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Partage émotionnel et inclusion : le rôle médiateur de l’écoute et de l’expression des émotions

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Academic year: 2021

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Partage émotionnel et inclusion : le rôle médiateur de

l’écoute et de l’expression des émotions

Adnane Chader, Natacha Pijoan, Jean-Michel Plane

To cite this version:

Adnane Chader, Natacha Pijoan, Jean-Michel Plane. Partage émotionnel et inclusion : le rôle

mé-diateur de l’écoute et de l’expression des émotions. Management & Sciences Sociales, Humanisme

& Gestion, 2020, Les nouveaux défis de la diversité et de l’inclusion au travail, 29 (29), pp.59-72.

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Partage émotionnel

et inclusion : le rôle médiateur

de l’écoute et de l’expression

des émotions

Adnane Chader

Maître de conférences, IAE de Bretagne Occidentale, Laboratoire LEGO adnane.chader@univ-brest.fr

Natacha Pijoan

Maîtresse de conférences-HDR, Université Paul-Valéry Montpellier 3, Laboratoire CORHIS natacha.pijoan@univ-montp3.fr

Jean-Michel Plane

Professeur des universités, Université Paul-Valéry Montpellier 3, Laboratoire CORHIS jean-michel.plane@univ-montp3.fr

Our paper aims to explore the extent to which emotional sharing by leaders can foster employees’ sense of belonging in organizations. First, we will look closely into the role of leaders’ emotions in developing and enhancing employees’ sense of belonging. To answer to our research question, we have chosen to use a qualitative methodology. To this end, 30 semi-structured interviews were conducted with leaders. The results of our research reveal the crucial need to mobilize emotional listening and expression in order to foster the inclusion of all employees through the building of a strong sense of belon-ging and authenticity. These results also highlight the emergence of a new leadership style: inclusive leadership.

Keywords: Inclusion, emotional sharing, emotional competencies, inclusive leadership.

Notre article propose d’étudier dans quelle mesure le partage des émotions par les leaders peut encourager le sentiment d’inclusion des collaborateurs dans les organi-sations. Ainsi dans un premier temps, nos interrogations porteront sur le rôle des émo-tions des leaders dans le développement et la valorisation du sentiment d’inclusion pour les collaborateurs. Pour répondre à notre question de recherche, nous avons privilégié une méthodologie qualitative. En ce sens, 30 entretiens semi-directifs ont été menés auprès de leaders. Les résultats de la recherche révèlent l’importance et la nécessité de mobiliser l’écoute et l’expression des émotions pour favoriser l’inclusion de tous les col-laborateurs au moyen de l’instauration d’un fort sentiment d’appartenance et d’authen-ticité. Ces résultats mettent également en perspective l’avènement d’un nouveau style de leadership : le leadership inclusif.

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Introduction

Le concept de l’inclusion a récemment fait l’objet d’une grande attention dans la littérature consacrée à la gestion des ressources humaines et notamment au management de la diversité (par exemple, Roberson, 2006 ; Daya, 2014 ; Jansen et al., 2014 ; Shore et al., 2011, 2018), mais également dans d’autres disciplines voisines telles que la sociologie (Mor Barak, 2000) et la psychologie sociale (Ellemers et Jetten, 2013). De ce fait, dans le contexte actuel marqué par une diversification des équipes de travail amplifiée notamment par l’évolution démographique et l’augmentation des flux migratoires, l’inclusion des colla-borateurs devient désormais un enjeu central. L’inclusion invite les organisations à dépasser les approches traditionnelles du management de la diversité en développant une approche centrée sur les objectifs organisationnels (Roberson, 2006). Une telle perspective encourage à développer des politiques inclusives visant à développer le potentiel de chacun quel que soit son groupe d’appartenance. Dans cette perspective, un milieu de travail inclusif est défini comme un « environnement qui valorise et apprécie

les différences individuelles et inter-groupes, atténue les besoins des groupes vulnérables et qui vise à favoriser une meilleure intégration à l’organisation » (Mor Barak, 2015, p. 87).

Ainsi, les sentiments et la gestion des émotions des collaborateurs occupent une place prépondérante dans un tel environnement. En effet, l’émotion est un facteur régulateur des relations sociales et la manière dont nous partageons les émotions renseigne sur la qualité des relations entre les membres du groupe. Le partage des émotions semble par conséquent jouer un rôle extrêmement important au niveau sociétal en renforçant la cohésion sociale et le sentiment d’intégration des individus (Kotsou, 2014).

À cet égard, nous démontrons que le partage des émotions à travers la mobilisation de deux principales compétences émotionnelles constitue un facteur d’inclusion pour tous les collaborateurs débouchant sur un climat de travail respectueux, équitable, socialement responsable et plus humain.

Notre étude cherche à répondre à la question

de recherche suivante : comment le partage des émotions par les leaders peut-il encourager le sentiment d’inclusion des collaborateurs dans les organisations ? Plus précisément nous interrogeons le rôle de l’écoute et de l’expression émotionnelle dans le processus de l’inclusion.

Nous présenterons, dans une première partie, une revue de la littérature mettant en relation l’inclusion et le partage des émotions. Notre cadre théorique propose de croiser les apports du modèle de l’inclusion de Jansen

et al. (2014) et celui du partage des émotions

ancré dans les travaux de Kotsou (2016). La deuxième partie de l’étude abordera l’axe méthodologique de notre recherche empirique. La troisième partie présentera nos résultats que nous discuterons ensuite dans une quatrième partie.

Définitions et revue de la littérature

Notre revue de littérature vise à approfondir la question du lien entre le partage des émotions et l’inclusion, tout en explicitant les compétences émotionnelles qui constituent le partage émotionnel ainsi que les différentes dimensions de l’inclusion.

