G ERGONNE
Variétés. Essai sur la théorie des définitions
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 9 (1818-1819), p. 1-35
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VARIÉTÉS.
Essai sur la théorie des définitions ,
Par M. G E R G O N N E.
ANNALES
DE MATHÉMATIQUES
PURES ET APPLIQUÉES.
RIEN
ne sembleplus
propre 1rabattre Porgueil
deI~homme ;
à lui
inspirer
unejuste
deflance delui-même ,
et à lui montrer à-quel point
sont resserrées les bornes de sonintelligence ;
rien nepeut
mieux lui faire sentir combien cequ’il appelle
sa raison estencore
... enveloppé
de nuages et de ténèbres que ladivergence
desopinions
desplus grands philosophes,
ou du moins de ceuxqui
sontuniversellement tenus pour
tels , je
ne dirai pas sur telledoctrine’~
particulièrement
relative à telle ou telle branche de nos.connaissances’,.
mais sur ces doctrines
premières qui-
semblent devoir être- le fon-..~-dement
commun de tout savoir humain.?~?ï.
l.X ,.lla~ Z, t.~/M~/ t8i~,.
2
THÉORIE
~ . Cette
divergence d’opinions,
indice irrécusable de1",mperfection
de nos
lumières ,
ne se montre en aucunepart
d’une manièreplus frappante qu’en
cequi
concerne les définitions. Lesgéomètres
detous les
temps
y ont. attaché leplus grand prix
et laplus
hauteimportance :
Platonregardait , dit-on,
celuiqui
savait biendéfinir,
comme
participant
del’intelligence divine ;
et Pascal n’a pas hésite àregarder l’impossibilité
où nous sommes de toutdéfinir,
comme lasource
unique
de l’incertitude de nos connaissances.Locke a
professé
une doctrine à peuprès pareille ,
y touchant lesdéfinitions ;
etcependant ,
une sectephilosophique ,
sortie de sonécole ,
avoulu,
dans ces dernierstemps ,
lesfrapper
d’une sorte deproscription,
les asignalées,
non seulement commetout-à-fait inutiles, rr~~ais
même comme d’un usage extrêmementdangereux ;
etbeaucoup
de gens
aujourd’hui
ontadopte
etprofessent
hautement cette doctrine.Ce n’est pas tout encore :
parmi
lesphilosophes qui
ont admisla nécessité ou du moins l’utilité des
définitions ,
les uns , commeAristote et toute son
école ,
ontprescrit
de définir par le genreet la
di~’é~enee ~
tandisqu’au contraire, d’antres,
commeLocke,
ont
prétendu
que cette manière de définir n’était pastoujours
né- Pcessaire ni même
toujours possible. Enfin,
tandisqu’Aristote distingue
des
definitions
dechoses , sujettes
à êtrecontestées ,
etqui
doiventconséquemment
êtreappuyées
d’unedémonstration ,
et desdé,~’ar~itic~ns
dde noms,
qui
doivent être admises comme desaxiomes,
etplacées
aumême rang
qu’eux
dans lapratique
duraisonnement ;
d’autresphiloso- phes,
commePascal,
Hobbes etLocke,
y semblent n’en avoir reconnuque de la dernière sorte; et
d’Alembert , prenant
unparti mitoyen,
ad-met des
définitions qui, dit-il,
sont un peu moins que des définitions dechoses,
maiscependant
un peuplus
que desimples
définitions de noms.Il y aurait sans doute
beaucoup d’orgueil
àprétendre
dire encoreaujourd’hui quelque
chose de neuf sur unsujet
tant et silong-temps ,débattu ; mais ,
de même que lerapporteur
dans une affaire conten-tieuse peut souvent , avec des lumières d’ailleurs très -
bornées ,
résumer et
balancer
lesopinions ,
de manière arépandre plus
deDE LA
DÉFINITION.
3jour
sur ladiscussion,
et à lui donner une i.5~uc:favorable,
ilpeut
également
n’être pas sans intérèt et sans utilitéqu’un
homme debonne foi examine à
quoi
l’onpeut
raisonnablement s’en tenir àl’égard
desopinions
diversesauxquelles
la théorie des définitionsa donné
naissance ;
et c’est parcequ’il
nousparait qu’un éloigne-
ment bien décidé pour ce
qui
ressemble àl’esprit
de secte et departi ,
est laqualité
laplus désirable
de lapart
de celuiqui
voudraremplir
cettetâche ,
que nous hasardons del’entreprendre.
