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Le désistement du crime chez des adolescents soumis à une ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance : l’éclairage apporté par les suivis des activités cliniques

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Academic year: 2021

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© Marie-Pierre Villeneuve, 2020

Le désistement du crime chez des adolescents soumis à

une ordonnance différée de placement sous garde et de

surveillance : l’éclairage apporté par les suivis des

activités cliniques

Thèse

Marie-Pierre Villeneuve

Doctorat en service social

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Le désistement du crime chez des adolescents

soumis à une ordonnance différée de placement

sous garde et de surveillance : l’éclairage apporté

par les suivis des activités cliniques

Thèse

Marie-Pierre Villeneuve

Sous la direction de :

Daniel Turcotte, directeur de recherche Isabelle F.-Dufour, codirectrice de recherche

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iii

Résumé

L’intervention avec les adolescents dont la délinquance est qualifiée de grave ou persistante (ADGP) présente d’importants défis pour les acteurs du système de justice pénale. L’un de ces défis concerne la détermination de la peine, laquelle doit, à la fois, les obliger à répondre de leurs actes et les engager dans une démarche de réadaptation et de réinsertion sociale. Depuis une trentaine d’années, le modèle des risques, des besoins et de la réceptivité guide le développement des politiques et des programmes d’intervention. Les peines alternatives visent à pallier les effets négatifs de la mise sous garde en assujettissant les adolescents à un suivi dans la communauté, selon des modalités plus sévères que la probation. Plusieurs éléments liés aux réponses pénales ont une incidence sur le risque de récidive et la réinsertion sociale. Les recherches inscrites dans une perspective de gestion du risque mettent en lumière les effets mitigés des peines alternatives, notamment chez les ADGP. Les modalités de surveillance et d’encadrement peuvent contribuer à prolonger les contacts avec les acteurs du système de justice pénale et, ainsi, inhiber les efforts de changement. En s’intéressant davantage aux taux de récidive et d’échec des mesures, ces recherches relèguent au second plan les changements qui surviennent dans les autres sphères de la vie des adolescents.

La perspective du désistement du crime, plus récente, s’intéresse plutôt aux processus de changements individuels et sociaux qui sous-tendent le passage de l’agir délictuel à la conformité, dans une visée de (ré)intégration sociale. Les recherches inscrites dans cette perspective ont permis de mieux comprendre comment les interventions des acteurs du système de justice pénale peuvent soutenir ou faire obstacle au désistement. Elles proposent de lutter contre la récidive en misant sur le développement du pouvoir d’agir, des forces et des potentialités des adolescents et de leur communauté. L’un des défis importants des intervenants psychosociaux est de trouver un équilibre entre leurs rôles d’agent de surveillance et d’agent de réadaptation, afin de soutenir les efforts de changement. Or, les connaissances sur le désistement à l’adolescence sont embryonnaires. La transition de l’agir délictuel à la conformité est une avenue de recherche intéressante, car elle s’intéresse plus particulièrement aux phases initiales du désistement en mettant l’accent sur l’ambivalence, l’introspection et le retrait social qui les caractérisent. La thèse a donc pour but d’explorer le désistement du crime d’ADGP soumis à une peine alternative.

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iv

Cette recherche qualitative analyse les dossiers de suivi de 26 ADGP soumis à une peine alternative, l’ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance (ODP), afin d’identifier les éléments individuels, relationnels et structurels qui sont favorables ou qui font obstacle à la transition vers le désistement du crime, laquelle se découpe en trois phases : 1) l’arrêt de la délinquance, 2) l’adoption de nouveaux rôles sociaux et 3) les changements identitaires. Cette recherche s’intéresse spécifiquement à l’ODP en raison de ses effets mitigés sur la récidive et la réinsertion sociale. L’analyse des dossiers de suivi met en évidence les éléments favorables aux changements comportementaux, cognitifs, identitaires et relationnels qui surviennent durant cette transition. Il en ressort que le désistement tertiaire, c’est-à-dire l’intégration sociocommunautaire, est importante pour soutenir les efforts de changement des adolescents. La gestion « éducative » des manquements, l’exploration de rôles sociaux, l’aide offerte pour répondre à des problèmes spécifiques, l’accompagnement dans les démarches et les encouragements apparaissent comme des interventions favorables pour soutenir le désistement. En effet, elles permettent aux adolescents de développer des habiletés personnelles et sociales, en plus de jeter les bases d’un projet de vie structurant. Par ailleurs, les interventions axées sur la surveillance et le contrôle peuvent inhiber les changements. La recherche montre le rôle central des intervenants pour engager les ADGP assujettis à une peine alternative dans un processus de désistement.

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v

Abstract

Actors of the criminal justice system are faced with significant challenges in their interventions with juveniles classified as serious or persistent offenders (JSPO). One of these challenges is sentencing, which must both compel them to answer for their actions and engage them in a process of rehabilitation and social reintegration. For the past 30 years, the risk, needs and responsivity model has guided the development of policy practices and intervention programs. Alternative sentences are intended to address the negative effects of custody, placing adolescents under community supervision, while monitoring them more closely than they would be under a probation order. However, several factors related to criminal responses have an impact on the risk of reoffending and social reintegration. In this regard, research from a risk management perspective highlights the mixed effects of alternative sanctions, particularly among JSPO. By focusing more on recidivism rates and measures of failures to comply, this perspective does not shed light on the changes that occur in other life spheres during supervision.

The more recent perspective of desistance from crime focuses instead on the processes of change that underlie the transition from delinquency to conformity, seen as an integral part of a broader social reintegration process. Research stemming from this perspective have provided a better understanding of how actors of the criminal justice system can support or hinder desistance. The perspective envisions to fight recidivism by focusing on the development of agency, strengths and potentialities of both JSPO and their communities. One of the biggest challenges faced by practitioners is balancing their dual role of control and rehabilitative agents in order to foster changes. However, knowledge is sparse regarding desistance among JSPO. The transition towards desistance is an interesting avenue of research, because it focuses specifically on the early stages of the process, taking into account its fragility by emphasizing the ambivalence, the introspection, and the social withdrawal that characterize this part of the process.

This qualitative research analyzes the case files of 26 JSPO subjected to an alternative sanction, the Deferred Custody and Supervision Order (DCSO), in order to identify individual, relational and structural factors that are favorable or that hinder the transition towards desistance, which comprises three phases: 1) the cessation of delinquency, 2) the adoption of new social roles, and, 3) identity shifts.

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vi

This research focuses especially on DCSO because of its mixed effects on recidivism and social reintegration. The case files analysis highlights the factors that are favorable to behavioral, cognitive, identity, and relational changes that occur in the transition towards desistance. It shows that tertiary desistance, defined as community (re)integration, is important to support JSPOs’ change efforts. An “educational” approach to failures to comply, the exploration of social roles, the help offered to address particular issues, the accompaniment to fulfill specific tasks as well as constant encouragements appear as favorable intervention practices to support desistance. They allow adolescents to develop personal and social skills, in addition to laying the foundations for a meaningful and structuring life project. On the other hand, interventions focused on surveillance and control may inhibit change. The research shows that the professionals involved in the management of JSPO subjected to alternative sanctions play an important role in assisting them to engage in a desistance process.

