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Estimations temporelles et facteurs individuels : application à l'utilisation d'Internet

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Estimations temporelles et facteurs individuels :

Application à l’utilisation d’Internet

Thèse

Nicolas Bisson

Doctorat en psychologie

Recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Résumé

La littérature concernant les estimations temporelles regorge d‟informations permettant de mieux comprendre comment certains facteurs influencent leur précision et leur variabilité. Cependant, les tâches utilisées sont généralement simples et de très courtes durées, limitant ainsi la capacité de généraliser les résultats obtenus à des tâches semblables à des activités quotidiennes.

Le premier objectif visait à vérifier si les connaissances actuelles au sujet des différences entre les paradigmes d‟estimation temporelle pouvaient être généralisées à des tâches semblables à des activités quotidiennes (Chapitre 3). Cette étude a démontré que seuls certains effets observés à l‟aide de courtes tâches contrôlées peuvent être appliqués à de telles tâches. Ces effets réfèrent aux paradigmes (prospectif ou rétrospectif), à la durée de la tâche (28 ou 42 minutes) de même qu‟à la nature de celle-ci (facile ou difficile). Ainsi, ces résultats suggèrent que la différence entre les deux paradigmes d‟estimation temporelle ne s‟applique peut-être pas lorsqu‟il est question de tâches semblables à des activités quotidiennes.

Le deuxième objectif consistait à comparer les estimations temporelles prospectives et rétrospectives chez un même individu et à déterminer les relations entre ces dernières et certains facteurs individuels. Les résultats ont démontré que l‟estimation temporelle prospective est plus longue que l‟estimation temporelle rétrospective chez seulement 58% des individus. De même, ils ont illustré que les relations entre les facteurs individuels et les estimations temporelles diffèrent en fonction du fait qu‟une personne ait, ou non, une estimation temporelle prospective plus longue. Ainsi, les résultats de cette étude soulignent l‟importance de considérer les deux paradigmes simultanément lorsqu‟on s‟intéresse aux relations entre les facteurs individuels et les estimations temporelles.

Pris dans leur ensemble, les résultats des deux études démontrent que plusieurs facteurs influencent les estimations temporelles de tâches semblables à des activités quotidiennes, i.e. complexes et de longues durées. Enfin, les conclusions tirées de ces deux études ont des retombées pratiques, théoriques et méthodologiques associées au domaine de l‟estimation temporelle, particulièrement au niveau de la comparaison entre les paradigmes prospectifs et rétrospectifs.

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Table des matières

RESUME III

TABLE DES MATIERES V

LISTE DES FIGURES IX

REMERCIEMENTS XI

AVANT-PROPOS XIII

INTRODUCTION 1

1. CONNAISSANCES ACTUELLES DANS LE DOMAINE DES ESTIMATIONS

TEMPORELLES 5

1.1 Méthodes de mesure 6

1.2 Variables dépendantes étudiées 7

1.3 Durées à l‟étude 8

1.4 Paradigmes d‟estimations temporelles 9

1.4.1 Paradigme prospectif 10

1.4.2 Paradigme rétrospectif 11

1.4.3 Comparaison entre les deux paradigmes 12

1.5 Facteurs individuels influençant les estimations temporelles 15

1.5.1 Âge 16

1.5.2 Sexe 18

1.5.3 Émotions et niveau d‟éveil physiologique 19

1.5.4 Traits généraux de la personnalité 21

1.5.4.1 Extraversion 21

1.5.4.2 Névrosisme 23

1.5.5 Traits de la personnalité temporelle 25

2. OBJECTIFS, DEMARCHE ET HYPOTHESES 27

2.1 Application des connaissances actuelles à des tâches similaires à des activités quotidiennes 28

2.1.1 Variables contrôlées 30

2.1.2 Effet de la durée 31

2.1.3 Effet du paradigme 31

2.1.4 Effet de la nature de la tâche 32

2.2 Relation entre les facteurs individuels et les estimations temporelles 33

2.2.1 Variables contrôlées 34

2.2.2 Comparaison des paradigmes chez une même personne 35 2.2.3 Relations entre les facteurs individuels et les estimations temporelles 36 2.2.3.1 Influence du groupe d‟estimations temporelles 36

2.2.3.2 Traits généraux de la personnalité 37

2.2.3.3 Traits de la personnalité temporelle 37

2.2.3.4 Âge 37

2.2.2.5 Sexe 38

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3. TIME ESTIMATES OF INTERNET SURFING AND VIDEO GAMING 41

3.1 Abstract 43

3.2 Introduction 44

3.2.1 Duration range 44

3.2.2 Paradigms 45

3.2.3 Nature of the task 48

3.3 The present study 49

3.4 Method 51

3.4.1 Participants 51

3.4.2 Material 51

3.4.3 Procedure 53

3.5 Results 54

3.5.1 Control variable analyses 55

3.5.1.1 Emotional state and arousal level 56

3.5.1.2 Task appreciation 57

3.5.1.3 Familiarity with the tasks 57

3.5.1.4 Addiction level 58

3.5.1.5 Number of Internet sites visited 58

3.5.2 Paradigm, duration and task nature comparisons 58

3.5.2.1 RATIO 58

3.5.2.2 Absolute Standardized Error 59

3.5.2.3 Relative uncertainty 60

3.6 Discussion 60

3.6.1 Duration range 60

3.6.2 Paradigms 62

3.6.3 Nature of the task 63

3.6.4 Overall underestimation of time 66

3.6.5 Limitations of the present study 67

3.7 Conclusion 68

3.8 Acknowledgments 70

3.9 References 71

3.10 Footnotes 75

3.11 Appendix A - Validation of the tasks‟ cognitive resource requirements 81

3.11.1 Introduction 81 3.11.2 Method 81 3.11.2.1 Participants 81 3.11.2.2 Material 82 3.11.2.3 Procedure 82 3.11.4 Results 83

3.11.4.1 Emotional state and arousal 83

3.11.4.2 Familiarity with the tasks 83

3.11.4.3 Cognitive requirements 84

3.11.5 Discussion 86

3.11.6 References 87

4. A NEW PERSPECTIVE ON THE RELATIONSHIPS BETWEEN INDIVIDUAL

FACTORS AND TIME ESTIMATES 89

4.1 Abstract 91

4.2 Introduction 92

4.2.1 The time estimation paradigms 92

4.2.2 Individual factors 93

4.2.2.1 Personality dimensions 93

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4.3.1 Control variables 96

4.3.2 Paradigms comparison with the same individuals 96

4.3.3 Relationships between individual factors and time estimates 97

4.4 Method 99 4.4.1 Participants 99 4.4.2 Material 99 4.4.3 Procedure 101 4.5 Results 102 4.5.1 Control analyses 103

4.5.1.1 Previous knowledge about the task‟s duration 103 4.5.1.2 Perceived cognitive load of the surfing tasks 104 4.5.1.3 Impact of the surfing tasks on the emotional state 104

4.5.2 Direct comparison of paradigms 104

4.5.3 Relationships between the individual factors and time estimates variables 107

4.5.3.1 Emotionality-related personality dimensions 107

4.5.3.2 Time personality dimensions 108

4.5.3.3 Age 108

4.6 Discussion 109

4.6.1 Comparison of paradigms 109

4.6.2 Relationships between time estimates and individual factors 112

4.7 Conclusions 115 4.8 Acknowledgments 117 4.9 References 118 4.10 Footnotes 122 4.11 Tables 123 4.12 Figure Captions 126 4.13 Figures 127 5. DISCUSSION GENERALE 131

5.1 Application des connaissances actuelles au sujet de la comparaison des deux paradigmes 133 5.2 Application des connaissances actuelles au sujet des relations entre les facteurs individuels et les

estimations temporelles 138

5.2.1 Groupe d‟estimations temporelles 138

5.2.2 Dimensions de la personnalité 140

5.2.3 Dimensions de la personnalité temporelle 143

5.2.4 Âge 144

5.2.5 Genre 144

5.3 Retombées et directions futures 145

5.4 Limites 150

5.5 Conclusion générale 152

REFERENCES 155

ANNEXES 163

Annexe A - Brief Mood Introspection Scale (BMIS) 164

Annexe B - Internet Addiction Test (IAT) 166

Annexe C - Dépendance aux jeux vidéo (DJV) 170

Annexe D - NASA-Task Load Index (NASA-TLX) 171

Annexe E - NEO-Five Factor Inventory (NEO-FFI) 174

Annexe F - Time Personality Indicator (TPI) 180

Annexe G - Validation de la version française du Time Personality Indicator 185

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Liste des figures

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Remerciements

Il me serait difficile de m‟attribuer tout le mérite associé à la réalisation de ce projet de thèse. Ainsi, j‟aimerais prendre quelques lignes pour remercier certaines personnes qui ont été impliquées à mon projet.

