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La théorie du comportement planifié appliquée à l'engagement paternel lors de la transition à la parentalité

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La théorie du comportement planifié appliquée à

l’engagement paternel lors de la transition à la

parentalité

Thèse

Mylène Ross-Plourde

Doctorat en psychologie – Recherche et intervention (orientation clinique)

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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La théorie du comportement planifié appliquée à

l’engagement paternel lors de la transition à la

parentalité

Thèse

Mylène Ross-Plourde

Sous la direction de :

Tamarha Pierce, directrice de recherche

Francine de Montigny, codirectrice de recherche

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Résumé

L’engouement de la recherche pour la paternité, observé depuis les années 80, a permis d’identifier une liste de variables considérées comme déterminant l’engagement paternel. Toutefois, peu d’efforts ont été faits pour comprendre le processus par lequel les hommes deviennent pères et comment ces différents facteurs interagissent pour mener aux comportements des pères. À cet égard, la théorie du comportement planifié (Ajzen, 1991), postulant que le comportement est déterminé par l’intention d’un individu, elle-même déterminée par les attitudes envers le comportement, la norme subjective et la perception de contrôle sur le comportement, constitue une avenue intéressante et peu étudiée afin d’expliquer les comportements d’engagement paternel de nouveaux pères. Ainsi, 300 couples hétérosexuels attendant leur premier enfant ont complété des questionnaires pré et postnataux évaluant les différentes composantes de la théorie du comportement planifié. Les résultats suggèrent que la présence de croyances d’essentialisme biologique chez les hommes et leur perception que des éléments de leur environnement limitent leur engagement sont associés négativement avec leur intention de participer aux tâches de soin. Il apparait également que les intentions des hommes à être engagés auprès de leur enfant, formulées avant la naissance de leur premier enfant, permettent de prédire leurs comportements postnataux. De plus, des variables postnatales maternelles sont liées à la participation des pères aux tâches de soin, plus particulièrement les attitudes d’essentialisme biologique des mères, qui de surcroît interagissent avec l’intention prénatale des pères dans la prédiction des comportements paternels. Ainsi, de plus faibles croyances essentialistes chez les mères sont associées à une plus grande participation des pères, particulièrement dans le contexte où ceux-ci avaient de plus faibles intentions prénatales. Il est donc important de considérer davantage les croyances et attentes des hommes avant qu’ils deviennent pères et l’interaction de ces caractéristiques avec celles des mères, afin de mieux comprendre les comportements d’engagement paternel dans des familles biparentales. Des interventions visant à réfuter les croyances essentialistes de futurs ou nouveaux parents quant aux compétences des hommes et des femmes s’avèrent une piste prometteuse pour favoriser un plus grand engagement paternel.

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Abstract

Growing research interest in fatherhood, since the 1980s, has helped identify several potential determinants of father involvement. However, few attempts have been made to understand the process through which men become fathers, and how different factors interact to predict father involvement. In this respect, the Theory of Planned Behavior (Ajzen, 1991), which postulates that an individual’s behavior is determined by his intention with regards to the target behavior, itself predicted by his attitudes, perceived norms and behavioral control over this behavior, constitutes an interesting and novel way of explaining the involvement of new fathers in childcare. With this premise, 300 heterosexual couples expecting their first child completed prenatal and postnatal questionnaires assessing the different components of the Theory of Planned Behavior. Results suggest that the more future fathers endorse biological essentialist beliefs and perceive obstacles to their involvement in their environment, the less they intend to participate in childcare. Additionally, it appears that fathers’ intentions to be involved in childcare tasks, prior to the birth of their first child, contribute to the prediction of their postnatal behaviors. Moreover, mothers’ postnatal variables are also associated with fathers’ involvement behaviors, particularly mothers’ biological essentialist beliefs, which also interact significantly with fathers’ prenatal intentions to predict father involvement. Weaker essentialist beliefs in mothers are associated with greater father involvement, particularly for fathers with lower prenatal intentions regarding childcare involvement. To understand fathers’ involvement behaviors in two-parent families, it is thus necessary to take into account men’s prenatal beliefs and expectations as well as their interaction with those of mothers. Future parents’ essentialist beliefs regarding the childcare competence of men and women appears to be a promising intervention target to facilitate greater paternal involvement.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières………...v

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... x

Avant-propos ... xi

Chapitre 1 : Introduction ... 1

L’engagement paternel ... 3

Modèles théoriques ayant été appliqué à l’engagement paternel ... 5

La théorie du comportement planifié ... 8

L’engagement paternel, à titre de comportement planifié ... 11

Les attitudes ... 13

Les normes subjectives ... 14

La perception de contrôle ... 15

L’intention comportementale ... 16

Facteurs susceptibles de modifier le lien entre intention et comportement paternel, entre les périodes prénatales et postnatales ... 16

Les variables propres à la conjointe ... 17

Le tempérament de l’enfant ... 18

Objectifs de la thèse doctorale ... 19

Chapitre 2 : Recension méthodique des déterminants de l’engagement paternel selon la

théorie du comportement planifié ... 22

Du changement idéologique au changement des pratiques ... 24

La théorie du comportement planifié ... 25

Recension des connaissances sur l’engagement paternel ... 26

Les attitudes ... 27

Les normes subjectives ... 29

La perception de contrôle ... 30

L’intention comportementale ... 31

Autres déterminants identifiés par la recension ... 31

Discussion ... 34 Références ... 37

Chapitre 3 : Méthode ... 50

Participants ... 50 Procédure ... 50 Mesures ... 52 Attitudes ... 52

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vi

Normes subjectives ... 54

Perception de contrôle ... 54

Intentions prénatales et comportement postnatal d’engagement paternel ... 55

Tempérament de l’enfant ... 56

Autres mesures maternelles ... 56

Approche statistique ... 56

Chapitre 4 : Understanding future fathers’ intentions regarding involvement using the Theory

of Planned Behavior ... 58

Theory of planned behavior ... 60

Attitudes ... 61

Subjective norms ... 62

Perceived behavioral control ... 63

Intentions... 64

The Theory of Planned Behavior and father involvement ... 64

The present study ... 65

Method ... 65 Participants ... 65 Procedure... 66 Measures ... 66 Analyses... 68 Results ... 68 Discussion ... 69 References ... 72

Chapitre 5 : Predicting fathers’ early involvement behaviors: The role of maternal, paternal

and infant characteristics ... 78

Maternal characteristics ... 80

Paternal characteristics ... 81

Infant characteristics ... 82

Prenatal intentions ... 82

Integrating predictors into a theoretical model ... 83

Hypotheses ... 84 Method ... 84 Participants ... 84 Procedure... 85 Measures ... 85 Results ... 87 Discussion ... 89

Implications for practice ... 91

References ... 92

Chapitre 6 : Discussion générale et conclusion ... 99

Forces et limites de la thèse ... 101

Liens avec d’autres modèles théoriques appliqués à l’engagement paternel... 102

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vii Conclusion ... 108

Bibliographie ... 109

Annexe A ... 118

Annexe B ... 121

Annexe C ... 123

Annexe D ... 126

Annexe E ... 128

Annexe F ... 130

Annexe G ... 133

Annexe H ... 139

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Liste des tableaux

Tableau 2.1. Études recensées concernant les attitudes, regroupées par sous-composantes………..41

Tableau 2.2. Études recensées concernant les normes subjectives………...43

Tableau 2.3. Études recensées concernant la perception de contrôle………44

Tableau 2.4. Études recensées concernant l’intention………..45

Tableau 2.5. Études recensées concernant des déterminants non inclus dans la TCP………..46

Tableau 3.1. Sous-échelles originales et sous-échelles de la thèse: cohérence interne et répartition des items………..54

Tableau 4.1. Pearson correlations of predicting variables with father involvement intention……….76

