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Mieux se comprendre à l'intérieur des écoles

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Academic year: 2022

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Mieux se comprendre à l'intérieur des écoles

PROGIN, Laetitia, CAPITANESCU BENETTI, Andreea

Abstract

Nous proposons de nous intéresser à l'établissement scolaire afin d'interroger la manière dont chacun des membres d'une équipe pédagogique (enseignants, di- rection) peut apprendre à mieux se comprendre (en tant qu'individu dans un groupe professionnel) et à mieux se faire comprendre par ses collègues, à l'intérieur de son équipe.

PROGIN, Laetitia, CAPITANESCU BENETTI, Andreea. Mieux se comprendre à l'intérieur des écoles. Résonances , 2018, no. 3, p. 4-5

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:111695

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Résonances Novembre 2018 Mensuel de l’Ecole valaisanne

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Nous proposons de nous intéresser à l’établissement scolaire afin d’interroger la manière dont chacun des membres d’une équipe pédagogique (enseignants, di- rection) peut apprendre à mieux se comprendre (en tant qu’individu dans un groupe professionnel) et à mieux se faire comprendre par ses collègues, à l’intérieur de son équipe.

TRAVAILLER ENSEMBLE : UNE FOLIE ?

A l’école, le travail s’organise principalement autour de la classe et de ses élèves. La majeure partie du travail enseignant est consacrée à ce travail en classe, à sa préparation ainsi qu’à son évaluation. Le travail collectif avec les collègues enseignants et la direction représente ainsi pour l’enseignant du temps de travail en plus qui nécessite un investissement, voire un engagement particulier de la part de chacun pour se réaliser. Même si ce travail collectif apparaît dans le cahier des charges (tout comme la formation continue ou encore les relations avec les parents), les enseignants font face à toujours plus de nouvelles tâches en cherchant à construire au jour le jour la motivation et l’ordre scolaire dans des situations diverses et souvent instables. Et pour eux, c’est bien la classe d’abord qui apparaît comme le lieu privilégié de ces évolutions (Barrère, 2002).

Mieux se comprendre à l’intérieur des écoles

Laetitia Progin et Andreea

Capitanescu Benetti

On sait pourtant depuis longtemps que l’établissement scolaire peut devenir un levier de changement en capitalisant les savoirs et les expériences de chacun, en développant une culture du débat et de la controverse au sujet de la qualité de l’enseignement dispensé et enfin en prenant en charge collectivement la fragilité de l’ordre scolaire. Les enseignants ne sont pas majoritairement opposés au travail collectif (ils travaillent avec leurs collègues de manière informelle et aussi plus institutionnelle). Ils peuvent en revanche se montrer dubitatifs sur la forme et les modalités que peut prendre l’injonction au travail collectif. Par ailleurs, ce travail collectif dépend notamment de la capacité d’incitation et de mobilisation de la direction et de l’état des relations entre enseignants (Barrère, 2002).

A ce sujet, « travailler en équipe, c’est partager sa part de folie » écrivait Philippe Perrenoud il y a plus de vingt ans déjà. Il expliquait que ceux qui ont expérimenté le travail collectif savent que la coopération peut devenir un combat : « contre soi-même ; contre ses propres ambivalences, contre les autres, lorsque ce sont eux qui se découragent ou alimentent les tendances centrifuges ; contre le système éducatif ou l’établissement (collègues aussi bien que direction) lorsqu’ils font preuve de peu de compréhension » (Perrenoud, 1994). Il ajoutait que la coopération nécessite une bonne dose de conviction et d’énergie pour maintenir la communication sans tomber dans les bavardages et les discussions sans fin MOTS-CLÉS : SOI • LES AUTRES

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Résonances Novembre 2018

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Mensuel de l’Ecole valaisanne

DOSSIER

LES AUTEURES

Laetitia Progin

Professeure HEP associée en leadership et direction d’établissement à la Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud. Elle est membre de l’équipe LEAD.

Andreea Capitanescu Benetti

Chargée d’enseignement à l’Université de Genève.

Toutes deux sont membres du Laboratoire Innovation – Formation – Education (LIFE) de l’Université de Genève. www.unige.ch/fapse/life/

qui agacent tant, pour respecter les différences sans renoncer à la cohérence, pour apprendre à surmonter les conflits sans nier les divergences et enfin pour gérer un renouvellement de l’équipe sans perdre une certaine continuité.

