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La comédie musicale américaine en contexte francophone : les défis linguistiques et extralinguistiques reliés à la traduction

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La comédie musicale américaine en contexte

francophone :

Les défis linguistiques et extralinguistiques reliés à la

traduction

Mémoire

Andréa Doyle Simard

Maîtrise en musicologie – Recherche-création

Maître en musique (M. Mus.)

Québec, Canada

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La comédie musicale américaine en contexte

francophone :

Les défis linguistiques et extralinguistiques reliés à la

traduction

Mémoire

Andréa Doyle Simard

Sous la direction de :

Sophie Stévance, directrice de recherche Serge Lacasse, codirecteur de recherche

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Résumé

L’objectif général de ce mémoire est de contribuer à l’enrichissement des connaissances sur les divers défis de traduction rencontrés par les traducteurs-adaptateurs de comédies musicales. Ce travail de recherche-création propose, dans un premier temps, d’expérimenter la traduction de trois comédies musicales américaines à vocation différentes, ainsi que d’observer les approches de traduction utilisées en contexte francophone. Dans un deuxième temps, ce travail permet d’analyser les comportements des traducteurs-adaptateurs envers les divers défis de traduction qu’ils rencontrent. Alors que le chapitre 1 dresse le portrait des origines de la comédie musicale et de l’évolution de sa terminologie, tout en abordant le sujet des droits d’auteur, le chapitre 2 se concentre sur un volet plus théorique, où l’on tente d’identifier les différences entre la traduction et l’adaptation. Les notions de fidélité et de liberté en traduction sont évoquées, et on y aborde la question de la « traduisibilité » des œuvres musicales. La dernière section de ce chapitre s’attarde au concept de sacrifice auquel tant de traducteurs-adaptateurs font face. Finalement, dans le chapitre 3, les termes « musicocentrique » et « logocentrique » sont défini, et on analyse deux grandes catégories réunissant dix défis : les défis linguistiques et les défis extralinguistiques. C’est par le biais d’un corpus composé de trois traductions de Nicolas Nebot, ainsi que trois de nos propres traductions que nous analysons les divers défis de traduction rencontrés. Plusieurs exemples issus de ce corpus illustrent le fait que les choix des traducteurs-adaptateurs varient en fonction du but que ces derniers désirent atteindre.

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Abstract

This master’s thesis examines the central challenges faced by those who translate the songs of musical theatre. First, we assess the experience of translating three American musicals with different vocations to observe various approaches of “English to French translation.” Second, this study analyzes translator behaviour toward the challenges of translation. While Chapter 1 profiles the origins of the American musical, the evolution of its terminology, and copyright issues, Chapter 2 focuses on some theoretical aspects of the practice, identifying the differences between translation and adaptation. The concepts of fidelity and freedom in translation are discussed and we broach the issue of the “translatability” of musical works. The last section of this chapter focuses on the concept of sacrifice faced by many translators. Finally, in Chapter 3, we comment the concepts of logocentric and musicocentric songs we analyze two categories involving ten challenges: linguistic and extralinguistic challenges. We examine the various challenges by comparing three translations by Nicolas Nebot, as well as three of our own. Several examples illustrate that choices made by translators may vary, depending on the translator’s objectives.

