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Le droit international, "la vie des autres" et le monde "un" : quelques notes tirées d'un carnet de voyage

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Le droit international, "la vie des autres" et le monde "un" : quelques notes tirées d'un carnet de voyage

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Le droit international, "la vie des autres" et le monde

"un" : quelques notes tirées d'un carnet de voyage. In: Jouannet, Emmanuelle.. et al. Regards d'une génération de juristes sur le droit international . Paris : Pedone, 2008. p. 107-111

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:13068

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LE DROIT INTERNATIONAL,

Il LA VIE DES AUTRES» ET LE MONDE {( UN » • OUELOUES NOTES TIRÉES D'UN CARNET DE VOYAGE

Laurence Boisson de Chazoume~

Professeur à

ta

Faculté de dm! de IUn/vers/ré de Genève

Aux côtés des histoires collectives du XX'''' siècle; les courants de pensée post-modernistes ont pennis'd'asseoir une histoire « éclatée» ou «atomisée», centrée sur l'individu, en lui Teconnaissant la.vertu de pouvoir témoigner des lignes-force de l'époque et de l'environnement ·du .namlteur. Empreinte de cette approche, ma contribution tentera de faire ressortir quelques jalons d'une vision à la charnière entre plusieurs mondes, attachée au respect de la diversité dans un monde « un ».

Née daris une villeau climat humide qu'est Douala, ville'portuaire située dans le golfe de Guinée, et élevée pendant mon enfance dans.des pays qui s'étaient récemment affranchis de la tutelle coloniale, le monde m'est apparu dès mes plus jeunes années «un» et ricbe .de· . .sa diversité: les passerelles entre ses composantes étaient possibles mais il fallait les construire. La généalogie de mon intérêt pour le droit international trouve ses racines dans ce contexte trans- continentaL Le droit peut être langage tout à la fois de l'unité et de la diversité, ainsi que du respect de chacun. Pour ce faire, il doit être compris dans ses aspects processuels et substantiels qui tous lui donnent sa légitimité, La norme

juri~ique ne peut pas être .imposée si elle n'est pas le fruit de processus agréés, sinon acceptés de manière générale.

Mes:années universitaires aux Universités de Lyon II et Lyon III en droit et en sciences politiques m'ont fait comprendre'qu'il peutêtre difficile d'objectiviser le langage du droit international car il est souvent compris et utilisé comme arme destinée· à remplir les finalités de ceux qui l'utilisent. Ainsi, dans lecontexte de la guerre froide et ses quelques soubresauts de détente, notre génération'a été nourrie de la,rhétorique dela bipolarité·et de la rationalisation Politique.de éelle-<:i, au p.rix d'yeux ferrnéssur des exactions que l'on aurait dû condamner; de part et d'autre, pour des· .raisons différentes, le langage juridique: était empreint des notions d'équilibre et de· respect des principes fondateurs de l'ordre juridique international et de difficiles tentatives d'entrer en matière sur des questions de <da vie des' autres», Dans ce concert des nations, des voix du Sud faisaient diversion. Elles 'clamaient le droit des pays nouvellement émancipés au plan politique ·à' être éconontiquement et

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Laurence BOisson de Chazournes

socialement entendus et parties prenantes au plan international. Mes années d'étude à Genève m'ouvrirent à ces nouvelles voix juridiques, faites de tonalités pour la plupart frêles. Il fallait néanmoins les écouter car elles étaient porteuses de légitimes aspirations et, pour ce faire, le droit devait revêtir des habits différents, faits bien souvent d'étoles de sofi law. Les cloisonnements idéologiques, militaires et économiques étaient robustes, mais ils n'ont pu empêcher que le langage juridique du monde « un » ne se densifie.

La chute du mur de Berlin a entraîné un changement de paradigme politique.

Les murs idéologiques de la bipolarité Est! Ouest étaient tombés, ce qui pouvait laisser croire que le rôle du droit international pouvait évoluer, se consolider, devenir plus intrusif et se préoccuper du sort des personnes hurnaines qui devaient bénéficier de sa protection, où qu'elles soient.

Les espaces culturels faisaient place à une rénovation politique et pouvaient laisser croire à une telle évolution. Krzysjtof Kieslowski avait ouvert la voie en 1989 en Pologne avec son « Décalogue », en mettant notamment en exergue le rôle de l'individu et celui de la culture.

