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Acides gras trans et risque de maladie d'Alzheimer chez les aînés : étude sur la santé et le vieillissement au Canada

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Academic year: 2021

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© Mathilde Sakadi Nsambay, 2018

Acides gras trans et risque de maladie d'Alzheimer chez

les aînés: étude sur la santé et le vieillissement au

Canada

Mémoire

Mathilde Sakadi Nsambay

Maîtrise en sciences pharmaceutiques - pharmaco-épidémiologie - avec

mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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ACIDES GRAS TRANS ET RISQUE DE MALADIE

D'ALZHEIMER CHEZ LES AÎNÉS : ÉTUDE SUR LA

SANTÉ ET LE VIEILLISSEMENT AU CANADA

Mémoire

Mathilde Sakadi Nsambay

Sous la direction du

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iii

RÉSUMÉ

Dans la littérature, plusieurs hypothèses étiologiques de démence ont été émises, notamment l'apport alimentaire en acides gras trans, une exposition modifiable. Le présent projet de recherche visait à évaluer l'association entre les pourcentages d'acides gras trans des membranes érythrocytaires et le risque de déclin cognitif et de démence à partir des données biologiques des sujets qui ont participé à l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ESVC). L’ESVC est une étude de cohorte longitudinale de trois phases sur 10 ans (1991/92 – 2001/02) incluant au départ 10 263 sujets, un échantillon représentatif de la population âgée canadienne de 65 ans et plus. Les échantillons sanguins d’un sous-échantillon de 664 sujets, initialement cognitivement normaux, ont été mesurés pour leur composition en acides gras trans. De ces sujets, 151 ont développé une démence en cours de suivi dont 107 cas de maladie d’Alzheimer et 30 cas de démence vasculaire. Une imputation multiple a permis de traiter les données manquantes pour un échantillon final de 670 sujets. Des modèles de régression de Cox et de régression à mesures répétées, ajustés pour plusieurs facteurs de confusion potentiels ont été créés pour évaluer les associations entre les acides gras trans (naturels et totaux) et les issues cognitives (démence tous types, maladie d’Alzheimer, démence vasculaire et déclin cognitif basé sur les scores du Modified Mini-Mental State Examination). Tous les résultats étaient négatifs. Toutefois, les données de l’ESVC ne permettaient pas de trancher sur le caractère nocif des acides gras trans de type industriel étant la quasi absence d’acides gras trans industriels spécifiques dans le jeu de données de cet échantillon. En conclusion, les résultats de ce projet de recherche ne montrent pas de lien entre les acides gras trans et le déclin cognitif chez les personnes âgées.

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iv TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... iv

LISTE DES FIGURES ... v

LISTE DES TABLEAUX ... vi

LISTE DES ABRÉVIATIONS ... vii

DÉDICACE ... ix

REMERCIEMENTS ... x

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1: RÉCENSION DES ÉCRITS ... 3

1.1. Démence ... 3

1.1.1. Maladie d'Alzheimer ... 5

1.1.1.1. Traitement médicamenteux de la MA ... 8

1.1.1.2. Facteurs de risque de la MA ... 10

1.1.2. Démence vasculaire ... 12

1.1.3. Troubles neurocognitifs légers ... 13

1.2. Les acides gras dans la MA ... 14

1.2.1.Les acides gras saturés et la MA ... 15

1.2.2. Les acides gras polyinsaturés ... 16

1.2.2.1. Les acides gras polyinsaturés oméga-3 ... 16

1.2.2.2. Les acides gras trans ... 17

1.3. Études épidémiologiques sur les acides gras trans dans la démence ... 19

1.3.1. Acides gras trans mesurés indirectement ... 19

1.3.2. Acides gras trans mesurés directement ... 22

1.4. Synthèse des résultats ... 22

1.5. Objectifs ... 23

CHAPITRE 2: MÉTHODOLOGIE ... 24

2.1.Population à l'étude ... 24

2.1.1. Critères d'inclusion et d'exclusion ... 25

2.1.2. Phases de l'étude ... 25

2.2. Échantillon à l'étude ... 27

2.3. Extraction des acides gras trans ... 30

2.4. Analyses statistiques ... 30

CHAPITRE 3: RÉSULTATS ... 33

CHAPITRE 4: DISCUSSION GÉNÉRALE ... 41

CONCLUSION ... 46

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v

LISTE DES FIGURES

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Caractéristiques de base des sujets selon la démence et ses sous-types ... 36 Tableau 2: Mesures d'association (HR) entre les pourcentages d'acides gras trans naturels, la démence et ses sous-types ... 38 Tableau 3: Mesures d'association (HR) entre les pourcentages d'acides gras trans totaux, la démence et ses sous-types ... 39 Tableau 4: Association entre les acides gras trans naturels et le déclin cognitif ... 40 Tableau 5: Association entre les acides gras trans totaux et le déclin cognitif ... 40

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vii

LISTE DES ABRÉVIATIONS

3MS: Modified Mini-Mental State Examination Aβ: β-amyloïde

AINS: Anti-inflammatoire non-stéroidien

ApoE4: Allèle epsilon 4 sur le gène de l’apolipoprotéine E APP: Amyloid Precursor Protein

AVC: Accident vasculaire cérébral BACE: β-amyloid cleaving enzyme

CASI: Cognitive Abilities Screening Instrument CDR: Clinical Dementia Rating

CHAP: Chicago Health and Aging Project CIND: Cognitive impairment, no dementia DHA: Acide docosahexaénoïque

DSM: Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders EBMT: East Boston Memory Test

EPA: Acide eicosapentaénoïque

ESVC: Étude sur la santé et le vieillissement au Canada

ESVC-1: Étude sur la santé et le vieillissement au Canada - Phase 1 ESVC-2: Étude sur la santé et le vieillissement au Canada - Phase 2 ESVC-3: Étude sur la santé et le vieillissement au Canada - Phase 3 HDL: Lipoprotéine de haute densité

HR: Hazard ratio

IC: Intervalle de confiance

ICD-10: 10ième édition de la International Classification of Diseases IMC: Indice de masse corporelle

LDL: Lipoprotéine de faible densité

LDL-ox: Lipoprotéine de faible densité oxydée MA: Maladie d'Alzheimer

MCV: Maladies cardiovasculaires MCI: Mild cognitive impairment MCIa: MCI amnésique

MoCA: Montreal Cognitive Assessment MMSE: Mini-Mental State Examination n-3: Oméga-3

n-6: Oméga-6

NIA-AA: National Institute on Aging – Alzheimer Association

NINCDS-ADRDA: National Institute of Neurological Communicative Disorders and Stroke and the Alzheimer’s Disease and Associated Disorders Association

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NINDS–AIREN: National Institute of Neurological Disorders and Stroke -

Association Internationale pour la Recherche et l’Enseignement en Neurosciences NMDA: N-méthyl-D-aspartate PSEN1: Préséniline 1 PSEN2: Préséniline 2 RC: Rapport de cotes RR: Risque relatif

TICS: Telephone Interview for Cognitive Status TNC: Troubles neurocognitifs

WHI: Women’s Health Initiative WHS: Women's Health Study

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DÉDICACE

À ma fille ELSA ainsi qu'à ses futurs frères et sœurs, pour qui je rêve d'un avenir radieux:

Afin qu'ils voient et sachent que l'école est, et restera toujours, le meilleur facteur de réalisation d'une personne, de son insertion sociale et socioprofessionnelle.

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REMERCIEMENTS

Avant de livrer au public ce modeste travail, nous aimerions remercier tous ceux qui, d’une manière ou de l’autre, ont contribué à sa réalisation.

Nos pensées vont d’abord à la Dre Danielle LAURIN, professeure titulaire à la faculté de Pharmacie de l’Université Laval et chercheure à l’Axe « Santé des populations et pratiques optimales en santé » à l’hôpital Saint-Sacrement qui, en dépit de ses multiples occupations, a bien voulu nous consacrer un peu de son temps, nous permettant ainsi de réaliser ce travail. Ses conseils judicieux, sa patience et sa disponibilité permanente nous ont été d’un grand soutien tout au long de notre rédaction.