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Table des matières

Résumé... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... ix

Liste des exemples musicaux ... xi

Avant-propos... xv

Remerciements ... xvii

Introduction ... 1

0.1 Présentation du sujet ... 1

0.2 État de la recherche et de la création ... 2

0.2.1 État de la recherche ... 2

0.2.2 État de la création ... 5

0.3 Problème, question de recherche et objectifs ... 7

0.4 Cadre théorique ... 9

0.5 Méthode de recherche-création ... 10

0.6 Présentation des parties du mémoire ... 11

Chapitre 1 : La comédie musicale au Québec ... 13

1.1 Terminologie ... 13

1.1.1 Introduction ... 13

1.1.2 Les premières manifestations de la comédie musicale... 15

1.1.3 Vers une dénomination juste de la comédie musicale... 19

1.1.4 Qu’en est-il du théâtre musical? ... 20

1.1.5 Conclusion ... 23

1.2 Les droits d’auteur ... 24

1.3 Sommaire du chapitre 1 ... 27

Chapitre 2 : La traduction et l’adaptation ... 28

2.1 Introduction ... 28

2.2 Traduction et adaptation, quelle différence?... 29

2.3 Traduire ou ne pas traduire ... 33

2.4 Fidélité ou liberté – Une histoire de négociation ... 35

2.5 La traduction de comédies musicales ... 37

2.5.1 Traduire : l’art de sacrifier ... 37

2.5.2 Les préoccupations des traducteurs de chansons ... 42

2.5.3 Le traducteur non-musicien ... 43

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Chapitre 3 Les différentes fonctions d’une chanson ... Erreur ! Signet non défini.

3.1 La fonction d’une chanson dans une comédie musicale ... 46

3.1.1 Chansons à vocation « musicocentrique » ... 48

3.1.2 Chansons à vocation « logocentrique » ... 48

3.2 Sommaire du chapitre 3 ... 49

Chapitre 4 Les défis rencontrés lors de la traduction de Sister Act, Blonde et Légale et Le chanteur de noces ... 45

4.1 Introduction ... 45

4.2 Les défis linguistiques ... 46

4.2.1 Le sens ... 50

4.2.2 La structure de phrase ... 54

4.2.4 Les expressions idiomatiques ... 56

4.2.5 La rime ... 60

4.2.6 La chanson logocentrique... 64

4.3 Les défis extralinguistiques ... 68

4.3.1 La restriction des syllabes et du rythme musical ... 68

4.3.2 Les sonorités ... 72

4.3.3 La chanson connue ou le respect de la sonorité d’origine... 74

4.3.4 La mise en scène imposée ... 79

4.3.5 La culture et la couleur locale ... 81

4.4 Conclusion ... 83 4.5 Sommaire du chapitre 4 ... 85 Conclusion ... 87 Démarche de recherche-création ... 93 Références ... 96 a) Bibliographie ... 96 b) Médiagraphie ... 101 Annexe 1 ... 104

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Liste des tableaux

Tableau 1 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Sister Act »... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 2 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Pop » (traduction sourcière) ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 3 Comparaison des versions anglophone et francophone de la

chanson « Pop » (traduction cibliste) ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 4 Comparaison des versions anglophone et francophone de la

chanson « Chip On My Shoulder » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 5 Comparaison des versions anglophone et francophone de la

chanson « I Could Be That Guy » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 6 Comparaison des versions anglophone et francophone de la

chanson « The Life I Never Led » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 7 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « The Life I Never Led » (exemple de rime déplacée) ... Erreur !

Signet non défini.

Tableau 8 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « What You Want » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 9 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « What You Want » (suite) ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 10 Comparaison des versions anglophone, francophone et allemande

de la chanson « Total Eclipse of the Heart » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 11 Comparaison des versions anglophone et francophone de la

chanson « Mamma Mia! » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 12 Comparaison des versions anglophone et francophone de la

chanson « Knowing Me, Knowing You » ... Erreur ! Signet non défini.

Tableau 13 Comparaison des versions anglophone et francophones de la

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Liste des exemples musicaux

Exemple 1 Comparaison des structures de phrase de la chanson « Let Me Come Home »... 56

Exemple 2 Comparaison de la structure rythmique et mélodique des

couplets 2 et 3 de la chanson « Someday » ... 69

Exemple 3 Comparaison de la structure rythmique et mélodique dans les versions anglophone et francophone de la chanson « Someday » ... 70

Exemple 4 Restriction des syllabes dans la chanson « Casualty of Love » ... 71

Exemple 5 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Casualty of Love » ... 72

Exemple 6 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Let Me Come » ... 73

Exemple 7 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Somebody Kill Me Please »... 77

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Quand tout va bien, en traduisant, on dit presque la même chose. – Umberto Eco