1. En examinant de
quelle
manière toutes leslangues
connuessont
consti~uct~s ,
onaperçoit
d’abordqu’elles
renferment touteségale-
ment et
principalement
deux sortes de rnots , dont les unsdésignent
des
objets individuels ,
tandis que les autres sont lessignes
dediverses collections
d’objets , plus
ou moinsnombreux ,
se ressemblant les uns aux autres parquelques points
dont la considération exclusivea conduit à en faire autant de groupes
distincts. Ainsi,
parexemple,
lemot Newton est le nom d’un seul
individu,
tandis que cPl~~i de Géomètre est, aucontraire,
le nom commun à une multitude d’hommes clifférens de pays decaractère ,
etc. ; mais se ressemblant du moinsen ce
pont qu’ils
cultivent tous ou ont touscultive
y dans ’le cours.de leur
vie ,
les sciences exactes d’une manièrespéciale.
‘Il serait assez difficile de décider si les noms individuels sont
plus
ou moins nombreux que les noms collectifs. Mais ce
qu’on peut
remarquer c’est que, tandis
qu’il n’y
aqu’une petite portion
desnoms individuels
qui
soient en usage danschaque localité,
les nomscommuns, au
contraire ,
y sont presque tous ~ àl’usage
de tout le.monde.
Ainsi ,
y parexemple,
les noms des rues et desplaces
d’uneville,
ceux des individus dont elle estpeuplée ,
yqui
sont d’ordinaire très-familiers aux gensqui
l’habitentdepuis long-temps,
sont inconnusde presque tous ceux
qui n’y
fontpoint
leurrésidence ;
tandis que lesmots
homme, oiseau, poisson ,
etc. , sontégalement
sans cesse-dans la bouche de tout le monde.
Nous avons dit presque tous , t parce que les termes d’arts et due
4 THEORIE
°sciences , Q1101Ql1 .ils
soient , pour laplupart ,
des nomscornmilns
ne sont
guères
farniliersqu’à
ceux parqui
ces arts et ces sciencessont cultives.
°
Ainsi
bien que les noms individuels soient extrêmementnombreux;
ils
sont, à l’égard
de chacun de nous enpartwulier y
cornme s’ilsétaient en
petit nombre ,
attendu que chacun de nous n’en abesoin ,
pour son usage , que d’un nombre assez
limité ;
et voilà comment,"d~~~s le
langage,
onemploie incomparablement plus
de nomscorramunsque de noms propres ,
quoiqu’il puisse
très-bien se faire que les derniers soientbeaucoup plus
nombreux que lespremiers. Quoi qu’il
en
soit ,
on sentqu’il
existe etqu’il
existeratoujours
une multi-tude innombrable
d’objets dépourvus
de nomsindividuels ; qu’il
serait d’autant
plus
difficile de les nommer tousqu’il
estin} possible
d.e les tous
connaître ;
etqu’on
sera d’autant moins sollicité à le fairequ’on
n’enpourrait
retirer .aucunavantage
réel.Ainsi,
tandisque les étoiles du
ciel ,
du moins celles que nous pouvons aper-cevoir ,
ont toutes reçu des noms , il esttrès-probable qùe
les arbresde nos forêts et les animaux
qui
les habitent ne serontjamais
honorésd’une
pareille
distinction.De même
qu’on
a inventé des mots pourdésigner
collectivement desobjets qui
se ressemblaient à certainségards ,
on en a inventaégalement
pour nommer des collections de groupesayant
aussi entreeux
quelques points
deressemblance ;
on en a inventé encore pourréunir,
par despropriétés
communes ,plusieurs
de ces collections de groupes, y et ainsi desuite ; jusque-là qu’on
est enfin.parvenu, .
d’abstraction enabstraction ,
là un motunique comprenant
univer-’
alitement dans sa
signification
tous lesobjets
de nospensées :
cxestle mot étre dans notre
langue.
Les
premiers
inventeurs delangues, c’est-à-dire ,
y lespremières
réunions
d’hommes,
ont donc fait par instinct ce quepostérieure-
ment les naturalistes ont fait par un dessein
réfléchi ,
J c’est-à-dire que , pour éluder ladifficulté,
ou , pour mieuxdire , l’impossibilité 4"imposer
des noms à tous lesobjets qui
affectaient oupouyaiènt
°
DE LA MPINITION.