Tableau 4.2. Regression analyses predicting father involvement intention………..77

Tableau 5.1. Pearson correlations of predicting variables with father involvement in childcare………96

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ix

Liste des figures

Figure 1.1. Modèle de la théorie du comportement planifié appliquée à l’engagement paternel………20 Figure 2.1. Modèle de la théorie du comportement planifié………..26 Figure 5.1. Interaction between father’s intentions and mother’s essentialist beliefs………...98

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Remerciements

Au terme de mon doctorat, il m’est évident que les dernières années m’ont permis de me développer comme chercheure et comme personne. Je suis fermement convaincue que ce cheminement et sa résultante ne pourraient être les mêmes sans la présence lumineuse de ma directrice de recherche, Tamarha Pierce. Ta disponibilité, ton énergie contagieuse, ton intellect et tes encouragements m’ont énormément aidée à toutes les étapes de mon parcours aux études graduées. Je suis choyée d’avoir eu la chance de travailler avec une professeure qui sait comment catalyser le potentiel de ses étudiants, et qui le fait avec brio. Par-dessus tout, je crois que de côtoyer une femme aussi inspirante et passionnée que toi a contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui. Il en va de même pour ma co-directrice, Francine de Montigny, chercheure aguerrie et femme de passion. Le regard clinique que tu as porté sur mon travail m’a permis de rallier ma vision théorique avec la réalité des nouveaux parents et des intervenants œuvrant auprès de ceux-ci. Cette contribution non

négligeable me fait voir les possibilités d’application de mes résultats et m’inspire à poursuivre mes travaux de recherche en ce sens. Je tiens aussi à remercier les membres de mon comité de thèse, Caroline Senécal et Isabelle Giroux. Vos précieux conseils et commentaires ont grandement nourri ma réflexion et contribué à clarifier les idées rapportées dans cette thèse, tant sur papier que dans mon esprit.

Mes remerciements vont ensuite à mes chères collègues de recherche, Joannie Pouliot et Malika Morisset Bonapace, avec qui mener à bon terme ce projet de recherche fût réellement plaisant, dans les hauts comme dans les bas. Je remercie aussi les étudiantes de premier cycle ayant collaboré à la collecte de données : Julia Boivin Desgagné, Suhan Ji Leblond, Marie-Ève Gagnon, Rosalie Lavigne, Laurie Ouellet et Alexandra Ouellet. Une telle collecte de données n’aurait pas été possible sans votre bon travail et tous vos appels téléphoniques aux participants. Évidemment, je tiens à remercier sincèrement tous les couples ayant participé à cette recherche, qui m’ont donné accès à leur réalité de nouveaux parents et ont présenté un réel intérêt envers cette recherche. Merci également au CÉRIF et au FRQSC, pour le soutien financier durant mes études doctorales. D’autres personnes ont aussi contribué de près ou de loin à la réalisation de cette thèse. Je remercie Hélène Paradis, statisticienne, pour son aide avec les analyses. À mes collègues de laboratoire, merci pour vos commentaires et suggestions lors des pratiques de séminaires, et pour votre soutien moral à divers autres moments du processus. Finalement, merci à mes parents, pour leurs encouragements et leur soutien.

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Avant-propos

L’intérêt en recherche pour l’engagement paternel découle d’abord des changements sociaux ayant eu lieu au cours des dernières décennies, valorisant une division plus égalitaire des tâches ménagères et liées aux enfants entre les membres d’un couple. Ces modifications au niveau du message social ne semblent toutefois pas avoir mené à une transformation du partage réel des tâches entre conjoints : les femmes accomplissent toujours une part plus grande de ces tâches (Institut de la statistique du Québec (ISQ), 2010; Pleck, 1997; McBride & Rane, 1998; Yeung, Sandberg, Davies-Kean & Hofferth, 2001). De plus, les conséquences positives de l’engagement paternel pour les enfants sont bien reconnues (Sarkadi, Kristiansson, Oberklaid & Bremberg, 2008; Verschueren & Marcoen, 1999). Les comportements des pères peuvent donc contribuer au développement des enfants, ajoutant à l’intérêt de mieux comprendre ce qui influence la participation des hommes aux soins aux enfants. Ainsi, plusieurs facteurs ont été identifiés comme déterminant l’engagement des pères auprès de leurs enfants, ceux-ci couvrant à la fois les variables propres aux hommes, les caractéristiques de leurs conjointes et celles de leur enfant (p. ex., Beitel & Parke, 1998; Mehall, Spinrad, Eisenberg & Gaertner, 2009; Schoppe-Sullivan, Brown, Cannon, Mangelsdorf & Sokolowski, 2008). Toutefois, dans cette multitude de déterminants de l’engagement paternel, il est difficile d’en dégager un processus, de comprendre comment ces facteurs interagissent les uns avec les autres afin de contribuer à former le rôle que prennent les hommes comme pères.

Certains efforts ont été faits dans le but d’appliquer des modèles théoriques à l’engagement des pères, tels que le modèle du parentage de Belsky (1984), la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 1991) et la théorie de l’identité (Stryker, 1968), permettant d’intégrer plusieurs des variables identifiées comme déterminants de la participation des pères aux soins des enfants (p. ex., Bouchard, Lee, Asgary & Pelletier, 2007; Habib, 2012; Gaunt & Bassi, 2011). Par contre, la plupart de ces modèles théoriques se centrent sur la réalité parentale, une fois que l’enfant est né. La théorie du comportement planifié (Ajzen, 1985; 1991), qui n’a jamais été utilisée a priori pour prédire l’engagement comportemental des hommes auprès de leur enfant, permettrait d’intégrer plusieurs variables identifiées comme influençant l’engagement paternel. De plus, ce modèle théorique permet de tenir compte du processus par lequel les hommes deviennent pères, c’est-à-dire de considérer les facteurs présents avant l’arrivée d’un premier enfant pouvant influencer la réalité des nouveaux pères. L’objectif général de cette thèse doctorale est donc de valider la pertinence de la théorie du comportement planifié pour comprendre l’engagement paternel des hommes auprès de leur premier enfant.

Cet objectif est atteint à l’aide d’une recension méthodique de la littérature sur les déterminants de l’engagement paternel et d’une étude empirique longitudinale. Les données de celle-ci sont analysées au moyen de deux

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articles, l’ensemble de la thèse comportant donc 3 articles. Les articles ont été principalement rédigés par la doctorante, qui en est l'auteure principale, ainsi qu’à l’aide des commentaires et suggestions de la directrice de thèse (Tamarha Pierce) et de la codirectrice (Francine de Montigny), toutes deux coauteures des articles. Ils ont été soumis pour publication, mais n’ont pas été acceptés à ce jour. Les auteures ont toutefois été invitées à resoumettre les articles présentés aux chapitres 2 et 5. Tel que mentionné, plusieurs des déterminants de l’engagement paternel identifiés dans les études antérieures rejoignent les concepts de la théorie du comportement planifié. Ces liens seront détaillés dans la revue de littérature présentée au chapitre 1, ainsi que dans l’article composant le chapitre 2, soit la recension méthodique des déterminants de l’engagement paternel. Le chapitre 3 couvre les aspects méthodologiques du projet, soit une description des participants composant l’échantillon, la procédure, les questionnaires utilisés ainsi que la stratégie d’analyse des données employée. Les résultats de ces analyses sont présentés sous forme d’articles empiriques. D’abord, les résultats du premier temps de mesure sont décrits et interprétés dans l’article formant le chapitre 4. Ensuite, les résultats longitudinaux sont exposés dans le second article empirique, retrouvé au chapitre 5. Finalement, une discussion générale reprenant les points essentiels de cette thèse, les interprétant de façon plus approfondie et faisant valoir les contributions spécifiques de la présente thèse, ainsi qu’une brève conclusion, composent le chapitre 6.