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vii

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Abréviations ... xi

Remerciements ... xii

Avant-propos ... xiii

Introduction générale ... 1

Survol des connaissances sur le désistement ... 7

Référents théoriques de l’étude du désistement ... 8

Précisions méthodologiques ... 14

Chapitre 1 – The Transition towards Desistance from Crime among Serious Juvenile Offenders: A Scoping Review ... 20

Résumé ... 21

Abstract ... 21

Implications Statement ... 22

Introduction ... 22

Conceptual Considerations ... 23

The Transition towards Desistance ... 24

Methodology ... 25

Search Strategy ... 26

Screening and Selection ... 26

Findings ... 28 Study Characteristics ... 28 Individual Factors ... 34 Relational Factors ... 36 Structural Factors ... 38 Limitations ... 38 Conclusion ... 39 References ... 42

Chapitre 2 - Assisting Desistance in Formal Settings: A Scoping Review ... 47

Résumé ... 48

Abstract ... 49

Introduction ... 49

Towards desistance: looking beyond primary and secondary desistance ... 50

Assisting desistance ... 51 Methodology ... 54 Results ... 56 Study characteristics ... 56 Qualitative analysis ... 66 Discussion ... 72 Limitations ... 75 Conclusion ... 76 References ... 77

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viii

Chapitre 3 - Désistement assisté : vecteur d’intégration sociocommunautaire pour des

adolescents engagés dans une délinquance grave et persistante... 83

Résumé ... 84

Introduction ... 84

Les peines alternatives ... 87

De la peine au désistement ... 89 Méthodologie ... 90 Échantillon ... 91 Analyse ... 95 Résultats ... 95 Phase de séparation ... 95 Phase critique ... 97

Vers l’intégration des changements ... 101

Discussion ... 102

Conclusion ... 107

Références ... 108

Conclusion générale ... 112

Synthèse des résultats ... 114

Le désistement primaire ... 114

Les considérations agentielles, relationnelles et structurelles ... 116

Forces et limites de la thèse ... 120

Pistes de recherche ... 121

Retombées pour les milieux de pratique ... 122

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Liste des tableaux

Tableau 1.1 General characteristics of included studies (n = 26) ... 29 Tableau 2.1 General characteristics of included studies (n = 20) ... 58 Tableau 3.1 Caractéristiques de l'échantillon (n = 26) ... 93

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Liste des figures

Figure 1.1 Conceptualisation of the transition towards desistance ... 25

Figure 1.2 PRISMA flowchart of study selection process ... 27

Figure 2.1 PRISMA flow chart of study selection process ... 55

Figure 2.2 Model of impact of assisted desistance in formal settings ... 73

Figure 3.1 Le processus de désistement du crime ... 90

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xi

Abréviations

ADGP Adolescents dont la délinquance est qualifiée de grave ou persistante

CJ Centre jeunesse

DJ Délégué.e.s à la jeunesse

LPJ Loi sur la protection de la jeunesse

LSJPA Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ODP Ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance

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Remerciements

Je tiens d’abord à remercier mes directeurs de recherche, Daniel Turcotte et Isabelle F.-Dufour pour leur accompagnement et leur soutien tout au long de mon parcours doctoral. Monsieur Turcotte, je vous remercie pour votre générosité, votre disponibilité et votre perspicacité. Vous avez su me ramener à l’essentiel et vous m’avez grandement aidée à mettre de l’ordre dans mes idées parfois éparpillées! Ce fût un énorme privilège de pouvoir compter sur votre direction. Isabelle, je ne sais trouver les mots pour t’exprimer toute ma gratitude. Merci de m’avoir prise sous ton aile. Merci pour ta générosité, ta patience, ton ouverture. Merci pour toutes ces opportunités que tu m’as offertes durant ces cinq dernières années. Ta présence, ton soutien, ta disponibilité, ta bonne humeur, ton engagement, ta passion et ton écoute ont eu une influence déterminante dans mon parcours.

Je remercie les membres de mon comité de thèse, mesdames Renée Brassard et Catherine Rossi pour leur disponibilité et leurs conseils.

Je tiens également à remercier le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, le Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles et le Centre international de criminologie comparée pour leur soutien financier.

J’ai eu l’honneur et le privilège de côtoyer des personnes remarquables tout au long de mon parcours. Je remercie mon extraordinaire collègue et amie Gabrielle. Merci pour ton écoute, ton ouverture et ton soutien. Sincèrement, ta présence a été déterminante. Julie, merci pour tes encouragements, pour ton écoute et pour ton soutien. Annie-Claude, mon amie depuis toujours : merci de toujours être là pour me soutenir, m’encourager, m’écouter et me faire voir la vie autrement. Je tiens aussi à remercier mon frère Jean-Philippe et ma belle-sœur Laurence pour leur soutien, leur intérêt et leurs encouragements. Finalement, je ne saurais exprimer toute ma gratitude envers mes parents. Je suis choyée d’avoir reçu autant d’amour, de soutien et d’encouragements. Je n’aurais pas pu réaliser cette thèse sans vous.

J’ai une pensée toute spéciale pour mes grands-parents, qui m’ont donné tout ce dont j’avais besoin pour en arriver jusqu’ici. Cette thèse est à votre mémoire.

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Avant-propos

La présente thèse intègre trois articles publiés ou soumis pour publication. Ils font l’objet des chapitres 1, 2 et 3.

Le premier article, présenté au chapitre 1, s’intitule « The Transition Towards Desistance from Crime Among Serious Juvenile Offenders: A Scoping Review ». Il a été publié en 2019 dans la revue Australian Social Work, volume 72, numéro 4, aux pages 473 à 489. Le texte présenté dans cette thèse est la version finale de l’article. Marie-Pierre Villeneuve en est l’auteure principale. Elle a rédigé l’entièreté de l’article, lequel a été révisé par Isabelle F.-Dufour et Daniel Turcotte.

Le deuxième article s’intitule « Assisting Desistance in Formal Settings: A Scoping Review ». Il est présenté au chapitre 2. Il a été soumis pour publication à la revue Criminologie le 25 juillet 2019. Marie-Pierre Villeneuve en est l’auteure principale. Elle a rédigé l’entièreté de l’article, lequel a été révisé par Isabelle F.-Dufour et Stephen Farrall.

Le troisième article est présenté au chapitre 3. Il s’intitule « Désistement assisté : Vecteur d’intégration sociocommunautaire pour des adolescents engagés dans une délinquance grave ou persistante ». L’article a été publié en 2020 dans la revue Criminologie, volume 53, numéro 1, aux pages 227 à 254. Le texte présenté dans cette thèse est la version finale de l’article. Marie-Pierre Villeneuve en est l’auteure principale. Elle a rédigé l’entièreté de l’article, lequel a été révisé par Isabelle F.-Dufour et Daniel Turcotte.

Chacune de ces publications est suivie de sa propre liste de références. Une liste des références citées en introduction et en conclusion est présentée à la fin de la thèse.

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Introduction générale

Les différentes mesures législatives canadiennes qui se sont succédé pour répondre à la délinquance à l’adolescence sont le reflet des conceptions de ce problème social et des moyens privilégiés pour maintenir un équilibre entre la protection de la société et la réinsertion sociale des personnes ayant contrevenu aux lois. À certaines époques, la priorité a été placée sur les mesures punitives, alors jugées comme étant les plus efficaces pour assurer la diminution des risques de récidive. À d’autres, elle a été mise sur les mesures d’aide axées sur l’intégration sociale. Les principes guidant l’application de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) laissent transparaitre ce fragile équilibre. D’une part, la loi reconnait que les mesures extrajudiciaires sont généralement suffisantes pour répondre à la délinquance. D’autre part, elle élargit l’éventail des réponses pénales en introduisant de nouvelles peines, plus sévères que la probation.

Au Canada, la délinquance chez les adolescents âgés entre 12 et 17 ans revêt généralement un caractère exploratoire et les actes posés constituent, dans plusieurs cas, des gestes isolés dont la gravité relative est faible, par exemple des actes de vandalisme ou des vols à l’étalage (Allen et Superle, 2016; Lafortune et Royer, 2015; Miladinovic, 2016). Conséquemment, entre 50% et 60% de ces adolescents font l’objet de mesures ou de sanctions extrajudiciaires1 et, pour la plupart, ils ne

récidivent pas par la suite. Pour les autres, la sévérité et la fréquence des délits augmentent progressivement pour atteindre un sommet entre 16 et 18 ans (Bottoms et Shapland, 2011; Lussier, McCuish et Corrado, 2015; Piquero, Hawkins et Kazemian, 2012). Ainsi, entre 15% et 25% des adolescents présentent un profil de délinquance qualifiée de grave ou persistante (ADGP) en raison de la gravité, de la diversité, de l’intensité et de la récurrence des gestes posés (Borduin, Dopp et Taylor, 2013; Lafortune et Royer, 2015; Piquero et al., 2012; Stouthamer-Loeber, Wei, Loeber et Masten, 2004). En plus de présenter d’importantes difficultés au plan du fonctionnement social, ils commettent la majorité des délits attribués aux adolescents de 12 à 17 ans et ils ont des taux élevés de récidive et de non-respect des sanctions imposées, les exposant aux peines les plus sévères et

1 À la suite de leur intervention auprès de l’adolescent soupçonné d’avoir commis une infraction, les policiers peuvent

appliquer des mesures extrajudiciaires, par exemple décider de ne prendre aucune mesure, donner un avertissement, renvoyer l’adolescent à un organisme communautaire, ou lui faire une mise en garde formelle. Les sanctions extrajudiciaires sont établies à l’intérieur de programmes spécifiques à chaque province. Au Québec, la sanction extrajudiciaire peut être de participer à un programme de développement des habiletés sociales, faire des travaux communautaires, rédiger une lettre d’excuse à la victime ou participer à une médiation avec celle-ci (L.C. 2002, c. 1 art. 6, art. 8; ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2016a).