Oublier les membres de son équipe, dont la collaboration nous a été d’un concours inappréciable, serait pour nous une dette morale ineffaçable. Que M. Pierre-Hugues Carmichael, biostatisticien au Centre d’Excellence sur le vieillissement au Québec, trouve ici l’expression de notre meilleure gratitude. C’est lui qui nous a permis de mettre en application, dans ce mémoire, les notions statistiques acquises tout au long de notre formation.

Nous nous en voudrions d’oublier le professeur Joël KATAMBWE M. du Département des Lettres et Communication sociale à l’Université du Québec à Trois-Rivières. C’est grâce à sa recommandation que nous avons entrepris les études de second cycle. La concrétisation de ce travail n’aurait pas été possible sans son appui !

À notre époux, Ibrahim HASIBU, nous offrons notre plus grande reconnaissance pour son appui tout au long du processus de rédaction de ce mémoire. En effet, il a, par moments, joué le délicat rôle de « mère » pour notre fille Elsa, nous permettant ainsi de nous retirer de temps à autre pour mieux nous concentrer et rédiger.

Un filial et indéfectible remerciement à mes parents Justin NSAMBAY MATALA et Francine MUJINGA, pour qui les études ont toujours occupé la place la plus prépondérante dans la vie de toute personne. Dans cette optique, ils ont consenti de nombreux sacrifices pour nous leurs enfants, sans aucune préférence quant au sexe. C’est aujourd’hui que nous réalisons la justesse de leur « exigence » et de leur « sévérité » ! À celles que nous appelons affectueusement nos « Mamans », Annie KAPINGA et Maria-Josée MUSSENGA : Merci pour votre amour et vos conseils qui ont toujours trouvé un écho favorable dans notre cœur.

Nos sincères remerciements vont également à notre tante paternelle Victorine LUBAMBA ainsi qu’à son mari Crispin MWABI pour leurs encouragements à toujours persévérer et à ne pas lâcher, même quand nous trouvions la tâche ardue.

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xi

Nous n’oublions pas nos frères et sœurs Christelle, Chanelle, Éric, Patricia, Paul, Monique et Grace NSAMBAY à qui nous rappelons l’importance des études dans ce monde sélectif du 21ème siècle. Grand merci à celles et ceux d’entre eux qui ont souvent joué le rôle de « nounou » auprès d’Elsa, afin de nous permettre de temps en temps de nous reposer. Et à notre soeur d'une autre mère, Christelle MUKOKO, merci pour ton soutien inconditionnel depuis maintenant plus de 15 ans.

Enfin, nous tenons à remercier toute notre belle-famille, notamment l’oncle et la tante OMARI MUSHESHE, pour leur soutien tant dans notre foyer que tout au long de la rédaction du présent travail de fin d’études.

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Introduction

Avec le vieillissement de la population, la prévalence de la démence dans la population canadienne passera de 1,5 % en 2008 à 2,8 % d'ici 2038 (1), touchant ainsi plus de 1 125 200 personnes. De plus, Statistiques Canada rapportait que le nombre de décès attribuable à la maladie d’Alzheimer (MA), le type de démence le plus fréquent,a eu la plus forte augmentation relative, soit de l’ordre de 25,4 % entre 2000 et 2009 (2). Dans ce rapport sur les principales causes de décès au pays, la MA correspondait à la cinquième cause de décès chez les femmes alors que chez les hommes, elle occupait le neuvième rang. Des mesures préventives et curatives efficaces contribueraient à revoir ces statistiques à la baisse. À part quelques exceptions, la littérature dans le domaine de la cognition n’a pas généré d’hypothèses étiologiques définitives. L’étiologie multifactorielle de la MA chez les personnes âgées suggère néanmoins que l’incidence de cette maladie pourrait être réduite grâce à certains facteurs de risque modifiables.

La révolution industrielle et les avancées technologiques ont permis de développer des produits alimentaires dérivés aux propriétés spécifiques afin de réduire les coûts de production et de prolonger la durée de conservation de ces aliments. Les acides gras trans synthétiques ont vu le jour dans ce contexte industriel. Leurs propriétés dans la conservation et la friture des aliments sont beaucoup mises à contribution et justifient, en partie, leur utilisation (3).

Cependant, il est bien connu que la consommation d’acides gras trans est fortement associée au risque de maladies cardiovasculaires (MCV). Quelques études ont suggéré que les acides gras trans pourraient aussi être impliqués dans le développement de la démence et de la MA, ce qui est biologiquement plausible puisque la démence et la MA démontrent une composante étiologique vasculaire (4, 5). Une connaissance, davantage approfondie, de la relation entre les acides gras trans, la démence et la MA serait très pertinente pour les organismes responsables en santé publique.

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2

Le présent mémoire permettra de fournir une documentation concise et à jour du rôle potentiel des acides gras trans dans le continuum du déclin cognitif menant à la démence. Cette relation sera présentée à l’intérieur des quatre prochains chapitres dont le premier constitue une recension des écrits décrivant la démence, la MA, le déclin cognitif, les acides gras trans et les évidences du lien entre l'exposition aux acides gras trans et la fonction cognitive. La méthodologie de l’Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ESVC), une étude nationale de cohorte de 10 ans, initiée en 1991/1992, portant sur les déterminants de la démence de tous types et de la MA, sera ensuite détaillée au chapitre 3 pour comprendre le contexte dans lequel l’échantillon du présent projet de recherche a été tiré et à partir duquel les analyses statistiques ont été faites. Les résultats de l’étude seront présentés au chapitre 4 sous la forme classique. Les résultats obtenus seront discutés plus longuement au dernier chapitre, suivis de la conclusion générale du mémoire.

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Chapitre 1 : Recension des écrits

1.1 Démence

Comparativement à la quatrième version du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ou Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) en anglais, la cinquième édition du DSM propose désormais une définition de la démence plus nuancée. Le terme « démence », tel que nous le connaissons, est exclusivement réservé aux dégénérescences cognitives liées à l'âge avancé, tandis que la dénomination « troubles neurocognitifs (TNC) majeurs » est plus globale, et inclut la démence et les affections pouvant toucher des personnes de tous âges telles qu'un déficit dû à une lésion cérébrale traumatique ou à une infection par le virus d'immunodéficience humaine. De ce fait, les TNC majeurs se définissent comme des troubles cognitifs acquis se manifestant par un déclin cognitif progressif rapporté par le sujet lui-même, un informant fiable ou un clinicien, et confirmé par des examens cliniques objectifs (6). Ces troubles affectent le sujet dans sa capacité à maintenir une attention complexe, dans ses fonctions exécutives, son apprentissage et sa mémorisation, son langage, ses activités perceptivomotrices et sa cognition sociale. Le diagnostic des TNC majeurs repose sur des critères diagnostiques bien précis (6):

 Preuves d'un déclin cognitif significatif par rapport à un niveau antérieur de fonctionnement dans un ou plusieurs domaines cognitifs (attention complexe, fonctions exécutives, apprentissage et mémoire, langage, perception-motricité ou cognition sociale) reposant sur la préoccupation du sujet, d'un informant fiable ou d'un clinicien concernant un déclin significatif du fonctionnement cognitif, ainsi qu'une altération importante de la performance cognitive, idéalement documentée par une batterie de tests neuropsychologiques standardisés ou, à défaut, par une évaluation clinique quantifiée ;

 Les déficits cognitifs interfèrent avec l'autonomie dans les activités quotidiennes ;

 Les déficits cognitifs ne surviennent pas exclusivement dans le contexte d'un délirium ;

 Les altérations cognitives ne sont pas mieux expliquées par un autre trouble mental.

Dans les sections suivantes de ce mémoire, le terme « démence » sera privilégié, car il sera question des maladies dégénératives touchant principalement les personnes âgées.

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4

La démence est d'étiologie multiple, touchant généralement les personnes âgées sans pour autant faire partie du processus normal du vieillissement (7). Elle se manifeste sous plusieurs formes dont les plus fréquentes incluent la MA, la démence vasculaire, la maladie à corps de Lewy, ainsi que les dégénérescences frontotemporales (6). De tous les sous-types, la MA prédomine en terme de diagnostic, représentant 60 à 80 % des cas prévalents selon le contexte et les critères diagnostiques (6) alors que la démence vasculaire occupe le second rang avec environ 15 % des cas de démence (8). La MA et la démence vasculaire seront exposées en détail plus loin dans ce mémoire.