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Chapitre 1 : Introduction

La transformation que connait la société nord-américaine, depuis l’entrée massive des femmes sur le marché du travail vers la fin du XXe siècle, a donné lieu à une modification des rôles sexuels et parentaux. Alors que le rôle primaire des femmes était, depuis des générations, celui de mère et de femme au foyer, le contexte historique a appelé au changement. Les femmes ont dû occuper des emplois d’abord lors de la Deuxième Guerre mondiale (années 40), mais ce n’est que dans les années 70, avec la montée du mouvement féministe, qu’elles ont affirmé leur place au sein du marché du travail (Dulac, 1993). Avec ce changement social important, on observe, au Québec, que les femmes accordent davantage d’importance à leur carrière qu’auparavant et qu’une majorité de mères d’enfants d’âge préscolaire occupe un emploi (Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, 2013). En effet, on observe une importante augmentation du nombre des femmes québécoises vivant en couple et mères d’un enfant de moins de 3 ans qui occupent un emploi à l’extérieur de la maison, passant de seulement 29% en 1976 à 80% en 2012 (Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, 2013). Cette participation de plus en plus équitable entre les femmes et les hommes, mères et pères, dans les sphères professionnelles, appelle également à un changement des pratiques dans le domaine familial, à une participation plus importante des pères au soin des enfants, et ce dès la petite enfance.

Ainsi, plusieurs chercheurs affirment qu’un changement notable dans la culture de la paternité a eu lieu depuis les années 1980 (Wall & Arnold, 2007). Alors que, depuis l’ère de l’industrialisation amorcée au Québec à la fin du XIXe siècle, être un bon père signifiait essentiellement être un bon pourvoyeur financier, on reconnaît à cette époque la compétence des hommes comme pères (Deslauriers, 2002). Cette vision de la paternité a évolué davantage depuis les années 1980, passant de la désirabilité d’une imitation des comportements maternels à la reconnaissance de l’apport spécifique des pères au développement de l’enfant (Dufour, 2001). Le « nouveau modèle de père » émergeant de cette transformation sociale serait celui d’un parent plus sensible qu’autrefois, qui développe avec ses enfants une relation émotionnelle caractérisée par une plus grande proximité et qui partage davantage avec les mères les joies et le travail que représentent les soins aux enfants (Wall & Arnold, 2007). Selon Henwood et Procter (2003), cette conceptualisation du rôle de père leur confère une place plus importante, plus présente dans la vie familiale. L’augmentation du temps passé par les pères aux soins aux enfants est observable au cours des dernières décennies et corrobore cette vision du changement au plan des responsabilités assumées par les pères auprès des jeunes enfants, tant aux États-Unis (Pleck, 1997) qu’au Québec (ISQ, 2010).

Malgré ces changements observés depuis les années 1970 dans les attitudes à l’égard de la place des femmes sur le marché du travail et celles des hommes dans la sphère familiale, de la désirabilité d’une plus

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grande égalité des rôles hommes-femmes, les changements réels vers la parité au plan parental demeurent modestes (Parke, 2002). Au tournant du XXIe siècle, les femmes demeurent celles qui accomplissent la majorité des tâches à la maison, y compris celles liées aux enfants (Biehle & Mickelson, 2011; Kotila, Schoppe-Sullivan & Kamp Dush, 2013; McBride & Rane, 1998; Yeung et al., 2001). En effet, lorsqu’on compare le temps relatif alloué aux soins aux enfants selon le sexe, les hommes y consacrent environ 67 % du temps que les femmes y accordent lors des jours de semaine, et 87 % du temps que les femmes y dédient les jours de week-end (Yeung et al., 2001).

Plus récemment, au Québec, le temps alloué aux tâches domestiques chez les familles intactes ayant un enfant de moins de 5 ans serait selon un ratio femme/homme de 1,9 pour 1, c’est-à-dire que pour chaque heure passée par les hommes à des tâches de ce type, les femmes y passent 1,9 heures (ISQ, 2010). Il s’agirait d’une tendance vers l’égalité comparativement aux données de 1986, mais on observe une tendance à la stabilité de ce ratio dans les deux dernières décennies. Ainsi, bien que l’on puisse observer un changement vers une certaine égalité dans la répartition des tâches domestiques et celles liées aux enfants, on note qu’un écart important demeure toujours présent, au désavantage des femmes.

Pour expliquer la persistance de l’inégalité dans le travail familial assumé par les mères et les pères dans un échantillon de familles américaines (Coltrane, 1996), les répondants évoquent que les hommes remarquent moins les tâches à faire, qu’ils attendent qu’on leur demande de faire quelque chose, et requièrent des directives explicites afin d’accomplir cette tâche avec succès. De plus, la majorité des couples continuent de caractériser la contribution du père aux tâches ménagères et celles liées aux enfants comme « aidant » la mère (Coltrane, 1996; Stueve & Pleck, 2001). Le rôle de pourvoyeur financier serait d’ailleurs toujours très présent dans les attentes des hommes concernant la paternité, et ferait donc encore significativement partie de leur définition du rôle de père (Eerola, 2014; Fox, Bruce & Combs-Orme, 2000; McLaughlin & Muldoon, 2014; Miller, 2011). Ainsi, on constate qu’il existe une grande variabilité dans la définition du rôle parental des hommes, puisque celui-ci est moins bien défini culturellement que celui de mère, et qu’il existe peu de modèles clairs pour définir la paternité (Daly, 1993; Dubeau, Coutu, & Tremblay, 2008; Marsiglio, 1993). Deslauriers (2002) affirme que plutôt que de fournir un nouveau modèle parental aux hommes, ces changements dans les demandes et les attitudes ont mené à une addition de ces caractéristiques aux anciennes, rendant le rôle de père plus exigeant qu’auparavant. Le rôle de père étant plus englobant et comportant diverses composantes, les définitions de celui-ci s’en trouvent considérablement diversifiées. Cette variabilité dans la définition du rôle de père apporte une grande variation dans les niveaux d’engagement paternel, et ce, même dans les familles intactes (Parke, 2002). Au-delà des écarts résultant de la comparaison homme-femme, il existerait de réelles différences individuelles entre les pères, qui sont souvent éclipsées par ces comparaisons de genre.

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De plus, l’intérêt grandissant de la recherche pour la paternité et l’engagement paternel a permis de démontrer l’apport spécifique de la participation des pères aux tâches liées aux enfants, lors de la petite enfance, sur le développement des enfants. En effet, une revue systématique de la littérature sur les conséquences de l’engagement paternel révèle que les enfants dont les pères présentent un fort engagement paternel sont avantagés sur le plan du développement cognitif et du développement social (Sarkadi et al., 2008). De plus, un plus grand engagement paternel est indirectement lié à moins de comportements problématiques chez des enfants de 3 ans, dans un échantillon de famille à faibles revenus (Choi & Jackson, 2011). Ces résultats soulignent davantage l’importance de mieux comprendre ce qui explique l’engagement paternel, dans le but de favoriser celui-ci. Toutefois, avant de s’intéresser aux variations et aux déterminants de l’engagement paternel, il importe de bien définir ce concept.