Émotions et partage des émotions

Les émotions peuvent être définies comme étant des états relativement brefs susceptibles de durer entre quelques secondes à quelques minutes et provoqués par une situation spécifique (Luminet, 2002). L’émotion est toujours porteuse de sens, dans la mesure où elle peut jouer différents rôles tels que :

- (1) Source d’information en portant un message qui renvoie à des besoins (Clore et al., 2001) ;

- (2) Facilitatrice d’action dans le sens où elle peut aussi bien faciliter certains comportements, tout en inhibant d’autres (Frijda, 1986) ;

- (3) Support à la décision : en effet, les émotions sont considérées comme indis-pensables aux processus de décision (Damasio, 1994 ; Dejoux et al., 2011) ; - (4) Outil d’adaptation puisque les émotions

constituent un ensemble de programmes de différents niveaux, activables en fonc-tion des demandes de l’environnement

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(Cosmides et Tooby, 2000) ;

- 5) Indicateur des interactions entre individus dans la mesure où ses manifestations sont des indicateurs qui pourront aussi bien favoriser que décourager les interactions sociales (Luminet, 2002).

L’émotion est donc un facteur régulateur des relations sociales. En effet, la manière dont nous partageons les émotions renseigne nos interlocuteurs non seulement sur les antécédents et la signification de la situation mais aussi sur les comportements potentiels à venir (Keltner et Kring, 1998 ; Kotsou, 2014, 2016). Ceci aura pour effet de « motiver » ou de « décourager » certains comportements chez les autres. Le partage des émotions semble par conséquent jouer un rôle extrêmement important au niveau sociétal en renforçant la cohésion sociale (Kotsou, 2014). D’ailleurs, Bernard Rimé (2005, 2009) parle quant à lui de « partage social des émotions » dans la mesure où celui-ci renforce les liens sociaux et contribue à l’intégration sociale des individus.

Nous considérons, à l’instar de Kotsou (2014), que les compétences émotionnelles, c’est-à-dire « l’expression des émotions » et « l’écoute des émotions » d’autrui, sont les deux facettes du processus de partage des émotions. En effet, nous analyserons ici le partage des émotions comme étant un processus supposant la mobilisation de ces deux compétences.

S’agissant de l’expression des émotions, elle concerne la capacité à exprimer les émotions de la manière la plus adaptée possible au contexte. Bien évidemment, cette compétence est liée à l’identification des émotions et suppose comme prérequis de posséder un riche vocabulaire émotionnel. En effet, plus celui-ci est riche plus l’individu sera capable de décrire avec aisance ses émotions. Néanmoins, même si l’individu possède ce vocabulaire, le fait d’exprimer ses émotions n’est pas un acte neutre car il produit un effet sur la relation qu’il aura tant avec lui-même qu’avec ses interlocuteurs. Ainsi, la maîtrise de la compétence émotionnelle d’expression de ses émotions suggère la capacité d’adopter le comportement le plus adapté au contexte (Bonanno, 2001 ; Kotsou, 2016). En ce sens, une personne maitrisant cette

compétence sera donc capable d’évaluer s’il est pertinent ou non d’exprimer ses émotions et possède également les outils pour les exprimer de la manière la plus adaptée pour ses interlocuteurs. Enfin, nombreuses sont les études qui ont étudié aussi bien les effets positifs que négatifs de l’expression émotionnelle (pour une revue voir Kotsou, 2014). En effet, la majorité de ces recherches explique les vertus à exprimer ses émotions tant au niveau intrapersonnel (au niveau de la santé notamment (Gross, 2014), qu’au niveau interpersonnel et social, dans la mesure où ceci favorise la construction des liens affectifs (Collins et Miller, 1994) et renforce la cohésion sociale (Rimé, 2009) par exemple. Néanmoins, les recherches soulignent également que si l’expression est inadaptée, le partage du vécu émotionnel peut avoir des conséquences délétères (Bradbury et Fincham, 1990 ; Gottman, 1993 ; Kotsou, 2014).

S’agissant de l’écoute des émotions d’autrui, elle repose sur la capacité d’accueil et d’écoute véritable des émotions des autres. Cela suppose de tenir une posture bienveillante. Par ailleurs, certains auteurs (Rimé, 1999 ; Kotsou, 2014) expliquent que cette compétence n’est pas aisée, particulièrement lorsqu’il est question de s’intéresser aux émotions négatives. En effet, accueillir les émotions négatives d’autrui peut renvoyer l’individu à sa propre vulnérabilité et ne pas le faire serait effectivement un mode de protection (Kotsou, 2016). En ce sens, Kotsou (2014) explique que seules les interactions dont l’objectif est la compréhension du ressenti de l’autre favorisent une écoute authentique des émotions d’autrui. L’écoute des émotions d’autrui se révèle finalement être une compétence sociale très importante permettant de créer des relations privilégiées avec ses interlocuteurs.