Prévalence et incidence de la démence

Le vieillissement des baby-boomers dans un contexte de développement économique, social et médical, est accompagné d’une augmentation marquée du nombre des personnes aux prises avec des maladies chroniques comme la démence (9). En 2010, environ 35,6 millions de personnes avaient développé une démence dans le monde (10). Parmi les personnes âgées de 60 ans et plus, l’Amérique australe affiche des valeurs de prévalence situées entre 8,1 et 8,5 % (10). La prévalence européenne semble très comparable à celle de l’Asie, avec des valeurs respectives comprises entre 5,7 et 7,3 % pour l’Europe et entre 4,9 et 7,6 % pour l’Asie. L’Afrique est le continent avec la plus basse prévalence, soit entre 2,1 et 5,9 %. Cela s’explique, en partie, par le faible nombre d’études portant sur le sujet à travers l’Afrique subsaharienne (10). De plus, l'espérance de vie des Africains qui dépasse à peine les 55 ans ne permet pas d'observer le développement éventuel d'une forme de démence à un âge avancé (11). Aux États-Unis, environ 5,5 millions des Américains âgés d’au moins 65 ans vivent avec la MA (12, 13), ce qui correspond à une personne âgée sur 10 qui développe la maladie au cours de sa vie. En 1991/92, selon les données de l'ESVC, environ 252 600 Canadiens étaient atteints de démence, ce qui représente 8 % des personnes âgées de 65 ans et plus; 5,1 % d’entre elles étaient atteintes de MA et 1,5 % étaient atteintes de démence vasculaire (14). Une prédominance de la maladie avait été observée chez les personnes dans la catégorie d’âge la plus élevée comparativement à la plus jeune ainsi que chez les femmes. Comparativement à la tranche d’âge de 65 à 74 ans

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dont la prévalence était de 2,4 %, 11,1 % des personnes âgées de 75 à 84 ans étaient démentes, et 34,5 % de celles âgées de 85 ans et plus. Le ratio femmes-hommes atteints de démence était de 2,1 pour 1 (171 400 : 81 200). Ce ratio s’explique par le fait que les femmes vivent plus longtemps avec la maladie étant donné leur espérance de vie supérieure (15, 16). La MA était le sous-type le plus représenté avec 161 000 cas, soit 5,1 % des personnes âgées. Par ailleurs, environ 2 % de la population âgée canadienne développaient une démence annuellement, ce qui représente approximativement 60 150 nouveaux cas sans égard pour le sexe (17). Certains auteursestiment en plus que 30 % des cas de démence ne sont pas diagnostiqués, ce qui pourrait contribuer à revoir ces chiffres à la hausse (18). En effet, les personnes âgées atteintes de MA peuvent développer plusieurs maladies chroniques (comorbidités). De ce fait, la cause de mortalité est souvent attribuée à l'une de ces maladies plutôt qu’à la MA. Les certificats de décès ne sont donc pas très sensibles pour identifier la MA comme cause de décès, ce qui contribuerait à la sous-estimation de la prévalence de la MA et par conséquent de la démence au sein de la population (19). Quoi qu’il en soit, si les conditions restent constantes, la prévalence de la démence dans la population devrait doubler tous les 20 ans entre 2010 et 2050 (10, 20).

1.1.1 Maladie d'Alzheimer

Selon le DSM-5, la MA est une maladie neurodégénérative progressive caractérisée par un déficit de la mémoire et de l’apprentissage (6). Elle est le sous-type de démence le plus fréquent, comptant à elle seule plus des deux-tiers des cas dans la population âgée (21). D’une période de latence pouvant aller facilement jusqu’à 20 ans (6, 22-24), la MA se caractérise au niveau physiopathologique par le dépôt extracellulaire des plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires au cerveau et subséquemment, une perte neuronale (25).

La présentation de la MA permet de distinguer deux formes, soit la forme sporadique et la forme familiale. La première forme représente à elle seule plus de 90 à 95% des cas de MA chez les personnes de 65 ans et plus. Les facteurs environnementaux et génétiques peuvent expliquer son développement, avec l’allèle epsilon 4 sur le gène de l’apolipoprotéine E (ApoE4) comme élément génétique prédominant (6, 26). La forme

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6

familiale de la MA représente de 5 à 10 % des cas de MA (6, 24). Cette seconde forme de la maladie touche les individus plus précocement, généralement avant l’âge de 65 ans. Les mutations des gènes de la préséniline 1 (PSEN1) et/ou préséniline 2 (PSEN2), et/ou du gène du précurseur de la protéine β-amyloïde (APP: Amyloid Precursor Protein) ont été identifiés comme étant responsables de la maladie et la transmission se fait de manière autosomale dominante. Le risque est plus important chez les personnes dont les parents au premier degré ont développé la MA. Ces personnes ont jusqu'à 50 % plus de risque de développer la maladie à leur tour (27-29).

Il existe deux marqueurs biologiques associés à la MA : les plaques amyloïdes ou plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires. La formation extracellulaire des plaques amyloïdes s’effectue selon une séquence appelée l’hypothèse de la cascade amyloïde. La β-amyloïde (Aβ) est un peptide normalement inséré dans l’APP, son précurseur (30). Des actions enzymatiques sont requises pour libérer la protéine amyloïde de son site. De ce fait, l’APP subit deux protéolyses successives par les bêta-sécrétases puis les gamma-sécrétases selon la voie amyloïdogène (31, 32) ou une protéolyse par les alpha-sécrétases selon la voie non-amyloïdogène. Les alpha-alpha-sécrétases clivent l’APP dans son milieu, produisant des fragments solubles (α-APP) moins dommageables pour les neurones. Les bêta-sécrétases, principalement les β-amyloid cleaving enzyme (BACE1), produisent les fragments β-APP, qui sont solubles, et le peptide C99. Ce dernier subira à nouveau l’action des gamma-sécrétases qui conduira à la libération du fragment Aβ sous la forme peptidique à 40 ou à 42 acides aminés. Le peptide à 42 acides aminés est non soluble et toxique pour les neurones (33, 34). Ce peptide réduit la transmission du signal neuronal, par la diminution de la quantité d’acétylcholine libérée dans l’espace synaptique et de sa durée d’action sur les récepteurs du neurone postsynaptique. Ceci se traduit par une altération de la communication neuronale, essentielle pour le bon fonctionnement du système nerveux et de l’organisme au complet (35).

Les dégénérescences neurofibrillaires, quant à elles, résultent de l’agrégation intracellulaire de la protéine hyperphosphorylée tau (34). Cette protéine est un constituant normal du cytosquelette du neurone jouant un rôle dans la stabilité de celui-ci et le maintien

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des microtubules. Suite à des mutations hypothétiquement génétiques, la structure de la protéine tau change, ne lui permettant plus de jouer adéquatement son rôle au sein du neurone. Il s'en suit des agglutinations de la protéine présentes non seulement dans la MA mais aussi dans d'autres formes de démence (34).

Ces deux processus physiologiques entraînent la mort des neurones, et subséquemment, l'atrophie du cerveau. Les dépôts amyloïdes, les dégénérescences neurofibrillaires ainsi que l'atrophie corticale peuvent servir de marqueur diagnostique lors des autopsies (6). Outre ces manifestations histopathologiques, les signes cliniques de la MA se traduisent par une réduction significative des performances de plusieurs domaines cognitifs dont les fonctions motrices, le langage, la mémoire et les aptitudes à réaliser les tâches quotidiennes (36).

Le développement de la MA passe par différents stades (7, 37). On dira d'un patient qu'il est au stade initial de la maladie lorsque les symptômes se limitent à des pertes de mémoire et des changements dans l'humeur, la communication et le comportement. À ce stade, le patient est conscient de son état et peut entreprendre des démarches auprès des professionnels qualifiés. Le stade intermédiaire est marqué par l'accroissement des symptômes de détérioration des fonctions cognitives et de la mémoire ; à ce stade, le besoin de se faire aider pour les tâches quotidiennes commence à se manifester. Le stade avancé ou grave représente le stade où les patients présentent des troubles généralisés touchant entre autres la mémoire, la communication, l'attention, les fonctions physiques et le langage.