5affecter lenrs sens, ou occuper leurs
pensées ,
ils se sontbornes à
former des
~lassr~s ,
desordres,
des genres, desespèces,
des~~ri~étés ,
etc. Mais onconçoit très-bien qu’entre
leur travail et celui desnaturalistes
ildoit y
avoir la même différencequi
existe entredes habitations Informes bâties à la
hâte,
dans la seule vue desatisfaire au
premier besoin ,
et desuperbes palais ,
élevésd’après
des
plans
dressés à l’avance etlong-temps
médités. Si donc le travail d.es naturalistes est loin d’êtreparfait ;
sichaque jour
on se trouveobligé d’y apporter quelques modifications , d’y remplir
deslacunes,
d’en faire
disparaitre
des doublesemplois
etd’y réparer
de gravesomissions ;
à comblenplus
forte raison les classificationsentreprises
par les
premiers
inventeurs deslangues
doivent-elles laisser à désirer.C’est seulement dans un état de civilisation très-avance
qu’on pourrait
tenter de
reprendre
unpareil
travail avec tout le soin que sembleexiger
son
importance ;
mais alorsmême ,
il laisseraittoujours quelque
chose à
l’arbitraire ;
et son exécution serait inévitablement subor- donnéeà
la tournured’esprit
et à la manière de voir et de sentird.e celui
qui
aurait le courage de s’encharger.
Sid’ailleurs,
commeon ne saurait en
disconvenir ,
lalangue
que nous avonsapprise
dans notre enfance est l’instrument dont nous nous servons pour penser ; il est naturel d’en conclure que le travail
grossier
des pre- miers inventeurs deslangues
ne serait pas sansquelque influence
Bsur ce
travail, plus perfectionné.
~ ,Nous venons
de
voir comment unpremier
genred’abstraction
avait donné naissance à ungrand
nombre de mots de noslangues :
110US allons voir un autre genre
d’abstraction
contribuer encore à les enrichir.Les
objets
de nospensées
ne sont réellementpour
nous-que des collections depropriétés
parlesquelles
nous avonsprise
sur eux.Que
le
sujet
danslequel
nous concevons cespropriétés puisse
en êtretotalement
dépouillé
sausperdre
toute existenceréelle ,
ou ,qu’au
contraire,
ce soit l’ensemble même de cespropriétés qui
en constituel’existence ;
c’est là ce que nous devonsprobablement consente
6
THÉORIE
à
toujours ignorer,
et cequ’au surplus
il nousimporte
assez peu de savoir.Mais tandis que, d’un
objet a
un autre ,quelques-unes
de cespropriétés
sontdifférentes ,
il en estd’autres
y aucontraire ., qui
sont constamment les mêmes dans
plusieurs objets ,
très-différens’d’ailleurs,
sous d’autresrapports ;
et c’est cequi
nous a conduità détacher ces
propriétés
desobjets
danslesquels
ellesrésident,
pour en faire le
sujet particulier
de nospensées ,
et a leurimposer
des noms ; et c’est
ainsi ,
parexemple,
que ce sont introduits dans lelangage
les motsqui représentent
lescouleurs ,
lesodeurs ,
lessaYeurs ,
etc. Ces mots nedésignent
ni desindividus,
ni des collec- tionsd’individus ;
mais seulement la manière commune dont nousaffectent,
sous unpoint
de vueparticulier,
certaines classes d’in-dividus.
Mais,
parce que , y dansl’origine,
on avaitreprésenté
les chosespar des mots ; on a été bientôt conduit à supposer que tous les mots
devaient
exprimer
deschoses ~ ayant
une existence réelle et indé-pendante ; ainsi ,
parexemple y
on s’estfiguré qu’il
existait unerondeur tont-à-fait
indépendante
desobjets
enqui
on remarque cettequalité ,
et l’on a sérieusementdemandé ,
parexemple ce
quedevenait
la rondeur d’une boule de cirelorsque
cette boule étaitapplatie.