Le démantèlement de l'URSS a donné des contours géopolitiques aux changements majeurs qui s'opéraient dans l'ordre international. Il n'y aurait plus d'affrontement entre deux super-puissances. C'était le temps, disait-on, d'un nouveau monde. Le droit international se nourrissait alors de nouveaux concepts ou de concepts rénovés: respect de la règle de droit, assistance humanitaire, bonne gouvernance, ou encore protection de la biosphère;

la notion de propriété privée et les règles de l'économie libérale prenaient un nouvel essor. Le droit leur donnait pour certains des contours. D'autres opéraient en tant que nouveaux signifiants pour des concepts juridiques existants.

Les notions de communauté internationale, de défense de valeurs communes et de droit impératif, jusqu'alors enserrées dans les dispositions de la magna cana du droit des traités et dans le projet de codification, âprement discuté, sur la responsabilité internationale de l'Etat, se déliaient de, leurs corsets, essaimaient et accompagnaient les développements du droit international, allant dans le sens...de la revendication et de l'afftrmation ,de l'unité de la société internationale. Les mutations politiques et 'géopolitiques des années 1990 ont toutefois fait place à des événements' de nature diverse qui ont grandement testé la résistance de la notion de communauté internationale organisée et socialisée, partageant et défendant des valeurs communes, Les processus de dissolution étatique agréés dans certains cas, mais le plus souvent réalisés au prix de douleurs et d'exactions, ou encore les conflits internes et internationaux gardés « silencieux» pendant de longues années, voyaient leurs braises se ranimer sous le feu d'armes de tout genre.

Ces événements ont souligné la difficulté certaine de ,la communauté

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Regards d'une génération sur le droit international

internationale à se mobiliser pour défendre son identité juridique et assurer de toute part le respect de ses valeurs et principes, notamment au moyen' des institutions mises en place pOur faire face « au fléau de la guerre» (Préambule de la Charte des Nations Unies) et l'écarter à tout jamais.

Il paraît bien souvent que la tâche est encore grande pour asseoir la notion juridique de communauté internationale et les valeurs et principes qui la parent. Son universalité ' est béante d'une diversité souvent ressentie non comme tine richesse, mais comme source de revendications et d'affrontements.

Il nous faut encore élaborer des règles et institutions qui permettent aux multiples aspirations de cohabiter et de s'assurer qu'elles soient appliquées de manière équilibrée et impartiale. Cela est d'autant plus vrai à l'aune de l'émergence de nouveaux défis qui touchent de plein fouet les .valeurs et intérêts des communautés humaines qui ont dévolu aux autorités publiques nationales et internationales la responsabilité d'assurer leur protection.

Les autorités étatiques et les institutions internationales sont tancées dans leur rôle. Le respect de la règle de droit, ciment de la vie en commun, devient frêle, voire diaphane, lorsqu'il faut décider de prévenir, contrecarrer et réagir aux menaces et actions qui jouent sur l'extrême vulnérabilité des populations, qu'il s'agisse d'attaques armées, d'attentats terroristes, de pratiques économiques et financières déloyales ou encore de situations de dégradation de l'environnement.

Les stratégies juridiques varient, de même que les réponses du corps politique.

Elles peuvent tendre à une sacralisation de règles et principes juridiques ou simplement flippeler que le droit a un rôle important à jouer. Toutefois, les autorités politiques ont souvent tendance à se méfier d'un langage juridique qui ne serait pas suffisamment sensible à leurs préoccupations ei donc à tenter de modifier ou de forcer l'interprétation et l'application des règles et institutions pertinentes. Certaines réponses font primer des justifications politiques aux dépens du droit que l'on voudrait écarteler. Celui-ci se retrouve bien souvent délaissé. L'internationaliste a quelquefois peine à garder son point de mire au milieu de ce mouvement de plaques tectoniques.

Les acteurs non étatiques sont présents depuis longtemps sur la scène internationale. Toutefois depuis les années 1990, leur rôle et leur nombre ont connu un essor important. Beaucoup d'organisations internationales connaissent une nouvene « vie». Bien souvent cénacles des rivalités entre groupes d'Etats, elles deviennent des acteurs de la globalité. Le foisonnement d'autres catégories d'acteurs, que ce soient les représentants du secteur privé, les organisations non gouvernementales, les associations scientifiques. ou encore les organisations professionnelles, témoigne de l'internationalisation de nombre de questions, ainsi que de la quête de réponses internationales.