Inclusion : Définitions et principaux

modèles

Les recherches dans des disciplines variées qui vont de la gestion des ressources humaines à la psychologie sociale ont permis d’élaborer un grand nombre de définitions et de conceptualisations de l’inclusion. Néanmoins un certain consensus émerge autour de la définition de l’inclusion proposée par Shore et al. (2011) selon laquelle l’inclusion

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correspond au « degré auquel les individus

subissent un traitement de la part du groupe qui satisfait leur besoin d’appartenance et de singularité » (p. 1265). Ainsi, l’inclusion

renvoie à la satisfaction simultanée des besoins d’appartenance et de singularité des individus. C’est à dire que les gens sont inclus dans un groupe s’ils perçoivent un sentiment d’appartenance au groupe et, en même temps, sont valorisés pour leurs caractéristiques uniques et particulières. Il s’agit d’un processus où c’est le groupe qui inclut l’individu et non pas l’individu qui se connecte au groupe. Par conséquent, la perception du degré d’inclusion des individus repose principalement sur les indicateurs et les signaux émis par le groupe. Dans la même perspective, l’inclusion peut être considérée comme la volonté du groupe d’inclure l’individu (Ellemers et Jetten, 2013). Il s’agit de « porter une attention particulière aux politiques, aux pratiques et au climat sur le lieu de travail, ainsi qu’à la culture organisationnelle qui façonne les expériences des collaborateurs présentant des caractéristiques singulières » (Shore et al., 2018, p. 178). En effet, les pratiques de l’inclusion cherchent à garantir à ces collaborateurs une réelle égalité de traitement en matière d’accès aux possibilités de promotion et aux postes stratégiques de l’organisation (Shore et al., 2018, p. 177). Enfin, l’inclusion peut être définie comme étant « la façon dont une organisation configure ses dispositifs et ses structures pour valoriser et exploiter le potentiel des différences et limiter leurs inconvénients » (Roberson, 2006, p. 221). Elle permet ainsi la création d’un environnement qui reconnaît, accueille et accepte différentes approches, styles, perspectives et expériences, afin de permettre aux employés d’atteindre leur potentiel et d’obtenir de meilleurs résultats (Winters, 2014).

Dans notre étude, nous analyserons l’in-clusion à l’aune des deux facteurs de l’inclusion identifiées par Jansen et al. (2014). En effet, ces auteurs prolongent les travaux de Shore et al. (2011) pour expliquer que le sentiment d’appartenance et la valorisation du caractère singulier sont deux éléments importants de l’inclusion.

Cependant, ils redéfinissent les contours du facteur « valorisation de la singularité » pour ensuite proposer un nouveau facteur :

l’authenticité. Pour résumer, Jansen et al. (2014) définissent donc l’inclusion comme « le

degré auquel un individu perçoit que le groupe lui procure un sentiment d’appartenance et d’authenticité » (p. 373).

Les auteurs identifient deux composantes de l’inclusion : l’appartenance et l’authenticité. Le besoin d’appartenance correspond au désir de se sentir connecté aux autres ainsi qu’à la motivation de nouer et d’entretenir des relations solides et durables avec d’autres personnes. Pour satisfaire ce besoin, les individus doivent avoir des interactions fréquentes et plaisantes émotionnellement de manière relativement durable au sein d’un groupe (Baumeister et Leary, 1995). Ce facteur se compose, à son tour, de deux éléments : l’appartenance à un groupe reflétant la solidité du lien entre l’individu et le groupe et l’affection de groupe qui indique la valence positive perçue de ce lien (Jansen et al., 2014). En revanche, la notion d’authenticité implique que les membres du groupe sont autorisés à être différents les uns des autres. Elle renvoie au « niveau auquel un membre du

groupe perçoit qu’il est autorisé et encouragé par le groupe à rester fidèle à lui-même » (Id.,

2014, p. 372). Par conséquent, l’authenticité est constituée de deux sous-composantes : 1) la place accordée à l’authenticité, c’est-à-dire la mesure dans laquelle le groupe permet aux membres du groupe d’agir en accord avec leur véritable personnalité ; 2) la valeur de l’authenticité qui reflète la mesure dans laquelle le groupe encourage activement les membres du groupe à être eux-mêmes au sein du groupe (Jansen et al., 2014).

Nous proposons d’étudier comment l’écou-te et l’expression émotionnelles de leaders (Kotsou, 2014) peuvent contribuer à l’inclusion en agissant sur les besoins d’appartenance et d’authenticité de leurs collaborateurs (Jansen

et al., 2014).

Terrain et méthodologie de recherche

Afin d’opérationnaliser notre objet d’étude théorique, nous avons mené une étude qualitative à travers la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès de 30 dirigeants. L’objectif est d’assurer une compréhension en profondeur (Gavard-Perret et al., 2012) de l’influence de l’écoute et l’expression

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émotionnelles sur les deux dimensions de l’inclusion à savoir le sentiment d’appar-tenance et d’authenticité des collaborateurs. Dans la mesure où, il s’agit d’une recherche à vocation exploratoire, l’approche quali-tative nous a permis une analyse fine et contextualisée de notre objet de recherche (Evrard et al., 2003 ; Paillé et Mucchielli, 2012).

Nous présentons d’abord notre terrain de recherche et les modalités de recueil des données. Nous préciserons ensuite notre démarche en présentant le protocole de codage qui nous a permis de construire nos résultats.

Présentation du terrain de la recherche

et modalités de recueil des données

Nous avons réalisé notre étude empirique auprès de trente membres de l’équipe dirigeante d’entreprises de tailles différentes et appartenant à des secteurs d’activités diversifiés. Plus précisément, notre échantillon est composé de « leaders » situés à tous les niveaux hiérarchiques qui vont du manager de proximité (N+1) au Directeur Général d’une grande multinationale. L’objectif étant d’avoir une variété de situations (Roussel et Wacheux, 2005).

S’agissant de la collecte des données, nous avons conduit des entretiens individuels semi-directifs auprès de dirigeants de 30 entreprises. Le tableau en annexe décrit les principales caractéristiques de notre échantillon.