D‟abord, ce projet n‟aurait pas pu voir le jour sans la contribution de mon directeur de thèse, Simon Grondin. Monsieur Grondin, l‟impact de votre soutien, compréhension et accompagnement a dépassé le cadre de cette thèse...Merci pour tout !

Aussi, je tiens à remercier ma conjointe Marilyn et mes deux enfants, Marguerite et Eugénie. Les filles, vous m‟avez aidé à garder un équilibre entre le travail requis par mes études et le besoin que nous avions tous de passer du temps ensemble, loin de ces mêmes études. Alors que je pouvais être préoccupé par celles-ci, vous m‟aidiez à garder les deux pieds bien sur terre. Merci mes amours!

De même, je remercie mes parents, Christiane et Serge, et ma grand-mère, Lucienne, pour leur soutien et surtout, les outils qu‟ils m‟ont légués à travers mon éducation. Sans ces outils, je n‟aurais pu accomplir un tel projet. Également, merci aux membres de ma belle famille pour leur aide et leurs encouragements durant toutes ces années.

Par ailleurs, je remercie Louis Diguer et Sébastien Tremblay, professeurs à l‟École de psychologie, pour leurs suggestions à propos de mes travaux de recherches au cours des dernières années.

Ensuite, j‟aimerais exprimer ma gratitude envers certaines personnes que j‟ai côtoyées durant ces années. Fred, Guillaume, Caro, Doum, Jipi, Justine et Félix : merci pour tous ces beaux moments, mais surtout, pour votre amitié.

Également, ceux qui me connaissent savent que j‟aimerais faire une liste exhaustive de tous ceux qui m‟ont aidé au cours de ce projet afin de pouvoir les remercier un à un. Ainsi, à vous mes amis, je vais simplement vous dire, du fond du cœur, « Merci ! ».

Finalement, je tiens à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour l‟octroi d‟une généreuse bourse de recherche.

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Avant-Propos

Thèse avec insertion d’articles

Le présent projet de thèse contient deux articles. Le premier, Time Estimates of Internet

Surfing and Video Gaming, a été publié en 2013 dans la revue Timing and time perception,

volume 1, numéro 1, pages 39-64. Quant au deuxième, A new perspective on the

relationships between individual factors and time estimates, il devrait être prochainement

soumis à une revue. Nicolas Bisson est l‟auteur principal de ces articles. Le coauteur de ceux-ci, M. Simon Grondin, est le directeur de recherche de Nicolas Bisson.

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D‟un point de vue adaptatif, l‟estimation temporelle est importante dans la vie quotidienne, particulièrement lorsqu‟il s‟agit de bien gérer son temps. À cet égard, Francis-Smythe (2006) définit la gestion du temps comme suit :

Time management is the self-controlled attempt to use time in a subjectively efficient way to achieve outcomes through setting and prioritizing goals, planning and scheduling tasks, and monitoring progress both against the schedule and of task completion, in an iterative process, in order to accommodate changing goals and priorities (p. 145).

Une partie de cette définition met en relief que la gestion du temps nécessite d‟utiliser efficacement son temps : « […] use time in a subjectively efficient way […] ». Or, une utilisation efficace du temps nécessite d‟être en mesure de bien estimer la durée des activités (e.g. bien estimer le temps nécessaire afin de parcourir la distance entre la maison et le travail afin de ne pas être en retard). Donc, une bonne estimation temporelle des activités est nécessaire afin de bien estimer la durée d‟activités futures (Roy & Christendfeld, 2007), i.e. bien gérer son temps.

Les recherches dans le domaine des estimations temporelles ont exploré une grande variété de facteurs pouvant influencer la façon avec laquelle une personne estime le temps. Globalement, ces facteurs peuvent être divisés en deux catégories: les facteurs environnementaux et les facteurs individuels. Les facteurs environnementaux comprennent les caractéristiques inhérentes à un stimulus ou à une tâche. Par exemple, la modalité sensorielle à partir de laquelle la durée doit être estimée, la durée, les propriétés propres aux stimuli ou tâches utilisés (e.g. intensité d'un son, dimension d'une image, niveau de difficulté de la tâche). Concernant les facteurs individuels, ils réfèrent aux caractéristiques inhérentes à un individu. Par exemple, l‟âge, le sexe ou certains traits de la personnalité. Ces recherches ont permis de mieux comprendre les processus impliqués dans l‟estimation temporelle. Par la même occasion, il a été possible d‟étudier comment ces mêmes processus influencent différentes habiletés humaines (e.g. le langage, la coordination motrice).

Malgré leurs nombreux apports au niveau de la compréhension des facteurs influençant les estimations temporelles, un élément a été négligé par ces recherches. En effet, celles-ci n‟ont pas permis de connaître les processus impliqués dans des tâches et

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manque a ouvert la porte à une question importante, à savoir s‟il est possible d‟appliquer les connaissances actuelles dans le domaine des estimations temporelles à des tâches semblables à des activités quotidiennes. En effet, afin de mieux comprendre comment les individus gèrent leur temps quotidiennement, il importe de bien comprendre comment ceux-ci estiment la durée de leurs activités et quels sont les processus impliqués dans de telles estimations. Ainsi, une première étape vers cette meilleure compréhension serait de vérifier jusqu‟à quel point les connaissances actuelles dans le domaine des estimations temporelles peuvent être appliquées à des tâches semblables à des activités quotidiennes. C‟est d‟ailleurs dans cette optique que s‟inscrivent les objectifs de ce projet de thèse. Plus précisément, ce projet vise à vérifier si l‟impact qu‟ont certains facteurs environnementaux sur les estimations temporelles est le même lorsqu‟il est question de tâches semblables à des activités quotidiennes. Dans le même ordre d‟idées, il vise à déterminer si les relations existant entre les facteurs individuels et les estimations temporelles sont les mêmes dans de tels contextes.

Ainsi, dans le premier chapitre, les connaissances actuelles dans le domaine des estimations temporelles sont présentées. Comme il n‟est possible de présenter ici qu‟un aperçu de ces connaissances, l‟accent sera mis sur les éléments pertinents à l‟atteinte des objectifs spécifiques de ce projet. Au sujet de ces derniers, ils sont décrits à l‟intérieur du deuxième chapitre, aux côtés des différentes hypothèses et de la démarche utilisée afin de vérifier ces dernières. Aux troisième et quatrième chapitres, deux articles empiriques sont présentés. Chacun de ces articles est associé à un objectif spécifique de la thèse. Finalement, au cinquième chapitre, une discussion générale est présentée. Cette discussion intègre les résultats décrits à l‟intérieur des deux articles afin d‟en faire ressortir les constats généraux, les retombées (pratiques, théoriques et méthodologiques) ainsi que certaines

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Lorsqu‟il est question d‟étudier les facteurs qui influencent les estimations temporelles, différents paramètres doivent être considérés: (a) les méthodes de mesures utilisées afin d‟obtenir les estimations temporelles, (b) les variables dépendantes étudiées, (c) l‟étendue des durées à l‟étude, (d) le paradigme d‟estimations temporelles et finalement, (e) certains facteurs individuels (Grondin, 2001, 2010; Zakay, 2005). Dans la prochaine section, un survol des connaissances concernant ces paramètres est présenté, avec une insistance sur les deux derniers. En effet, ceux-ci seront directement associés aux différents objectifs du présent projet de thèse.