L’engagement paternel

Différentes définitions de l’engagement ont été utilisées depuis le début des recherches sur ce sujet (Parke, 2000), et le modèle conceptuel le plus influent est celui de Lamb, Pleck, Charnov et Levine (1987), qui divise l’engagement paternel en trois composantes : l’interaction, la disponibilité et la responsabilité. L’interaction réfère au contact direct du père avec son enfant, que ce soit pour les soins ou pour d’autres activités partagées. La deuxième composante, la disponibilité, reflète l’accessibilité potentielle du père à être en interaction, en étant simplement présent ou accessible pour l’enfant, peu importe qu’il y ait ou pas d’interaction directe. Finalement, la responsabilité est liée au rôle que prend le père en s’assurant que quelqu’un prenne soin de l’enfant et que les ressources nécessaires lui soient disponibles. Cette conceptualisation a d’ailleurs permis d’observer des différences dans les types d’engagement selon le sexe. Ainsi, bien qu’ils participent moins aux tâches de soin que les mères, les pères seraient plus disponibles pour interagir avec leur enfant (Parke, 2002). Donc, bien qu’il existe des différences générales entre pères et mères au plan de la quantité de leur engagement auprès de l’enfant, il importe de prendre en compte les dimensions qui caractérisent la nature de l’engagement de chacun, afin d’apprécier l’apport spécifique des hommes aux soins des enfants (Paquette, 2004; Parke, 2000).

Une définition plus récente de l’engagement paternel, proposée par un groupe de chercheurs québécois (ProsPère, 2010), nuance davantage les différentes formes que peut prendre l’engagement paternel. Celui-ci se déclinerait en six composantes : un père responsable, un père affectueux, un père qui prend soin, un père en interaction, un père pourvoyeur et un père évocateur. Cette définition rejoint celle de Lamb et ses collaborateurs (1987), d’abord par l’aspect de responsabilité, une dimension commune aux deux conceptualisations. L’interaction selon Lamb et collègues (1987) se retrouve divisée en deux composantes dans

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le modèle de ProsPère (2010), soit l’interaction, qui réfère au contact direct, aux échanges père-enfant, et l’apport de soins, qui constitue une dimension de l’engagement à part entière. Dans cette récente définition, la disponibilité semble moins instrumentale et plus émotionnelle, préconisant une présence affective du père. De plus, on ajoute à l’engagement paternel une composante plus identitaire dans « un père évocateur », qui réfère à la saillance pour l’homme de son rôle paternel, tant dans ses pensées que dans l’image qu’il donne de lui-même à son entourage, lui-même en l’absence de l’enfant. Finalement, la prise en considération du rôle de pourvoyeur du père constitue un ajout considérable dans cette conceptualisation, étant donné la persistance de ce rôle dans la définition de ce qui caractérise un père engagé (Fox et al., 2000; Miller, 2011). Cette définition complète donc celle de Lamb et ses collaborateurs (1987), présentant un portrait plus vaste des caractéristiques de l’engagement paternel. Elle reconnait comme engagement à la fois les comportements du père en présence de l’enfant (interaction et soins), sa présence relationnelle pour l’enfant (responsable et affectueux) et la place que prend la paternité dans ses activités et relations en dehors du milieu familial (pourvoyeur et évocateur). Ainsi, les différentes dimensions par lesquelles les pères démontrent leur engagement mènent aux diverses formes que peut prendre l’engagement paternel dans sa conceptualisation plus globale (ProsPère, 2010).

Bien que ces définitions soient nuancées et très complètes, reflétant bien la réalité des pères d’aujourd’hui, seulement certaines composantes de celles-ci seront retenues pour la présente thèse, dans une perspective plus circonscrite de l’engagement paternel. Étant donné l’ampleur de ce concept, il serait difficile d’étudier à la fois tous ces aspects formant l’engagement paternel. De plus, le cadre théorique adopté, qui sera abordé en détail, préconise l’utilisation des dimensions plus comportementales de l’engagement paternel, laissant de côté les dimensions identitaires (p. ex., « un père évocateur » dans la définition du groupe ProsPère) et d’accessibilité (p. ex., la disponibilité dans la définition de Lamb et ses collaborateurs), qui sont difficilement quantifiables. Cette conception circonscrite de l’engagement paternel permet également d’établir un parallèle entre l’entrée des femmes sur la marché du travail, donc dans un milieu considéré autrefois comme « masculin », et la participation des hommes aux soins des enfants, soit des tâches typiquement « féminines », puisque le premier semble appeler au second. Ainsi, l’intérêt sera porté sur un sous-ensemble des éléments comportementaux communs à ces deux définitions de l’engagement paternel, soit la participation des pères aux tâches directes et indirectes de soin. Par ailleurs, les différentes études s’intéressant aux déterminants de l’engagement tendent à s’attarder aux aspects plus comportementaux de ce concept, notamment à la participation directe aux tâches de soin (p. ex., Biehle & Mickelson, 2011; Gaunt, 2006).

Étant donné la stabilité des dynamiques familiales et de l’engagement paternel dès le jeune âge du premier enfant (McHale & Rotman, 2007; NICHD, 2000; Tremblay & Pierce, 2011), et la contribution particulière du père au développement de l’enfant (McWayne, Downer, Campos & Harris, 2013; Rohner, 1998), de

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nombreuses études ont tenté de cerner les déterminants de l’engagement paternel, selon le modèle conceptuel de Lamb et ses collègues (1987). Ainsi, il apparaît que l’engagement paternel est lié à plusieurs facteurs. Rustia et Abbott (1993) suggèrent différents prédicteurs de la participation des pères. Ceux-ci comprennent des facteurs individuels, comme les croyances, les valeurs, la motivation par rapport au parentage, la perception de son rôle masculin et les attitudes proféministes. De plus, ils identifient des facteurs plus externes, tels que les valeurs présentes dans la société, ainsi que les croyances et les comportements des personnes significatives pour ces pères (collègues ou amis). Enfin, des déterminants liés aux conjointes de ces hommes sont reconnus, comme les attitudes, les comportements et les attentes de ces dernières par rapport au rôle de père. Parke (2002) ajoute à ces facteurs les capacités réelles ou perçues du père en lien avec les soins aux enfants, en mentionnant que la grande variabilité de cet aspect chez les hommes serait liée aux différents degrés d’engagement paternel, toujours selon le modèle de Lamb et ses collaborateurs (1987). De ce fait, ce concept doit être abordé selon une approche multidimensionnelle, puisque de nombreux facteurs en sont les déterminants (Parke, 2002). En conséquence, il apparaît que l’engagement paternel a fait l’objet de nombreuses études, dont les résultats mettent en lumière une liste des déterminants probables.

Modèles théoriques ayant été appliqué à l’engagement paternel

Certains modèles théoriques, incluant la théorie de l’autodétermination, la théorie de l’identité, ainsi que la théorie de l’apprentissage social, ont également été appliqués à l’engagement paternel dans le but de mieux comprendre les comportements qu’adoptent les pères, et dégagent différents déterminants principaux de ceux-ci. D’autres théories élaborées spécifiquement pour expliquer l’engagement paternel, dont la théorie de la congruence de genre (Maurer, 2007; Maurer & Pleck, 2006), issue de la théorie de l’identité, ou définissant plus largement l’environnement familial (modèle écosystémique; Bronfenbrenner, 1979 ; modèle des déterminants du parentage de Belsky, 1984) sont aussi pertinentes pour la compréhension de la participation paternelle. Toutefois, l’intérêt sera plutôt porté aux théories ayant à la base une visée plus générale et pouvant apporter un éclairage nouveau sur l’engagement paternel.