La répartition traditionnelle des pouvoirs et compétences à l'échelon

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Laurence Boisson de Chazournes

international est mise au défi. Nous vivons toujours cette'pbase d'esquisse de nouvelles relations. Si Tordonnancement, du pouvoir poütique n'a .pas été modifié jusqu'ici, on ne peut néanmoins nier que les changements évoqués ont conduit à des effriteinents de monopole, ' à de: nouvelles· alliances et participatiollS qui ioflue.ot sur k processus .décisionnel. Le droit international est appel~ à appréhellder. ces changements et, à leur., donner des .. ~ssises

conformes aux exigences de la règle·de ru:oit. La notion de .légitirpité,prend un nouvel essoret met ~.l'.épreuve celle.de légalité. La recherche de nouveaux équilibres entr~ les dçux notions semble s'imll"ser"dans. des termes qui restent cependant epC<)re largement à défmir dans un monde,pluriel et globalisé;

Si nous avons appris que' le droit internationa\: est langage de l'universalité, nous savons· que ses fondements politiques, économiques,·sociaux et culturels constitue!!t des aspérités sou~ent difficiles à ·appréhender.· Pourtant les .notions de monde (cun» ou. de monde commun restent essentielles dans , leurs dimensions ' spatiale, politique et temporelle.. Les' gén,érations . présentes devraient pouvorn vivre ,les unes avec les autres, et agir dans un temps long.qui fait place aux générations,futures. Les espérances et.allentes de chacune d'elles ne peuvent jlas' se'nourrir du désir de l'élimination d'autres et doivent prendre en compte. le futur de l'êt;re·hurnain .. Le droit est un instrument au service d'une telle stratégie

· et

il a pour. vocation de consolider tant que faire se peut les remparts contre la destruction. La mise en œuvre effective de l'interdiction du recours .. à la force e.t le développement des ,droits de l'homme, du droit intern'atiOlllit' h~taire' et du droit international pénal sont' des objectifs à privilégier, sans,oublier bien entcmdu que la !,!uestion de'l'ascès et de ia gestion des ressources .. naturelles impose avec !'Tgence la .recherche de nouveaux concepts juridiqu~s d'équité.

La vie en commun est prônée au travers de nombreux principes, règles et institutions.· Les·règles et 'institutions existantes montrent leurs limites face aux défis de la mondialisation ... C'est là à mon .sens querèside l'enjeu véritable.

Les développements économiques et technologiques font leur le monde « un ».

Mais les mécanismes sociaux d'équité.et de garantie des droits· de chacun sont . défaillants .. pour appuyer et renforcer les actions des autorités politiques nationales .etdes organisations internationales. Il nous faut Ir0llver les moyens pour perm~ttre une vie en conunun à l'écbelon univers~l, permettant le respect de chacun, et du pluralisD)e, sans replUdentitaire et daps des cadres agréés par tous. Folle ,utopie, peut-être. Nécessaire utopie, je le crois. '.

Les mécanismes de la 'pensée complexe (si bien' analysés par Edgar. Morin) pourraient permettre de ntieux penser et appliquer le droit international. Par le biais de'. tels mécanismes, le droit pourrait être en mesure d'échapper à l'illusion de la « pensée réductrice» qui voit dans l'ordre juridique un élément cliniquement isolé et « pur », de même qu'au piège de la « pensée globaliste»

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Regards d'une génération sur le droit international

qui perçoit l'ordre juridique comme un simple produit du jeu sociétal et tributaire consubstantiellement d'autres normes et valeurs non juridiques, L'utopie prônée et visée est une utopie de l'équilibre et du relativisme. C'est un refus du paradigme de la simplicité et de la simplification, Si le droit doit préserver son identité intrinsèque, il ne peut néanmoins être dissocié d'autres disciplines de régulation. Il lui faut vivre à côté et de pair avec celles-ci.

Le juriste doit faire sien l'instrument de l'inter-connectivité et s'aventurer sur d'autres « continents ». Il s'inspirera en cela de la maxime pascalienne d'aprés laquelle « je tiens pour impossible de connaître les parties en tant que parties sans connaître le tout, mais je tiens pour non moins impossible la possibilité de connaître le tout sans connaître singulièrement les parties ».

Références

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