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multipliant, par le fait même, leurs contacts avec les acteurs du système de justice pénale (policiers, procureurs, intervenants psychosociaux) (Borduin et al., 2013; Bottoms et Shapland, 2011; Kirk et Sampson, 2013; Lafortune et Royer, 2015; Le Blanc, 2010; McAra et McVie, 2010; Piquero et al., 2012; Stouthamer-Loeber et al., 2004). Au début de l’âge adulte, 30% à 40% d’entre eux ont toujours des démêlés avec la justice (Brame, Mulvey, Schubert et Piquero, 2016; Lussier et al., 2015). Ainsi, bien qu’ils soient peu nombreux, les ADGP mobilisent d’importantes ressources humaines et financières en raison de leurs profils psychosociaux et de délinquance complexes. Répondre à la délinquance grave ou persistante à l’adolescence comporte donc de nombreux défis pour les acteurs du système de justice pénale.

L’un de ces défis concerne la détermination de la peine, qui doit, à la fois, obliger les ADGP à répondre de leurs actes et les engager dans une démarche de réadaptation et de réinsertion sociale (L.C. 2002, c. 1, art. 3). Ce défi est particulièrement complexe en raison de l’éventail des mesures pénales. Outre la probation et la mise sous garde, elles incluent des peines alternatives qui varient selon leurs modalités de surveillance et d’encadrement (Junger-Tas, 2008). Plusieurs études amènent à conclure que les peines alternatives peuvent avoir des effets négatifs sur la récidive et la réinsertion sociale des ADGP. En effet, l’intensité de la surveillance et le nombre de conditions à respecter augmentent la probabilité qu’ils commettent des manquements, c’est-à-dire qu’ils ne respectent pas la peine imposée, et, conséquemment, qu’ils se voient imposer d’autres sanctions, prolongeant leurs contacts avec les acteurs du système de justice pénale (Brame et al., 2016; McAra et McVie, 2010; Pogarsky et Piquero, 2003; Sprott et Myers, 2011). La multiplication des procédures judiciaires accentue les difficultés vécues par les ADGP et elle peut nuire à leur développement identitaire ainsi qu’à leur fonctionnement social, en plus de limiter les possibilités de changement (Bottoms et Shapland, 2016; Graham et McNeill, 2017; Lussier et al., 2015; McAra et McVie, 2010; Moffitt, 1993; Shapland et Bottoms, 2011). La réponse pénale peut contribuer à la stigmatisation des ADGP, qui font l’objet d’une surveillance plus étroite de la part des policiers et des intervenants psychosociaux en raison de leur statut de récidiviste (McAra et McVie, 2010; Pogarsky et Piquero, 2003; Sprott et Myers, 2011). Outre les impératifs légaux, les pratiques d’intervention apparaissent une dimension de la réponse pénale qui a un effet sur la récidive et la réinsertion sociale.

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Pour les intervenants psychosociaux, un défi important de l’intervention avec les ADGP consiste à trouver et à maintenir un équilibre entre leur rôle d’agent de surveillance et celui d’agent de réadaptation, de façon à s’assurer que les adolescents respectent la peine imposée et ne récidivent pas, mais aussi qu’ils développent les habiletés nécessaires à leur réinsertion sociale (Briggs, 2013; Trotter, 2015; Robinson, 2016). Pour soutenir cette intervention, le modèle du risque, des besoins et de la réceptivité (RBR) est souvent mis de l’avant. Ce modèle représente, pour plusieurs intervenants, la référence en matière de développement de programmes d’intervention efficaces pour contrôler la récidive et favoriser la réinsertion sociale des adolescents et des adultes qui commettent des délits (Andrews et Bonta, 2007; Case et Haines, 2016; Hannah-Moffat et Maurutto, 2003; Junger-Tas, 2008; Robinson, 2016; Trotter, 2015). Il fournit les bases pour relever les défis majeurs de l’intervention avec les ADGP. Il privilégie une évaluation actuarielle et objective, appuyée par des outils standardisés, des facteurs de risque et des besoins à l’origine de la délinquance (Andrews et Bonta, 2007; Bonta, 1997; Cortoni et Lafortune, 2009; Hannah-Moffat et Maurutto, 2003).

Selon la philosophie du modèle RBR, les programmes correctionnels ont une plus grande incidence sur la récidive que les sanctions pénales (Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen, 1990). Pour être efficaces, les « programmes de traitement des délinquants » (Bonta, 1997, p. 1), qu’ils soient adolescents ou adultes, doivent prendre en compte trois aspects : le risque, les besoins et la réceptivité (Andrews et al., 1990; Andrews et Bonta, 2007; Bonta, 1997). Le principe du risque consiste à apparier l’intensité de l’intervention au niveau de risque de récidive (Andrews et al., 1990; Andrews et Bonta, 2007; Bonta, 1997). L’intervention auprès des ADGP sera efficace, dans la mesure où ceux qui présentent les risques de récidive les plus faibles bénéficient de programmes dont l’intensité est faible, et que ceux qui présentent les risques plus élevés reçoivent des services de façon plus intensive (Lipsey, 2009; Lowenkamp, Flores, Holsinger, Makarios et Latessa, 2010; Trotter, 2015; Trotter et Evans, 2012). Selon le principe des besoins, les interventions seront efficaces si elles ciblent les besoins criminogènes, identifiés lors de l’évaluation du risque de récidive. Ces besoins sont définis comme des facteurs de risque dynamiques, donc modifiables, directement liés à la délinquance. Il peut s’agir de problèmes de consommation de substances psychoactives, de la fréquentation de pairs délinquants et de cognitions antisociales (Andrews et al., 1990; Andrews et Bonta, 2007; Bonta, 1997). Les besoins criminogènes servent « d’objectifs dans le cadre du traitement, et si l’on arrive à y porter remède, le risque de récidive peut décroitre » (Bonta, 1997, p. 6). Les besoins dits non criminogènes,

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tels l’anxiété, l’estime de soi et la détresse psychologique, sont relégués au second plan, puisque « l’on doute que le fait de diminuer l’anxiété ou d’accroître l’estime de soi ait un effet à long terme sur le comportement criminel futur » (Bonta, 1997, p. 6). Finalement, selon le principe de la réceptivité, les interventions seront efficaces si elles prennent en compte les caractéristiques des personnes auxquelles elles s’adressent, notamment leurs capacités d’apprentissage, et qu’elles visent à corriger les modes de pensée et les comportements à l’origine des conduites délinquantes (Andrews et Bonta, 2007; Bonta, 1997; Cortoni et Lafortune, 2009; Hannah-Moffat et Maurutto, 2003; Maruna, 2015; Robinson, 2016). Le principe de la réceptivité met l’accent sur le développement de programmes d’intervention, c’est-à-dire d’un ensemble d’activités concrètes et structurées, visant à réduire le risque de récidive et à favoriser la réinsertion sociale. Ces programmes, basés sur l’approche cognitive-comportementale (Andrews et al., 1990; Cortoni et Lafortune, 2009), se traduisent en activités qui sont généralement décrites et expliquées à l’intérieur de manuels d’intervention (Cortoni et Lafortune, 2009).