Bien que les processus physiologiques qui mènent à la MA peuvent commencer dans le milieu de la vie adulte, ce n’est bien souvent qu’à un âge avancé que le phénotype de la maladie est apparent et que le diagnostic est possible. La MA est une maladie de diagnotic d’exclusion. Il n’existe pas de marqueur biologique spécifique permettant de diagnostiquer la MA. Les cliniciens s’appuient généralement sur le DSM pour établir le diagnostic clinique final de la MA et des autres formes de démence selon des critères de classification

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générale (38). Les critères diagnostiques des institutions comme les National Institute of Neurological Communicative Disorders and Stroke and the Alzheimer’s Disease and Associated Disorders Association (NINCDS-ADRDA) et des National Institute on Aging – Alzheimer Association (NIA-AA) sont des critères développés suite à des réunions d’experts (38-41).

Peu importe les critères diagnostiques utilisés, des tests de dépistage ou de repérage précèdent le diagnostic et sont habituellement administrés à plusieurs reprises dans le temps pour évaluer la fonction cognitive globale et la progression du déclin cognitif chez l’individu (42). À cet effet, le Mini-Mental State Examination (MMSE), un questionnaire sur 30 points visant à évaluer la fonction cognitive globale, est le plus utilisé à des fins cliniques (43). Une version plus complète du MMSE, le Modified Mini-Mental State Examination (3MS) existe aussi (44). Comparativement au MMSE, le 3MS compte pour 100 points et possède une meilleure sensibilité et spécificité à dépister la démence. Par exemple, au seuil clinique de 79/80 sur 100, le 3MS a une sensibilité de 91 % et une spécificité de 97 %; alors que le MMSE au seuil clinique de dépistage de la démence de 23/24, a une sensibilité de 87 % et une spécificité de 82 %. Le Cognitive Abilities Screening Instrument (CASI) est un autre test de dépistage utilisé sur 100 points, de longueur d’administration similaire au 3MS, mais moins sensible que ce dernier (45). Plusieurs autres tests de dépistage de la démence existent. Par ailleurs, le Montreal Cognitive Assessment (MoCA) permet de dépister la dysfonction cognitive des troubles neurocognitifs légers avec une sensibilité, une spécificité, des valeurs prédictives positive et négative d’environ 90 % par comparaison à un diagnostic clinique établi par des neurologues (46, 47).

1.1.1.1 Traitement médicamenteux de la MA

À l’heure actuelle, il n'existe aucun traitement curatif de la MA. À défaut de traiter la maladie, des traitements symptomatiques ont été développés et sont couramment prescrits par les cliniciens (48). Il s'agit des inhibiteurs d'acétylcholinestérase et des antagonistes du récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA), un des récepteurs post-synaptiques du glutamate.

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Les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase ciblent l’enzyme acétylcholinestérase, responsable de la dégradation de l’acétylcholine après son action synaptique (35). L’acétylcholine est un neurotransmetteur reconnu pour jouer un rôle dans la mémoire et l'apprentissage (49). Chez les sujets atteints de MA, l’action de ce neurotransmetteur est de courte durée, entravant ainsi la bonne transmission de l'influx nerveux. Ce phénomène serait, en partie, expliqué par la faible quantité des récepteurs muscariniques (récepteurs qui lient l'acétylcholine), insuffisants pour lier l'acétylcholine libéré. Le donépézil (AriceptMD), le rivastigmine (ExelonMD) et le reminyl (GalantamineMD) ont un rôle inhibiteur sur l’acétylcholinestérase. Ils permettent ainsi à l’acétylcholine d’exercer une action prolongée lors de la synapse pour améliorer la mémoire (49).

Les antagonistes non compétitifs du NMDA ont pour rôle de bloquer l’action du glutamate, un neurotransmetteur présent dans le système nerveux. En concentration adéquate, le glutamate joue un rôle dans l'apprentissage, la motricité et la mémoire (50). Des lésions au niveau de la moelle épinière peuvent induire une surproduction du glutamate qui se retrouve en forte concentration dans le système nerveux, cela produit de l'excitoxicité et entraîne la mort neuronale. Cette physiopathologie serait une des causes physiologiques du développement de la MA (50, 51). Dans cette classe médicamenteuse, la mémantine (EbixaMD) est utilisée seule, ou conjointement avec un inhibiteur d'acétylcholinestérase pour un effet de potentialisation (52, 53).

L’efficacité des deux classes de médicaments est somme toute limitée. Les inhibiteurs de la cholinestérase ne sont pas indiqués dans le stade sévère de la MA, sauf exceptions (54). En effet, le donépézil, le rivastigmine et la galantamine sont utilisés aux stades précoces de la maladie. La mémantine et le donépézil sont utilisés, seuls ou conjointement, pour les stades intermédiaire et avancé de la MA (53). Les effets indésirables de ces médicaments varient d’une personne à une autre. Les inhibiteurs d’acétylcholinestérase engendrent des troubles secondaires à la stimulation cholinergique et incluent, la bradycardie, les nausées/vomissements, la diarrhée, le manque d’appétit, les vertiges, la fatigue et les troubles de sommeil (35, 53). La mémantine peut contribuer à l’apparition des vertiges, de la confusion, des maux de tête ainsi que l’incontinence urinaire (35). Ces

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traitements symptomatiques ne freinent pas la progression de la maladie, mais peuvent offrir un certain contrôle des symptômes de la maladie, ce qui contribue généralement à retarder l’institutionnalisation de la personne atteinte.

1.1.1.2 Facteurs de risque de la MA

L'avancement en âge, le faible niveau de scolarité et être porteur de l’ApoE4 sont reconnus comme des facteurs de risque définitifs de la MA (17, 55, 56). L’avancement en âge est un facteur de risque robuste dans la forme sporadique de la MA (17, 57). Il faut se rappeler que l’avancement en âge n’entraîne pas nécessairement l’apparition de la MA, mais que la MA est plus fréquente avec l’âge. À partir de 65 ans, la prévalence de la maladie augmente de façon exponentielle à tous les 5,1 ans jusqu'à l'âge de 95 ans (58). Au Canada, la prévalence de la démence passe de 2,4 % chez les personnes âgées de 65 à 74 ans à 34,5% chez les personnes de 85 ans et plus (14).

La scolarité élevée a été associée à un risque moindre des symptômes de MA (59). Ainsi, plus le niveau de scolarité est élevé, plus le risque de développer la MA diminue. Par exemple, il a été rapporté dans l'ESVC (56) que, comparativement aux personnes qui ont un niveau élevé de scolarité (≥ 13 années), celles qui ont un faible niveau (0 à 8 années) avaient un risque significatif de près de deux fois plus élevé de développer la MA (rapport de cotes (RC) = 1,90; intervalle de confiance (IC) à 95 % 1,25-2,90). Les personnes avec un niveau de scolarité moyen (9 à 12 années) présentaient un risque non significatif intermédiaire (RC=1,37; IC 95 % 0,91-2,06). L’apport protecteur de la scolarité dans la prévention de la MA a été attribué au concept de « réserve cognitive » (59). Selon cette hypothèse, le cerveau d’un individu ayant passé plus de temps à étudier en début et en cours de vie se constituerait une réserve plus grande de connexions synaptiques. Il serait capable de trouver des stratégies alternatives et des mécanismes compensatoires et/ou de développer des mécanismes d’adaptation tels que la maximisation des synapses neuronales en présence des symptômes de déclin cognitif, ce qui retarderait les effets sur la cognition des dommages pathophysiologiques associés avec l’avancement en âge et ainsi, le dépistage des troubles cognitifs majeurs (59-61).