L’échantillon des responsables rencontrés est composé de seize hommes et quatorze femmes ; dont un seulement est âgé de moins de 40 ans, onze ont entre 40 et 50 ans, seize sont âgés entre 51 et 61 ans et dont deux leaders ont plus de 64 ans. Les entretiens semi-directifs ont été conduits sur la période d’avril à septembre 2018 et ont duré entre 48 minutes et 1 heure 21 minutes. Le guide d’entretien introduit une présentation de l’interlocuteur et de l’activité de son entreprise. Ensuite, nous avons abordé trois thèmes principaux à savoir : le partage des émotions, les compétences émotionnelles et l’inclusion au sein de l’entreprise. Les entretiens semi-directifs ont ainsi permis de

collecter des opinions et des impressions de nos interlocuteurs sur notre objet d’étude. Dans cette perspective, la taille de notre échantillon n’a pas été préalablement définie dans la mesure où nous avons mis fin à la collecte des données dès que les derniers entretiens n’ont apporté aucun nouvel éclairage théorique (Glaser et Strauss, 1967). Enfin, la totalité de nos entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone puis intégralement retranscrits mot par mot pour les besoins de l’analyse.

Protocole de codage des entretiens

semi-directifs

S’agissant de l’analyse de nos données, nous avons opté pour l’analyse de contenu thématique. En effet, l’objectif étant de comprendre en profondeur la perception des répondants, l’analyse de contenu offre la possibilité d’obtenir « l’inférence de

connaissances relatives aux conditions de production (ou éventuellement de réception), à l’aide d’indicateurs (quantitatifs ou non) »

(Bardin, 2003, p. 43) et ainsi de « savoir ce qui

est derrière les paroles sur lesquelles elle se penche » (Bardin, 2003, p. 48).

Le codage de nos entretiens s’est déroulé en trois phases principales : une lecture flottante des retranscriptions des entretiens, une catégorisation des idées et enfin une relecture systématique des discours de nos interlocuteurs à l’aune de notre modèle théorique.

La première phase nous a permis tout d’abord de nous familiariser avec les données et d’approfondir notre compréhension des concepts phares de notre recherche à savoir le leadership, les compétences émotionnelles et l’inclusion. À travers la deuxième phase nous avons procédé à une première caté-gorisation afin de repérer les extraits des entretiens selon les deux dimensions du partage émotionnel. Nous avons ainsi attribué un code thématique identique « à tous les éléments du corpus

qui renvoient au même thème » (Alami et al., 2013, p. 108). Enfin, la troisième phase

consistait à repérer systématiquement les verbatim explicitant la relation d’influence de l’écoute et l’expression émotionnelles sur les dimensions de l’inclusion définies par Jansen

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Résultats : le rôle du partage des

émotions dans l’inclusion des

collaborateurs

Nous proposons ici d’analyser le rôle joué par le partage émotionnel des leaders sur l’inclu-sion des collaborateurs au regard des deux facettes du partage des émotions : l’écoute et l’expression émotionnelle. Par ailleurs, notons que dans la présente recherche, la notion de groupe désigne les autres membres de l’orga-nisation. Néanmoins nous avons fait le choix de nous focaliser sur les perceptions des leaders dans la mesure où nous considérons que les politiques ainsi que les pratiques de management et de leadership des groupes, telles que les programmes de promotion de la diversité par exemple, ont une incidence réelle sur les perceptions d’inclusion des col-laborateurs.

L’écoute émotionnelle : un vecteur de

sentiment d’inclusion des collaborateurs

Nos résultats montrent comment l’écoute émotionnelle favorise le sentiment d’inclusion des collaborateurs par le levier du respect de l’authenticité de chacun d’une part et celui du renforcement de l’appartenance des membres du groupe de l’autre.

L’écoute émotionnelle : élément facilitateur du sentiment d’authenticité

Nos résultats montrent d’abord l’effet de l’écoute émotionnelle de la part des leaders sur les collaborateurs et notamment sur les communautés concernées dans leurs différences. Pour nos répondants, cela permet aux leaders de comprendre la particularité de ses collaborateurs.

« Le leader doit connaître les particularités de ses équipes, les écouter pour donner envie et responsabiliser, même quand les équipes traversent des moments difficiles. »

(Extrait de l’entretien 14).

« Une entreprise, c’est la différence. Les salariés sont tous différents, et il faut prendre ces différences comme une force, on ne réagit pas pareil aux événements, au stress [ ] et c’est au leader émotionnel d’identifier, de percevoir ces différences et

d’essayer de les utiliser pour que chacun des salariés puisse donner le meilleur de lui-même. » (Extrait de l’entretien 30).

Dans cette perspective, à travers cette compétence, le leader intègre les pré-occupations des collaborateurs et fait en sorte que ces derniers se sentent acceptés et considérés. Elle permet également aux leaders de répondre aux besoins des collaborateurs de façon plus personnalisée, non seulement en tenant compte de leur différence, mais aussi en déployant des efforts pour assurer leur responsabilisation.

« […] Chacun a sa façon de travailler, chacun a ses qualités, et chacun a ses défauts, le plus important, c’est de trouver la qualité de chacun et pouvoir l’adapter au poste qu’il fait et utiliser la qualité de chacun […] »

(Extrait de l’entretien 27).

« Le leader, par exemple sur un projet, c’est quelqu’un qui va peut-être avoir besoin de savoir, qu’est-ce qu’il va faire pour que les personnes avec qui on travaille, pour qu’elles aient envie d’avancer, qu’elles se sentent responsabilisées et qu’elles se sentent écoutées lorsqu’il y a des moments de doutes. » (Extrait de l’entretien 23).

