Loi sur les forêts. En effet, cette dernière stipule que « la présente loi a pour objet de favoriser la reconnaissance du patrimoine forestier et l’aménagement durable de la forêt afin de répondre aux besoins économiques, écologiques et sociaux des générations actuelles et futures et ce, tout en

23 Gouvernement du Canada, L’état des forêts au Canada : 2001-2002, Ottawa, Ressources naturelles Canada, 2002, carte explicative.

24 Vérificateur général du Québec, Op.cit., p. 75.

Recommandation 9 :

Que la Commission recommande au gouvernement la tenue d’une enquête publique indépendante et itinérante dont le mandat serait d’étudier l’ensemble de la gestion forestière au Québec.

tenant compte des autres possibilités d’utilisation du territoire »25 (ce qui n’est définitivement pas le cas).

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La forêt québécoise doit être traitée avec le plus grand respect, non seulement pour protéger l’avenir des régions, mais plus particulièrement pour préserver les habitats fauniques, les lacs et les rivières. La forêt est notre plus grande richesse et nous sommes en train de la dilapider. Il est grand temps de porter un regard vers les autres pays et les pratiques forestières alternatives afin de donner une chance de survie à notre forêt.

Prenons comme exemple la Suède et la Finlande où la majorité du territoire forestier appartient à des petits producteurs qui cultivent leur forêt comme on cultive nos champs de maïs. Bien entendu, la productivité forestière est nettement supérieure à la nôtre. De plus, ces mêmes producteurs peuvent ensuite devenir actionnaires de compagnies ou sociétaires de coopératives qui oeuvrent dans les deuxième et troisième transformations du bois.

Il y a aussi les projets de forêts habitées qui doivent être mieux étudiés et pris en considération. Il y a plusieurs avantages à celles-ci dont la stabilisation des populations rurales, l’accès à un réseau de chemins entretenus, à un chemin ferroviaire et à un bassin de main d’oeuvre considérable.

Il est donc primordial de réaménager la forêt du Québec si nous voulons en assurer l’avenir économique des régions. Une forêt aménagée intelligemment redonnera vie à plusieurs régions éloignées qui éprouvent présentement de graves difficultés financières, la fermeture de plusieurs municipalités en étant la preuve.

25 Québec, Loi sur les forêts, 1986, Québec, Gazette officielle du Québec, Chapitre F-4.1.

BIBLIOGRAPHIE

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Champagne, Anne-Louise, « Le rendement de la forêt québécoise a été surévalué; Une étude confirme que l’hypothèse de départ du MRN était fausse», Le Soleil, 2002-11-07, p. A1.

Dubois, Pierre, Les vrais maîtres de la forêt québécoise, Montréal, Écosociété, 2002, 200 pages.

Francoeur, Louis-Gilles, «25 000km de cours d’eau travaillés à la «pépine»; la Société de la faune et des parcs affirme qu’il faut commencer à «restaurer» les cours d’eau», Le Devoir, 2003-01-10, A1.

Francoeur, Louis-Gilles, «Le renard compte les poules; Les rapports des exploitants faussent le bilan forestier, selon les gestionnaires gouvernementaux», Le Devoir, 2002-12-07, A1.

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Gouvernement du Québec, Gestion de la forêt publique québécoise : le ministre Gendron renforce l’indépendance et la capacité de contrôle du ministère des Ressources naturelle, Québec, ministère des Ressources naturelles, communiqué de presse, 2003-02-12.

Gouvernement du Québec, Les ressources naturelles dans les régions du Québec : quelques indicateurs, Québec, Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources, 2002, 51 pages

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«Mandats» Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources.

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Thériault, Paul-Émile, «Sani-Terre développe un lavage écologique», La Terre de chez-nous, Semaine du 9 janvier 2003, p.28.

Venne, Michel, « La forêt autrement », Le Devoir, 2003-01-20, p. B7.

Vérificateur général du Québec, Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2001-2002, Tome II, Chapitre 4, p. 68-103.

ANNEXE

Les recommandations de l’Action pour la protection des forêts du Québec (APFQ) à la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources.

Recommandation 1 :

Que le régime forestier du Québec subisse une véritable refonte de sorte que la population reprenne le contrôle de ses forêts afin d’assurer une meilleure gestion et des retombées économiques raisonnables pour les régions.

Recommandation 2 :

Que le chapitre 4 (intitulé Gestion de la ressource forestière) du Tome II du Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2001-2002 déposé en décembre 2002 par la Vérificatrice générale du Québec soit soigneusement étudié par les commissaires et que la Commission d’étude sur la maximisation des retombées économiques de l’exploitation des ressources naturelles dans les régions ressources le prenne en considération lors de la rédaction de leur plan d’action final.

Recommandation 3 :

Que la Commission recommande au gouvernement du Québec de nommer un

« Inspecteur des forêts » indépendant et redevable à l’Assemblée nationale.

Recommandation 4 :

Que le ministère de l’Environnement du Québec ait désormais son mot à dire dans la gestion forestière et qu’il occupe une place prépondérante dans le processus décisionnel entourant la gestion forestière.

Recommandation 5 :

Que la construction des chemins forestiers relèvent désormais du gouvernement du Québec et que les compagnies forestières soient appelées à défrayer les coûts de construction de ces chemins. Le gouvernement du Québec devra réduire la construction de nouveaux chemins forestiers et obliger les compagnies forestières à optimiser l’utilisation des chemins existants.

Recommandation 6 :

Que la Commission demande au gouvernement d’éliminer le crédit sylvicole aux entreprises forestières afin d’obliger celles-ci à reboiser elles-mêmes les terres avec différentes essences qu’elles achèteront à des pépinières gouvernementales.

Recommandation 7 :

Que la Commission demande au gouvernement d’augmenter les amandes données suite à des infractions aux lois en vigueur.

Recommandation 8 :

Que la Commission demande au gouvernement d’encourager la deuxième et troisième transformations du bois dans les régions afin de leur assurer un avenir économique.

Recommandation 9 :

Que la Commission recommande au gouvernement la tenue d’une enquête publique indépendante et itinérante dont le mandat serait d’étudier l’ensemble de la gestion forestière au Québec.

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