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La seule composante génétique associée à la MA sporadique à ce jour est la présence de l’ApoE4, présente sur le chromosome 19 (62). Chez l'humain, le cerveau est l'organe dans lequel l’ApoE4 est la plus exprimée (63). Dans les conditions normales, l'ApoE4 se lie aux récepteurs des lipoprotéines de faible densité (LDL) pour favoriser le transport et la dégradation des triglycérides, des phospholipides et du cholestérol dans le sang et le cerveau (64). Chez la personne atteinte de MA, l’ApoE4 joue un rôle important dans l’agrégation de la protéine β-amyloïde par des mécanismes qui ne sont pas encore clairement élucidés (64). Hormis l’allèle ɛ4, les isoformes ɛ2 et ɛ3 sont aussi présents et contribuent à la transcription de l’apolipoprotéine. Contrairement à l’ApoE4, l’ApoE2 a démontré un effet protecteur sur la MA (62) alors que le rôle de l’ApoE3, l’isoforme le plus exprimé dans la population générale, semble neutre et sert souvent de groupe référent (62, 65). On estime que dans 65 à 80 % des cas, être porteur homozygote d’ApoE4 augmenterait jusqu’à 15 fois le risque de développer la MA (33, 64) comparativement aux non-porteurs. De plus, ce risque est supérieur à trois, chez les hétérozygotes ApoE3/E4 comparativement aux homozygotes ApoE3 (65-67). Il est important de noter que bien que la présence de l’ApoE4 augmente substantiellement le risque de développer la MA, ce ne sont pas toutes les personnes porteuses qui développeront nécessairement la maladie (33).

En-dehors des facteurs de risque définitifs énumérés ci-haut, il existe d'autres facteurs de risque modifiables qui découlent essentiellement du mode de vie. Parmi ceux-ci figurent les MCV (hypertension artérielle, hyperlipidémie) et les maladies cardiométaboliques (diabète de type 2) (68, 69), ainsi qu’une histoire de trauma crânien (70). De plus, il existe des facteurs de protection modifiables qui aident à prévenir ou retarder l'apparition des symptômes de la MA. On retrouve l'alimentation de type méditerranéen, la prise d'anti-inflammatoires non-stéroïdiens (71) et de statines (72), la consommation modérée d'alcool (56), les activités de stimulation cognitive et la pratique d’activité physique régulière (35, 71, 73-75). Ces facteurs constituent des cibles thérapeutiques de la MA et peuvent influencer l’âge de l’apparition des premiers symptômes.

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12 1.1.2 Démence vasculaire

La démence vasculaire est une maladie dont le déficit cognitif tire son étiologie des maladies cérébrovasculaires (6). Elle occupe le second rang en termes de diagnostic démentiel après la MA avec laquelle les symptômes s’apparentent, ce qui contribue à sous-diagnostiquer la maladie en présence d’une démence mixte (76). Le diagnostic clinique de la démence vasculaire repose sur les critères du DSM ou d’autres institutions telles que les National Institute of Neurological Disorders and Stroke et l’Association Internationale pour la Recherche et l’Enseignement en Neurosciences (NINDS–AIREN) (77). Un diagnostic différentiel, basé sur l’historique médical familial et personnel, permet d’écarter les autres formes de démence. Le médecin traitant peut référer le patient pour une scanographie et/ou une imagerie résonance magnétique pour un diagnostic final (78).

L’accident vasculaire cérébral (AVC) représente un facteur de risque non négligeable dans l'apparition de la démence vasculaire. Il augmente, de deux à cinq fois, le risque de développer la maladie (79-83), et ce risque est encore plus important en présence d’AVC répétés chez un même sujet (80). Pendlebury et al. (2009) ont établi, au terme d’une méta-analyse regroupant 73 articles avec 7 511 sujets provenant de 22 hôpitaux et 8 cohortes, que seulement 10 % des sujets avaient développé une démence vasculaire après un premier AVC alors que plus de 30 % des sujets étaient atteints après des AVC répétés. La relation temporelle existant entre la survenue d’AVC et l'apparition de la démence vasculaire est fortement associée aux facteurs environnementaux et génétiques. Les facteurs de risque susceptibles de provoquer un AVC sont, entre autres, l'hypertension artérielle, l'obésité, le diabète de type 2, le tabagisme, les facteurs de risque d'athérosclérose/artériosclérose et d'embolie cérébrale (6, 83). La composante génétique de la démence vasculaire la plus documentée est la mutation monogénique du gène NOTCH3. Cette mutation conduirait à l'artériopathie cérébrale autosomique dominante avec des infarctus sous-corticaux et une leucoencéphalopathie (6, 84).

Les dommages neurologiques étant généralement irréversibles, il n'existe à ce jour aucun traitement pour la démence vasculaire. La prévention reste, à ce jour, le meilleur moyen d’empêcher l’apparition ou de ralentir la progression de la maladie (85). À cet

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égard, la pratique de l’activité physique régulière et une saine alimentation ont fait l’objet de plusieurs travaux de recherche et s’annoncent prometteurs dans la prévention de la maladie et des comorbidités sous-jacentes (86, 87). De plus, le contrôle de la pression artérielle chez les personnes hypertendues contribuerait à réduire la survenue des AVC (88, 89).

1.1.3 Troubles neurocognitifs légers

Les TNC représentent, au même titre que les troubles cognitifs majeurs mais à un moindre degré, « un déclin cognitif par rapport à un niveau de fonctionnement antérieurement atteint » (6). Les TNC légers comme le Mild Cognitive Impairment (MCI) défini par Petersen(90)ou les atteintes cognitives sans démence (cognitive impairment, no dementia ou CIND) définies dans le cadre de l’ESVC (91) font partie du continuum du déclin cognitif, partant d’un état cognitif normal et progressant jusqu’à la démence (92-94). Ces syndromes reconnus de la fonction cognitive divergent dans la définition de leurs sous-types (95). Les formes de MCI sont définies selon le phénotype observé, alors que l'étiologie présumée (délirium, consommation éthylique chronique et/ou de drogues, autres maladies psychiatriques, retard mental) permet de classifier le CIND selon des sous-types (95, 96).

De façon globale, on estime qu’environ 15 à 20 % des individus âgés d’au moins 60 ans ont développé un MCI (97, 98). Il existe deux formes distinctes de MCI : amnésique (MCIa) et non amnésique. Le MCIa implique une atteinte de la mémoire (92, 99). La gravité est fortement associée au nombre d'aires cognitives atteintes par le déclin. Le MCIa est considéré comme une étape intermédiaire avant la MA, car jusqu'à 31 % des patients développent la MA après la première année (100), et jusqu'à 50 % après trois ans (101). Cette conversion est tributaire de certains facteurs. Par exemple, plus le nombre de domaines cognitifs atteints est élevé, plus le risque de conversion en MA est grand (95, 100). Aussi, la génétique jouerait un rôle essentiel dans cette conversion (102). Lee et al. (2017) ont mis en évidence six gènes intervenant dans le déclin cognitif rapide après la conversion des MCI en MA (102). Deux d’entre eux agissaient directement par leur implication dans l'atrophie cérébrale ainsi que la perte de volume cérébral, alors que les

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quatre autres intervenaient indirectement par leur implication dans le vieillissement, la production de la protéine β-amyloïde et de l'oxyde nitrique, et le processus inflammatoire cérébral. Le MCI non-amnésique touche essentiellement les fonctions exécutives (103). Très peu d'études ont rapporté le taux de conversion de cette forme de MCI vers la MA (104). De façon globale, on estime jusqu'à 65 % la proportion de personnes atteintes de MCI de tous types qui développeront la MA au cours de leur vie (105).

Le terme CIND fut initialement introduit et utilisé dans l'ESVC afin de qualifier les participants présentant un déclin cognitif et qui ne satisfaisait pas à tous les critères de démence (91, 95, 96, 106). En 1991, on a estimé à 16,8 % la proportion des Canadiens âgés de 65 ans et plus qui avaient développé un CIND (91). Son taux de conversion en démence se situe dans un intervalle de 13 à 48 % (95, 96). Par ailleurs, le MCI et le CIND affichent des taux de reconversion vers l'état normal estimés entre 13 à 93 % pour les MCI et entre 47 à 52 % pour les CIND (95).