1.1 Méthodes de mesure

Lorsqu‟il est question d‟estimations temporelles, la méthode de mesure utilisée est un facteur important à considérer. En effet, des processus différents seraient impliqués dans les quatre méthodes normalement utilisées (Zakay, 1993a) et le choix d‟une méthode dépend principalement de l‟étendue des durées à l‟étude (Grondin, 2010). La première, celle de comparaison, consiste à comparer deux intervalles: un standard et un comparateur. Alors que la durée du standard est fixe, la durée du comparateur peut varier d‟essai en essai. Par exemple, le participant peut avoir à identifier si le comparateur est plus court ou plus long que le standard. D‟ailleurs, il existe plusieurs variantes à cette méthode. Entre autres, il y a la méthode des stimuli simples. Avec cette méthode, le participant doit juger si le stimulus présenté (i.e. le comparateur) est plus court ou plus long qu‟un stimulus présenté au début de l‟expérience (i.e. le standard). Également, la méthode de bissection est une autre variante de la méthode de comparaison. Lors d‟une tâche de bissection, un stimulus court et un stimulus long sont présentés à plusieurs reprises au début de l‟expérience. Ensuite, le participant doit juger si les autres stimuli sont plus près du stimulus court ou du stimulus long. La deuxième méthode, celle de production, consiste à produire un intervalle temporel correspondant à une durée chronométrique donnée par l‟expérimentateur. Le participant doit alors produire l‟intervalle en question en marquant le début et la fin de celui-ci par un comportement donné (e.g. appuyer sur une touche). La troisième méthode, la reproduction, exige de reproduire, à l‟aide d‟un comportement donné (e.g. appuyer sur une touche), un intervalle présenté par l‟expérimentateur. La dernière méthode, l‟estimation verbale, exige d‟estimer le temps à l‟aide d‟unités chronométriques (e.g. minute, seconde).

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intervalles (i.e. de plusieurs minutes à plusieurs heures, voir Bisson, Tobin, & Grondin, 2012; Grondin, 2010; Tobin, Bisson, & Grondin,2010). Ainsi, ces méthodes permettent de mesurer différentes variables dépendantes d‟intérêt dans le domaine des estimations temporelles.

1.2 Variables dépendantes étudiées

Deux variables dépendantes sont généralement au centre des préoccupations lors des recherches relatives aux estimations temporelles, la précision et la variabilité de celles-ci (Grondin, 2010). Dans la plupart des études s‟intéressant au temps psychologique, ces indices sont calculés à partir de plusieurs essais expérimentaux (e.g. Grondin, 2012; Grondin, Bisson, & Gagnon, 2011).

Au sujet de la précision des estimations temporelles, celle-ci est étudiée lorsque l‟objectif est de déterminer si un facteur quelconque (i.e. la difficulté de la tâche) provoque une distorsion au niveau des jugements temporels (Grondin, 2010). Deux variables dépendantes peuvent être associées à la précision de ces estimations. D‟abord, la direction de l‟erreur permet de vérifier si une personne sous-estime ou surestime la durée réelle. À cet effet, en fonction de la méthode d‟estimation temporelle utilisée, différents termes peuvent être employés afin de rapporter cette information. Entre autres, le RATIO (e.g. Bisson, et al., 2012), le point d’égalité subjective (e.g. Grondin, Bisson, et al., 2011) ou le point de bissection (e.g. Grondin, Voyer, & Bisson, 2011). De même, la précision des estimations temporelles fait aussi référence à la magnitude de l‟erreur d‟estimation (Brown, 1985). Comme c‟est le cas pour la direction de l‟erreur, le terme utilisé pour décrire la magnitude de l‟erreur peut aussi varier d‟une étude à l‟autre. Par exemple, il est possible de rencontrer les termes erreur absolue (e.g. Bisson, et al., 2012) ou erreur constante (e.g. Grondin, Voyer, et al., 2011).

Pour ce qui est de la variabilité des estimations temporelles, elle permet de connaître à quel point une personne est constante dans ses estimations. En effet, bien qu‟un individu puisse avoir des estimations temporelles précises, la variabilité de celles-ci peut être grande. Ainsi, la variabilité des estimations temporelles est étudiée lorsque l‟intérêt est d‟évaluer si la manipulation d‟un paramètre (i.e. la difficulté de la tâche) influence la fidélité des

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être utilisés afin d‟en faire état. Par exemple, il est possible de lire les termes fraction de

Weber (e.g. Grondin, Bisson, et al., 2011) ou le coefficient de variation (e.g. Grondin,

2012).

Ainsi, ces différentes variables dépendantes permettent de mesurer l‟impact qu‟ont certains facteurs, par exemple la durée et le paradigme, sur la précision et la variabilité des estimations temporelles.

1.3 Durées à l’étude

Lorsqu‟il est question d‟estimations temporelles, l‟étendue des durées étudiées est un facteur important à considérer. En effet, dans une revue de littérature, Wittmann (2009) fait état de plusieurs recherches soutenant l‟idée que les processus en jeu dans le traitement temporel diffèrent en fonction de la durée. De plus, certains auteurs rapportent qu‟une distinction peut être faite entre la perception et l‟estimation temporelle. D‟un côté, la perception temporelle concerne principalement les durées allant de quelques millisecondes à une seconde : le traitement de ces durées nécessiterait davantage les processus sensoriels. De l‟autre côté, l‟estimation temporelle concerne principalement les durées en deçà d‟une seconde : le traitement de ces durées toucherait davantage les processus cognitifs. Bien que la « frontière temporelle » entre la perception et l‟estimation temporelle reste floue (Grondin, 2008, 2010; Wittmann, 2009), un fait demeure : la précision et la variabilité des estimations temporelles sont susceptibles de différer en fonction de l‟étendue des durées à l‟étude.

D‟abord, Eisler, Eisler et Hellström (2008) rapportent que les longues durées tendent à être proportionnellement sous-estimées comparativement aux courtes durées. Ensuite, certains auteurs avancent que la variabilité des estimations temporelles augmente de façon linéaire avec l‟augmentation de la durée (Gibbon, 1977, tel que cité par Lewis et Miall, 2009; Grondin, 2004; Grondin & Plourde, 2007; Hancock & Rausch, 2009). À cet égard, lorsque la variabilité n‟augmente plus de façon linéaire, il est parfois avancé que le traitement de ces durées se fait sur la base d‟autres unités de mesures (e.g. seconde, minute) ou d‟autres mécanismes de traitements (e.g. perceptif, cognitif) (Eisler, et al., 2008). Cependant, certains auteurs remettent en question le fait que cette relation soit linéaire. En

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16.7 minutes, Lewis et Miall (2009) avancent que la variabilité diminuerait de façon logarithmique avec l‟augmentation des durées.

Par ailleurs, les résultats d‟une étude de Tobin, Bisson, Grondin (2010) appuient les effets décrits précédemment. Dans cette étude, les auteurs ont demandé à des participants de jouer à un jeu vidéo de leur choix durant 12, 35 ou 58 minutes. Ensuite, les participants ont estimé verbalement la durée de leur période de jeu. Les résultats de l‟étude révèlent que les participants des conditions 35 et 58 minutes ont significativement sous-estimé la durée de leur période de jeu comparativement aux participants de la condition 12 minutes. En outre, Tobin et al. (2010) relatent que les erreurs d‟estimations temporelles sont significativement plus grandes dans la condition 12 minutes comparativement aux conditions 35 et 58 minutes. Par ailleurs, la variabilité des estimations temporelles associée à la période de 12 minutes est significativement plus grande que celles associées aux périodes de 35 et 58 minutes. D‟ailleurs, la précision et la variabilité des estimations temporelles ne diffèrent pas significativement entre ces deux dernières conditions. En guise d‟explication, Tobin et al. (2010) avancent que les participants ont pu arrondir leur estimation temporelle aux cinq minutes les plus près. Conséquemment, l‟utilisation d‟une telle marge d‟erreur a un plus grand impact sur la précision des estimations temporelles d‟une période de 12 minutes que sur celles de périodes de 35 ou 58 minutes.