C’est cetteréalité,
attribuée faussement à de pures con-ceptions
de notreesprit,
yqui
a donné naissance à tant de vaines dis-putes
et fait dire tant de sottises dans les écoles.Au
surplus ,
ce second genre d’abstraction n’est pas aussi diflé-rent du
premier qu’on pourrait
être d’abord tenté de lecroire ;
etil est
évident,
parexemple , qu’en
créant le mot blanc oublancheur,
on n’a fait autre chose que réunir dans une mème classe tous les,
objets
danslesquels
cette couleur se manifeste.On a donc créé des mots dont les uns
désignaient
desimples individus,’
les autres des collections
d’individus,
et d’autres enfin despropriétés
oumanières d’être
communes àplusieurs individus;
et ces mots sont ceI
DE LA
DÉFINITION. 7
qu"on appelle
des noms en termes degrammaire.
On les adistingués
ennoms
substantifs
et en nomsadjectifs ;
mais cette dist~nc~ion est née de lasupposition
de l’existence danschaque objet
d’un soutien ousupport
desqualités
parlesquelles
cetobjet
semanifeste ;
et ,comme cette
supposition
ne saurait êtreappuyée
d’aucune preuve, il s’ensuitqu’on
ne doit raisonnablement considérer la distinction des noms en noms substantifs et en nomsadjectifs ,
que cornme une distinctionpurement grammaticale.
Les noms tant substantifs
qu’adjectifs
ne spnt pas les seuls donton ait besoin dans les
langues,
et il est nécessaired’y
introduireencore des mots
qui marquent
les relations que les choses ont entreelles ;
tels sont les inotségalité, inégalité, ~r~2t~ri~risé , ,postérioritd, dessus, dessous , dedans, dehors,
et une multituded’aatres ,
donton
pourrait grammaticalement
faireplusieurs classes ,
mais que,philosophiquement parlant,
onpeut comprendre
dans une seule. Sil’on y joint
le verbesubstantif, c"est-à-dire ,
le verbe être ou sonéquivalent
dans les idiomesétrangers
à notrelangue ,
y on aura lacollection à peu
près complète
des mots strictement nécessaires àtoutes les
langues ,
etqui
se retrouvent à peuprès
dans toutes.Pour
qui
a peu de besoins et peu depensées ,
lalangue peut
impunément
être extrêmementbornée ; mais ,
à mesure que les besoins semultiplient que
les relations secompliquent,
t que lespensées
secombinent,
le besoin de mots nouveaux se fait sentir deplus
enplus ;
et , cequ’on paraît
n’avoir pas assezremarque y
c’est que ces mots
n’agissent simplement
que commeabréviation ;
et
qu’ils remplissent
exactement le même office queremplissent
enalgèbre
lessymboles
parlesquels ,
dans la vue desimplifier
lescalculs et leurs
résultats ,
onreprésente des
fonctions que l’onprévoit
devoir sereproduire fréquemment.
. On
peut
remarquer , eneffet,
t que , de mêmequ’en chimie, le
mixte le
plus composé
nepeut
oflrirqu’une
combinaison soit des élémens communs à tous les corps , soit d’autres mixtesplus simples,
formés eux-mêmes de la réunion de
quelques-uns
de cesélémens ;
8 THÉORIE
les idées
qu’une
scienceembrasse ~
lespropositions riont
elles3~
composent ,
ne sauraientégalement
contenir que les idées et pro-positions
élémentaires que l’étude de la science supposedéjà acquises ,
ou d’autres idées et
propositions
forméesdéjà
de la combinaison dequelques unes
decelles.ci.
Si donc on
n’iBvait
recours àquelques
moyensd’abréviation,
ilest aisé de sentir
qu’à.
mesurequ’on pénetrerait plus
avant dansquelque
science que cesoit, qu’à
mesure que lespropositions
s’éloi-gneraient davantage
des notionspremières
d’où on les auraitdérivées
elles secompliqueraient
deplus
enplus ;
et ce serait là un obstacleassez grave pour arrêter bientôt la marche de
l’esprit
humain dansses
recherches ,
et rendre ainsi leprogrès
des sciences tout-a faitimpossible.