1.2 Les acides gras dans la MA

Les acides gras sont des composés organiques à chaîne aliphatique (6 à 32 atomes de carbone) avec un groupement carboxyle hydrophile (107). Il existe deux grandes classes d’acides gras : les acides gras saturés et les acides gras insaturés. Ces derniers sont, à leur tour, subdivisés en acides gras monoinsaturés et polyinsaturés. Au niveau structurel, les acides gras saturés ne contiennent aucune double liaison, les acides gras monoinsaturés n’en contiennent qu’une seule alors qu’on retrouve plus d’une double liaison dans les acides gras polyinsaturés. Dans le cadre de ce mémoire, les acides gras saturés et les polyinsaturés seront abordés plus en profondeur. La lipogénèse et l’alimentation constituent les principales sources des acides gras dans l’organisme (108). Les acides gras alimentaires, combinés à certains facteurs génétiques, sont impliqués dans plusieurs conditions ou maladies chroniques telles que les MCV, l'obésité, le diabète de type 2 et possiblement, les maladies neurodégénératives (109, 110).

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L’activité synaptique neuronale est un déterminant clé de la teneur élevée en lipides dans le cerveau (108). Cette teneur confère aux acides gras un rôle essentiel et indispensable pour le neurone. Au sein de l’organisme, ils remplissent plusieurs fonctions. Ainsi, les acides gras membranaires de la double couche lipidique forment une structure qui contrôle les échanges entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule. Cette fonction procure à la membrane des propriétés d'élasticité, de fluidité et de viscosité (51). Les acides gras des triglycérides stockés dans les cellules adipeuses constituent des réserves d'énergie, qui en cas de besoin de l'organisme, sont métabolisés par lipolyse pour fournir de l'adénosine triphosphate. D'autres acides gras, comme l’acide arachidonique, agissent comme médiateurs chimiques dans certaines voies métaboliques (51).

Les mécanismes par lesquels les acides gras pourraient agir sur la MA ne sont pas encore clairement établis (21, 110, 111). Les acides gras polyinsaturés, notamment les acides gras polyinsaturés oméga-3 (n-3) restent à ce jour les plus documentés. Les résultats d’études épidémiologiques soulignent leurs bienfaits sur le cerveau, et suggèrent même leur utilisation à titre thérapeutique sous forme de suppléments ou d'aliments (poisson gras) (36, 112). Quelques études ont évalué les effets des acides gras saturés et des acides gras trans (113), et certaines hypothèses ont été émises quant à leur implication physiologique dans la MA via l'ApoE4 et le cholestérol sanguin (64, 113). Le mécanisme d’action du cholestérol sanguin résulterait de son action d’inhibition sur la lipolyse sérique, réaction catabolique permettant de fournir les acides gras essentiels aux neurones (72). La forte consommation d'acides gras saturés ou trans induit une augmentation des concentrations sériques de cholestérol sanguin ainsi que la production de l'ApoE4, responsable de la formation des plaques amyloïdes (114).

1.2.1 Les acides gras saturés et la MA

Présents dans les graisses animales, les produits laitiers et certaines graisses végétales, les acides gras saturés sont chimiquement constitués par une chaîne d'atomes de carbone unis entre eux par des liaisons simples, et contenant le nombre maximal d’atomes d’hydrogène (saturation) liés aux carbones. La relation entre les gras saturés et les MCV a été largement étudiée et le lien de causalité est bien documenté (115, 116). Par contre, leur

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implication dans la MA n'a pas encore été établie clairement. Il est plausible de penser que les facteurs de risque vasculaires associés à la démence vasculaire et la MA pourraient en partie expliquer cette association (21, 74, 113).

1.2.2 Acides gras polyinsaturés

1.2.2.1 Les acides gras polyinsaturés oméga-3

D’un point de vue moléculaire, les acides gras n-3 contiennent une première double liaison située sur le troisième carbone à partir du groupement carboxyle, ce qui leur confère leur dénomination. Les acides gras n-3 sont soit synthétisés par l'humain, soit obtenus par l'alimentation (poissons gras, huile de lin). Ils constituent une composante essentielle des membranes des neuronesoù ils jouent un rôle dans la régulation des fonctions cognitives (117, 118). Les plus connus dans cette classe d'acides gras sont l'acide eicosapentaénoïque (EPA), l'acide docosahexaénoïque (DHA) et l’acide alpha-linolénique. Les acides gras n-3 sont reconnus pour jouer un rôle important dans le retardement de l'apparition des symptômes de la MA et d'autres maladies neurodégénératives, essentiellement chez les personnes non-porteuses de l'ApoE4 et ce, grâce à leurs propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes, anti-amyloïdes, vasodilatatrices et neuroprotectives (16, 119). Hu et al. (2013) soutiennent que ces acides gras sont des inhibiteurs des gènes impliqués dans le processus inflammatoire du cerveau, à l'origine du stress oxydatif (120). Par ailleurs, l'acide arachidonique est le principal acide gras de la catégorie des oméga-6 (n-6). Il est présent, en quantité abondante dans le cerveau où il joue un rôle dans la cognition et la plasticité (8). Sous l'influence de certains facteurs, l'acide arachidonique peut subir des modifications et influencer les processus inflammatoires au niveau du cerveau (8). La littérature appuie l'importance de maintenir un ratio acides gras n-3/n-6 élevé (119, 121), car les acides gras n-3 possèdent des propriétés opposées à celles des acides gras n-6 (16, 93). Par exemple, le DHA et l'EPA ont des propriétés anti-inflammatoires alors que l'acide arachidonique favorise les processus inflammatoires, potentiellement responsables du développement de la MA (93).

En ce qui concerne la MA, les acides gras n-3 ont fait l’objet de plusieurs études épidémiologiques observationnelles (122-124). Les résultats des essais cliniques tels que

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rapportés dans une revue systématique Cochrane sont cependant moins concluants (125). Une autre revue systématique rapportait que la consommation d’acides gras n-3 améliorerait la cognition chez certaines personnes dont le stade de la maladie n'est pas très avancé (123). Bien que les acides gras n-3 n’aient pas encore démontré clairement de propriétés curatives face à la MA, ils pourraient offrir cependant des alternatives intéressantes en ce qui a trait à la prévention de la maladie.

1.2.2.2 Les acides gras trans

Les acides gras polyinsaturés trans sont constitués d’au moins une double liaison chimique entre les atomes de carbone, disposées en conformation trans, d’où ils tirent leur nom. Ils sont d'origine naturelle (lait, viande, biohydrogénation des ruminants) ou industrielle (transformation chimique). On peut aussi en retrouver, en faible quantité, dans des huiles végétales telles que l’huile de soja ou dans des huiles entièrement hydrogénées, à une concentration inférieure à 2 % (126).

À ce jour, aucune étude n'a identifié les acides gras trans naturels comme étant nocifs pour l'être humain (127). Dans les paragraphes suivants du présent chapitre, pour des questions de simplicité, lorsqu'on citera les acides gras trans, il sera question d'acides gras trans industriels car ce sont eux qui font principalement l'objet de ce travail. Une spécification sera faite lorsqu'il s'agira des gras trans naturels.

Les acides gras trans sont commercialisés sous forme solide ou semi-solide (margarine) et obtenus par hydrogénation partielle des huiles liquides. À l’instar des gras saturés, les gras trans ont été associés à des risques de maladies inflammatoires chroniques telles que les maladies vasculaires et l’obésité (115), mais ils n’ont pas encore été formellement associés à la MA (120, 128). Ils joueraient un rôle dans l’accumulation des marqueurs inflammatoires sériques, aussi impliqués dans le développement de la MA (116). Grimm et al. (2012) ont démontré leur implication dans la MA par un processus différent (30). Dans une étude réalisée avec des cellules neuronales des souris, il a été observé que les gras trans favorisaient la réaction catabolique produisant la β-amyloïde et

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inhibaient le processus biochimique qui n’y aboutissait pas. Initialement, la protéine transmembranaire APP contient trois parties : un domaine extracellulaire, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire. Cette protéine subit l'action des enzymes β-sécrétases pour se détacher de son domaine extracellulaire ; puis celle des γ-sécrétases pour libérer le domaine intracellulaire et ne garder que le domaine transmembranaire qui est la protéine β-amyloïde. Cette étude a démontré qu'en présence de gras trans, une nette accumulation de cette protéine était observée (30). Les auteurs suggèrent que les acides gras trans agiraient directement sur la transcription et la traduction de la protéine APP.