Ainsi, la théorie de l’autodétermination (TAD; Deci & Ryan, 1991) semble utile afin d’établir un lien entre le type de motivation aux tâches parentales présente chez les hommes et leur participation à ces tâches (Bouchard et al., 2007). La TAD postule qu’une personne présente différents types de motivations selon le contexte et selon la tâche, celles-ci étant plus ou moins autodéterminées. La motivation la plus autodéterminée est la motivation intrinsèque, où l’activité est faite pour le plaisir qu’elle apporte. Il existe aussi plusieurs types de motivations extrinsèques, qui varient en degré d’autodétermination. Ainsi, une personne a une motivation plus autodéterminée lorsqu’elle s’engage librement dans une activité, pour le plaisir ou la satisfaction que

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ci lui procure (c.-à-d., motivation intrinsèque) que si elle le fait pour répondre aux attentes des gens dans son entourage (c.-à-d., motivation extrinsèque par régulation externe). De plus, l’autodétermination d’un individu à s’engager dans une activité est rehaussée lorsque son environnement social favorise son sentiment de compétence, d’autonomie (volition et choix) et d’appartenance sociale en lien avec l’activité, c.-à-d. favorise la satisfaction des trois besoins psychologiques fondamentaux (Deci & Ryan, 1991). En outre, l’autodétermination amène une meilleure adaptation et un meilleur bien-être psychologique. Selon l’étude de Bouchard et de ses collègues (2007) appliquant la TAD au contexte de la paternité, un soutien de la conjointe qui favorise les sentiments de compétence, d’autonomie et d’appartenance sociale du père prédit une motivation plus autodéterminée chez ce dernier et favorise l’engagement paternel. L’engagement paternel s’explique donc indirectement par le soutien qu’il perçoit de sa conjointe. Puisque la TAD postule que l’environnement social est une force déterminante pour la satisfaction des besoins psychologiques et subséquemment l’autodétermination des hommes, elle semble ici dépeindre un rôle plutôt passif des hommes. Ce sont les acteurs clés de leur environnement social, principalement leur conjointe, qui constituent la principale influence façonnant l’engagement paternel des hommes, en favorisant leur motivation envers les tâches parentales. La contribution des caractéristiques personnelles des pères à leur motivation n’y est toutefois pas présentée comme un déterminant saillant de leurs comportements.

La théorie de l’identité (Stryker, 1968), quant à elle, propose que les facteurs identitaires influencent les comportements d’une personne, de façon à ce que ceux-ci soient cohérents avec son identité. L’identité représente une intériorisation des attentes sociales liées aux rôles qu’une personne prend, et une personne possède plusieurs identités, selon les rôles tenus par celle-ci. Plus une identité est importante et centrale dans l’image qu’une personne a d’elle-même (c.-à-d., dans son concept de soi), plus il est probable qu’elle se comporte de manière conforme à cette identité et aux rôles qu’elle y rattache (Stryker & Burke, 2000). L’utilisation de la théorie de l’identité a permis d’observer que les représentations qu’ont les hommes du rôle de père et l’importance qu’ils y accordent sont liées à l’engagement paternel (Habib, 2012; Ihinger-Tallman, Pasley, & Buehler, 1993; Maurer, Pleck, & Rane, 2001; 2003). Le lien postulé entre l’importance d’une identité et la concordance des comportements avec ce rôle a également été démontré chez les mères (Nuttbrock & Freudiger, 1991). Cette théorie accorde un rôle plus actif aux hommes, qui s’engagent dans des comportements répondant à la représentation qu’ils se font d’eux-mêmes et de leurs rôles; c’est l’identité parentale d’un homme qui le mène à adopter ou non divers comportements (Habib, 2012; McBride & Rane, 1997). Les contextes social et interpersonnel sont évoqués comme source probable de la conception qu’une personne se fait de son identité (Habib, 2012; Rane & McBride, 2000), mais de tels facteurs ne sont pas détaillés ni explicitement modélisés dans ce cadre théorique.

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Finalement, la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1999) appliquée à l’engagement paternel suggère que la présence de modèles de pères guide les hommes sur les comportements à adopter. Ainsi, les expériences vécues par les hommes avec ces modèles peuvent engendrer deux issues : le modelage des comportements du père observé ou l’adoption d’un modèle compensatoire, où l’homme cherche alors à ne pas reproduire les comportements du modèle afin de compenser pour certaines lacunes perçues. Certaines études se sont attardées à ce modèle théorique (Gaunt & Bassi, 2011; Masciadrelli, Pleck & Stueve, 2006), en considérant uniquement le modèle que peut représenter le père d’un homme. Les résultats obtenus demeurent divergents quant à la pertinence des différents modèles de père comme prédicteur de l’engagement paternel. Il n’est donc toujours pas clair si les hommes reproduisent ou compensent pour les comportements de leurs propres pères, ou s’ils se fient plutôt à des modèles proximaux qui correspondent davantage à leur réalité, comme des amis ou des collègues ayant des enfants (Masciadrelli et al., 2006). En effet, les hommes deviennent aujourd’hui pères dans un contexte social différent de celui dans lequel ont évolué leurs pères, notamment depuis l’instauration en 2006 du congé de paternité offert par le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) au Québec. Il est donc nécessaire de tenir compte de ce contexte dans notre compréhension de l’engagement paternel du 21e siècle.

Chacun de ces modèles théoriques comporte certains avantages. D’abord, la TAD a pour force de tenir compte de l’influence du contexte social sur l’individu et de considérer l’effet des composantes motivationnelles sur les comportements de l’individu. La théorie de l’identité, quant à elle, a pour avantage d’examiner le lien entre les comportements et l’importance d’un rôle ou d’une identité, et donc de donner de l’importance aux caractéristiques personnelles des pères. Ensuite, la théorie de l’apprentissage social met de l’avant l’impact que peuvent avoir les modèles ou figures de référence dans l’entourage sur le comportement de l’individu. Cependant, certaines critiques peuvent être formulées quant à l’application de ces modèles théoriques à l’engagement paternel. D’abord, chacune de ces théories offre une prise en compte partielle des déterminants reconnus de l’engagement paternel. Bien qu’elles reposent toutes sur le contexte et les influences sociales, chacune ne s’attarde qu’à certains de ces facteurs. L’application distincte de ces théories générales à l’engagement paternel ne permet pas d’intégrer, dans un même modèle, des éléments sociaux, interpersonnels et personnels (propres aux représentations des pères eux-mêmes). Elles ne placent généralement pas le père dans un rôle actif, tant au niveau du traitement des informations qui lui sont communiquées qu’au niveau de sa relation avec ses proches, incluant sa conjointe et son enfant. Plus précisément, elles ne considèrent pas explicitement la compréhension que les pères se font de leur environnement social, qui est subjective et peut différer de la réalité ou des perceptions d’autrui, et ne considèrent pas l’interaction possible entre les facteurs propres aux pères et ceux des mères et des enfants. Enfin, elles ne s’intéressent pas explicitement au développement de l’engagement parental au cours de la transition à la parentalité, même si un tel processus

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est suggéré par Habib (2012) en ce qui concerne la théorie de l’identité. Les travaux antérieurs reposent essentiellement sur une étude transversale, voire statique des liens entre les facteurs. Or, l’adaptation des hommes suite à l’arrivée d’un premier enfant est plutôt un processus, qui se met en place sur une certaine période de temps. L’idée que l’identité mène au comportement, préconisée par la théorie de l’identité (Stryker, 1968) peut également être remise en question lorsqu’il est question d’engagement paternel. Ceci s’inscrit dans la conception de l’engagement paternel comme processus, puisqu’il y a de fortes chances que les comportements de soins au nourrisson, débutant dès la naissance du bébé, précèdent et même contribuent au développement d’une identité liée au rôle de père. Ceci est corroboré par les résultats d’une étude démontrant que l’identité parentale de pères repose en partie sur leurs comportements (Pierce, Tremblay, Demers & Bouffard, 2011). De plus, afin de justifier l’importance accordée à leur rôle de père, les hommes font le plus souvent référence à leurs comportements. Il semble donc que la conception qu’ont les pères de leur identité parentale relève davantage d’un processus de perception de soi (Bem, 1972) plutôt que du processus inverse postulé par la théorie de l’identité. En outre, il n’existe pas jusqu’à présent de modèle théorique permettant de modéliser et d’opérationnaliser tous les déterminants identifiés de l’engagement paternel. Les modèles théoriques présentés sont complémentaires et examinent chacun une partie des aspects liés à la paternité.