Suivant cette logique, le leader apporte, à travers l’écoute émotionnelle, un soutien à ses collaborateurs en cas de moments difficiles. En ce sens, il aide les autres à traiter et à dépasser leurs difficultés et crée des conditions favorables pour améliorer la résilience individuelle et le développement personnel de ses équipes. Dans cette perspective, les leaders émotionnels font preuve d’une plus grande acceptation de l’autre, mettent en place des pratiques visant à réduire la souffrance vécue par les membres stigmatisés du groupe, répondant ainsi à leurs besoins et attentes en éliminant les obstacles à leur avancement professionnel.

« On a des problématiques sur des zones rurales, c’étaient des chefs de projet, des jeunes filles, elles ne voulaient pas y aller parce qu’elles allaient dans des fermes isolées avec des vieux célibataires qui ne voyaient jamais passer personne, elles avaient juste la trouille, ce qui est tout à fait compréhensible […] du coup on a réfléchi à mettre en place tout un système

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pour ce genre de situations […] » (Extrait de

l’entretien 21).

Par ailleurs, l’écoute émotionnelle joue un rôle essentiel dans la promotion du sen-timent d’authenticité, dans la mesure où elle participe à ce que tous les collaborateurs puissent se sentir encouragés par le groupe à rester fidèles à eux-mêmes. En effet, l’écoute émotionnelle permet aux leaders d’accorder de l’attention à chacun et de traiter chaque collaborateur individuellement, selon ses besoins et ses caractéristiques propres.

« Le leadership c’est savoir transmettre une vision à son équipe, sachant qu’en plus, dans une équipe, vous avez différentes personnes avec des caractéristiques qui sont différentes. Vous allez avoir certaines personnes avec qui ça va être beaucoup plus facile, d’autres où ça va être un peu plus difficile, où le leader va devoir gérer des susceptibilités. » (Extrait de l’entretien 19).

Enfin, selon nos répondants, l’écoute émo-tionnelle est considérée comme un outil intéressant pour gérer la sensibilité de chacun des collaborateurs et « personnaliser » son style de leadership afin de faire correspondre, en fonction des informations dont il dispose, ses caractéristiques personnelles aux attentes des collaborateurs et ainsi favoriser leur sentiment d’authenticité.

« Pour moi ça me paraît difficile de rester dans un seul style, mais qu’on jongle entre plusieurs en fonction de la situation et du contexte, quand vous êtes leader d’une équipe, vous allez composer avec toutes personnalités de l’équipe […] » (Extrait de

l’entretien 13).

L’écoute émotionnelle : un levier pour favoriser le sentiment d’appartenance

Nos résultats soulignent l’importance de l’écoute émotionnelle de la part des leaders dans la mise en place d’un sentiment d’appartenance permettant à tous les colla-borateurs de se sentir connectés aux autres membres et ayant des effets considérables sur leur intégration dans les groupes de travail.

« [L’écoute émotionnelle] permet au leader […] d’emmener tout le monde sur les mêmes pas. Il faut que derrière les gens suivent et ne perdre personne en chemin de la réalisation

des objectifs, tout le monde doit arriver en même temps. Le leader doit se mettre sur le pas des derniers, car je pense que c’est le dernier qui fait le tempo, ce n’est pas le premier […] » (Extrait de l’entretien 1).

En ce sens, faire preuve d’une réelle préoccu-pation des besoins des collaborateurs, y com-pris éventuellement de ceux qui subissent les effets pernicieux de la discrimination, permet d’accroître la participation de tous les colla-borateurs et d‘exploiter leur potentiel. Cela permet surtout de créer des conditions favo-rables pour un climat de confiance où chacun peut exprimer ses émotions et surtout celles considérées comme « désagréables ».

« Parce que moi j’avais souvent des personnes en détresse et moi je les écoutais, je les écoutais [ ] je leur demande quel est votre besoin, et quand ils sont perdus, je leur donne quelques axes, voilà votre souci est à ce niveau-là, qu’est-ce que vous en pensez ? et on commence à réfléchir ensemble et à la fin ça vient d’eux. Il faut qu’ils prennent conscience de leurs problèmes et de le faire grandir pour qu’ils puissent se gérer tous seuls, après je les lâche [ ] » (Extrait de

l’entretien 4).

Enfin, l’écoute émotionnelle améliore consi-dérablement la perception du sentiment d’appartenance chez les différents collabo-rateurs de sorte qu’ils estiment qu’ils sont traités avec le même respect de la différence, en dépit de leurs caractéristiques, et notam-ment leur âge, qui les distinguent des autres. En effet, une écoute attentive améliore les mécanismes de gestion des tensions entre les groupes par la résolution efficace des conflits relationnels et par l’instauration du sentiment de faire partie intégrante d’un ensemble.

« Aujourd’hui je le vois bien, comme on dit il y a une porosité entre les générations, ce qui fait qu’aujourd’hui vu l’état d’esprit des gens, il faut que le leader fasse au départ preuve d’écoute, pour ensuite s’adapter, et surtout expliquer aux gens pourquoi on fait ça [ ] » (Extrait de l’entretien 6).

« Un leader doit être attentif à la notion d’intergénérationnel, parce que justement le leadership ne s’exerce pas de la même manière, avec les nouvelles générations

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et les anciennes, elles n’ont pas les mêmes besoins et même la manière avec laquelle on répond aux besoins, selon la génération, doit être différente, donc tout ça, ça impacte énormément la façon d’être un leader et aussi les perceptions des salariés [ ] » (Extrait

de l’entretien 2).

En définitive, les résultats de notre recherche mettent en évidence le rôle de l’écoute émotionnelle en tant que terreau fertile pour favoriser non seulement le sentiment d’authenticité des collaborateurs mais aussi leur sentiment d’appartenance au groupe.