En dépit de leur rôle nocif pour la santé, les propriétés dans la conservation et la friture des aliments de ces acides gras sont beaucoup mises à contribution dans l’industrie alimentaire. Par exemple, ils aident à préserver la texture et la saveur de certaines pâtisseries. Par ailleurs, leur capacité à atteindre des hautes températures et à être utilisées à de multiples reprises est utile pour la friture des aliments (3). La mesure directe dans le sang et les cellules adipeuses permet une estimation de la consommation des gras trans allant jusqu’à deux ans (129-133).

Le potentiel nocif des acides gras trans a incité le gouvernement fédéral canadien à réglementer leur production ainsi que leur consommation afin de protéger la santé des consommateurs. Par exemple, les industries doivent respecter les normes d’étiquetage des aliments, sous forme de valeur nutritive, où elles doivent y inscrire la teneur réelle en acides gras trans ainsi que celle d'autres acides gras comme le cholestérol et les acides gras saturés (134). De plus, le projet de loi C-220 de 2004 interdit la vente des produits (huile ou aliment) contenant plus de 2 grammes d’acides gras trans par 100 grammes d’huiles ou de graisses présentes dans l’aliment (135). Le Canada a ainsi imité le Danemark qui est l’un des rares pays au monde à avoir mis en place des mesures concrètes pour éliminer les acides gras trans de l’alimentation (136). Le gouvernement canadien s'attèle aussi à éduquer la population sur les dangers réels d’une consommation régulière de ces acides gras. Les résultats de toutes ces mesures se traduisent par une diminution d’environ 40% de la consommation d’acides gras trans, au sein de la population générale, au cours de la dernière décennie (3).

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1.3 Études épidémiologiques sur les acides gras trans dans la démence

1.3.1 Acides gras trans mesurés indirectement

Dans la revue systématique de Barnard et al. (113), les auteurs cherchaient à mesurer l'association existant entre l’ingestion d’acides gras trans totaux et/ou d’acides gras saturés et les troubles neurocognitifs. L'extraction des études a été effectuée avec les bases de données Pubmed, EMBASE et le registre des essais randomisés Cochrane, par deux personnes indépendantes. Des 4 639 études extraites, 12 d'entre elles remplissaient les critères d'inclusion : les acides gras saturés et∕ou trans devaient être quantifiés; l'issue devait être l'incidence de la démence incluant la MA (n=4), le MCI (n=4) ou le déclin cognitif (n=4); l'issue devait avoir été diagnostiquée chez des personnes âgées; pour les études prospectives, il devait s'être écoulé au moins un an entre l'évaluation alimentaire et le diagnostic de la maladie ou, pour le déclin cognitif, au moins deux évaluations de la fonction cognitive. Aucune mesure d'association combinée n'a été présentée à cause de la différence existant dans la façon de rapporter la consommation de ces gras ainsi que dans la relation de cette dernière avec la fonction cognitive. De ces 12 études, 2 traitaient de la relation entre la consommation d'acides gras trans et le risque de MA (103, 137) et présentaient des résultats mixtes.

La première de ces deux études était la Rotterdam Study, menée aux Pays-Bas et comptant en début d’étude 5 395 résidents âgés en moyenne de 68 ans (113, 137). La consommation moyenne journalière des gras trans totaux était évaluée à l'aide d'un questionnaire de fréquence alimentaire de la dernière année. Au bout de six ans de suivi, 146 cas de MA ont été rapportés. Les covariables incluses dans le modèle étaient l'âge, le sexe, le score initial du MMSE, la consommation d'alcool, le statut fumeur, le nombre de paquets-années de cigarette, l'indice de masse corporelle (IMC) et la prise de suppléments d'antioxydants. Comparativement au tertile inférieur de consommation de gras trans, les individus faisant partie du tertile supérieur étaient moins à risque de développer la MA (risque relatif (RR) = 0,80, IC 95 % 0,65-0,97), ce qui semble paradoxal. Cette étude a aussi mesuré l’association de ces gras avec la démence tous types confondus et la démence vasculaire. Les résultats observés n’ont démontré aucune association dans les deux cas : RR = 0,90, IC 95 % (0,77-1,06) pour la démence tous types; et RR =1,03, IC 95 %

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(0,71-20

1,44) pour la démence vasculaire. Le jeune âge des participants en début d’étude (55 ans et plus), le faible nombre de cas incidents dans l’échantillon, la mesure indirecte de l'exposition aux acides gras trans via le questionnaire alimentaire ainsi que le non ajustement pour l'ApoE4 sont des limites de cette étude.

La seconde étude, la Chicago Health and Aging Project (CHAP), comptait au départ 815 sujets sains âgés en moyenne de 73 ans, dont 35 % des individus étaient porteurs de l'ApoE4. Au terme de quatre ans de suivi, 131 participants ont développé la MA (103). Un questionnaire de fréquence alimentaire évaluant la consommation alimentaire, au cours de la dernière année, a été administré deux ans et demi avant l'évaluation clinique. Cette consommation a été ajustée pour représenter la consommation journalière en acides gras trans totaux, puis catégorisée en quintiles. Le diagnostic de la MA a été fait selon les critères du NINCDS-ADRDA. Une association positive a été observée entre les gras trans et la MA chez les individus dont la consommation se situait dans le cinquième quintile comparativement au premier : RR=2,5 ; IC 95 % 1,1-6,2. Parmi les limites de cette étude figurent la courte durée de l'étude, la mesure indirecte de l'alimentation, mais surtout l'administration de ce questionnaire un an et demi après le début du suivi, ce qui fait questionner la validité de l’information rapportée.

Parmi les études dans la revue de synthèse de Barnard visant des issues cognitives autres que la démence (113), l'étude ''The Rochester Epidemiology Project'' a été réalisée auprès de 937 individus dont l'âge médian était de 79,5 ans, suivis pendant une période médiane de 3,7 ans (104). Elle avait comme objectif primaire de mesurer l'association entre la consommation des macronutriments et l'apparition de MCI. La fonction cognitive a été évaluée au début de l'étude ainsi qu’à tous les 15 mois avec le Clinical Dementia Rating (CDR). Un questionnaire de fréquence alimentaire auto-administré a été utilisé; les résultats de ces questionnaires ont été compilés dans une base de données afin de déterminer le pourcentage calorique journalier, divisé en quartiles. À la fin du suivi, 192 cas incidents de MCI ont été dénombrés. Après ajustement pour plusieurs variables potentiellement confondantes (e.g sexe, scolarité, apport énergétique total, ApoE4, IMC, etc.), l'association entre les acides gras trans totaux et le MCI n'était pas significative, peu importe le quartile.

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Comparativement aux individus dont la consommation se retrouvait dans le quartile inférieur, ceux dont la consommation se situait dans le quartile supérieur démontraient une association négative non significative (hazard ratio (HR) = 0,82; IC 95% 0,52-1,30). La courte durée de l'étude ainsi que la mesure indirecte de l'alimentation seraient quelques limites dans cette étude.

L’étude The Cognitive Change in Women, imbriquée dans l'étude Women's Health Initiative (WHI), avait pour but d'examiner les associations entre le mode de vie incluant l’alimentation et la fonction cognitive, chez des femmes non-démentes âgées de 60 ans et plus vivant en communauté (101). Cette étude imbriquée comprenait 482 participantes dont la fonction cognitive a été évaluée au début et à la fin du suivi à l'aide d'une batterie de tests psychométriques reconnus. À l'instar de la fonction cognitive, l'apport alimentaire en gras trans totaux a aussi été évaluée à deux reprises, soit 5,6 ans et 3 ans avant le début de l’étude, à l'aide d'un questionnaire de fréquence alimentaire des trois derniers mois. Les données recueillies ont permis de rapporter la consommation sur une fréquence journalière moyenne basée sur les deux questionnaires. Les acides gras trans totaux ont été catégorisés en quartiles. Les modèles ont été ajustés pour l'âge, l'éducation, le statut cognitif au début du suivi, les habiletés en lecture, l'ApoE4, l'IMC, l'utilisation d'œstrogènes et de bêtabloquants, la consommation de caféine et d'autres acides gras. Aucune association n'a été observée entre la consommation d'acides gras trans et le déclin cognitif (coefficients de régression (erreur-type) du premier aux derniers quartiles : -0,17 (0,04), -0,19 (0,04), -0,13 (0,04), -0,17(0,04), valeur-p = 0,54]. Cette étude était limitée par la courte durée et la mesure indirecte des acides gras trans.