Les recherches sur la pertinence des peines et l’efficacité du suivi, qui sont pour la plupart inscrites dans le modèle RBR, ont permis d’identifier des programmes d’intervention efficaces pour réduire la récidive et favoriser la réinsertion sociale. À cet égard, certaines pratiques en contexte de suivi intensif dans la communauté sont associées à un plus faible taux de récidive chez les ADGP (Hart, 2010; Lipsey, 2009; Trotter, 2015; Trotter et Evans, 2012). Elles incluent : tenir les rencontres dans des milieux informels, accompagner les adolescents dans leurs démarches d’emploi ou à leurs rendez-vous, leur expliquer en termes clairs la nature de l’ordonnance et vérifier leur compréhension, impliquer leurs parents dans l’intervention et intervenir avec le système familial, souligner les progrès et les efforts réalisés, ainsi que proposer rapidement des moyens pour surmonter les obstacles au respect des conditions de la peine. Une relation positive avec l’intervenant peut les amener à modifier la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et de leurs relations avec les autres (Matthews et Hubbard, 2007). Le contexte d’intervention, les approches et les techniques utilisées, les caractéristiques de l’intervenant et la disponibilité des ressources communautaires sont autant de facteurs qui ont une incidence sur la récidive et la réinsertion sociale (Barry, 2013; Kim, Merlo et Benekos, 2013; Lipsey, 2009; Lowenkamp et al., 2010). Bien qu’elles aient permis d’identifier des programmes efficaces, les recherches inscrites dans le modèle RBR ne permettent pas de comprendre comment ou pourquoi ils le sont, c’est-à-dire les mécanismes par lesquels les changements s’opèrent et dans quels contextes

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(Hannah-Moffat et Maurutto, 2003; Maruna, 2015; McNeill, 2006). Ainsi, plusieurs questions demeurent. Comment des adolescents, qui commettent des délits de façon récurrente, en viennent-ils à cesser de le faire, malgré qu’ils soient soumis à des peines plus sévères, associées à des taux élevés de manquement et de récidive? Dans quels contextes parviennent-ils à s’éloigner de la délinquance? Comment parviennent-ils à maintenir cette prise de distance? Comment leurs intervenants gèrent-ils les manquements commis? Dans quelle mesure les intervenants psychosociaux peuvent-ils soutenir ou nuire aux changements?

Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, des chercheurs ont mis de l’avant la perspective du désistement du crime2, se concentrant sur l’identification et la compréhension des

mécanismes individuels et sociaux par lesquels une personne, dont la délinquance est qualifiée de grave ou persistante, non seulement cesse de commettre des délits –désistement primaire–, mais adopte de nouveaux rôles sociaux qui conduisent à des changements identitaires –désistement secondaire–, et intègre ou réintègre la communauté –désistement tertiaire– (Bersani et Doherty, 2018; Bottoms et Shapland, 2011; Farrall, 2002; Giordano, Cernkovich et Rudolph, 2002; Graham et McNeill, 2017; Healy, 2012; King, 2014; Laub et Sampson, 2003; Maruna, 2001; 2015; Maruna et Farrall, 2004; Maruna, Immarigeon et LeBel, 2004; McNeill, 2016; Paternoster et Bushway, 2009; Shapland et Bottoms, 2016; Weaver, 2016). Selon la perspective du désistement, l’efficacité des politiques et des programmes d’intervention repose sur leurs apports aux processus de changement. On y reconnait le pouvoir d’agir des personnes judiciarisées qui peuvent entreprendre, réaliser et maintenir des changements en dehors de, parfois même malgré, l’intervention des acteurs du système de justice pénale (Barry, 2013; Farrall, 2002; Graham et McNeill, 2017; Halsey, Armstrong et Wright, 2017; Maruna, 2015; McNeill, Farrall, Lightowler et Maruna, 2012). En outre, ce pouvoir d’agir peut être restreint par les problèmes psychosociaux associés à la délinquance grave ou persistante (Bottoms et Shapland, 2011; Farrall, 2002; Healy, 2012; King, 2014; Nugent et Schinkel, 2016), par exemple : une consommation abusive de substances psychoactives, des troubles de santé mentale, des difficultés et des retards scolaires, auxquels s’ajoutent parfois des pratiques parentales inadéquates ou encore l’exposition à la violence ou à la criminalité (Ayers, Williams, Hawkins, Peterson, Catalano et Abbott,

2 De manière générale, le terme délinquance est préféré à ceux de crime ou criminalité lorsqu’il est question d’adolescents

qui commettent des délits. Aux fins de la présente thèse, l’expression « désistement du crime » est utilisée dans un souci de cohérence avec les écrits scientifiques qui portent sur cet objet d’étude spécifique.

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1999; Bottoms et Shapland, 2011; Brame et al., 2016; Loeber, Stouthamer-Loeber, van Kammen et Farrington, 1991; Lussier et al., 2015; Piquero et al., 2012; Stouthamer-Loeber et al., 2004; van Domburgh, Loeber, Bezemer, Stallings et Stouthamer-Loeber, 2007). Dans le cas particulier des ADGP, ce pouvoir d’agir est aussi limité par les effets stigmatisant de la multiplication des contacts avec l’appareil judiciaire, du fait qu’ils présentent des taux élevés de manquement et de récidive (Brame et al., 2016; Lussier et al., 2015; McAra et McVie, 2010; Sprott et Myers, 2011).

L’étude du désistement assisté, c’est-à-dire le désistement soutenu par des interventions professionnelles, s’est avérée pertinente pour comprendre comment les réponses pénales peuvent favoriser ou nuire aux changements (Farrall, 2002; Halsey et al., 2017; Healy, 2012; King, 2014; McCulloch, 2005; Rex, 1999). Il s’agit d’une avenue de recherche intéressante pour identifier les éléments favorables au désistement des ADGP et, ainsi, optimiser les politiques et pratiques d’intervention en limitant la fréquence, la durée, l’intensité et la gravité de la délinquance, en plus de contribuer à l’amélioration du fonctionnement social (Borduin et al., 2013; Bottoms et Shapland, 2016; Kazemian, 2007; Loeber et Farrington, 2012; Lussier et al., 2015; Mulvey et al., 2004; Piquero, Diamond, Jennings et Reingle, 2013; Schubert, Mulvey et Pitzer, 2016). Cependant, les connaissances sur le désistement des ADGP en contexte de suivi pénal sont embryonnaires, bien que la proximité du passage à la vie adulte soit une période déterminante (Borduin et al., 2013; Kazemian, 2007; Laub et Boonstoppel, 2012; Lussier et al., 2015; Mulvey et al., 2010; Piquero et al., 2013). Elle représente à la fois une fenêtre d’opportunité de changements et une période de grande vulnérabilité, alors que la délinquance peut se cristalliser (Thornberry et al., 2012). Pour engager et accompagner les ADGP assujettis à une peine alternative vers le désistement, il apparait essentiel d’identifier les éléments individuels, relationnels et structurels qui y sont favorables et qui peuvent y faire obstacle, mais surtout de comprendre comment ils exercent leur influence. À notre connaissance, aucune étude ne s’est penchée sur ce sujet.

Ainsi, considérant les défis importants de l’intervention avec les ADGP, particulièrement lorsqu’ils sont assujettis à une peine alternative, et le manque de connaissances quant aux éléments favorables et nuisibles aux changements, la thèse a pour but d’explorer le désistement du crime d’ADGP soumis à une peine alternative. Plus spécifiquement, elle s’intéresse aux éléments associés aux trois phases de la transition du désistement primaire vers le désistement secondaire, en tentant de discerner lesquels

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sont favorables ou nuisibles : 1) à l’arrêt de la délinquance, 2) à l’adoption de nouveaux rôles sociaux et 3) aux changements identitaires. Elle cible, à la fois, des besoins des milieux scientifiques et de pratiques, en contribuant, ultimement, à l’avancement des connaissances sur les phases initiales du désistement des ADGP.

Survol des connaissances sur le désistement

Le désistement est défini comme un processus de changement graduel en trois stades. D’abord, le désistement primaire, ou comportemental (Nugent et Schinkel, 2016), correspond aux périodes pendant lesquelles une personne, dont la délinquance est qualifiée de persistante, apporte des modifications à son comportement, la principale modification étant de s’abstenir de commettre des délits (Maruna et Farrall, 2004). D’autres changements comportementaux concernent les routines et les lieux fréquentés (Farrall, Hunter, Sharpe et Calverley, 2014; Nugent et Schinkel, 2016), ou encore, le contrôle de soi (Bottoms et Shapland, 2011; Healy, 2012; King, 2014). Le désistement primaire est plus que l’absence de récidive. Il s’agit d’une période de transition marquée par l’ambivalence, l’introspection et le retrait social (Healy, 2012; King, 2014; Nugent et Schinkel, 2016), au cours de laquelle les désisteurs apprennent à vivre une vie exempte de délinquance (Bottoms et Shapland, 2016).