En somme, jusqu’à présent, les modèles théoriques ne semblent pas offrir une compréhension de l’engagement paternel spécifique à la période de transition à la parentalité, où les normes concernant les pères sont moins claires et où le cadre social ne leur communique pas l’information nécessaire à ce qu’ils se sentent compétents et interpelés à donner les soins au nourrisson. En ce sens, un cadre théorique à la fois précis et inclusif semblerait pertinent pour faire avancer l’étude et la compréhension de la participation des pères aux tâches parentales auprès de leur jeune enfant.

La théorie du comportement planifié

La théorie du comportement planifié (TCP; en anglais Theory of Planned Behavior ; Ajzen, 1985; 1991) semble offrir un cadre théorique complémentaire aux autres perspectives théoriques, plus précis et permettant de mieux comprendre l’émergence des comportements de participation paternelle. Ce modèle théorique permettrait de prendre en compte à la fois les influences sociales et interpersonnelles proposées par la TAD, les croyances propres au père et sa perception de lui-même dans ce rôle, semblables aux notions de la théorie de l’identité, la croyance de ce qu’est un comportement normatif et la volonté d’adhérer à de tels modèles, semblable à ce que propose la théorie de l’apprentissage social, ainsi que sa volonté à s’engager dans les tâches de soin, rejoignant les aspects motivationnels de la TAD, dans le but d’expliquer le processus menant à ses comportements.

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La TCP (Ajzen, 1985; 1991) a pour but de prédire et d’expliquer le comportement humain au moyen d’un ensemble de facteurs personnels et sociaux. Une méta-analyse d’Armitage & Conner (2001) a révélé que ce modèle théorique permet de prédire les intentions et le comportement dans une variété de situations, telles que l’arrêt tabagique et l’exercice physique. Selon ce modèle théorique, le principal facteur qui permet de prédire le comportement d’un individu est son intention à l’égard du comportement. L’intention comprend l’élément motivationnel nécessaire pour générer le comportement et indique à quel point un individu est prêt à fournir des efforts afin de le produire. Ce facteur central découlerait de trois ensembles de déterminants : les attitudes, la norme subjective et la perception de contrôle.

D’abord, les attitudes représentent l’évaluation favorable ou défavorable qu’une personne a d’un comportement. La formation de ces attitudes peut être conceptualisée selon le modèle attentes-valeurs de Fishbein & Ajzen (1975), voulant que celles-ci se forment à partir des croyances de l’individu à propos d’un comportement. Ce dernier est associé avec un ensemble d’attributs, tels que ses caractéristiques et ses conséquences, qui sont préalablement évaluées de façon positive ou négative. Suite à cette évaluation, l’individu lie le comportement et ses conséquences ou son coût d’adoption. Les attitudes découlent de ce lien, et ce dernier influencera les attitudes de façon proportionnelle à la probabilité subjective que le comportement ait certaines conséquences (Ajzen, 1991). La TCP postule donc que les attitudes sont le résultat des croyances et des valeurs que possède l’individu concernant un certain comportement.

Ensuite, la norme subjective représente la pression sociale perçue par l’individu, que ce soit de la société en général ou encore de son entourage, de se comporter d’une certaine façon (Ajzen, 1991). Cette norme est basée sur les croyances normatives de l’individu, c’est-à-dire le comportement qu’il croit être le plus acceptable compte tenu de son environnement social. La force des croyances normatives, couplée à la motivation ou la volonté de l’individu de s’y conformer, déterminera l’importance de la norme subjective globale dans la prédiction de son intention à l’égard du comportement.

Finalement, la perception de contrôle fait référence à l’évaluation que fait une personne de la difficulté ou de la facilité avec laquelle elle sera en mesure d’adopter un comportement (Ajzen, 1991). Plus précisément, la perception de contrôle reflète les croyances par rapport à la présence de facteurs, internes ou externes à l’individu, qui facilitent ou entravent l’adoption d’un comportement. Les facteurs internes comprennent les capacités et la force de volonté perçues, alors que les facteurs externes incluent les demandes spécifiques à la tâche et les actions d’autres personnes (Ajzen, 2002). De ce fait, la perception de contrôle est une composante qui se rapproche du concept de perception d’efficacité personnelle de Bandura (1977), définie comme la

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croyance d’un individu en sa capacité à agir de façon à exercer un certain contrôle sur les événements ayant lieu dans sa vie. Toutefois, la perception de contrôle du modèle d’Ajzen (1991) tient aussi compte de la perception des facteurs externes à l’individu pouvant influencer sa performance d’un comportement, puisque le fait de le mettre en action dépend souvent aussi de facteurs non motivationnels, comme la présence d’opportunités et de ressources nécessaires. Ainsi, la perception de contrôle réfère davantage au contrôle réel qu’a une personne sur un comportement que la notion d’efficacité personnelle (Ajzen, 1991). Dans l’ensemble, les gens forment des intentions à l’égard de comportements qu’ils sont persuadés de pouvoir mettre en action. Le passage d’une intention à un comportement pourrait être facilité par la perception d’efficacité personnelle, de même que par l’évaluation de facteurs plus externes compris dans la perception de contrôle (Armitage & Conner, 2001).

Toutefois, afin d’expliquer la possible divergence entre l’intention et le comportement subséquent, Ajzen (2012) ajoute que le contrôle réel peut intervenir afin de modifier la perception de contrôle une fois que l’individu tente de mettre en action son intention, et donc le lien entre intention et comportement. Ainsi, si la perception de contrôle se trouve diminuée par des facteurs n’ayant pas été préalablement considérés par l’individu, il est probable que l’intention ne mènera pas au comportement visé.

En somme, la TCP postule que l’intention de l’individu prédit son comportement subséquent, et que cette intention est déterminée par les attitudes, les normes subjectives et la perception de contrôle de l’individu à l’égard de ce comportement. L’importance relative de ces déterminants pour l’intention varie selon les comportements et les situations (Ajzen, 1991). La méta-analyse d’Armitage & Conner (2001) souligne que les travaux empiriques appliquant cette théorie à l’explication de comportements variés indiquent l’intention et la perception de contrôle comme étant des prédicteurs robustes du comportement.

Par ailleurs, certains travaux ont fait état d’une complémentarité entre la TCP et les autres modèles théoriques abordés précédemment. En effet, Hyde et White (2013) ont utilisé un modèle élargi de la TCP, incluant une composante identitaire correspondant à ce qui est proposé par la théorie de l’identité (Stryker, 1968), afin de prédire l’intention de s’inscrire à un registre de don de moelle osseuse. Par ailleurs, Hagger et Chatzisarantis (2009) considèrent les modèles de la TAD et de la TCP comme complémentaires pour expliquer les comportements de santé. Ils avancent que le type de motivation, plus ou moins autodéterminée, viendrait expliquer la formation des attitudes ainsi que la perception des normes et du contrôle sur le comportement, en congruence avec ce type de motivation. En quelque sorte, les attitudes, normes subjectives et perception de contrôle postulées par la TCP seraient des médiateurs du lien entre la motivation à l’égard d’un comportement et l’intention, alors que l’association entre intention et comportement demeurerait conforme à ce qui est postulé

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par la TCP. Ces liens sont d’ailleurs soutenus par une méta-analyse sur les comportements de santé (Hagger & Chatzisarantis, 2009) et par une étude prospective sur les comportements de consommation d’alcool (Hagger et al., 2012).