L'étude Women's Health Study (WHS) était au départ un essai clinique randomisé sur les effets de l'acide acétylsalicylique et de la vitamine E contre un placebo dans la prévention primaire des MCV et du cancer (138). Cette étude de 12 ans a débuté en 1992 chez des participantes âgées de 45 ans et plus. Un échantillon à l’étude de 7 175 participantes, âgées d'au moins 65 ans, a été tiré afin de réaliser l’étude The Cognitive Sub Study réalisée sur quatre ans. Son but était d'évaluer l'effet des différents types d'acides gras dans les changements de la fonction cognitive. Les participantes ont passé des examens

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cognitifs en 1998, et des suivis de deux ans entre chaque évaluation cognitive sur un total de quatre ans. La fonction cognitive globale a été évaluée par entrevue téléphonique avec le Telephone Interview for Cognitive Status (TICS); la mémoire verbale (un domaine cognitif) a été évaluée à partir du East Boston Memory Test (EBMT) et du TICS, version abrégée. Un questionnaire de fréquence alimentaire a été administré aux participantes en début de la WHS, afin de déterminer la consommation moyenne annuelle. Les résultats n'ont démontré aucune association entre la consommation d’acides gras trans totaux et le déclin cognitif. Parmi les limites de cette étude figurent la courte période pour le suivi, l’administration de questionnaires à distance ainsi que la mesure indirecte de l'alimentation.

1.3.2 Acides gras trans mesurés directement

L'étude Oregon Brain Aging Study a évalué le lien transversal entre certains nutriments mesurés directement dans le sang, et la fonction cognitive chez 104 sujets de la cohorte initiale qui comportait 293 hommes et femmes âgés de 65 ans et plus, vivant dans la communauté (139). La fonction cognitive a été évaluée à l'aide du MMSE, du CDR et de divers tests psychométriques examinés par un neurologue et un neuropsychologue. À partir de 30 nutriments différents, huit profils distincts ont été construits grâce à une analyse en composantes principales. Des profils ont été créés pour les vitamines (B, C, D et E), les acides gras saturés, les caroténoïdes, le cholestérol, les n-3 marins, les n-6 et le rétinol, la lutéine et les lipoprotéines de haute densité (HDL), et les acides gras trans. Les modèles ont été ajustés pour l'âge, le sexe, l'ApoE4, l'hypertension artérielle et la dépression. Les résultats ont suggéré que les participants dont le profil était représenté par les acides gras trans totaux avaient une moins bonne fonction cognitive (valeur-p < 0,01). Deux limites affectent néanmoins cette étude, soit le devis transversal et le petit nombre de sujets.

1.4 Synthèse des résultats

Le rôle des acides gras trans dans la démence et le déclin cognitif semble plausible biologiquement, mais les évidences sont faibles, peu nombreuses et inconsistantes. L'utilisation des questionnaires de fréquence alimentaire auto-administrés, une mesure indirecte de l’exposition aux gras trans totaux, pourrait biaiser la mesure d’association dans

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les deux sens. Sachant que le temps de latence de la MA peut aller jusqu’à 20 ans, il est logique de douter de la validité (biais d’information) des réponses obtenues à partir de ces questionnaires même si les personnes sont considérées cognitivement normales. Ceci est d’autant plus vrai dans le cadre de la CHAP (103) où la mesure a été faite deux ans après l’entrée dans l’étude.

Bien que quelque peu invasif, la mesure directe dans le sang correspond à une méthode qui permet d’obtenir la mesure d’exposition la plus valide et qui permet une certaine distinction entre les acides gras trans naturels et commerciaux (132). Les globules rouges étant des cellules ayant une durée de vie moyenne de 120 jours, l'extraction des acides gras trans qu'ils contiennent donne une idée assez précise de la consommation réelle au cours des trois ou quatre mois précédents la prise de sang (129). Par ailleurs, considérant la période de latence de la MA, une longue période de suivi est plus rigoureuse pour mesurer l’association entre une exposition et la MA. L'ESVC est l'une des rares études d'envergure nationale qui a su remplir ces conditions. Pour les besoins du présent projet de maîtrise, des échantillons sanguins congelés ont été utilisés afin d'effectuer des analyses pour déterminer avec exactitude la quantité d'acides gras trans dans le sang des participants. Cette étude, représentative de la population âgée canadienne, offre les meilleures conditions pour mesurer les associations entre une exposition directe des acides gras trans et la survenue de la maladie.

1.5 Objectifs

La présente étude a pour objectif général d’évaluer l’association entre les pourcentages d’acides gras trans dans les membranes des érythrocytes et le risque de démence incluant la MA et la démence vasculaire, chez les personnes âgées de 65 ans et plus à partir des données de l'ESVC. Cette étude vise aussi à évaluer l’association entre les acides gras trans et le risque de déclin cognitif, tel que mesuré par le 3MS.

(35)

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Chapitre 2 : Méthodologie

2.1 Population à l'étude

L'ESVC est une étude de cohorte nationale multicentrique de trois phases sur 10 ans, conçue dans le but de mesurer la prévalence et l’incidence de la démence tous types confondus et ses deux principaux sous-types (MA, démence vasculaire) au sein de la population âgée canadienne, et d’en déterminer les facteurs de risque (140). L’étude avait aussi comme objectifs d’établir le profil de prise en charge de soins par les proches-aidants pour les patients atteints de démence, ainsi que la création d’une base de données uniforme pour des études ultérieures sur la démence (14). Chapeautée par l’Université d’Ottawa et Santé Canada, cette étude de cohorte était basée sur un échantillon représentatif de la population âgée canadienne comprenant 10 263 participants en début d’étude (140).

Au total, 18 centres de recherche (au moins un centre pour chaque province) ont participé à cette étude. L’ESVC s’est étalée sur 36 zones urbaines et rurales à travers les 10 provinces, regroupées pour représenter cinq régions : l’Atlantique, le Québec, l’Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique (132). Les territoires du Yukon et du Nord-Ouest, ainsi que les réserves indiennes et certaines régions éloignées au Québec et en Ontario étaient exclus de l'étude (133). L'échantillon s'étendait sur environ 60 % des terres canadiennes habitées (14). Une méthode d’échantillonnage aléatoire stratifiée a été choisie. Les participants ont été recrutés selon trois strates d'âge : 65-74 ans, 75-84 ans et 84 ans et plus. Dans le but de minimiser les variances entre les différentes catégories d'âge, une procédure d'allocation optimale a été utilisée avec comme conséquence un sur-échantillonnage pour les deux dernières catégories d'âge. Dans la communauté, les listes électorales et les archives municipales ont été utilisées pour recruter les participants de l’Ontario, alors que dans les autres provinces, c'est la base de données de l'assurance-maladie qui a servi au recrutement. La liste des établissements de soins de santé de Statistiques Canada a été nécessaire pour la sélection des institutions d’où a été tiré l’échantillon pour 15 centres de recherche. Les maisons de soins infirmiers, des centres d'hébergement et de longue durée et les logements collectifs (couvents) ont servi au recrutement. En moyenne, 250 personnes par région ou 23 personnes par centre de recherche ont été sélectionnées aléatoirement dans

Figure

Tableau 1 : Caractéristiques de base des sujets selon la démence et ses sous-types (n=670)  Variables *  Non-déments  (n=519)  Démence tous types (n=151)  Valeur-p **  Maladie  d’Alzheimer (n=107)  Valeur-p **  Démence  vasculaire (n=30)  Valeur-p **
Tableau 2: Mesures d'association (HR) entre les pourcentages d'acides gras trans  naturels, la démence et ses sous-types (n=670)

Références

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