En résumé, lorsqu‟il est question de généraliser les résultats d‟une expérience à d‟autres contextes, l‟étendue des durées à l‟étude est un facteur important à considérer. En effet, la précision et la variabilité des estimations temporelles sont influencées par ce facteur. Par contre, l‟effet de la durée sur ces variables semble s‟estomper lorsqu‟il s‟agit d‟estimations temporelles verbales de durées de l‟ordre de plusieurs dizaines de minutes. Au-delà de la durée, un autre facteur doit être considéré lorsqu‟il est question d‟estimations temporelles : le paradigme utilisé pour estimer la durée.

1.4 Paradigmes d’estimations temporelles

La littérature différencie deux paradigmes d‟estimations temporelles : prospectif et

rétrospectif (Grondin, 2008, 2010). Par ailleurs, plusieurs auteurs mentionnent que le

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des paradigmes et de présenter de quelles façons les estimations temporelles diffèrent entre ceux-ci.

1.4.1 Paradigme prospectif

Lorsqu‟une estimation temporelle est effectuée dans le cadre du paradigme prospectif, la personne sait avant le début de la tâche qu‟elle devra estimer la durée de celle-ci (Grondin, 2008). À cet égard, plusieurs auteurs rapportent que les processus attentionnels jouent un rôle primordial dans le paradigme prospectif (Brown, 2008; Gruber & Block, 2003, 2005; Zakay, 2005). En effet, puisque la personne est consciente que le temps est une composante importante de la tâche, cette situation nécessite qu‟elle divise son attention entre une tâche non temporelle (e.g. trier des cartes) et une tâche temporelle (i.e. porter attention au temps). D‟ailleurs, par son postulat d’équivalence, Michon (1985) indique que l‟information temporelle n‟est pas différente de l‟information non temporelle (e.g. visuelle, auditive, tactile) : celle-ci nécessite un traitement intentionnel et fait appel à des ressources attentionnelles limitées. De plus, l‟auteur mentionne qu‟un décalage est à prévoir entre le traitement de l‟information temporelle et celui de l‟information non temporelle. En effet, plus les ressources attentionnelles sont portées vers le traitement de l‟information non temporelle, moins il en reste pour traiter l‟information temporelle (Michon, 1985). Conséquemment, les estimations temporelles sont moins précises. Ce phénomène, appelé l’effet d’interférence (Brown, 1997), est généralement observé en contexte de double tâche (e.g. trier des cartes et porter attention au temps). D‟ailleurs, dans une revue de littérature concernant le rôle de l‟attention dans l‟estimation temporelle, Brown (2008) rapporte que 91% des études effectuées sur l‟effet d‟interférence mènent à ce résultat. Cet effet est non seulement observé lorsque la difficulté de la tâche non temporelle augmente, mais aussi lorsque le pourcentage d‟attention alloué au traitement de l‟information temporelle est manipulé (e.g. demander à une personne d‟allouer 75% de son attention à une tâche et 25% de son attention au temps: Macar, Grondin, & Casini, 1994). Ainsi, cette convergence de résultats a amené plusieurs auteurs à postuler que la performance à des tâches d‟estimations temporelles prospectives est influencée par la quantité d‟attention allouée à l‟information temporelle (Brown, 1985, 2008; Hicks, Miller, & Kinsbourne, 1976; Zakay, 1993b, 2005) .

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Sur cette base, certains auteurs ont adapté les modèles traditionnels d‟horloge interne afin de proposer un modèle expliquant comment les processus attentionnels influencent le traitement de l‟information temporelle : le modèle de la porte attentionnelle (voir Figure 1, p.234). La première composante du modèle, le pacemaker, émet des pulsations à un rythme qui est uniquement influencé par le niveau d‟éveil d‟une personne. Plus le niveau d‟éveil est élevé, plus le rythme d‟émission du pacemaker est rapide. La deuxième composante, la porte attentionnelle, s‟ouvre lorsqu‟une personne porte attention au temps. Cette porte permet donc aux pulsations de se rendre à la composante suivante, l‟interrupteur. Au début d‟un intervalle, cet interrupteur permet aux pulsations de se diriger vers la quatrième composante, le compteur. Ce dernier accumule un nombre de pulsations et les achemine en mémoire de travail jusqu‟à ce que l‟intervalle soit terminé. À ce moment, l‟interrupteur s‟ouvre et les pulsations accumulées durant l‟intervalle sont envoyées vers une autre composante, la mémoire de références. De ce fait, si une personne doit estimer verbalement la durée d‟une activité, le total des pulsations accumulées en mémoire de travail est comparé à des étiquettes numériques correspondant à diverses durées chronométriques stockées en mémoire (Zakay, 2005).

1.4.2 Paradigme rétrospectif

Lorsqu‟une estimation temporelle est effectuée dans le cadre du paradigme rétrospectif, le participant n‟est pas informé avant le début de la tâche qu‟il devra estimer la durée de celle-ci, mais seulement lorsqu‟elle est terminée (Grondin, 2008). Ainsi, le participant peut allouer la totalité de ses ressources attentionnelles à la tâche non temporelle. Ce faisant, son estimation temporelle ne dépend pas de l‟attention, mais des processus mnésiques d‟encodage, d‟emmagasinage et de récupération (Block & Zakay, 1997).

Ornstein (1969) propose que les estimations temporelles rétrospectives sont proportionnelles à la quantité d‟information emmagasinée par une personne durant une période de temps donnée. Selon cet auteur, plus grande est la quantité d‟information, plus la durée de l‟événement est rétrospectivement estimée longue. De son côté, Fraisse (1963) propose que les estimations temporelles rétrospectives d‟un événement dépendent du nombre de changements perçus durant une période de temps donnée. Sur la base de ce

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postulat, Block et Reed (1978) proposent le modèle de changement contextuel. Selon ce modèle, les estimations temporelles rétrospectives sont effectuées sur la base du nombre de changements de contextes cognitifs ayant eu lieu durant la période de temps à estimer. Ces changements de contextes cognitifs peuvent inclure des changements au niveau du type de traitement effectué, du contexte environnemental ou du contexte émotionnel de la personne (Block & Zakay, 2008). Finalement, d‟autres auteurs proposent que les estimations temporelles rétrospectives dépendent de l‟organisation structurelle de l‟événement (Boltz, 1992a, 1995). En effet, Boltz (1995) avance que plus la structure d‟un événement est cohérente, plus il est facile pour une personne d‟y dégager une structure temporelle. En outre, la structure temporelle permet la mise en évidence de l‟organisation de l‟information non temporelle liée à l‟événement en question. En retour, cette mise en évidence facilite l‟encodage et la récupération de l‟événement en mémoire. Étant donné que l‟événement est défini par les relations entre l‟information temporelle et non temporelle, les relations utilisées afin de guider l‟encodage d‟un événement facilitent aussi la récupération des informations le concernant, dont la durée de celui-ci (Boltz, 1992b).

En résumé, la littérature relative aux estimations temporelles fait état de deux principaux paradigmes: prospectif et rétrospectif. D‟un côté, les estimations temporelles prospectives sont influencées par la quantité de ressources attentionnelles allouées au traitement de l‟information temporelle. Par exemple, plus une personne alloue de ressources attentionnelles au traitement de l‟information temporelle, plus la quantité de pulsations accumulées est élevée. Conséquemment, la durée de l‟activité est perçue comme étant plus longue. À l‟opposé, les estimations temporelles rétrospectives résultent principalement de processus mnésiques. En outre, ces processus sont influencés par les changements contextuels et la structure de l‟événement pour lequel une estimation temporelle rétrospective est requise.

1.4.3 Comparaison entre les deux paradigmes

Tel que mentionné précédemment, il semble que les deux paradigmes d‟estimations temporelles fonctionnent selon des processus différents (Block, et al., 2010; Block & Zakay, 1997; Grondin, 2010; Zakay & Block, 2004). Si tel est le cas, les estimations

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temporelles effectuées dans le cadre des deux paradigmes devraient être différentes et un même facteur (e.g. difficulté de la tâche) devrait avoir un effet différentiel sur celles-ci.