L’engagement paternel, à titre de comportement planifié

Bien que la TCP n’ait pas été explicitement appliquée à la prédiction de ce comportement chez les nouveaux pères et dans un contexte de biparentalité, il y aurait plusieurs avantages à appliquer de ce modèle théorique à l’engagement paternel. D’abord, il convient de situer les intentions et le comportement paternel dans leur contexte interpersonnel et familial, puisque l’engagement paternel s’exprime typiquement au sein d’une relation conjugale coparentale et dans le cadre d’une relation qui se développe avec une troisième personne, l’enfant. La TCP (Ajzen, 1991; 2012) permet par ailleurs de considérer à la fois les influences provenant du père et forgeant ses intentions comportementales, et celles provenant de la mère et de l’enfant, sur les comportements d’engagement paternel. En effet, il est envisageable, dans le contexte parental, que différentes caractéristiques propres à la conjointe, à l’enfant ou aux relations entre le père et chacun d’eux viennent influencer le lien entre l’intention du père et le comportement qu’il adoptera auprès de son enfant. Ceci rejoint donc une des prémisses de la TAD, c’est-à-dire l’importance de la conjointe pour déterminer les comportements paternels, tout en considérant l’apport particulier de l’enfant au contexte familial. Il est généralement reconnu que les mères contribuent à forger la place du père auprès de l’enfant et la forme que prendra la paternité, déterminant en partie l’engagement du père auprès de leur enfant (Doherty, Kouneski, & Erickson, 1998; Dubeau, Clément, & Chamberland, 2005), une conception soutenue par de nombreux travaux faisant état de l’influence de la conjointe sur l’engagement paternel (Beitel & Parke, 1998; Bonney, Kelley & Levant, 1999; Dickie & Matheson, 1984; Fox et al., 2000; Gaunt, 2006; Khazan, McHale & Decourcey, 2008; McBride & Rane, 1997; 1998; NICHD, 2000), ainsi que par l’application de la TAD au contexte de coparentalité (Bouchard et al., 2007).

La TCP permettrait également de regrouper sous un même modèle conceptuel de nombreux éléments ayant été démontrés comme liés à l’engagement paternel par les autres modèles théoriques mentionnés. Outre l’influence de la conjointe, la TCP comprend des aspects liés au soi et à l’identité des pères par leur conception des rôles sexuels et parentaux ainsi que leurs attitudes face à ces rôles. Toutefois, plutôt que de présumer que les hommes ont une identité paternelle bien formée avant la naissance d’un premier enfant, la TCP remet la définition du rôle de père par les hommes dans un contexte de transition, permettant au père d’avoir une place active dans la construction de son rôle de père. Finalement, tout comme la théorie de l’apprentissage social et

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la théorie de la congruence de genre, les facteurs sociaux ne sont pas négligés par la TCP, et l’importance est donnée à la perception par les hommes des normes et messages sociaux.

De plus, la conceptualisation claire des composantes de la TCP permettrait de clarifier la définition et la différentiation des divers concepts permettant de comprendre l’engagement paternel. Certaines études des déterminants de l’engagement paternel ont regroupé en un concept unique des facteurs qui sont considérés distincts dans la TCP. Par exemple, l’étude de Gaunt (2006), qui examine les croyances et attitudes envers le rôle de père en lien avec l’engagement paternel, inclut des items abordant la confiance en ses capacités dans une mesure des attitudes des pères, alors que de tels items se rapportent plus spécifiquement à la perception de contrôle. Avec une définition conceptuelle et opérationnelle plus précise des déterminants de l’engagement paternel, il serait également possible d’examiner le poids relatif qu’exerce chacun de ces déterminants sur les intentions et le comportement paternel.

Bien que la TCP ait été appliquée surtout à des comportements simples, se définissant par la présence ou l’absence d’un seul comportement, comme l’arrêt tabagique ou l’utilisation de crème solaire, certains chercheurs suggèrent que son emploi pourrait être plus large. Barber (2001), suite à une étude employant la TCP pour prédire la décision d’avoir ou non un enfant, a conclu que ce type de modèle théorique peut être valide dans le cadre de comportements se définissant de façon complexe, représentant des concepts multidimensionnels tel que l’engagement paternel, et dans des situations où ceux-ci se mettent en œuvre à long terme. De façon similaire, Dommermuth, Klobas et Lappegard (2011) ont démontré que cette théorie s’applique à l’intention d’avoir un enfant dans les trois prochaines années : les attitudes, la norme perçue et la perception de contrôle sont toutes liées significativement à l’intention de mettre en œuvre ce comportement. Par ailleurs, un récent article affirme également que la TCP peut être pertinente dans les études sur la fertilité (Ajzen, & Klobas, 2013). La TCP a également été utilisée comme cadre conceptuel à l’étude de l’engagement de pères non-résidents, séparés et dans un contexte de famille à risque, ce qui justifie davantage la pertinence de ce modèle pour approfondir les connaissances sur la transition à la paternité (Perry & Langley, 2013). De surcroit, Gaunt (2006) se réfère aux travaux de Ajzen et Fishbein (1977) afin de justifier la considération, dans son étude, des attitudes en lien avec les comportements d’engagement paternel. Elle réfère à des concepts inhérents à la TCP dans cette étude sur l’engagement paternel, sans toutefois faire appel au modèle théorique dans son ensemble.

L’application de la TCP à la compréhension de l’engagement paternel est d’autant plus justifiée par la nature des déterminants considérés par les études sur ce sujet et les résultats qui corroborent l’existence de liens entre les différentes composantes de la TCP et ce concept. Les prochaines sections examineront plus

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précisément les liens conceptuels entre la TCP et les variables étudiées en lien avec l’engagement paternel. Au chapitre 2, une synthèse des résultats d’études empiriques sur l’engagement paternel, permettant d’appuyer les liens entre ces concepts, est présentée.

Les attitudes

Selon le modèle théorique du comportement planifié (Ajzen, 1991), les attitudes déterminant l’intention d’un individu sont composées des croyances concernant un comportement et ses conséquences possibles, et des valeurs liées à celui-ci. Si l’on considère l’engagement paternel aux soins des enfants, ces croyances et valeurs peuvent prendre plusieurs formes. D’abord, l’essentialisme biologique (Bem, 1993) réfère à la croyance que le sexe biologique d’une personne lui confère certains traits ou aptitudes, de façon innée. Par exemple, on peut croire que les femmes sont émotives et pleurent à cause de leurs hormones dites féminines, alors que les hommes sont agressifs puisque c’est dans leur nature. Ainsi, ces croyances justifient certains comportements d’une personne en les attribuant à une caractéristique immuable, le sexe biologique. Il s’agirait d’une rationalisation concernant la polarisation des sexes et la dominance masculine, qui amènerait ceux qui y adhèrent à les considérer comme les conséquences inévitables des différences biologiques sexuelles (Bem, 1993). Conséquemment, la conviction qu’il existe des différences biologiques entre les hommes et les femmes quant aux soins aux enfants préconise que les femmes y soient plus aptes de façon innée. Plus des hommes endossent de telles croyances, moins ils sont susceptibles de concevoir des conséquences positives découlant de la participation du père aux soins de son enfant (Gaunt, 2006). Ainsi, les croyances essentialistes des hommes constituent une composante des attitudes, telles que vues par la théorie du comportement planifié, susceptible de contribuer à l’engagement paternel.

De façon similaire, l’idéologie de genre constituerait une croyance influençant l’engagement paternel. Ce concept fait référence aux comportements considérés comme appropriés selon le sexe, qui peuvent être égalitaires entre les hommes et les femmes, ou encore abordés selon une vision plus traditionnelle des rôles sexuels (Gaunt, 2006). Selon cette dernière, les hommes sont considérés comme devant être forts psychologiquement, dominants et autoritaires, et les femmes, affectueuses et conciliantes (Deslauriers, 2002). À l’opposé, une vision égalitaire des rôles sexuels ne suppose aucune différence par rapport aux traits psychologiques ou aux fonctions assumées selon le sexe. Ces croyances détermineraient donc la division des tâches des conjoints au sein de la famille, y compris celles liées aux enfants. Par ailleurs, la valorisation par l’homme de son rôle de père et sa perception de l’impact de sa participation sur le développement de son enfant constituent deux croyances susceptibles d’influer sur sa participation aux tâches liées aux enfants. Celles-ci

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rejoignent précisément la conceptualisation des attitudes de la théorie du comportement planifié et semblent aussi susceptibles de prédire les intentions et le comportement.