MIEUX SE COMPRENDRE : L’APPORT

DE LA SOCIOLOGIE ET DE L’ANTHROPOLOGIE

Travailler avec les autres, c’est aussi se confronter à sa place dans le groupe, au fonctionnement de ses collègues, à leurs émotions, aux siennes, à ce que cela réveille chez soi et chez l’autre, aux rapports de pouvoir existants (et souvent peu explicites dans les écoles), aux conflits ouverts ou latents. Un détour par la sociologie et l’anthropologie nous semble nécessaire pour apprendre à mieux se comprendre soi-même (la manière dont on agit et dont on réagit) face aux autres avant d’apprendre à mieux se faire comprendre individuellement et collectivement.

Des travaux récents en sociologie française offrent des clés de lecture convaincantes sur la manière dont l’expérience de chacun se définit dans la société moderne.

Selon Martuccelli (2017), l’expérience contemporaine se caractérise par une forme particulière du ressenti, celui d’être affecté (être blessé, être concerné, être irrité, être choqué) par la vie sociale. Chaque individu est ainsi lourdement affecté par les événements de la société. Au- delà du poids des émotions, c’est la manière hautement personnalisée dont chacun se sent concerné et affecté par sa collectivité qui peut être aujourd’hui associée à l’expérience de l’être ensemble. Cette implication n’est pas forcément synonyme de participation, ni d’engagement. Les individus peuvent se sentir touchés, affectés alors même qu’ils ne participent pas à un projet collectif. Pour le dire encore autrement, les individus se sentent exposés et éprouvés par la collectivité, qu’ils y participent de manière active ou qu’ils se situent davantage en retrait. Quoi que fasse l’individu moderne (adhérant ou non à sa collectivité, intégré ou rejeté de celle-ci), il en sera toujours affecté et même contre son gré. Dans ce contexte dans lequel la subjectivité s’est accentuée, les émotions et les affects ont imprégné la vie sociale et l’expérience de chacun.

Par ailleurs, les nouvelles technologies, en transformant notre rapport au temps (disponible en tout temps), en brouillant les frontières entre vie professionnelle et vie privée, ont contraint l’individu moderne à être toujours connecté jusqu’à saturation (Martuccelli, 2017).

Cette manière d’être affecté par la vie, par l’autre n’est pourtant pas forcément synonyme de rencontres, d’échanges. En effet, « l’individu contemporain est connecté, plutôt que relié, il communique de plus en plus, mais rencontre de moins en moins les autres » (Le Breton, 2015, p.16). On peut être à la fois ensemble et surconnecté d’un certain point de vue, et totalement seul d’un autre. Toutefois, ces expériences concrètes et

ambivalentes quant à cette mobilisation généralisée sont loin d’être prises en charge par les injonctions au collectif qui considèrent que travailler ensemble « va de soi » ou relève du « bon sens ».

SE FORMER À DÉCODER L’EXPÉRIENCE SOCIALE MODERNE

Mettre des mots sur cette surexposition affective qui caractérise la vie de chacun permet peut-être de mieux se comprendre soi-même et de mieux comprendre l’autre.

Dans ce contexte, les phénomènes de rejet du travail collectif, de mise à distance peuvent être aussi lus et compris comme des stratégies de survie face à « cette vie qui s’accélère » (Rosa, 2013) et qui épuise parfois.

L’anthropologue David Le Breton (2015) a écrit un livre sur ces personnes qui tentent de se désengager – de manière plus ou moins radicale – pour se reposer et reprendre leur souffle, voire ces personnes qui tentent de disparaître d’elles-mêmes par différents moyens.

Nous postulons qu’il est essentiel d’étudier la société dans laquelle nous vivons, évoluons, travaillons pour comprendre pourquoi, face aux groupes, face à ses collègues et face à la direction, on peut tour à tour se sentir enthousiasmé, enjoué, mais aussi déçu et désillusionné. Les sciences humaines et sociales offrent des pistes de compréhension essentielles pour apprendre à le faire. Autrement dit, nous plaidons en faveur d’une place importante accordée à la sociologie et à l’anthropologie en formation initiale et continue. Selon Cifali (2018), pour être intelligents dans les situations singulières, nous avons autant besoin de compétences relationnelles que de connaissances issues des sciences humaines. Osons en faire le pari !

Références bibliographiques

Barrère, A. (2002). Pourquoi les enseignants ne travaillent-ils pas en équipe ? Sociologie du travail, 44, 481 - 487.

Cifali, M. (2018). S’engager pour accompagner. Valeurs des métiers de la formation. Paris : PUF.

Le Breton, D. (2015). Disparaître de soi. Une tentation contem- poraine. Paris : Editions Métailié.

Martuccelli, D. (2017). La condition sociale moderne. L’avenir d’une inquiétude. Paris : Editions Gallimard.

Perrenoud, Ph. (1994). Travailler en équipe, c’est partager sa part de folie. Cahiers pédagogiques, 325, 68-71.

Rosa, H. (2013). Accélération. Une critique sociale du temps.

Paris : La Découverte.

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