Les estimations temporelles prospectives semblent bien être différentes des estimations temporelles rétrospectives. À cet effet, Block et Zakay (1997) ont publié une méta-analyse effectuée sur la base de 20 études comparant directement les deux paradigmes d‟estimations temporelles. Leurs résultats démontrent que les estimations temporelles prospectives sont environ 16 % plus longues et 15 % moins variables que les estimations temporelles rétrospectives. Plus récemment, Tobin et al. (2010) ont comparé les estimations verbales de participants ayant joué à un jeu vidéo durant une période de 12, 35 ou 58 minutes. Dans leur étude, la moitié des participants étaient assignés à la condition prospective et l‟autre moitié la condition rétrospective. Entre autres, leurs résultats révèlent que les estimations temporelles prospectives sont 23% plus longues que les estimations temporelles rétrospectives (Tobin et al., 2010). Bien que de magnitudes différentes, ces résultats vont dans la même direction que ceux de la méta-analyse de Block et Zakay (1997) : les estimations temporelles prospectives sont plus longues que les estimations temporelles rétrospectives. Par contre, d‟autres résultats diffèrent de Block et Zakay (1997). En effet, alors que ces derniers rapportent que la variabilité des estimations temporelles rétrospectives est plus grande que celle des estimations temporelles prospectives (Block & Zakay, 1997), Tobin et al. (2010) soulignent que la variabilité des estimations temporelles ne diffère pas en fonction du paradigme.

Par ailleurs, Block et Zakay (1997) soulèvent que la difficulté de la tâche dont la durée d‟exécution doit être estimée modère la différence entre les estimations temporelles prospectives et rétrospectives. En effet, lorsque le niveau de difficulté de la tâche est bas, les estimations temporelles prospectives sont plus longues que les estimations temporelles rétrospectives. À l‟opposé, lorsque la difficulté de la tâche est élevée, les estimations temporelles prospectives et rétrospectives sont semblables. De plus, alors que la variabilité des estimations temporelles prospectives augmente en fonction de la difficulté de la tâche, celle des estimations temporelles rétrospectives reste stable (Block & Zakay, 1997).

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être définie comme étant la quantité de ressources cognitives (e.g. attention, mémoire de travail) nécessaires à l‟exécution d‟une tâche, influencerait tant la précision que la variabilité des estimations temporelles prospectives et rétrospectives (Block, et al., 2010). Ainsi, plus la charge cognitive requise par la tâche non temporelle est élevée, moins la quantité de ressources cognitives disponibles au traitement de l‟information temporelle est grande.

En premier lieu, les auteurs de cette méta-analyse rapportent que plus la difficulté de la tâche augmente, plus les estimations temporelles prospectives sont courtes et plus les estimations temporelles rétrospectives sont longues (Block, et al., 2010). Ainsi, les estimations temporelles prospectives sont plus courtes lorsque les tâches nécessitent: (a) de diviser son attention entre deux sources d‟informations, (b) de répondre de façon active (en opposition à simplement regarder des stimuli) et (c) d‟effectuer un traitement approfondi des stimuli (un traitement sémantique en opposition à un traitement perceptif). Les auteurs mentionnent que les tâches en question font appel à la mémoire de travail, particulièrement à l‟administrateur central (e.g. voir le modèle de Baddeley, 1986). Pour leur part, les estimations temporelles rétrospectives sont plus longues lorsque les tâches sont : (a) plus difficiles, (b) segmentées par un ou plusieurs événements importants et (c) familières. Les auteurs mentionnent que les effets de la difficulté et de la segmentation de la tâche peuvent être expliqués par le modèle de changement contextuel. Pour eux, une tâche difficile offre plus de possibilités de changements contextuels qu‟une tâche simple. De même, ils avancent que la segmentation est un sous-type de changement contextuel influençant les estimations temporelles rétrospectives. Aussi, la familiarité faciliterait l‟encodage et la récupération des événements ayant eu lieu durant la période de temps à estimer (Block, et al., 2010; Boltz, 1992a, 1995). À cet égard, Boltz (2005) avance que la précision des estimations temporelles prospectives et rétrospectives tendent à être équivalentes lorsque le niveau de familiarité d‟un événement est élevé.

En second lieu, Block et al. (2010) rapportent que la charge cognitive a aussi un effet différentiel sur la variabilité des estimations temporelles prospectives et rétrospectives. En effet, les auteurs ont rapporté que la variabilité des estimations

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approfondi des stimuli et (b) de répondre de façon active aux stimuli. À l‟opposé, la variabilité des estimations temporelles rétrospectives ne semble pas être influencée par la charge cognitive.

En résumé, la précision et la variabilité des estimations temporelles diffèrent en fonction du paradigme utilisé. De façon générale, les estimations temporelles prospectives sont plus longues et moins variables que les estimations temporelles rétrospectives. Néanmoins, la charge cognitive requise par la tâche non temporelle semble modérer ces différences. D‟un côté, les estimations temporelles prospectives sont plus courtes et plus variables lorsque la charge cognitive est élevée. De l‟autre côté, les estimations temporelles rétrospectives sont plus longues, mais pas plus variables, lorsque la charge cognitive est élevée. Néanmoins, le niveau de charge cognitive perçu peut varier d‟une personne à une autre. Ainsi, il peut s‟avérer pertinent de considérer comment certains facteurs individuels influencent les estimations temporelles prospectives et rétrospectives.

1.5 Facteurs individuels influençant les estimations temporelles

Depuis plusieurs décennies (e.g. Fraisse, 1963; James, 1890), la recherche relative aux estimations temporelles vise à mieux comprendre les facteurs qui influencent les estimations temporelles. À cet effet, la recherche sur le temps psychologique s‟est davantage concentrée à étudier comment un changement au niveau d‟un paramètre expérimental (e.g. difficulté de la tâche) influence les estimations temporelles. D‟ailleurs, à la lumière de ce qui a été discuté précédemment, ce domaine de recherche a davantage porté sur la compréhension de l‟influence des processus attentionnels et mnésiques sur les estimations temporelles. Ce faisant, les relations entre les facteurs individuels et les estimations temporelles ont reçu moins d‟attention de la part des chercheurs. Malgré cela, certains facteurs ont tout de même retenu l‟attention de ceux-ci: l‟âge (Block, Zakay, & Hancock, 1998), le genre (Block, Hancock, & Zakay, 2000; Branas-Garza, Espinosa-Fernandez, & Serrano-del-Rosal, 2007; Hancock & Rausch, 2009), l‟état émotionnel (Angrilli, Cherubini, Pavese, & Manfredini, 1997; Bisson, Tobin, & Grondin, 2009; Droit-Volet & Meck, 2007) et, dans une moindre mesure, les traits de la personnalité (Francis-Smythe & Robertson1999a; Lienert & Rammsayer, 1998; Rammsayer, 1997, 2002;

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Rammsayer & Rammstedt, 2000). Cette section se veut donc un survol de la littérature portant sur les relations entre les facteurs individuels et les estimations temporelles.

1.5.1 Âge

Les connaissances au sujet des relations entre l‟âge et les estimations temporelles sont partagées. Alors que certains auteurs rapportent que l‟âge n‟a aucune influence sur celles-ci (Bisson, et al., 2012; Branas-Garza, et al., 2007; Hancock & Rausch, 2009), d‟autres rapportent que l‟âge a un effet sur les estimations temporelles prospectives (Block, et al., 1998; Espinosa-Fernandez, Miro, Cano, & Buela-Casal, 2003) et rétrospectives (Branas-Garza, et al., 2007; Vanneste & Pouthas, 1995).