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Avant-propos

Lors de mon arrivée à l’Université Laval, j’étais loin de me douter que je ferais une maîtrise, encore moins une en musicologie. La vie étant ce qu’elle est, une suite d’évènements fortuits traçant chaque jour un nouveau bout de chemin vers la voie qui nous est destinée, je me suis un jour retrouvée face à face avec le théâtre musical. La découverte de cet art a été pour moi une sorte de révélation : il réunissait le théâtre et la musique, deux types d’art qui m’avaient toujours fascinée. Lors de la dernière année de mon baccalauréat en interprétation (saxophone jazz), j’ai eu l’opportunité de participer à un projet (extrascolaire) de comédie musicale en tant que comédienne. C’est à partir de ce moment, que j’ai compris que je venais de développer une obsession pour cet art. L’année suivante, à la suite de cette expérience, on m’a offert la possibilité de monter mon propre projet de comédie musicale. À cette « époque », on traduisait le texte en français et on conservait les chansons en anglais. Comme c’était pratique courante, on ne se demandait pas pourquoi on ne traduisait pas les chansons aussi.

C’est à cette même période que j’ai fait la rencontre de Serge Lacasse et Sophie Stévance. J’étais à la recherche d’une façon d’accéder à un studio pour qu’on puisse enregistrer la trame sonore de notre spectacle (9 à 5) et un certain Serges Samson m’avait suggéré de les rencontrer afin de leur parler de mon projet, pour éventuellement obtenir leur permission afin d’enregistrer au LARC. Suite à notre rencontre durant laquelle je leur avais expliqué le but de mon projet ainsi que mes motivations, Serge et Sophie ont vu en mon projet un certain potentiel : mon champ d’intérêt, lié à mon profil d’artiste multidisciplinaire (directrice artistique, vocale et musicale, traductrice, musicienne et comédienne), mes motivations et mon projet de création cadraient parfaitement dans cette maîtrise qu’on appelait « recherche-création en musicologie ». C’est ainsi que je me suis naïvement retrouvée à quitter ma maîtrise à peine entamée en administration des affaires pour retourner étudier à la Faculté de musique. Bien qu’à ce moment, mon sujet de recherche était plutôt vague et que j’avais l’impression d’avancer à l’aveuglette dans ce domaine qui m’était tant étranger (la recherche scientifique), l’aide de Sophie et Serge m’a permis de graduellement préciser mon sujet de recherche.

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Au tout début de ma maîtrise, mon intention était d’identifier les défis de traduction rencontrés par les traducteurs en faisant une étude comparative des traductions française et montréalaise de la comédie musicale Sister Act. Tout ça dans le but d’observer les différences entre les méthodes de traduction des Français et celles des Québécois, par rapport à la version originale de Broadway. Après avoir constaté avec déception que la version montréalaise était identique à la version française, il m’a fallu réorienter mes recherches. (J’étais loin d’imaginer que quatre ans plus tard, j’analyserais notre propre traduction de Sister Act à côté de la version française!)

À cette même période, en compagnie de mes précieux collègues Julie Lespérance et Gabriel Naud, nous avons décidé de créer notre propre compagnie de production de comédies musicales, les Productions du Sixième Art. Avec ce nouveau projet, nous avons décidé de donner une direction différente à notre travail en choisissant de présenter des spectacles entièrement adaptés en français, chansons comprises, ce qui était une première à Québec : en effet, aucune autre troupe amateure ou semi-professionnelle ne s’était donné comme vocation de présenter ses comédies musicales entièrement en français.

Mes recherches ont donc été grandement influencées par les Productions du Sixième Art : notre compagnie m’offrait maintenant un prétexte ainsi qu’une tribune parfaite pour expérimenter mes traductions, me donnant l’occasion d’orienter mes recherches sur l’analyse de mon propre travail de création, plutôt que sur celui des autres. Bien qu’avec ce nouveau départ, mon objectif était maintenant de rédiger mon mémoire d’après mon projet de création qui était la production de la comédie musicale Le chanteur de noces (2015), notre obsession commune pour les comédies musicales nous a poussés à produire entretemps deux autres spectacles : Blonde et légale (2016) et Sister Act (2017), qui finalement auront aussi trouvé leur place dans ce mémoire.