On nepe.ut t-
eneffet ,
saisir nettement le sens d’uneproposition qu’autant
que les idées dont elle se compose et lesrapports
qu’elle
annonce exister entreel.les ,
sont simultanémentprésens
à la
pensée ;
et comme , d’un autrecôté ,
notreesprit
n’a pas la faculté d’embrasser à lafois ,
d’une manièredistic~cte ,
ungrand
nombre
d’objets ,
il est nécessaire d’en conclurequ’une proposition qui
renfermeexplicitement
dans sonénoncé ,
une multitude d’idéeset de
rapports divers,
est par làmême,
uneproposition
tout-à-faitinintelligible.
Prenons ,
parexemple,
cetteproposition
très-élémentaire degéo-
ïnctrie : Dans un
demï.cerclc ,
laperpendiculaire
abaissée d’un~r.i-nt ~uelcon~r~e
de lacir~conférence
sur le diamètre es-t- moyenneproportionnelle
entre les deux segmens de cediamètre ;
et supposonsque , dans la vue de nous
rapprocher
dulangage vulgaire,
nousvoulions ôter de cette
proposition
les motscirconférence, dia-métre~,
perpendiculaire
et moyenne,proportionnnell~ ,
il faudrait l’énoncerainsi :. Une courbe
plane ayant
tous sespoints ég~alr~rnent
distansd’un même
poiizt ; s~~, ayant
mené par cepoint
une droite ter-r~in~e- de
part
et- d’autre à l~cour~e ,
onmène-,
par un autrepoint quelconque
de cettecourbe,
une droitefaisant
desangles
~~a.~~
~vec~celle-là
t etlermt*-’Uèe, à
sa rerrcon~~°e avecelle~ ,
le-.. guarré~
DE LA DÉFINITION.
9quarré construit
sur cette dernière dro.~,*Ie seraé~ uivale~t
aurectan~le
construit sur les deux
par~~e,~ ~qu’elle
déter.,rzine sur lapremière.
.Voilà
y certes ,déjà
uneproposition
d’unepassable longueur; mais, qu’on
essaie d’en fairedisparaître
encore les motsangle , quarré--, r~etar~~ie, ~~uivulent ,
et l’on -verraqu’il
deviendra tout-à-fait im-p05s~b!e ~
non seulement de lacomprendre ,
mais même de l’énoncer nettement ; etcependant
il nes’agit
ici que d’uneproposition
tout-à-fait
élémentaire ;
que serait-ce donc s’il étaitquestion
dequelque
théorème de
niécaniqiie , tel ,
parexemple ,
que celui des vitesses’virtuelles ou de la conservation des forces ’vives..
-
C’est donc bien à tort que l’on
reproche
aux savans de nepoint parler
lalangue vulgaire
et d’en créer une exclusivement destinée à leur usage ; c’est au fond leurreprocher
des’occuper
d’autresobjets
que ceux donts’occupe
levulgaire ,
oud’envisager
lesobjets
sous d’autres
rapports.
Ce n’estpoint volontairement
c’est tout- àu fait par contraintequ’ils
créent des mots nouveaux, à mesurequ’ils pénètrent plus
avant dans leursrecherches ; peut-être
mêmepourrait-
on leur
reprocher,
aucontraire,
y de ne pas user assezlargement,
‘de cette
faculté ;
il y a apparencequ’alors beaucoup
departies
dessciences deviendraient d’une étude
plus facile ; précisément
parce qne lespropositions
dont cesparties
secomposent
deviendraient d’un énoncéplus
brief(*).
C’est en imitant exactement ce que font les
algéhristc-s lorsqu’ils
c-alculent que l’on pourra
parvenir
à --éluder cet inconvénient des ‘longues phrases.
A mesurequ’ils s’aperçoivent
que leurs résultatsse
compliquent ,
ils ont soin dedésigner
par un caractèreunique
(4) C’est, par
exemple ,
une chose tout-a-fait inconvenantequ’on
n’ait pasencore de nom pour
désigner
et la droitequi
divise unangle
en deuxparties égales
et laperpendiculaire
sur le milieu d’une droite. Le motprojection
peut aussi rendreplus
courtes , etconséquemment plus
claires ,beaucoup
de propo- sions degéométrie ;
i etcependant
il n’y aguère
que 1B1... ~l,tnc0153tU’qui
aitsongé jusqu’ici
à l’introduire dans les ~lémens.‘~ vrr~. 7~ ~
I0
-THÉOR 1 Z
chacune
des combinaisons
de lettresqui s’y
trouventrépétèes "P1u~
sieurs
fois ;
ilsopèrent
ensuite sur les nouveauxsymboles qu’ils
ontainsi institués comme ils l’avaient fait sur les
premiers ;
et, y si leursformules se
compliquent
de nouveau, ils lessimplifient
encore parun semblable
procédé,
etparviennent enfin,
parl’application répétée
du même
artifice,
à un dernier résultat dont lasimplicité n’a,
pour ainsidire ,
d’autres limites que cellesqu’il
leurplaît
de luiassigner.