Ensuite, le désistement secondaire, ou identitaire (Nugent et Schinkel, 2016), réfère à l’adoption de nouveaux rôles sociaux qui conduisent à une identité de « personne transformée » (changed person, voir Maruna, Immarigeon et LeBel, 2004, p. 19) à la suite de changements cognitifs et identitaires, soit de modifications dans la façon de penser et de se définir. Les changements cognitifs incluent le développement d’attitudes défavorables à la délinquance, la mise en action vers l’actualisation de nouveaux objectifs de vie, l’ouverture au changement ou encore, la reconnaissance des torts causés à soi-même et à autrui (Giordano et al., 2002; Giordano, Schroeder et Cernkovich, 2007; Maruna, 2001). Les changements identitaires marquent une scission entre la vision de soi passée, associée aux périodes de délinquance, et la vision de soi actuelle et future, tournée vers l’adoption d’un mode de vie conforme aux normes et aux attentes sociales (Maruna, 2001; Maruna et Roy, 2007; Paternoster et Bushway, 2009; Vaughan, 2007).

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Finalement, le désistement tertiaire (McNeill, 2014), ou relationnel (Nugent et Schinkel, 2016), fait référence à une reconfiguration des liens avec la communauté. Cette reconfiguration est possible lorsque, d’une part, les désisteurs entreprennent des changements de nature comportementale, cognitive et identitaire leur permettant de signaler leurs efforts de désistement (desistance signalling, voir Maruna, 2012), et, d’autre part, que ces signaux sont reconnus, valorisés et encouragés par leur entourage (Bushway et Apel, 2012; Maruna, 2012; McNeill, 2016; Nugent et Schinkel, 2016; Weaver, 2016). Partant du postulat que l’identité est socialement construite, McNeill (2016) soutient que la pérennité du désistement repose sur le regard positif que la société renvoie aux désisteurs (looking glass self, voir Maruna, LeBel, Mitchell et Naples, 2004) et à la place que ces derniers estiment pouvoir occuper. Le fait que d’autres personnes reconnaissent qu’ils ont changé et ne sont plus « délinquants » contribue à valider la nouvelle vision qu’ils ont d’eux-mêmes et à leur donner accès à d’autres rôles sociaux.

Ce processus n’est pas nécessairement linéaire; il est possible qu’une personne traverse simultanément plus d’un stade ou, qu’en cours de processus, elle revienne à un stade antérieur. En outre, il est parsemé d’obstacles, tels que l’incapacité à atteindre les buts fixés ou souhaités, les difficultés à intégrer de nouveaux groupes sociaux et de nouvelles sphères sociales positives, de même que l’absence de reconnaissance des efforts de changement (Nugent et Schinkel, 2016). Le concept de désistement assisté réfère aux interventions réalisées auprès des personnes judiciarisées en vue de soutenir leur désistement (King, 2014). Le chapitre 2 lui est consacré.

Référents théoriques de l’étude du désistement

Le désistement a d’abord été considéré comme un phénomène naturel lié à la maturation, indépendant de circonstances extérieures (Gottfredson et Hirschi, 1990; Moffitt, 1993). Cette explication a été remise en question par l’étude de Sampson et Laub (1993), selon laquelle les événements fortuits qui surviennent au cours de la vie marquent des points tournants dans les trajectoires de délinquance. Depuis, de nombreuses théories ont été proposées pour expliquer comment une personne parvient à se désister. Les théories contemporaines reconnaissent que le désistement implique des changements comportementaux, cognitifs, identitaires, relationnels et sociaux, mais elles se distinguent selon le poids qu’elles accordent aux éléments individuels et structurels pour expliquer ces changements

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(Bersani et Doherty, 2018). Elles sont généralement regroupées selon qu’elles adoptent une perspective ontogénique, des liens sociaux, agentielle ou intégrative (Bersani et Doherty, 2018; F.-Dufour, Brassard et Martel, 2015; Farrall, 2002; Farrall et Bowling, 1999; Farrall, Bottoms et Shapland, 2010; Healy, 2012; King, 2014; Laub et Sampson, 2003; Maruna, 2001; Massoglia et Uggen, 2010; Paternoster et Bushway, 2009; Rocque, 2015; Vaughan, 2007; Weaver, 2016).

Dans une perspective ontogénique, l’adolescence serait favorable au désistement en raison des changements comportementaux, affectifs, cognitifs et identitaires qui surviennent à cette période de la vie (Cauffman et Steinberg, 2000; Mulvey et al., 2004; Steinberg, Monahan et Cauffman, 2015; Rocque, 2015). La maturation des structures cérébrales améliore le traitement de l’information, le contrôle de ses comportements et de ses émotions, la capacité à évaluer les conséquences de ses gestes à long terme, pour soi et pour les autres, en plus de la capacité à prendre des décisions cohérentes avec son identité personnelle, indépendamment de l’influence des pairs (Cauffman et Steinberg, 2000; Mulvey et al., 2004; Rocque, 2015; Steinberg et al., 2015). En outre, le développement du jugement moral permettrait aux adolescents de prendre des « décisions socialement responsables » (Cauffman et Steinberg, 2000, p. 741) et de cesser de commettre des délits (Cauffman et Steinberg, 2000; Gottfredson et Hirschi, 1990; Moffitt, 1993; Rocque, 2015; Steinberg et al., 2015). À l’approche de l’âge adulte, les adolescents accèdent à de nouveaux rôles sociaux, développent leur identité et leur engagement à être un « bon citoyen » (Rocque, 2015). Vu sous l’angle de la perspective ontogénique, le désistement serait essentiellement un processus normatif, linéaire et déterminé, s’inscrivant dans l’interaction entre la maturation individuelle et l’accès à de nouveaux rôles sociaux, présents naturellement dans la structure sociale. Pour les ADGP, toutefois, le cumul des vulnérabilités individuelles et sociales peut inhiber le désistement (voir Lussier et al., 2015; McAra et McVie, 2010). En effet, des études montrent que plusieurs d’entre eux peuvent voir leur développement normatif entravé par des problèmes de santé mentale, des expériences de scolarisation difficiles et des ruptures dans les liens affectifs (Aiyer et al., 2013; Barry, 2006; Kirk et Sampson, 2013; Lussier et al., 2015; Stouthamer-Loeber et al., 2004; van Domburgh et al., 2009).

Contrairement à la perspective ontogénique, la théorie du contrôle social informel explique le désistement par des changements dans les circonstances sociales qui surviennent au cours de la vie (Laub et Sampson, 2003). Le développement de relations significatives au sein d’institutions comme

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la famille, le couple et le milieu de travail, contribuerait à renforcer l’attachement et l’engagement des désisteurs envers ces nouveaux liens sociaux (Bersani et Doherty, 2018; Laub et Sampson, 2003; Weaver, 2016; Zdun et Scholl, 2013). L’accès à des marqueurs traditionnels des rôles sociaux adultes, tels l’insertion professionnelle, le départ du nid familial, la formation d’un couple ou les responsabilités financières seraient des points tournants dans le parcours de vie (Laub et Sampson, 2003). Ils exerceraient une forme de contrôle social informel en (re)structurant la routine et en limitant l’accès aux opportunités de commettre des délits (Laub et Sampson, 2003). En outre, ils favoriseraient le désistement dans la mesure où ils : 1) marquent une rupture avec les circonstances de vie antérieures; 2) procurent un cadre normatif quant aux comportements à adopter; 3) modifient et structurent les activités routinières, offrant ainsi des opportunités de créer des liens sociaux positifs et de développer ses habiletés personnelles, et, ultimement 4) présentent une opportunité de transformation identitaire, en réorientant graduellement les parcours de vie vers la conformité (Laub et Sampson, 2003).

Sans nier l’influence des circonstances extérieures, les théories agentielles mettent l’accent sur les mécanismes par lesquels les désisteurs en viennent à s’identifier à de nouveaux groupes de référence, à saisir les points tournants lorsqu’ils se présentent à eux et à accorder suffisamment d’importance aux liens sociaux pour les empêcher de retourner à leurs anciennes habitudes (Bersani et Doherty, 2018; Giordano et al., 2002; King, 2014; Paternoster, Bachman, Bushway, Kerrison et O’Connell, 2015; Vaughan, 2007; Weaver, 2016). Vu sous l’angle des théories agentielles, le désistement ne serait pas seulement le fruit de changements liés à la maturation ou dans les circonstances de vie, mais plutôt de l’agentivité des désisteurs, c’est-à-dire leur pouvoir d’agir de façon intentionnelle, planifiée et réfléchie (Giordano et al., 2002; Healy, 2012; King, 2014; Paternoster et al., 2015; Paternoster et Bushway, 2009; Vaughan, 2007).