L’expression émotionnelle : une voie

pour favoriser le sentiment d’inclusion

des collaborateurs

Les résultats de notre recherche mettent en exergue le rôle de l’expression émotionnelle dans l’instauration à la fois du sentiment d’appartenance et du sentiment de l’authen-ticité des collaborateurs.

L’expression émotionnelle : pour un plus fort sentiment d’appartenance

Nos résultats illustrent également l’impor-tance de l’expression émotionnelle.

Ils montrent notamment que les leaders doivent être en mesure d’exprimer des émotions. En effet, le langage des leaders et leur façon de s’exprimer et exprimer leurs émotions, a une forte influence sur la perception par les collaborateurs de l’intérêt que leur porte le leader. En ce sens, selon nos répondants, le langage avec lequel le leader s’adresse aux collaborateurs est primordial pour instaurer un sentiment d’appartenance au groupe et par conséquent favoriser un climat d’inclusion. Dans cette perspective, l’inclusion de tous vient tout d’abord selon nos répondants d’une forme de proximité dans le langage que le leader établit avec ses collaborateurs.

« Pour moi, il doit y avoir une forme de proximité avec les gens, voilà moi je pars du principe qu’il y a du vouvoiement chaleureux et du tutoiement méprisant, donc je ne formalise pas sur le tu, sur le vous […] c’est de la proximité et ça, ça permet à mes équipes de me parler plus facilement de leurs besoins, de leurs difficultés [ ] » (Extrait de

l’entretien 1).

En ce sens, cette proximité dans le langage permet aussi, d’inclure et de réduire les possibles différences qui peuvent exister aussi bien entre les différentes générations qu’entre les membres de l’organisation de statut différent.

« Oui il y a quand même un point que j’ai vu évoluer durant mes 23 ans d’expérience qui est relatif à un décloisonnement par rapport aux générations qui arrivent c’est-à-dire il y a 2, 3 ans, on était encore dans un système assez cloisonné, qui fait qu’il fallait du temps pour arriver à s’exprimer, alors que les générations qui arrivent sont fabuleuses pour moi, mais on est dans le décloisonnement total, en gros il y a des jeunes voire même des stagiaires qui arrivent, ils ne se posent même pas la question, si on se doit se tutoyer ou pas ? Ils sont totalement trop à l’aise, c’est super parce que finalement ils s’intègrent en deux trois jours [ ] » (Extrait de l’entretien 11).

Dans la même perspective, cette proximité n’exonère pas le leader d’être attentif aux mots qu’il choisit de mobiliser avec ses différents collaborateurs, dans la mesure où le vocabulaire utilisé par le leader peut avoir un effet néfaste sur le sentiment d’appartenance de certains collaborateurs.

« [ ] Se rendre compte aussi du poids des mots utilisés. Moi par exemple, j’ai déjà entendu parler des petites mains, c’est moche !!! C’est quelque chose que tu entends, donc toi, tous ces termes-là, il faut les filtrer [ ] » (Extrait de l’entretien 5).

En effet, le leader doit pouvoir adapter son vocabulaire de sorte que tous les membres de l’organisation, qui peuvent provenir d’horizons différents, soient en capacité de se sentir inclus à travers ses discours.

« Quand on parle avec un vocabulaire qui est relativement formaté, universitaire ou théo-rique de stratégie, d’objectifs, de missions, des mots qui sont un peu conquérants, guer-riers, on risque de choquer quelques-uns. Du coup il faut trouver des mots adaptés, tenir un discours qui génère moins d’irritation émotionnelle, de stress, et on oublie d’où viennent les gens parfois, et on essaye de les confronter de les formater, à un univers pu-rement de l’entreprise avec son vocabulaire, son idéologie et souvent ça on n’en tient pas compte. » (Extrait de l’entretien 28).

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Enfin, pour nos répondants, le leader a toujours une volonté de partager et d’inclure tout le monde. Ainsi, mobiliser des références inclusives comme le « nous », favorise ce sentiment d’appartenance à l’équipe et de reconnaissance pour la totalité des membres de l’organisation, surtout quand il s’agit d’évoquer une réussite ou l’atteinte des objectifs organisationnels. En effet, ce type de démarche joue un rôle important de modérateur au sein des équipes diversifiées sur le plan professionnel.

« C’est quelqu’un qui réussit et qui réussit

ensemble, un leader efficace c’est quelqu’un qui partage la réussite, pour moi, la réussite est collective, elle n’est pas personnelle, dans le monde de l’entreprise, la réussite doit se partager entre et avec tout le monde, et on doit être fiers ensemble [ ] » (Extrait de

l’entretien 9).

L’expression émotionnelle : un repère d’authenticité pour les collaborateurs

Pour nos répondants, l’authenticité se mani-feste par une véritable expression de soi de la part des leaders, qui va « déteindre » sur les collaborateurs de sorte qu’ils se sentent, à leur tour, autorisés à être différents les uns des autres.

Nos résultats mettent en évidence le rôle joué par l’expression émotionnelle dans la valorisation du sentiment d’authenticité des collaborateurs. En effet, nos répondants expliquent qu’exprimer ses émotions et notamment celles qu’on peut considérer comme désagréables, à savoir la colère voire la peur par exemple, démontre une certaine vulnérabilité du leader qui peut s’avérer vertueuse.

« Donc déjà il va falloir vous-même vous mettre à nu, […] et là les gens vous voient comme un humain donc si vous vous voyez dans cette composante-là, eux-mêmes vont s‘autoriser à être eux-mêmes [ ] » (Extrait de

l’entretien 17).