A
lavérité ,
ce résultat final renferme autre chose que les élémensprimitifs
de laquestion
àlaquelle
il serapporte,
etpeut
même~)e renfermer aucun de ces
élémens ;
mais il n’en est pas pourcela
moins
intelli~ible , puisque
lessymboles
dont il se composerepré-
sentent des combinaisons connues soit de ces
élémens ,
soit d’autressymboles intermédiaires , qui
en son-t eux-mêmes des combinaisonsabsolument
déterminées. C’estainsi ,
parexemple ,
que si l’on ala formule
en y faisant
.elle
devient
,qui
devient elle-in~.meen
posant à
la foisC’est’ encore ainsi
quecontinuellement, dans le calcul,
onremplace
Itt, ~éri~e~ ‘
DE LA- DÉFIPrrTTON:
IIl1è1r les abréviations
Sin,x , Cos.x , e ,
w.Si donc on ne veut pas que les
propositions
secompliquent de plus
ehplus ,
à mesurequ’on
avance dans lessciences ,
il fautpareillement
créer des mots nouveaux pourdésigner
les combinaisonsd’idées, rapports,
ou vues del’e~prit
dont onprévoit
que la consi- dération pourra s’of’frirfréquemment ,
et que , sans cetartifice , on
ne
pourrait exprimer
que par delongues phrases.
Il est donc vraide dire
qu’en
créant ou enperfectionnant
une science on se trouveinévitablement conduit à créer ou à
perfectionner
unelangue ;
etil est encore vrai de dire que , de même
qu’en algèbre,
unchoix
heureux de notations rend les calculs
beaucoup plus
faciles à suivre et a exécuter, la bonnecomposition
dè lalangue
d’unescience,
quoiqu’elle
ne constitue pas seulela~7science ,
estsingulièrement propre à’
en faciliter l’étude et à
en
hâter lesprogrès.
En
ayant
doncl’attention y
toutes les fois du moins que le besoinou l’utilité s’en fera
sentir ,
deremplacer
une collection de motspar un mot
unique équivalent
9 il arrivera que lespropositions placées
aux dernières limites des sciences ne seront pas
plus compliquées
que les
propositions
élémentairesdesquelles
elles auront étédéduites ;
et , bien
qu’elles
soient formées de mots différens de ceuxqu’on
avait
employés
dans l’énoncé decelles-ci, elles
n’en seront paspour
I2
THÉORIE
cela moins
intelligibles puisque
le sens de chacun des motsdans
lesquels
elles serontexprimées
pourratoujours
êtreindiqué
à l’aided’autres mots dont la
signification précise
aura été antérieurement fixée. -On
pourrait objecter ici qu’en remplaçant
ainsi une collectionde mots par un mot
unique , l’esprit
n’en sera pas moinsoblige
de
porter
son attention sur la totalité des idées dont on l’aura constitué lesymbole
etqu’ainsi
on n’éviteraqu’en apparence
l’Inconvénient deslongues phrases
et l’obscuritéqu’elles
entraînent.Mais,
outrequ’une expérience
constante montre assez tcut l’avan-~a~c
que nous retirons de ces sortesd’abréviations,
soit dans le.discours ,
soitlorsqu’en nous-mêmes
nous nous aidons des mots pour penser , onpeut
observer .que ,lorsqu’une
Idée estexprimée
parun
grand
nombre de mots , nous ne pouvons la saisir nettementet la
distinguer
sûrement de toute autre idée dontl’expression
auraitdes
points
nombreux de ressemblance avec lasienne , qu’autant
quenotre attention se
porte successivement,
et même àplusleurs reprises
sur tous les mots
qui l’expriment ;
tandisqu’au contraire ,
en rem-plaçant
une collection de mo.ts par un motunique ,
dès-lors quenous nous sommes une fois rendue bien familière la
signification
dece mot, il
peint
nettement a notree&prit
la collection d’idéesqu’il
est destiné à
rappeler.