Selon Paternoster et Bushway (2009), le désistement serait dû à une décision intentionnelle et volontaire de changer. Les personnes commettraient des délits aussi longtemps qu’elles en perçoivent des avantages, ou encore, qu’elles ne se considèrent pas responsables des conséquences négatives de leurs actions. Les premiers changements surviendraient à la suite d’une prise de conscience quant à sa responsabilité dans les échecs vécus, aux inconvénients associés à la délinquance de même que la réévaluation de ses intérêts et de ses objectifs de vie, laquelle amènerait les désisteurs à craindre la personne qu’ils sont en train de devenir (feared self) et entrainerait des changements dans les

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intérêts, dans les désirs et dans les motivations personnelles (Paternoster et al., 2015; Paternoster et Bushway, 2009). Envisager son avenir autrement (possible selves) agirait comme un mécanisme autorégulateur, en orientant les actions de façon à accéder à –ou à incarner– le soi désiré (desired self) (Paternoster et Bushway, 2009). Cette vision d’avenir cristalliserait le besoin et le désir de changer, en augmentant constamment le sentiment d’insatisfaction et d’échec par rapport à la situation actuelle (Paternoster et al., 2015; Paternoster et Bushway, 2009).

La volonté de se désister émergerait d’un sentiment d’être pris à l’intérieur d’un cycle de « crimes et d’incarcérations », mais aussi de la prise de conscience des impacts de ses actions sur autrui, qui se traduirait par une volonté de se racheter (making good) et de réparer les torts causés (Maruna, 2001). Les désisteurs développeraient un script narratif de rédemption, par lequel ils parviennent à donner un sens à leur vie en réconciliant leurs actions passées, leur situation actuelle et leur vision du futur. Ces scripts leur permettent de se définir autrement que par leurs actions antérieures et de marquer une rupture avec leur passé (knifing off, Maruna et Roy, 2007), d’identifier leurs croyances fondamentales, de croire en leur pouvoir de changer le cours de leur vie, de devenir des citoyens productifs et de redonner à la société (Maruna, 2001). Bref, ils leur permettraient d’identifier leurs forces et leurs qualités, mais surtout, de donner un sens à un passé autrement marqué par les sentiments de honte et de culpabilité. Cette nouvelle vision de soi soutiendrait la volonté de se racheter, que ce soit en travaillant ou en aidant d’autres personnes à cesser de commettre des délits, et se cristalliserait dans le regard positif d’autrui (looking glass self, voir Maruna et al., 2004). Ainsi, des changements individuels seraient à l’origine du désistement, mais ils seraient soutenus par les interactions sociales.

La théorie des transformations cognitives souligne davantage le rôle des circonstances sociales et de la capacité à percevoir et à saisir les opportunités de changements (Giordano, 2016; Giordano et al., 2002). Le désistement résulterait de changements cognitifs et identitaires qui se renforcent mutuellement à travers quatre étapes : 1) s’ouvrir au changement; 2) saisir des opportunités de changements (hooks for change, Giordano et al., 2002), comme les relations amicales et amoureuses, la spiritualité et l’emploi; 3) développer une identité personnelle positive et 4) une perception négative de la criminalité, rendant cette dernière incompatible avec cette nouvelle identité (Giordano, 2016; Giordano et al., 2002, 2007). Ces processus permettraient aux désisteurs d’apprendre de nouveaux comportements, d’adopter de nouvelles attitudes et de définir autrement leur situation en étant en

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contact avec des influences prosociales. La délinquance serait alors perçue comme n’étant ni positive, ni lucrative, ni socialement acceptable ou viable. Le désistement serait donc expliqué par des changements cognitifs et identitaires, lesquels s’actualisent par l’accès à des ressources individuelles et sociales, à des expériences positives et à la possibilité de faire ses propres choix quant à son avenir.

Vaughan (2007) s’inscrit dans une ontologie réaliste critique et propose une explication qui permet de mieux comprendre l’influence des circonstances sociales, en reconnaissant que les actions individuelles sont contraintes ou facilitées par le contexte dans lequel elles s’inscrivent. L’auteur définit les désisteurs comme des agents moraux : ils ont le pouvoir d’agir pour changer le cours de leur vie, mais ils le font de façon raisonnée, délibérée et orientée en fonction des projets qu’ils souhaitent réaliser pour devenir la personne qu’ils aspirent à être. En s’appuyant sur le concept de conversation interne (internal conversation, voir Archer, 1995; 2000), il illustre que cette réflexion nait de l’inconfort ressenti face à sa situation actuelle. Elle implique que les désisteurs identifient les différentes options qui s’offrent à eux, évaluent lesquelles sont les plus accessibles, réalistes et susceptibles de les rapprocher de leurs préoccupations ultimes, puis choisissent et s’engagent dans un nouveau cours d’action qui les éloignera de la délinquance et leur permettra de réaliser leurs projets (Vaughan, 2007). Les désisteurs pondèreraient chaque action en fonction des efforts qu’ils évaluent devoir consentir pour la réaliser, c’est-à-dire selon qu’elle soit perçue comme étant plus ou moins réalisable en fonction des ressources auxquelles ils ont accès, mais surtout, selon qu’elle puisse les rapprocher plus ou moins rapidement de leurs buts (Vaughan, 2007). Chaque action pourrait ainsi modifier les circonstances de vie individuelles et sociales des désisteurs et, conséquemment, l’accès aux ressources nécessaires pour atteindre ces buts.

Vu sous l’angle réaliste critique, les personnes qui commettent des délits de façon persistante ont le pouvoir de développer de nouveaux projets de vie et de les réaliser (Bottoms et al., 2004; F.-Dufour et al., 2015; Farrall et al., 2010; King, 2014; Weaver, 2016). Cependant, leur pouvoir d’agir et d’influencer le cours de leur vie dépend de leurs ressources personnelles et sociales, de même que des opportunités de changement qui leur sont offertes (Abrams et Terry, 2017; Amemiya, Kieta et Monahan, 2017; Healy, 2012; King, 2014; Nugent et Schinkel, 2016). Elles ont à consentir davantage d’efforts pour entreprendre des changements et s’éloigner de la délinquance (Abrams, 2012; Amemiya et al., 2017; F.-Dufour et al., 2015; Farrall et al., 2010; Haigh, 2009; Paternoster et al., 2015; Shapland

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et Bottoms, 2011), tandis qu’elles sont confrontées à des obstacles structurels, par exemple des difficultés à se trouver un emploi, l’absence de liens sociaux positifs et le manque de ressources financières, qui freinent la décision initiale de se désister, ou l’actualisation de cette décision (Farrall, 2002; Halsey et al., 2017; Healy, 2012; King, 2014; Shapland et Bottoms, 2011). Elles ont donc un accès limité aux ressources personnelles, sociales et économiques leur permettant d’envisager –ou d’avoir accès– à une vie différente (Farrall et al., 2011; Paternoster et al., 2015).

Les ouvertures dans la structure sociale représenteraient des opportunités de changements (hooks for change, F.-Dufour et al., 2015; Giordano et al., 2002), dans la mesure où elles permettraient aux désisteurs d’explorer et d’expérimenter de nouveaux rôles sociaux, ainsi que de (ré)intégrer progressivement la communauté en participant à des activités sociales (Bottoms et al., 2004; F.-Dufour et al., 2015; Farrall et al., 2010). Les changements structurels, par exemple, avoir accès à –et fréquenter– de nouveaux lieux de formation, de loisirs et de travail, seraient des opportunités d’explorer et d’adopter de nouveaux rôles sociaux, ou encore de développer de nouvelles identités (Bushway et Apel, 2012; Bottoms, 2014; DeWitt, 2016; Farrall et al., 2014; Maruna, 2012). Ainsi, les ouvertures dans la structure sociale permettraient aux désisteurs de « signaler le désistement » (desistance signalling, Maruna, 2012), c’est-à-dire de montrer aux membres de leur entourage qu’ils sont en train de, ou qu’ils ont changé (Bushway et Apel, 2012; DeWitt, 2016; Farrall, 2002; Giordano, 2016; Giordano et al., 2002; King, 2014; LeBel et al., 2008; Maruna, 2012; Massoglia et Uggen, 2010; Weaver, 2016). L’adoption d’une nouvelle routine et de nouvelles habitudes de vie permettrait aussi de signaler ses efforts de désistement, en cherchant volontairement à s’éloigner des situations susceptibles de mener à la commission de délits (diachronic self-control, voir Bottoms et Shapland, 2011). La reconfiguration des liens sociaux et la (ré)intégration sociale, ainsi que les efforts de changement des désisteurs, se renforceraient mutuellement et soutiendraient l’orientation vers un nouveau mode de vie. Dans ses phases initiales, le désistement serait donc un processus inévitablement relationnel, alors que les actions sont guidées par l’atteinte de buts personnels, mais aussi par le développement de relations sociales (Weaver, 2016). Les liens affectifs auraient le pouvoir de motiver, de faciliter ou de contraindre le changement, alors que les désisteurs cherchent à orienter leurs actions et à adopter les rôles sociaux qui leurs permettraient de maintenir ces relations (Donati et Archer, 2015).