En résumé, l’essentialisme biologique, l’idéologie de genre et les croyances concernant le rôle de père semblent rejoindre directement la composante des attitudes de la TCP et pourraient donc être pertinentes afin de prédire l’intention prénatale des hommes à être engagés dans les soins de leur enfant.

Les normes subjectives

Selon Parke (2000), certains facteurs sociaux, comme les rôles sexuels culturellement valorisés et la socialisation différenciée des garçons et des filles peuvent aussi déterminer les niveaux d’engagement des parents. Effectivement, les trajectoires individuelles et familiales sont ancrées dans les conditions sociales et les valeurs préconisées selon la période historique dans laquelle elles ont lieu (Elder, 1998). Les rôles parentaux, comme tout autre rôle social, sont donc sujets à ces fluctuations historiques et culturelles (Parke, 2002). Lorsque confrontés à un ensemble diversifié de définitions possibles du rôle de père, les hommes tentent de réconcilier les images et les modèles passés avec le contexte socioculturel actuel afin de se définir en tant que pères (Deslauriers, 2002). Puisque les attitudes globales de la société nord-américaine envers le rôle de père semblent avoir changé au cours des dernières décennies, favorisant une vision plus égalitaire des rôles sociaux des hommes et des femmes, on pourrait présumer que ce changement soit suffisant pour induire un changement dans les comportements parentaux des hommes. Mais dans la mesure où il n’y a pas actuellement de parité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les soins aux enfants, ni de normes sociales clairement définies quant au rôle de père, ce facteur mérite d’être observé plus en profondeur dans le but de comprendre les mécanismes qui régissent son lien avec le comportement des pères.

Selon la théorie de l’apprentissage social de Bandura (1999), les hommes devraient se fier aux pères qu’ils ont observés au cours de leur vie afin de guider leur propre comportement. Les modèles variés disponibles à différents moments pour ces hommes mèneraient au modelage, qui pourrait alors prendre la forme d’un changement dans leurs attitudes, leurs valeurs, ou leurs comportements. Toutefois, les pères participant à l’étude de McLaughlin et Muldoon (2014) ont rapporté se comparer aux autres pères dans leur entourage et les utiliser comme modèles. Il apparaît donc qu’afin de déterminer l’exemple de comportement paternel à suivre, les hommes se fient souvent à leurs pairs plutôt qu’à leur père. De ce fait, ces résultats laissent présager que les pères forment des normes subjectives sur la base de ce qu’ils perçoivent comme étant normatif, dans le comportement et les attentes de leurs pairs, plutôt qu’à partir des attentes sociales plus générales. Ces normes

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subjectives, développées à partir de sources sociales plus proximales et de modèles concrets seraient potentiellement plus influentes pour guider leur comportement que des normes et attentes sociales plus larges.

Quoi qu’il en soit, on peut conclure qu’il est important de considérer l’influence des normes subjectives sur l’engagement paternel, et qu’il convient de le faire en tenant compte des différentes expériences propres à chaque homme. La perception des normes semble plus importante que les normes réelles lorsqu’il est temps de prédire le comportement, et la volonté de la personne à se conformer aux normes viendra aussi modifier le lien entre ces dernières et le résultat. Néanmoins, la compréhension de la pertinence de ce concept comme prédicteur de la participation paternelle demeure limitée en raison du peu d’études ayant considéré spécifiquement la valeur prédictive des normes subjectives en lien avec l’engagement paternel. Il est nécessaire d’approfondir les connaissances à ce sujet afin de mieux comprendre la contribution de ce facteur aux comportements des pères.

La perception de contrôle

Dans sa composition de la perception de contrôle, la théorie du comportement planifié considère à la fois les facteurs internes et externes à l’individu. Cependant, les études se rapprochant de ce concept ont surtout porté sur des variables internes, comme la compétence perçue et la perception d’efficacité personnelle, en lien avec l’engagement paternel.

Bien entendu, un plus bas niveau d’engagement des pères, en comparaison avec celui des mères, ne signifie pas que les hommes soient moins compétents que les femmes dans ce type de tâches (Tamis-LeMonda, Shannon, Cabrera & Lamb, 2004). Toutefois, on remarque que, peu après la naissance d’un enfant, les hommes ont davantage tendance à se préoccuper de leurs habiletés parentales que les femmes (Fox et al., 2000) et rapportent également ressentir de l’anxiété en ce qui concerne ces habiletés (Deave & Johnson, 2008). Ce manque de confiance en leurs capacités pourrait expliquer en partie la moindre participation des pères aux soins des enfants, comparé aux femmes.

Néanmoins, la perception de contrôle, telle que formulée dans la TCP, inclut non seulement la perception d’efficacité personnelle, mais aussi les facteurs externes à l’individu et les expériences antérieures de celui-ci avec ce comportement (Ajzen, 1991). Dans le cas de l’engagement paternel, ces facteurs externes peuvent être des difficultés de conciliation travail-famille, un manque de ressources matérielles et financières ou l’influence de la conjointe. Toutefois, très peu d’études se sont intéressées à ce type de variables en lien avec la participation paternelle, bien que plusieurs études aient considéré l’influence de la conjointe (Beitel &

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Parke, 1998; Bouchard & Lee, 2000; Schoppe-Sullivan et al., 2008), sans nécessairement s’y attarder en tant que perception de contrôle par les pères.

L’intention comportementale

L’intention des pères à être engagés auprès de leurs enfants n’a pas été explicitement considérée comme objet de recherche. On s’est toutefois intéressé à un concept connexe, les attentes prénatales des pères quant à la division des tâches familiales et de soin. Avant la naissance d’un premier enfant, les futurs parents s’attendent généralement à une division plutôt égalitaire des tâches ménagères et de soin (Biehle & Mickelson, 2011; Fox et al., 2000), ce qui ne correspond malheureusement pas à la réalité de la majorité des couples après la naissance. Toutefois, les pères rapportent qu’ils aimeraient que les mères en fassent moins, qu’ils ne sont pas entièrement satisfaits de cette division des tâches (Biehle & Mickelson, 2011). Ainsi, il est possible que les pères de cette étude souhaitent être plus impliqués, mais sentent que les mères ne facilitent pas leur participation aux soins. Certains auteurs ont d’ailleurs observé une association positive entre les attentes non rencontrées et l’insatisfaction maritale chez les deux parents (Belsky, 1985 ; Khazan et al., 2008). Selon Khazan et ses collaborateurs (2008), les couples ayant prévu un partage plus égalitaire des tâches liées au bébé, mais dans lesquels les pères assumaient une part inférieure des tâches comparativement à ce qui était souhaité avant la naissance, ont une plus faible satisfaction maritale.

Selon la conceptualisation des intentions de la TCP, cette variable joue un rôle médiateur entre les attitudes, les normes subjectives et la perception de contrôle afin de prédire le comportement. Ainsi, ce modèle théorique a pour avantage de s’intéresser à ce qui contribue à former les intentions comportementales, contrairement aux études antérieures, qui se sont quasi uniquement intéressées à l’observation de l’écart entre les attentes prénatales et le comportement postnatal. Étudier à la fois les déterminants de l’intention et le lien entre cette dernière et le comportement permettrait de mieux comprendre comment ces attentes peuvent mener au comportement.

Facteurs susceptibles de modifier le lien entre intention et

comportement paternel, entre les périodes prénatales et

postnatales

Comme la TCP ne permet pas toujours de tenir compte de tous les facteurs connus comme liés à certains comportements, plusieurs chercheurs ont proposé des extensions du modèle d’Ajzen. Howland et ses

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