Cette vulnérabilité peut dans une certaine mesure favoriser l’inclusion des membres fragilisés de l’organisation dans le sens où cela renvoie l’image d’une « acceptation » de tous et participe à créer un climat psychologique sécuritaire qui permet aux collaborateurs de se sentir acceptés.

« […] Nous sommes tous faits de la même manière, et moi je peux me mettre en colère ; je peux être insatisfait ; je peux être malheureux ; comme je peux être heureux ; donc vous devez montrer cette humanité, cette vulnérabilité vis-à-vis de vos collaborateurs, ça les rassure […] » (Extrait

de l’entretien 7).

De plus, l’authenticité permet également aux collaborateurs de réaliser la valeur qu’ils apportent à l’organisation et leur valeur intrinsèque en tant que membres de l’équipe. En effet, cette reconnaissance se manifeste, selon nos répondants, par des remerciements et surtout une mise en valeur des collaborateurs tout en soulignant leurs contributions exceptionnelles dans le succès du projet collectif.

« C’est très important que tous les employés dans leur diversité soient mis en valeur par le leader. Il faut les remercier d’avoir pris part au projet pour qu’ils se l’approprient. En faisant cela, ça les motive et donc ça stimule leur créativité, leur engagement et leur confiance [ ] » (Extrait de l’entretien 12).

À l’inverse un manque d’authenticité peut avoir des effets néfastes sur la confiance entre le leader et ses collaborateurs mais également sur l’adhésion des membres de l’organisation à sa vision voire même conduire à un repli sur soi.

« Mon expérience fait qu’il y avait des personnes qui étaient directeurs de département, auxquelles j’ai pas du tout adhéré, je n’ai pas cru en eux, parce qu’ils sonnaient « faux », leur façon d’exprimer leurs émotions, de gérer les hommes, pour moi c’était des purs managers avec des objectifs purement personnels [ ] » (Extrait

de l’entretien 24).

Pour résumer, nos résultats mettent en évi-dence que l’expression émotionnelle est un levier pour favoriser le sentiment d’authen-ticité, en laissant paraître une certaine vul-nérabilité, ce qui permet la création d’un cli-mat sécuritaire pour tous les collaborateurs, débouchant ainsi sur un plus fort sentiment d’appartenance.

Somme toute, les résultats mettent en évidence qu’à travers le partage des émotions (écoute et expression émotionnelle), les

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leaders favorisent l’inclusion de tous les collaborateurs au moyen de l’instauration d’un fort sentiment d’appartenance.

Discussion

Nos résultats peuvent être discutés d’un point de vue théorique et managérial.

Contributions théoriques

Sur le plan théorique, nos travaux prolongent les recherches visant à explorer les ressorts de l’inclusion initiées par Roberson (2006). Plus précisément, ils contribuent à l’identification de leviers inclusifs permettant d’exploiter le potentiel des collaborateurs, complétant ainsi les approches de Winters (2014) visant le dé-veloppement d’un environnement de travail inclusif. Notre étude fournit également un cadre d’analyse du potentiel du partage des émotions par les leaders dans la valorisation et le développement des sentiments d’inclu-sion, un thème qui demeure peu exploré dans la recherche sur l’inclusion. En démon-trant que les compétences émotionnelles (l’écoute et l’expression des émotions) des leaders favorisent les perceptions d’inclusion (authenticité et appartenance) définies par Jansen et al. (2014), nous enrichissons leurs travaux. En ce sens, nous avons souligné le rôle de l’écoute émotionnelle des leaders dans l’identification et la prise en compte des préoccupations des collaborateurs afin que ces derniers se sentent appartenir à l’organi-sation d’une part et son rôle pour apporter une réponse personnalisée aux besoins des collaborateurs d’autre part.

Au final, nous contribuons à la théorie sur l’inclusion en offrant un cadre d’analyse qui explique comment on peut gérer de manière pertinente des équipes diversifiées en met-tant en lumière les compétences émotion-nelles des leaders afin d’obtenir des résultats positifs dans un milieu de travail riche en dif-férences. Enfin, notre approche basée sur la combinaison entre les compétences émotion-nelles des leaders et l’inclusion nous conduit à mettre en perspective un nouveau style de leadership : le leadership inclusif, qui peut être définit comme étant un ensemble de compétences du leader qui vise à faciliter le sentiment d’inclusion en agissant sur le sen-timent d’authenticité et d’appartenance des

collaborateurs. Elle ouvre ainsi la voie à de nouvelles recherches sur le leadership émo-tionnel et notamment son potentiel inclusif pour faire progresser notre compréhension du leadership, dans la mesure où, même si un certain nombre d’approches existantes en matière de leadership ont été jugées efficaces, aucune n’a répondu de manière adéquate et personnalisée aux besoins fondamentaux de l’appartenance et de la valorisation des carac-téristiques uniques des membres du groupe (Gotsis et Grimani, 2016 ; Randel et al., 2018).

Contributions managériales

D’un point de vue opérationnel, notre étude souligne l’importance du rôle des compétences émotionnelles et notamment l’écoute ainsi que l’expression émotionnelle dans la prise en compte de l’inclusion au regard des valeurs et des stratégies des organisations. Ceci met en lumière plusieurs grands défis en matière de gestion des ressources humaines dans les organisations : la reconnaissance de tous les collaborateurs, la qualité de leur recrutement et enfin la formation des leaders à la gestion des émotions.