-On se convaincra ausurplus ,
d’une manièretout-à-fait
frappante ,
de l’exactitude de cesréflexions ,
en rené-chissant
à l’embarras extrême .où nous nous trouverions si les nomsdes nombres n’étaient
point inventés,
et si nous étions forcés de- les
suppléer
par l’énonciation distincte .de toutes les unités queces
nombres
renferment .Ce
nepeut
doncêtre ,
auplus ,
que -lespremières
foisqu’un
mot nouveau vient s’offrir à nous, que nous sommes
obligés
denous
rappeler
d’une manièreexplicite,
toutes les idéesqu’il
ex-prime ;
aussiéprouvons-nous
que c’est alors seulement que son usagenous cause
quelque embarras ;
mais cet embarrasdisparait
bientôtpar l’.effet de l’habitude ;
et nous netardons pas à
trouver y a~DE LA DÉFINITION.
I3’contraire;
untrès-grand
secours dansl’usage
de cette même ex-,pression dont ,
t aupremier abord ,
nous avions àpeine
entrevul’utilité. C’est
ainsi,
enparticulier,
t que toute la science du calcul repose sur lapuissance
des mots ,c’est - à -dire ,
surl’emploi
desdénominations
des diverses collections d’unités. On doitajouter
encorequ’assez
souvent onpeut
raisonner sur les mots sansqu il
soitbesoin de
s’enquérir
de leursignification ,
tout cornme enalgèbre
on exécute des
calculs ,
sans songer aucunement à ce querepré-
sentent les
symboles
surlesquels
onopère.
Mais comme enfin les mots ne sont au fond que de vains sons tout-à-fait
insignifians
pareux-mêmes
y et nepouvant
devenir lessignes
de nospensées qu’en
vertu d’uneconvention ;
et comme d’ailleurs il estimpossible
soit d’en faire unemploi convenable ,
soit de
con1p 1~ndre l’usage qu’en
font ceuxqui
nousparlent ,
sansêtre au courant de cette
convention
il est d’une nécessitérigoureuse
toutes les fois
qu’on
introduit des mots nouveaux dans lelangage
d’en circonscrire nettement le sens ; et c’est là ce
qu’on appelle
les définir.
Ainsi,
faire unedefinition,
c’estproprement
etunique-
ment annoncer que l’on convient
d’exprimer
al’avenir ,
par unmot
unique ,
choisiarbitrairement ,
une collection d’idées que ,sans le secours -de ce mot on serait
obligé d’exprimer
par le moyen .deplusieurs
autres, etconséquemment
d’une manièremoins briève.
Ainsi,
y parexemple , lorsqu’on
dit :j’appelle
nombrep.~emieT
un nombre entierqui
n’a d’autres diviseurs que lui-mêmeel
1unité’ ; j’appelle
.drâmé~re d’un cercle unelign-e
.droiteyui ,
tpassant
par son centre , setermine ,
depart
etd’autre,
y à sa circon-férence ,
on fait des définitions. La définition ne fait donc autre chosequ’établir
une identité de sens entre deuxexpressions
d’une mêmecollection d’idées dont la
plus simple
est nouvelle etarbitraire,
tandis que
l’autre , plus composée ,
est énoncée en mots dont ’lesens se trouve
déjà fixé ,
soit parl’usage,
soit par une convention antérieure. Demander donc si l’on doit définir les mots . c’est de-mander
à peuprès
s’il fautparler
à la manièredes perroquets ,
san~I4 TH~ORrBT
attacher-
aucune idée nette aux motsqu’on prononce ;
c’estdemandef
s’il estpermis
d’introduire un nouveausymbole
dans un calculalgébrique
sans faire connaîtrequelle
est la fonction desquantités déjà
connues que cesymbole représente.