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Remerciements

Mes remerciements les plus sincères vont d’abord à mes directeurs de recherche, les professeurs Sophie Stévance et Serge Lacasse. Merci pour vos conseils avisés, vos relectures efficaces, votre confiance en moi et pour vos continuels encouragements. Malgré mes constantes incertitudes, vous avez su trouver les mots pour me motiver à persévérer. Je ne vous remercierai jamais assez de m’avoir donné la chance d’étudier ma passion. Je tiens également à remercier la professeure Isabelle Collombat de m’avoir guidée à travers le fascinant monde de la traductologie. Merci à Serges Samson pour tout le temps que tu nous as généreusement offert ainsi que pour tous les précieux conseils que tu nous as donnés. Mon passage à l’Université Laval n’aurait pas été le même sans toi.

Bien qu’il me soit impossible de tous les nommer, je remercie tous les comédiens, les musiciens et les collaborateurs qui se sont joints, de près ou de loin, à notre équipe des Productions du Sixième Art. Merci pour tout le temps et l’investissement que vous avez donnés à nos projets. Vous avez donné vie à nos spectacles : sans vous, il n’y aurait que des mots sur du papier.

Merci à Joëlle Bond. Sans le savoir, tu as été une source continuelle d’inspiration pour moi. Tes traductions de comédies musicales ont été pour moi l’élément déclencheur de mon intérêt pour la traduction de chansons. Merci pour tes conseils et tes suggestions de lecture. Sans toi, je n’aurais jamais découvert le concept de la chanson logocentrique.

Merci à ma sœur Valérie, son époux François et leur petite famille. Vos encouragements, votre participation et votre implication habituelle à tous mes projets me font chaud au cœur et me motivent à continuer. Merci d’avoir enduré que la comédie musicale soit mon principal et seul sujet de conversation durant ces quatre dernières années.

L’aboutissement de la rédaction de mon mémoire ne serait jamais arrivé sans l’aide de deux personnes en particulier grâce à qui le terme « travail d’équipe » a pris tout son sens pour moi. Merci à Julie Lespérance, ma précieuse collaboratrice. Merci pour ton dévouement sans limites, ta joie de vivre contagieuse et ta passion pour la scène. J’en apprends encore

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chaque jour en travaillant avec toi. Et merci à Gabriel Naud, mon complice au travail et dans la vie de tous les jours. Ce mémoire ne serait pas ce qu’il est sans toi. Merci d’avoir travaillé avec moi à la traduction de toutes ces chansons, de m’avoir ramassée à la petite cuillère dans les moments les plus difficiles et d’avoir été d’une aussi bonne écoute tout au long de mon parcours. Merci de partager et de vivre cette passion avec moi tous les jours.

Finalement, je dédie ce mémoire à mes parents, France Doyle et Marc Simard. Les mots ne sont pas suffisants pour vous remercier de votre amour inconditionnel, votre présence malgré la distance, votre support moral et vos encouragements à poursuivre mes études dans le domaine des arts. Votre écoute et votre aide m’auront permis de passer à travers toutes ces remises en question. Je vous dois tout ce que je suis en ce moment, y compris ma réussite.

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Introduction

0.1 Présentation du sujet

Malgré son apparition et le succès rencontré dès les années 1950 aux États-Unis, la comédie musicale reste un domaine en pleine expansion en contexte francophone : au Québec, on observe depuis quelques années un nouvel intérêt, voire un engouement pour la comédie musicale, comme l’illustre la multiplication de spectacles professionnel (Footloose en 2017, Mary Poppins en 2016, Grease en 2015, Sweeney Todd et Sister Act en 2014,

Hairspray en 2012, Une vie presque normale en 2012, etc.).

En outre, les programmes scolaires offrent à présent des « options comédie musicale » dans les écoles québécoises, ce qui indique une reconnaissance croissante de ce genre et de son importance sociale et culturelle. Malgré cet enthousiasme croissant, la comédie musicale a, jusqu’à présent, fait l’objet de peu de recherche. On relève quelques études qui se concentrent essentiellement sur la traduction du texte et des dialogues, sans vraiment aborder le sujet de la traduction des chansons. Les ouvrages recensés font surtout référence à la traduction des référents culturels, des noms des personnages ou des lieux ou des expressions, sans véritablement questionner les contextes de traduction. Dans le cadre de notre travail artistique lié à la comédie musicale, nous nous sommes rapidement aperçue qu’il est difficile, voire impossible, de faire fi des conditions de traduction des textes et de la musique (pris au sens large) de comédies musicales, voire de leur adaptation notamment en contexte francophone.