Tout d’abord, la reconnaissance des colla-borateurs est essentielle à leur inclusion. En effet, l’écoute émotionnelle permet de com-prendre l’état émotionnel des équipes et ainsi de déterminer leurs attentes. D’un autre côté, l’expression émotionnelle par les leaders contribue, entre autres, à générer du sens, ce qui influence de manière significative leur sentiment d’appartenance à l’organisation. Ensuite, dans un contexte de travail où l’inno-vation représente l’un des principaux objec-tifs des organisations, le recrutement des collaborateurs d’horizons divers représente une manière de perpétuer et de consolider un climat organisationnel de qualité pouvant favoriser l’émergence d’idées nouvelles. En ce sens, il importe de saisir lors du processus de recrutement, les différents paramètres de l’état émotionnel des collaborateurs ainsi que leur capacité à gérer leurs propres émotions. Pour réussir ce recrutement sensible et choi-sir les profils adéquats, certaines entreprises pourront délaisser les modes de recrutement classiques et adopter de nouvelles stratégies innovantes pour le choix de leurs collabora-teurs.

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En outre, ces nouvelles stratégies de recrute-ment ne doivent pas concerner uniquerecrute-ment les collaborateurs mais également le choix des managers-leaders. En effet, par exemple, les entreprises pourront imaginer des mises en situations réelles d’évaluation des com-pétences émotionnelles et/ou intégrer des questionnaires d’évaluation de Quotient Émotionnel à leurs modes de recrutement. Enfin, la formation des managers-leaders à la gestion des émotions semble nécessaire. En effet, dans un milieu de travail interculturel, le comportement des managers dans la ges-tion de la performance des collaborateurs est d’autant plus important qu’ils doivent être en mesure de faire preuve d’une sensibilité dans leurs échanges avec leurs collaborateurs et surtout de manifester une forte tendance à l’empathie dans leur management. Nos pro-pos invitent donc les leaders à dépasser une approche heuristique de leur apprentissage au bénéfice de formations aux compétences émotionnelles qui se révèlent être très perti-nentes dans le contexte actuel.

Conclusion

Les résultats de notre étude confortent l’im-portance de la dimension du partage des émotions de la part des leaders dans la pro-motion et la valorisation de l’inclusion et par conséquent des pratiques inclusives au sein des équipes diversifiées. Notre étude réalisée auprès de 30 leaders d’entreprises a permis d’identifier le rôle joué par les deux compé-tences émotionnelles des leaders à savoir l’écoute et l’expression émotionnelle dans le développement des deux sentiments d’appar-tenance et d’authenticité des collaborateurs au sein des organisations.

Nos travaux de recherche mettent en exergue l’importance de la qualité des relations que le leader construit avec ses collaborateurs dans la valorisation de l’inclusion de tous. En effet, nos résultats révèlent la nécessité du partage des émotions afin de favoriser l’inclusion au moyen de l’instauration d’un fort sentiment d’appartenance et d’authenticité.

Par ailleurs, les limites de cette recherche sont multiples et déterminent des perspec-tives nouvelles. En effet, au niveau métho-dologique, la difficile généralisation des cas étudiés produit une validité externe très

rela-tive de l’étude. Ensuite, notre méthodologie s’est uniquement focalisée sur la perception et les compétences émotionnelles des lea-ders disposant de responsabilités formelles (leadership formel). Elle ne tient compte ni de la perception des acteurs des autres niveaux de l’organisation qui peuvent jouer un rôle de leaders informels ni de la perception et des compétences émotionnelles des colla-borateurs. Enfin nous reconnaissons que les pratiques de leadership « inclusif » au sein des équipes peuvent être influencées par des facteurs contextuels extérieurs au leader et au groupe. Une perspective de recherche est ainsi d’appréhender le rôle des compétences émotionnelles des collaborateurs dans le dé-veloppement et la promotion des pratiques inclusives.

En conclusion, les résultats de notre re-cherche peuvent conduire à des recomman-dations, notamment au niveau des dirigeants de suivre des formations pour développer leurs compétences émotionnelles.

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Adnane CHADER

Maître de conférences à l’IAE de Bretagne Occi-dentale. Il effectue ses recherches dans le do-maine du comportement organisationnel portant notamment sur la gestion des émotions et le lea-dership. Son dernier article de recherche (2019) porte sur le rôle des émotions et des compétences émotionnelles des dirigeants des startups dans la stimulation de la créativité organisationnelle.

Natacha PIJOAN

Maîtresse de conférences-HDR à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, membre de l’unité de recherche CORHIS. Ses travaux de recherche portent sur l’inclusion, les seniors, nouvelles formes de relation d’emploi et la cartographie cognitive. Elle co-dirige le Groupe de Recherche Thématique (GRT) Recherches Sensibles et GRH de l’AGRH. Son dernier ouvrage, coordonné avec J.-M. Plane, s’intitule Approche critique des

orga-nisations – hommage en l’honneur du professeur Alain Briole (2020).

Jean-Michel PLANE

Professeur de classe exceptionnelle à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, enseigne le manage-ment général, la gestion des comportemanage-ments organisationnels (leadership, management des équipes) et la gestion des ressources humaines (HRBP). Il est directeur de l’unité de recherche CORHIS et du Master recherche en Sciences des Organisations. Ses travaux de recherches portent sur le leadership et ses nouvelles formes. Il a réa-lisé plus de 250 travaux (articles, ouvrages, com-munications, etc.) présentés dans des congrès en France et à l’international. Il est membre de plusieurs comités scientifiques de revues de réfé-rence dans le champ du management et il a été Président de l’Association Francophone de Ges-tion des Ressources Humaines (AGRH) pendant 4 ans de 2011 à 2014. Son dernier ouvrage s’inti-tule Management des organisations, 5e édition (2019).

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