D’après
l’idée que nous venons de donner des-définitions ,
il sem-. blerait
qu’elles
dussent être tout-à-faitarbitraires;
on les a néan-moins
assujetties
à desrégies parmi lesquelles ,
ausurplus ,
deuxseulement
paraissent d’obligation rigoureuse ,
maisqui pourtant
sont toutes bonnes à
observer ; voici
en peu de mots àquoi
elles se-réduisent :
1. La
d~~ni~ion
doitrenfermer
un mot- et~ ne doitr~en~’~rme~
~t~’un
seul mot dont lasignification
n’ait pas r~~.~ ant~rieurement~déterminée. IJ est
clair ,
eneffet , qu’une
définitionqui
ne renfer-4merait dans son énoncé que des mots connus ne serait
point
pro-prement
unedéfinition , puisqu’elle
ne fixerait le sens d’aucun mot.Elle
nepourrait
être considérée que comme unthéorème, lequel
aurait- besoin d’être
prouvé..
D’un autrecôte ,
une définitionqui présenterait
dans son énoncéplusieurs
mots dont lasignification
ne,serait pas antérieurement- connue ne mériterait pas
davantage
le nomde
définition , puisqu’elle
nepourrait ,
t auplus ; qu’établir
unerelation entre les idées que ces mots
expriment,
sansfixer
propre-ment le sens d’aucun d’eux. Le
premier
cas revient à celui où- l’ondonnerait ,
t enalgèbre ,
la valeur d’unequantité
connue enfonction d’autres
quantités également
connues ; le second revient.
a celui où l’on
exprimerait
unequantité
inconnue en fonction d’une. ,ou de
plusieurs
autres.quantités
tout aussi inconnuesqu’elle (*).
r .- ,-- -- . - -. -, . , --, . - -- ... - .,- ..- - - --
(*) Il est pourtant des définitions
qui,
bien querégulières,
sembleraient, au:premier
abord tpécher
contre la dernièrepartie
de cetterègle :
ce sont cellesqui
ont pourobjet
des motscomposés , tels -
parexemple
t que ceux-ci ; sciences exac~es , chimievé~étale ,
anatomie cornparée ,géométrie descriptive ».
‘etc. , mais ici chacun de ces mots
composés
doit être considéré comme n’enformant qu’un seul ‘
Il convient
aussi
d’observer que so~vel1tPartangemcut
des motssiimples
dans-DE LA DÉFINITION.
e I5La définition
nedevant
renfermer dans son énoncéqu’un
seulmot nouveau , on sent
d’après
celaqu’il
ne saurait êtrepermis
dedefinir -un mot à l’aide soit de ce mot
lui-même,
soit dequelqu’un
de ses dérivés ou
composés.
Cela reviendrait àvouloir,
enalgèbre,
donner la valeur d~une
inconnue,
soit au moyen de cetteinconnue,
soit à l’aide de
quelqu’une
de ses fonctions. Celuiqui,
parexemple ,
définirait
l’astronomie,
la science de l’astronomepécherait
évidem-demment contre ce
précepte. 1.
On donne aussi communément comme
règle
desdé-~nrtions ,
deme
point employer
le même mot àdésigner
deux idées ou deux collections d’idéesdifférentes ;
mais cetterègle ,
bienimportante
sans
doute,
se trouveimplicitement comprise
dans lapremière.
Siquelqu’un,
eneffet ,
par deux définitions-distinctes ,
sepermet
d’attacher successivement aumÓ"1c
mot des idéesdifférentes,
rienn’empêchera
d’admettre lapremière
de cesdéfinitions ,
et dès-lorsla
seconde ,
ne renfermantplus
aucun mot dont le sens ne soitdéjà
antérieurementfixé,
cessera par là même d’êtreproprement
-une définition. Ce sera donc un théorème dont on pourra demander
. la démonstration. C’est ainsi
qu’en algèbre ,
si l’on donne deuxvaleurs d’un
symbole
nouveau, en fonction dequantités
toutes-connues , on pourra fort bien admettre l’une
d’elles ;
mais il faudraensuite prouver que l’auttre coïncide avec celle-là.
Toutefois ,
à raison de larépugnance ~
peu fondée sansdoute
,que nous avons à
forger
des mots nouveaux , aussi souvent quenous en
éprouvons
le besoin oul’utilité ,
cetterègle, malgré
sonévidente
Importance y
n’estpoint prise
très à larigueur
dans lapratique ;
et on ne rencontre quetrop
souvent , dans lelangage ,
des mots
qui
sontpris,
tantôt sous uneacception
et tantôt sou$le mot romposj influe sur la
signific-ation
de celui.ci ~ et c’estainsi
parexemple , ~~’~ auteur pauvre peut fort M@a ne ]Pas être un pauvre
auteur. -