Plus particulièrement, en vue de l’adaptation des comédies musicales Le chanteur de noces (2015), Blonde et légale (2016) et Sister Act (2017), nous avons été confrontée à plusieurs contraintes d’ordre linguistique (le sens, la structure de phrase, les expressions idiomatiques, la rime, la chanson logocentrique) et, inévitablement, d’ordre extralinguistique (les sonorités, les chansons connues, la mise en scène, la culture et la couleur locale). Ce constat nous a amenée à faire des choix essentiels, qui ont un impact décisif sur le résultat qui est livré au public. Aucune traduction ne sera jamais « parfaite »; il faut alors accepter « les pertes et les gains » (Derrida, 2005) inhérents à la traduction. Notre objectif est donc de parvenir à une adaptation la plus juste et fine possible des grands

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succès de Broadway en contexte québécois. Comment traduire les comédies musicales américaines en contexte québécois? Quels choix opérer musicalement, mais aussi par rapport à la langue, tout en tenant compte du contexte social? En effet, ce dernier aspect est important pour que le public québécois puisse mieux s’identifier au spectacle qu’il voit et qu’il se sente plus concerné par l’histoire du spectacle en question. Dans Le chanteur de

noces (Sklar & Beguelin, 2006), dont l’histoire se déroule au New Jersey, on fait souvent

référence à des lieux géographiques qui ont des connotations humoristiques. Le public québécois, a priori peu au fait de ces référents, risque de ne pas réagir de la même manière que le public américain (par exemple, par des verbalisations, des ovations, ou des signes de désapprobation, etc.). Le traducteur doit alors se questionner sur l’importance d’adapter les lieux où se déroule l’histoire, ou encore sur la possibilité de les adapter en tentant de trouver des référents américains plus connus des Québécois. Dans le cadre de notre maîtrise, nous souhaiterions ainsi mettre à profit notre expérience vécue lors de la traduction et de l’adaptation de textes de comédies musicales que nous avons montées, en identifiant quels ont été exactement les défis auxquels nous avons dû faire face lors de la traduction de l’anglais au français.

0.2 Problématique

0.2.1 État de la recherche

0.2.2.1 La traduction de comédies musicales

Bien que la musique prenne une grande place dans notre vie quotidienne, encore peu de chercheurs spécialisés dans la traduction se sont attardés à la traduction de paroles de chanson. Johan Franzon, auteur de nombreux articles sur la traduction de chansons de l’anglais vers le suédois, a soutenu une thèse de doctorat en 2009. Il présente un modèle d’analyse et de comparaison de trois traductions produites pour la comédie musicale My

Fair Lady (1956) : la première présentée en suédois, la deuxième en danois et la dernière en

norvégien. Son analyse explore trois défis rencontrés par les traducteurs de ces chansons : l’intégration d’un texte dans une musique existante, la prise en compte d’une éventuelle performance chantée et finalement, le rapprochement verbal du contenu de la langue-source. Cette thèse se rapprochant considérablement de notre sujet de maîtrise, il est intéressant d’y observer que Franzon considère que la traduction doit prendre en compte le

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fait qu’elle servira à une performance chantée, et donc, que les chansons doivent être traduites entre autres en fonction des difficultés prosodiques propres à chacune des langues dans laquelle l’œuvre est traduite.

Johanna Åkerström (2010) étudie, quant à elle, la traduction de trois comédies musicales écrites par Benny Andersson et Björn Ulvaeus. Dans son introduction, l’auteure fait référence aux contraintes culturelles imposées par les différents pays où la comédie musicale Mamma Mia (2002) a été traduite. On y retrouve quelques citations de Benny Andersson et Björn Ulvaeus parlant de leur expérience à l’égard de la traduction de leurs chansons originales et on y retrouve plusieurs statistiques en lien avec l’écart entre le nombre de syllabes dans la langue-source et dans la langue-cible, avec le pourcentage de traduction mot à mot ou avec le pourcentage de mots ajoutés ou supprimés dans chaque traduction. Bien qu’intéressant, ce travail ne partage pas du tout les objectifs du présent mémoire.