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À cet effet, depuis une dizaine d’années, quelques chercheurs s’intéressent aux phases initiales du désistement, soit aux changements suivant l’arrêt de la délinquance (Shapland et Bottoms, 2011, 2016; Healy, 2012, 2014, 2016; King, 2013, 2014). Healy (2012) est l’une des premières à avoir exploré spécifiquement cette question, en examinant plus en profondeur le stade de désistement primaire. Elle le définit comme une période d’accalmie relative pendant laquelle s’entament des réflexions et des changements qui vont mener à l’adoption de nouveaux rôles sociaux et de nouvelles identités. Le désistement primaire est donc une période de transition suivant l’arrêt des activités délinquantes (terminaison). Cette transition comprend trois phases : séparation, critique, intégration. En s’abstenant de commettre des délits, les désisteurs entrent dans la phase de séparation, qui correspond à des ruptures dans les routines, dans les liens sociaux et les lieux fréquentés. Les désisteurs se retrouvent alors « entre deux mondes », alors qu’ils ne sont ni des « délinquants », ni des « désistés ». Entre deux statuts sociaux, ils entrent dans une phase critique, caractérisée par le retrait social, l’ambivalence quant aux rôles et aux identités sociales à adopter ainsi qu’une introspection quant à ses objectifs de vie. La phase critique est synonyme de changements comportementaux, cognitifs, identitaires et relationnels. L’intégration et l’assimilation des nouveaux rôles et des nouvelles identités sociales se traduit par l’adoption d’un mode de vie prosocial et marque l’entrée dans un stade de désistement secondaire.

Healy (2012) propose une théorie qui rejoint les considérations conceptuelles et théoriques présentées jusqu’ici, selon lesquelles l’étude du désistement nécessite de se doter d’un cadre de référence permettant de prendre en compte : 1) la temporalité du processus et ses différents points d’ancrage, c’est-à-dire les changements individuels et structurels; 2) l’interaction entre les caractéristiques individuelles et les circonstances sociales (ressources et contraintes, contexte du désistement); et 3) la nature incrémentale des changements comportementaux, cognitifs, identitaires et relationnels qui caractérisent le désistement. Elle permet d’étudier ce processus à différents intervalles afin de mieux comprendre les dynamiques impliquées. Elle est reprise dans les chapitres 1 et 3.

Précisions méthodologiques

Cette thèse s’inscrit dans une perspective réaliste critique, reconnaissant que la réalité est complexe et qu’elle ne peut être comprise qu’à travers une vision intégrative qui reconnaît l’effet structurant, mais

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non déterminant, du contexte structurel (Archer, 1995; Danermark, Ekström, Jakobsen et Karlsson, 2002; Neuman, 2011). Selon cette perspective, la meilleure façon de se rapprocher de cette réalité est de multiplier les regards croisés (ceux du quotidien, de l’intervention et de la recherche) pour tenter de comprendre les mécanismes sous-tendant un phénomène. Cette connaissance permet ensuite de proposer des changements dans les pratiques. Dans cet esprit, deux études de la portée (scoping review) ont d’abord été réalisées. Ce type d’étude vise à résumer et synthétiser de façon exhaustive les résultats de recherches sur un objet d’étude en émergence, afin de transférer les connaissances disponibles autant vers les milieux scientifiques que pratiques (Arksey et O’Malley, 2005; Colquhoun et al., 2014; Daudt, Van Mossel et Scott, 2013). Deux sujets y ont été abordés : le désistement à l’adolescence et le désistement assisté.

L’examen des connaissances sur le désistement à l’adolescence et sur le désistement assisté (chapitres 1 et 2) a mené aux constats que les intervenants psychosociaux sont des témoins privilégiés du désistement, en raison de leurs contacts réguliers avec les adolescents, et que l’analyse des données consignées par ces informateurs peut nous en apprendre davantage sur les circonstances entourant les changements. En outre, les notes chronologiques rédigées dans les dossiers de désisteurs adultes sont cohérentes avec celles recueillies au cours d’entrevues de recherche semi-dirigées, que ces entrevues soient réalisées avec des personnes ayant commis des délits ou avec les intervenants psychosociaux (par exemple Healy, 2012; Panuccio, Christian, Martinez et Sullivan, 2012; Ricciardelli, 2018).

Ainsi, une analyse qualitative des dossiers de suivi rédigés par des intervenants psychosociaux qui accompagnent des ADGP soumis à une peine alternative a été réalisée pour explorer les éléments favorables à la transition du désistement primaire au désistement secondaire en contexte de suivi pénal communautaire. Utiliser ce matériel permet d’éviter deux écueils des études du désistement à l’adolescence : 1) la centration sur une seule dimension du phénomène, par exemple, les points tournants ou les facteurs individuels, et 2) la nature rétrospective des données. De plus, ce matériel permet de recueillir des informations sur le suivi, en temps réel et à intervalles rapprochés, qu’il serait difficile d’obtenir autrement, en plus de minimiser les inconvénients pour les participants, de même que les ressources humaines et financières nécessaires au déroulement de la recherche (Cordero, 2004; Hoggan et Spearin, 2009; Lacerte, Nadeau et Tremblay-Roy, 2014; Turgeon et Bernatchez, 2008).

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Les données utilisées sont extraites d’une banque de 411 dossiers sur des jeunes faisant l’objet d’un suivi dans le cadre d’une mesure d’ODP. Cette base de données est alimentée par l’interface informatique du Projet Intégration Jeunesse (PIJ). Un échantillon de 198 dossiers a d’abord été prélevé au hasard. Des informations de base ont été examinées dans ces dossiers, soit : l’âge, le sexe, la nature du délit, la présence de récidive et la présence de problèmes psychosociaux. Ces informations ont été utilisées pour constituer un sous-échantillon de 26 dossiers, nombre qui correspond aux exigences habituelles de la recherche qualitative, a été atteint en s’appuyant sur la stratégie d’échantillonnage dite « des cas déviants ». Cette stratégie privilégie la sélection de cas riches en information qui sont les plus susceptibles d’aider les chercheurs à comprendre le phénomène étudié en raison de leur caractère particulier, de conditions inhabituelles et de résultats inattendus (Patton, 1990). Dans le cadre de la présente étude, outre le fait de ne pas avoir commis de délit dans les 12 mois suivant le prononcé de la peine et la présence de signes de désistement, les critères utilisés pour identifier les cas déviants sont : une ambivalence marquée en cours de suivi, se traduisant par une occupation du temps variable, un ou des manquements aux conditions et une lenteur à se mettre en action ou à faire ce qui est demandé, et l’exposition à plusieurs problèmes psychosociaux tels un milieu familial dysfonctionnel, la rupture de liens sociaux, des difficultés scolaires, des troubles de santé mentale ou des problèmes de comportement. Tous les dossiers ont été considérés sans égard à la région, au type de délit, au genre et à la durée de l’ordonnance (diversification interne, voir Pirès, 1997). La procédure de sélection des dossiers est détaillée au chapitre 3.