Dans une méta-analyse concernant l‟effet de l‟âge sur les estimations temporelles prospectives, Block et al. (2000) rapportent que, comparativement à des adultes âgés de moins de 60 ans, les adultes âgés de plus de 60 ans tendent à : (a) surestimer verbalement les durées, (b) effectuer de plus courtes productions temporelles et (c) afficher une plus grande variabilité dans leurs estimations temporelles. Plus récemment, certains auteurs ont aussi rapporté que les personnes âgées de plus de 51 ans effectuent de plus courtes productions temporelles que leurs plus jeunes congénères (Espinosa-Fernandez, et al., 2003). Ces résultats sont à l'opposé de ce qui est prédit par les théories selon lesquelles il y aurait un ralentissement du rythme d‟émission du pacemaker avec l‟âge (Block, et al., 1998). Selon cette perspective, les personnes âgées devraient avoir de plus longues productions et de plus courtes estimations verbales. Par contre, d‟un point de vue purement méthodologique, Block et al. (1998) avancent que ces résultats peuvent être expliqués par le modèle de la porte attentionnelle. En effet, les stimuli utilisés dans ces études sont des intervalles vides dont les durées s‟étendent respectivement de 40 millisecondes à 480 secondes (Block, et al., 1998) et de 10 à 300 secondes (Espinosa-Fernandez, et al., 2003). Pour Block et al. (1998), le traitement de l‟information non temporelle de ces stimuli ne requiert qu‟une faible quantité de ressources attentionnelles, ce qui en laisse davantage au traitement de l‟information temporelle. Conséquemment, les personnes âgées ont de plus courtes productions et de plus longues estimations verbales (Block, et al., 1998; Espinosa-Fernandez, et al., 2003). D‟ailleurs, lorsqu‟une période de temps est remplie avec une tâche

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âgées ont de plus longues productions et de plus courtes estimations verbales comparativement à de jeunes adultes (Craik & Hay, 1999). Par contre, puisque leurs résultats ne révèlent aucune relation entre le niveau de difficulté de la tâche et les estimations temporelles, Craik et Hay (1999) avancent que le ralentissement du pacemaker, et non la diminution des ressources attentionnelles, peut davantage expliquer leurs résultats. Peu de recherches ont porté sur l‟effet de l‟âge sur les estimations temporelles rétrospectives (Block, et al., 1998). Néanmoins, les résultats d‟une étude réalisée par Vanneste et Pouthas (1995, Expérience 2) permettent d‟élaborer certaines hypothèses. Dans cette étude, les auteurs ont comparé les estimations temporelles rétrospectives de deux groupes de participants : un groupe de jeunes adultes (18 à 28 ans) et un groupe de personnes âgées (60 à 70 ans). Durant 90 secondes, les participants ont dû effectuer une des quatre tâches suivantes : (a) classer 15 mots selon un critère alphabétique, (b) classer 15 mots selon un critère sémantique, (c) classer 30 mots selon un critère alphabétique ou finalement, (d) classer 30 mots selon un critère sémantique. Par la suite, ils ont reproduit la durée de la tâche de classification. Les résultats révèlent que les reproductions des personnes âgées s‟avèrent plus courtes que celles des jeunes adultes. Cependant, les auteurs rapportent que ni la longueur de la liste de mots, ni le type de classification demandé ne peuvent expliquer ces résultats. En effet, pour la condition sémantique, les performances de rappel de mots des personnes âgées sont équivalentes à celles des jeunes adultes. Conséquemment, les auteurs concluent que les modèles mnésiques explicatifs du paradigme rétrospectif ne peuvent être utilisés pour expliquer les résultats. Par contre, les auteurs avancent que le ralentissement du pacemaker peut expliquer pourquoi les reproductions des personnes âgées sont plus courtes. En effet, pour un même intervalle, si le pacemaker des personnes âgées émet moins de pulsations que celui des jeunes adultes, alors ils accumulent un moins grand nombre de pulsations que leurs plus jeunes congénères. Ainsi, les reproductions des personnes âgées sont plus courtes que celles des jeunes adultes.

En résumé, la diminution de la précision et l‟augmentation de la variabilité des estimations temporelles prospectives, de même que la diminution de la précision des

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estimations temporelles rétrospectives observées avec le vieillissement semblent être expliquées par la réduction du rythme d‟émission du pacemaker.

1.5.2 Sexe

À l‟instar des connaissances relatives aux relations entre l‟âge et les estimations temporelles, les connaissances au sujet des liens entre ces dernières et le sexe sont minces (Block, et al., 2000). Dans leur méta-analyse sur le sujet, Block et al. (2000) rapportent que les estimations temporelles des femmes sont approximativement 10% plus longues et 15 % plus variables que celles des hommes. En outre, les auteurs rapportent que ces différences, bien que significatives, sont de faibles magnitudes et modulées en fonction du paradigme utilisé.

Certains auteurs rapportent que les estimations temporelles prospectives ne diffèrent pas significativement entre les hommes et les femmes (Block, et al., 2000). Cependant, lorsque la méthode de mesure est prise en compte, certaines différences émergent. En effet, comparativement aux hommes, les femmes ont de plus courtes productions et reproductions, mais de plus longues estimations verbales (Block, et al., 2000). Certains auteurs ont partiellement répliqué ces résultats (e.g. Espinosa-Fernandez, et al., 2003; Hancock & Rausch, 2009). Par exemple, Hancock et Rausch (2009) ont demandé à des femmes et des hommes de produire des intervalles de 1, 3, 7 et 20 secondes, à raison de 50 essais par durée. À l‟instar de Block et al. (2000), les auteurs rapportent que les productions des femmes sont plus courtes et plus variables que celles des hommes. Pour expliquer ces résultats, Block et al. (2000) s‟appuient sur le modèle de la porte attentionnelle et avancent que les femmes allouent plus de ressources attentionnelles à l‟information temporelle que les hommes et en conséquence, pour une même durée, les femmes accumulent un plus grand nombre de pulsations que les hommes.

Par ailleurs, la méta-analyse de Block et al. (2000) met en évidence que, comparativement au paradigme prospectif, peu de recherches ont porté sur les différences sexuelles lors d‟estimations temporelles rétrospectives. Malgré cela, cette méta-analyse révèle que les estimations temporelles rétrospectives des femmes sont plus longues que celles des hommes. Cependant, les auteurs soulignent que ce résultat est modulé par le

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un grand nombre de stimuli (e.g. regarder un film), ces dernières ont de plus longues estimations temporelles rétrospectives que les hommes. Par contre, lorsqu‟exposées à aucun stimulus (e.g. intervalle vide), un stimulus (e.g. un son continu) ou quelques stimuli (e.g. trois mots), les estimations temporelles rétrospectives des femmes ne diffèrent pas de celles des hommes. De même, lorsque les femmes sont exposées à des stimuli complexes (e.g. extrait d‟un texte scientifique) ou modérément complexes (e.g. extrait d‟un roman), leurs estimations temporelles rétrospectives sont plus longues que celles des hommes. Par contre, lorsqu‟elles sont exposées à un stimulus simple (e.g. mots communs), leurs estimations temporelles rétrospectives ne diffèrent pas de celles des hommes (Block, et al., 2000). Pour expliquer ces résultats, Block et al. (2000) s‟appuient sur le modèle de changement contextuel. En effet, les auteurs avancent que les femmes ont de meilleures habiletés que les hommes à mémoriser un événement et les changements contextuels qu‟il contient. Conséquemment, pour un même intervalle, elles mémorisent plus d‟informations que les hommes, ce qui les amène à surestimer la durée d‟un événement comparativement à ces derniers.

En résumé, les estimations temporelles des femmes sont généralement plus longues et plus variables que celles des hommes. Dans le cadre du paradigme prospectif, ces différences sont modulées par la méthode d‟estimation temporelle et peuvent être expliquées par le modèle de la porte attentionnelle: comparativement aux hommes, les femmes dédieraient plus de ressources attentionnelles aux informations temporelles. En ce qui a trait au paradigme rétrospectif, les femmes mémoriseraient davantage d‟information (e.g. changements contextuels) que les hommes durant un même intervalle de temps. Au-delà de l‟âge et du sexe, un autre facteur a suscité l‟intérêt des chercheurs s‟intéressant aux estimations temporelles : l‟état émotionnel.

1.5.3 Émotions et niveau d’éveil physiologique

Les recherches tentant de mieux comprendre l‟influence des émotions sur les estimations temporelles sont de plus en plus nombreuses dans la littérature (Grondin, 2010; Wittmann, 2009). Malgré cela, la majorité de ces recherches a été concentrée sur le paradigme prospectif et les courtes durées (Grondin, 2010).