Les données sont issues de suivis cliniques. Elles ne sont donc pas influencées par la présence du chercheur (c’est-à-dire par la désirabilité sociale), mais en revanche, elles ne peuvent être modifiées et peuvent être incomplètes, partiales ou inexactes. Ainsi, il importe de considérer les contextes légal et institutionnel dans lesquels les notes ont été rédigées, ainsi que les rôles conférés aux intervenants psychosociaux, pour apprécier la portée des résultats de la recherche doctorale. L’ODP est d’une durée maximale de six mois et elle permet de surseoir à la mise sous garde d’adolescents, moyennant le respect de différentes conditions. En cas de manquement, leur liberté peut être suspendue ou révoquée, selon l’évaluation que les intervenants font de la situation (L.C. 2002, c. 1). La période de surveillance « commande une très grande intensité d’intervention » (MSSS, 2016c, p. 1), avec des rencontres dont la fréquence variera selon le cheminement de l’adolescent, et doit comporter différentes activités cliniques et légales pour s’assurer que l’adolescent respecte les conditions

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obligatoires et supplémentaires imposées par le tribunal (MSSS, 2016c). Les conditions obligatoires visent le contrôle de l’adolescent (MSSS, 2016c). Elles incluent l’obligation de bien se comporter dans l’ensemble des sphères de sa vie, de se présenter à la police selon la fréquence déterminée par le délégué à la jeunesse (DJ) responsable de la surveillance et de tenir ce dernier informé de sa situation familiale, résidentielle, financière et occupationnelle (MSSS, 2016c). Les conditions supplémentaires visent quant à elles à répondre aux besoins spécifiques de l’adolescent et à assurer sa bonne conduite (L.C. 2002, c. 1). Il peut s’agir, par exemple, de lui interdire de fréquenter certains lieux ou certaines personnes (victimes, complices ou ayant des antécédents judiciaires), de consommer des drogues ou de l’alcool, de lui imposer un couvre-feu ou encore, de poursuivre sa scolarisation ou de trouver et maintenir un emploi (MSSS, 2016c).

Au Québec, l’intervention avec les ADGP est basée sur le modèle RBR et l’approche psychoéducative de réadaptation. Le processus d’intervention débute par l’évaluation différentielle et actuarielle des facteurs de risque et des besoins criminogènes. L’évaluation vise à identifier les éléments associés à l’émergence et à la persistance de la commission des délits, en vue de planifier « l’intervention corrective » (MSSS, 2016b). L’intervention est adaptée selon le profil de délinquance, les caractéristiques des adolescents et leur style d’apprentissage (Centre jeunesse de Montréal [CJMTL], 2010; MSSS, 2016b). Différentes techniques et outils d’interventions, inspirés surtout d’une approche cognitive-comportementale, sont utilisés dans l’accompagnement quotidien des adolescents (MSSS, 2016b). La proximité de l’intervention permet de les guider dans la réalisation de leur projet de vie, principalement en leur donnant des conseils et de l’assistance (MSSS, 2013; 2016b). De l’aide peut leur être offerte sur une période limitée, s’ils ne sont pas en mesure de trouver une réponse immédiate à leurs besoins (MSSS, 2013). On mise sur la capacité des adolescents à s’adapter à leur milieu afin de leur permettre de retrouver un équilibre dans leur fonctionnement social (MSSS, 2013; 2016b). L’objectif visé est que les adolescents « renouent avec leur milieu, de manière à y puiser les ressources dont ils ont besoin pour poursuivre leur développement, utiliser leurs capacités à leur plein potentiel et réaliser leur projet de vie dans la plus grande autonomie » (MSSS, 2013, p. 9). Dans le cadre de l’ODP, les pratiques d’intervention sont axées, entre autres, sur le contrôle du respect des conditions imposées, la gestion des manquements et du risque de récidive, ainsi que sur la réponse aux besoins criminogènes. Des vérifications systématiques sont faites, de sorte que la gestion des manquements est un élément majeur de l’intervention dans le contexte de l’ODP (MSSS, 2016c). C’est à l’intérieur

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de ces balises légales et institutionnelles que les notes chronologiques ont été rédigées par les intervenants psychosociaux.

Les dossiers ont été analysés suivant la méthode inductive générale de Thomas (2006), laquelle vise à développer un modèle pour rendre compte des processus ou mécanismes mis en évidence par les données recueillies. La première étape a consisté à préparer le matériel disponible (formater les fichiers, s’assurer de la chronologie des activités). Elle a permis de se familiariser avec le contenu des dossiers, dont l’ampleur varie entre 12 et 80 pages. Ensuite, un premier cycle codification, de nature inductive, a permis de condenser les données brutes et de résumer chacun des dossiers. Cette étape était nécessaire considérant la lourdeur et la complexité que représente l’analyse de dossiers de suivi. Chaque dossier a été résumé selon les thèmes suivants, lesquels ont émergé à la lecture des données : contexte de l’ODP, portrait de l’adolescent, fonctionnement familial, fonctionnement social, désistement assisté. Par la suite, le contenu associé à chacun de ces thèmes a été catégorisé, en tenant compte des concepts identifiés dans les écrits portant sur le désistement à l’adolescence et le désistement assisté (voir les chapitres 1 et 2). Cette catégorisation a permis de faire émerger des éléments qui ont favorisé ou fait obstacle au cheminement des adolescents : l’occupation du temps au début de la période de surveillance, les changements dans la routine, le regard porté par l’adolescent sur sa situation, le poids de l’ordonnance, les rôles sociaux occupés ou envisagés, les apprentissages réalisés, les interventions lors de la mise en branle de la surveillance, les pratiques liées à la surveillance du respect des conditions, la gestion des manquements et les interventions visant la réponse à des besoins spécifiques. Un deuxième cycle de codification, de nature déductive, a permis d’analyser les données à partir de concepts prédéterminés en fonction des objectifs de la recherche, des écrits scientifiques et de la théorie sur la transition vers le désistement, proposée par Healy (2012). Les concepts suivants ont été mobilisés pour cette analyse dite déductive : phase d’accalmie, phase de séparation, ambivalence, retrait social, introspection, phase d’intégration, changements dans les lieux fréquents, changements dans les liens sociaux, changements comportementaux, exploration des rôles sociaux, projets de vie, ressources communautaires, contraintes structurelles, désistement assisté. Finalement, les catégories générées ont été combinées afin de rendre compte de la structure sous-jacente des expériences de transition vers le désistement du crime des 26 ADGP dont les dossiers ont été analysés. Le matériel a été codifié au moyen du logiciel QDA Miner, version 5.0.2.0.

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La présente recherche doctorale a bénéficié d’une exemption du comité d’éthique à la recherche de l’Université Laval (CERUL), puisqu’elle repose sur l’analyse de données secondaires. Tous les dossiers consultés avaient été préalablement anonymisés, de sorte qu’aucune information ne permette d’identifier les acteurs concernés (adolescents, intervenants, parents). Par ailleurs, le projet a reçu une approbation éthique finale des comités d’éthique de la recherche du Centre jeunesse de Montréal – Institut universitaire et du Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire le 26 janvier 2016.

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Chapitre 1 – The Transition towards Desistance

from Crime among Serious Juvenile Offenders: A

Scoping Review

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The Transition towards Desistance from Crime

among Serious Juvenile Offenders: A Scoping

Review

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Marie-Pierre Villeneuve, doctorante, École de travail social et de criminologie, Université Laval Isabelle F.-Dufour, Ph. D., Département des fondements et pratiques en éducation, Université Laval Daniel Turcotte, Ph. D., École de travail social et de criminologie, Université Laval

Résumé

Les adolescents dont la délinquance est qualifiée de sérieuse présentent des taux élevés de récidive; néanmoins, certains s’engagent dans un processus de désistement. Or, ces processus sont méconnus, car la plupart des études s’intéressent au désistement chez les adultes. Cette étude de la portée vise à faire la synthèse des connaissances actuelles quant aux processus de désistement du crime d’adolescents dont la délinquance est qualifiée de sérieuse. Au total, 26 articles rapportant des résultats de recherches quantitatives et qualitatives ont été analysés. Les analyses montrent que des facteurs individuels, relationnels et structurels peuvent soit faciliter, soit entraver les tentatives des adolescents de s’éloigner de la délinquance. Durant cette période de transition, le rôle des intervenants sociaux apparait essentiel pour soutenir le désistement.

Abstract

Serious juvenile offenders present high recidivism rates. Much research focuses on the processes of desistance from crime in adult populations. However, much less is known about the processes of desistance of adolescents. This scoping review aimed to map available knowledge regarding processes of desistance from crime among serious juvenile offenders. Twenty-six quantitative and qualitative studies were analysed. Results indicate that individual, relational, and structural factors can

Figure

Figure 1.1 Conceptualisation of the transition towards desistance
Figure 1.2 PRISMA flowchart of study selection process
Table 1.1 General characteristics of included studies (n = 26)
Figure 2.1 PRISMA flow chart of study selection process
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