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En ce qui a trait au paradigme prospectif, les résultats obtenus à l‟aide de tâches de bissection suggèrent que la durée de stimuli émotionnels représentant la colère est perçue plus longue, mais ni plus ni moins variable, que la durée de stimuli neutres (Droit-Volet, Brunot, & Niedenthal, 2004). De plus, selon Droit-Volet et Meck (2007), cet effet s‟appliquerait aussi à d‟autres émotions, telles la tristesse, la joie et la peur. Par ailleurs, d‟autres recherches ont mis en évidence que les émotions ont un effet différentiel sur les estimations temporelles. En effet, une même émotion (e.g. la joie) peut, dans une situation, provoquer une surestimation, mais dans une autre situation, une sous-estimation de la durée d‟une tâche ou d‟un stimulus (Angrilli, et al., 1997; Wittmann, 2009). Selon certains auteurs, cet effet paradoxal est causé par le niveau d‟éveil physiologique d‟un individu : plus le niveau d‟éveil est élevé, plus les estimations temporelles sont longues (Angrilli, et al., 1997; Droit-Volet & Meck, 2007; Droit-Volet, Mermillod, Cocenas-Silva, & Gil, 2010; Gil & Droit-Volet, 2012; Grondin, 2010; Wittmann, 2009). Cette relation peut être expliquée par le modèle de la porte attentionnelle. En effet, Zakay (2005) avance que le niveau d‟éveil influence directement la vitesse à laquelle les pulsations sont émises par le pacemaker. Ce faisant, pour une même durée, une personne avec un haut niveau d‟éveil accumule plus de pulsations comparativement à une personne avec un bas niveau d‟éveil. Ainsi, la personne avec un haut niveau d‟éveil surestime la durée comparativement à celle avec un bas niveau d‟éveil.

Même si l‟impact de l‟état émotionnel sur les estimations temporelles rétrospectives a reçu moins d‟attention, certains résultats méritent qu‟on s‟y attarde. Bisson et al. (2009) rapportent que la durée d‟extraits musicaux joyeux et tristes est verbalement surestimée comparativement à une tâche cognitive neutre (i.e. compter à reculons par bonds de 3). À l‟opposé, Hornik (1992) observe que les participants dans un état émotionnel positif sous-estiment la durée d‟une période de lecture (durée réelle = 7 minutes) ou de l‟écoute d‟un discours (durée réelle = 12 minutes). Enfin, d‟autres auteurs rapportent que les estimations temporelles rétrospectives d‟une période de visionnement de séquences vidéo ne diffèrent pas en fonction de l‟émotion induite par ces séquences, qu‟elle soit triste, neutre ou joyeuse (Grondin, Laflamme, Bisson, & Désautels, 2014). Dans cette expérience, la durée de la période de visionnement était de 15 minutes.

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En résumé, il semble que l‟état émotionnel influence les estimations temporelles prospectives et que le niveau d‟éveil physiologique modère parfois l‟impact d‟une émotion sur ce type d‟estimation temporelle. Au sujet des estimations temporelles rétrospectives, les études les concernant sont peu nombreuses et les résultats sont parfois contradictoires. Finalement, il est important de ne pas oublier que l‟état émotionnel d‟un individu n‟est pas uniquement influencé par des événements externes, mais aussi par certains traits de sa personnalité. D‟ailleurs, la prochaine section fait un survol des relations entre certains traits de la personnalité et les estimations temporelles.

1.5.4 Traits généraux de la personnalité

Malgré l‟intérêt grandissant pour l‟étude des relations entre les traits de la personnalité et différentes habiletés humaines (Chamorro-Premuzic & Furnham, 2005), peu d‟attention a été accordée aux relations entre ces traits et les estimations temporelles. Conséquemment, la nature de ces relations demeure un aspect méconnu de ce domaine de recherche (Fraisse, 1963, p. 250; Orme, 1962; Rammsayer, 1997, 2002; Zakay, Lomranz, & Kaziniz, 1984). Par ailleurs, même si certains modèles proposent jusqu‟à 16 traits de personnalité (Hansenne, 2003), seulement deux ont reçu un certain intérêt de la part des chercheurs : l‟extraversion et le névrosisme.

1.5.4.1 Extraversion. Selon le modèle des cinq facteurs (Costa & McCrae, 1992),

une personne ayant un bas niveau d‟extraversion (i.e. introvertie) est silencieuse, retirée et fait davantage preuve de retenue. À l‟opposé, une personne présentant un haut niveau d‟extraversion (i.e. extravertie) est éveillée, encline à vivre des émotions positives, impulsive, revendicatrice et tournée vers les relations sociales (Busato, Prins, Elshout, & Hamaker, 2000, cité dans Chamorro-Premuzinc & Furnham, 2005). Par ailleurs, selon Eysenck et Eysenck (1985, cité dans Chamorro-Premuzinc & Furnham, 2005), la différence entre les introvertis et extravertis relève du niveau d‟activation corticale. En effet, face à une même situation, les personnes introverties génèreraient une plus grande activation corticale que celles extraverties. Ce faisant, les introvertis ont besoin de plus de temps et d‟effort que les extravertis afin de s‟adapter à la situation, ce qui expliquerait pourquoi ils ne cherchent pas autant de stimulations extérieures comparativement aux extravertis. À l‟opposé, puisqu‟ils ont une moins grande activation corticale, les personnes extraverties

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combleraient ce manque d‟activation en recherchant davantage de stimulations extérieures. Bien que l‟extraversion soit probablement le trait de la personnalité ayant reçu le plus d‟attention dans le cadre de la recherche relative aux estimations temporelles, les résultats divergent entre les études.

D‟un côté, certains auteurs rapportent que les personnes extraverties ont des estimations temporelles plus longues que les personnes introverties (Lynn, 1961; Rammsayer, 1997; Zakay, et al., 1984). À titre d‟exemple, Zakay et al. (1984) ont comparé les estimations temporelles de 69 extravertis et 63 introvertis à l‟aide d‟une tâche de reproduction. Les participants devaient reproduire la durée d‟exposition (10 secondes) à des figures géométriques. De plus, le nombre d‟angles était varié afin de manipuler le niveau de complexité des figures, la complexité étant simple (4 angles), modérée (10 angles) ou élevée (18 angles). Durant la tâche, chaque participant effectuait trois reproductions, une pour chaque niveau de complexité. Zakay et al. (1984) rapportent que, dans les conditions de niveaux simple et modéré, les reproductions des extravertis sont significativement plus longues que celles des introvertis. Par contre, pour la condition élevée, les estimations temporelles des deux groupes sont équivalentes. Par ailleurs, les auteurs soulignent que la relation entre les estimations temporelles et le niveau de complexité est négative chez les extravertis. Afin d‟expliquer ces résultats, Zakay et al. (1984) avancent que les estimations temporelles des extravertis sont davantage le fruit du traitement de l‟information temporelle. Pour eux, cette tendance reflète une préférence pour le traitement de l‟information extérieure plutôt qu‟une préférence pour les processus internes. Ainsi, lorsque placés dans un environnement faible en stimulations (e.g. conditions simple ou modérée), les extravertis porteraient davantage attention au temps comparativement aux introvertis tandis que les introvertis porteraient davantage attention au traitement de l‟information en soi, i.e. aux processus internes. Ce faisant, les introvertis dédieraient moins d‟attention au traitement de l‟information temporelle, expliquant ainsi leur tendance à sous-estimer la durée comparativement aux extravertis (Zakay, et al., 1984).

À l‟opposé, certains auteurs rapportent que les personnes extraverties ont des estimations temporelles plus courtes que les personnes introverties (Buchwald & Blatt,

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Kenna, 1964; Spreen, 1963). À titre d‟exemple, Buchwald et Blatt (1974, expérience 2) ont comparé les estimations temporelles de 12 extravertis et 12 introvertis. Dans cette étude, les auteurs ont demandé à chaque participant d‟effectuer deux tâches de résolution d‟anagrammes : une facile et l‟autre difficile. Dans chaque cas, les participants ont effectué ces tâches durant 500 secondes, après quoi ils ont donné une estimation verbale de la durée. Les résultats démontrent que les extravertis ont de plus courtes estimations temporelles que les introvertis. Aussi, seules les estimations temporelles des extravertis sont influencées par le niveau de difficulté des anagrammes, ces estimations étant plus courtes lorsque les anagrammes sont faciles. Pour expliquer l‟interaction entre le niveau d‟extraversion et les estimations temporelles, les auteurs avancent que les extravertis sont davantage influencés par les stimulations extérieures. Ainsi, lorsque la tâche est difficile, le niveau de stimulation extérieur est plus élevé, ce qui donne l‟impression que la tâche dure plus longtemps. En contrepartie, les introvertis sont davantage influencés par les processus internes, donc leurs estimations temporelles ne sont pas autant influencées par une variation des stimulations extérieures.

1.5.4.2 Névrosisme. Selon le modèle des cinq facteurs, une personne névrotique a

davantage tendance à vivre des émotions négatives (e.g. anxiété, colère et sentiments dépressifs) qu‟une personne ayant une bonne stabilité émotionnelle (Busato, et al., 2000, cité dans Chamorro-Premuzinc & Furnham, 2005). Par ailleurs, selon Eysenck et Eysenck (1985, cité dans Chamorro-Premuzinc & Furnham, 2005), la différence entre le névrosisme et la stabilité émotionnelle relève du niveau d‟activation du système nerveux autonome et du système limbique (siège des émotions). Cette dimension de la personnalité peut donc être comprise en termes de relation entre le niveau d‟activation d‟une personne et ses réponses émotionnelles. Ainsi, comparativement aux personnes ayant une bonne stabilité émotionnelle, les personnes névrotiques réagissent plus fortement aux stimulations nouvelles ou troublantes. De même, la diminution de l‟intensité de la réponse est plus lente chez celles-ci (Chamorro-Premuzic & Furnham, 2005). Finalement, à l‟instar des études sur les relations entre l‟extraversion et les estimations temporelles, celles concernant les relations entre le névrosisme et les estimations du temps ont produit des résultats contradictoires.

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D‟un côté, certains auteurs rapportent que les personnes névrotiques ont de plus longues estimations temporelles que les personnes ayant une bonne stabilité émotionnelle (Davidson & House, 1982; Orme, 1962; Rammsayer & Rammstedt, 2000). Pour ne prendre qu‟un exemple, Davidson et House (1982) ont demandé à 90 étudiants d‟estimer verbalement, de produire et de reproduire des intervalles de 20, 60 et 180 secondes. Leurs résultats montrent que relativement aux personnes émotionnellement stables, les personnes névrotiques ont verbalement surestimé, mais sous-produit les trois durées; les reproductions des deux groupes étaient cependant équivalentes. Selon Davidson et House (1982), ces résultats seraient expliqués par le fait que les personnes névrotiques auraient une horloge interne plus rapide que les personnes ayant une bonne stabilité émotionnelle.

D‟un autre côté, certains auteurs rapportent que les personnes névrotiques ont tendance à avoir de plus courtes estimations temporelles que les personnes ayant une bonne stabilité émotionnelle (Davidson & House, 1982; Kirkcaldy, 1984). Notamment, Kirkcaldy (1984) a demandé à 61 femmes et 41 hommes de produire un intervalle de 60 secondes. L‟auteur rapporte une corrélation négative et non significative entre le niveau de névrosisme et les productions temporelles des participants. En d‟autres termes, les personnes ayant un haut niveau de névrosisme auraient tendance à avoir de plus courtes productions que les personnes ayant une bonne stabilité émotionnelle (Kirkcaldy, 1984). Selon l‟auteur, la grande variabilité interindividuelle des estimations temporelles expliquerait pourquoi la relation observée n‟est pas significative.

En résumé, les recherches s‟intéressant aux relations entre les traits de la personnalité et les estimations temporelles ont principalement porté sur deux traits, l‟extraversion et le névrosisme, et ont été conduites à l‟aide du paradigme prospectif. Par ailleurs, ces recherches ont produit des résultats contradictoires, principalement en raison de l‟utilisation de méthodes de mesures, de durées et de tâches différentes (Davidson & House, 1982; Rammsayer & Rammstedt, 2000; Spreen, 1963). Cependant, certains constats peuvent être présentés. D‟abord, la précision des estimations temporelles des personnes extraverties serait davantage influencée par les stimulations externes et celles des introvertis par le niveau de réflexion nécessité par la situation. Ensuite, la précision des

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pulsations du pacemaker, i.e. l‟horloge interne, qui elle, serait associée au niveau d‟éveil physiologique (Zakay, 2005).

1.5.5 Traits de la personnalité temporelle

À la lumière de ce qui a été présenté dans la section précédente, il est possible que les traits de la personnalité normalement étudiés ne constituent pas les meilleurs construits afin de prédire les estimations temporelles. Une vision alternative pourrait être qu‟il existe un ou plusieurs traits représentant les attitudes qu‟une personne a face au temps : la personnalité temporelle.

Selon Francis-Smythe et Robertson (1999b), la personnalité temporelle est composée d‟un ensemble de traits qui représente les attitudes, pensées et émotions qu‟une personne entretient envers le temps ou envers des comportements liés au temps. Bien qu‟il existe une grande variété de recherches relatives à la personnalité temporelle, les domaines s‟intéressant à ce construit ont emprunté différents chemins. Conséquemment, la littérature fait état d‟une multitude de traits liés à la personnalité temporelle. Malgré cela, un consensus semble s‟être développé autour de certains traits: l‟orientation face au temps, la ponctualité, l‟urgence face au temps, la polychronicité et la procrastination (Francis-Smythe et al., 2006). De plus, la personnalité temporelle est fréquemment utilisée afin de mesurer jusqu‟à quel point une personne se perçoit comme une bonne gestionnaire de son temps. À cet égard, certains auteurs rapportent qu‟il existe une relation négative entre les aptitudes d‟une personne à bien gérer son temps et ses productions temporelles (Francis-Smythe & Robertson, 1999a).

En résumé, la personnalité temporelle est un construit représentant les attitudes qu‟une personne a face au temps. Par contre, très peu de recherches ont vérifié l‟existence de relations entre celle-ci et les estimations temporelles.

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Globalement, les deux objectifs de ce projet de thèse visent à vérifier dans quelle mesure les connaissances actuelles dans le domaine des estimations temporelles peuvent être appliquées à des tâches semblables à des activités quotidiennes. Dans cette optique, le choix de la navigation sur l‟Internet comme principale tâche expérimentale est approprié. En effet, son utilisation à l‟école et dans la société en général a beaucoup augmenté au cours des dernières années (Chou, Condron, & Belland, 2005). De plus, il est mentionné que certaines personnes éprouvent de la difficulté à bien estimer le temps qu‟elles investissent dans cette activité (Feng-Lin, Lin-Yan, & Xue-Ping, 2006; Pace, 2004; Young, 2007). En conséquence, la navigation sur l‟Internet peut être considérée comme une tâche quotidienne idéale afin d‟étudier certains faits relatifs aux estimations temporelles.

Le premier objectif (section 2.1) vise à vérifier si les connaissances actuelles concernant les différences entre les paradigmes prospectif et rétrospectif peuvent être appliquées à d‟autres contextes que ceux normalement étudiés et jugés non écologiques.

Le deuxième objectif (section 2.2) vise à déterminer si les connaissances actuelles au niveau des relations entre les facteurs individuels et les estimations temporelles peuvent être généralisées à des tâches similaires à des activités quotidiennes. Plus précisément, il vise à (a) vérifier si les estimations temporelles prospectives sont toujours plus longues que les rétrospectives lorsque les deux types d‟estimation sont effectués par une même personne et (b) confirmer l‟existence de relations entre certains facteurs individuels et les estimations temporelles obtenues dans chaque paradigme.

2.1 Application des connaissances actuelles à des tâches similaires à des activités quotidiennes

Le premier objectif vise à vérifier si les connaissances actuelles concernant les estimations temporelles peuvent être appliquées à des activités quotidiennes. Cet objectif est motivé par deux lacunes observées dans la littérature sur le temps psychologique : (a) le manque d‟études comparant directement les paradigmes prospectif et rétrospectif (Block & Zakay, 1997) et (b) le manque d‟études utilisant des durées et des tâches semblables à ce qui est rencontré au quotidien (Darlow, Dylman, Gheorghiu, & Matthews, 2013; Orme, 1962; Tobin et al., 2010).

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