À notre connaissance, peu d’ouvrages traitent directement de la traduction de comédies musicales en français. Cependant, Alice Defacq a écrit une thèse de doctorat en littérature (2011) où elle étudie les difficultés d’adaptation pour la traduction de comédies musicales. Plus précisément, en se penchant principalement sur les principes de traduction, dont l’onomastique et l’hétérolinguisme, l’auteure se concentre sur la manière dont les livrets de comédies musicales sont traduits (analyse des référents culturels, changement des noms des personnages, adaptation des titres ou suppression des jeux de mots). Cependant, et somme toute en raison de sa discipline et de ses objectifs fixés (lesquels sont plutôt détachés des enjeux musicaux), Defacq ne fait qu’effleurer l’aspect musical en mentionnant brièvement les difficultés prosodiques liées à l’adaptation d’un texte chanté dans la langue cible. Notre travail se distinguera donc du sien, en raison du fait que nous concentrerons une grande part de nos recherches sur l’aspect musical en traduction de comédie musicale.

0.2.2.2 La traduction de chansons de l’anglais au français

Sans être un domaine où la recherche est florissante, la traduction de chansons de l’anglais au français a fait l’objet de certaines recherches. Sandria P. Bouliane (2013) étudie la pratique de traduction française de chansons populaires américaines dans les années 1920. Sa thèse de musicologie, qui étudie l’histoire des adaptations de chansons américaines au

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Québec, comporte un chapitre entier sur la traduction, les contraintes et les procédés de modification du sens des paroles traduites. Bien que non directement reliée à la comédie musicale, cette thèse met en évidence certains problèmes rencontrés par les traducteurs de chansons, tels que les contraintes imposées par la mélodie et l’obtention d’un texte qui puisse être chanté avec la même teneur communicative que le texte d’origine. Nous pourrons observer, dans le chapitre 4, que les traducteurs de comédie musicale font aussi face à ces problèmes.

Pour sa part, Perle Abbrugiati (2011), professeure et spécialiste en études italiennes, s’est penchée sur la comparaison de trois traductions de la chanson « Dans l’eau de la claire fontaine » de Georges Brassens. Dans son article, l’auteure constate que plus un traducteur aura de contraintes, plus son propre imaginaire sera libre, ce qui fait de la traduction destinée au chant une authentique réécriture. En effet, nous l’observerons dans le chapitre 2.

Bien que les deux prochains travaux ne soient pas reliés aux comédies musicales, ils sont toutefois très pertinents pour nos recherches. En effet, Isabelle Collombat, dans son article portant sur les traductions de negro spirituals par Marguerite Yourcenar (2003), se penche sur l’importance des niveaux de langage choisis par les traducteurs. Cet important aspect de la traduction est aussi le sujet principal d’un autre de ses articles intitulé « Traduire l’américanité : d’une francophonie à l’autre » (2009). Collombat soulève une question très pertinente concernant le sentiment d’agacement souvent ressenti au Québec face à la traduction argotique hexagonale qui semble être, pour les traducteurs français, la façon la plus juste de rendre la réalité culturelle nord-américaine. Nous aurons l’occasion d’observer cet aspect dans les prochaines lignes, car si plusieurs comédies musicales ont été traduites et produites en France, peu d’entre elles sont présentées au Québec.

0.2.2.3 La comédie musicale au Québec

À notre connaissance, un seul article fait directement référence à la comédie musicale au Québec (Vaïs, 2007). L’auteur propose des réflexions sur la place qu’occupe la comédie musicale au Québec, en se concentrant principalement sur les problèmes financiers engendrés par leur production, sans faire référence aux problèmes liés à la traduction de l’anglais au français. Enfin, le livre d’Isabelle Papieau (2010) traite exclusivement des

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spectacles musicaux de tradition française1, et ne mentionne donc pas la comédie musicale américaine au Québec : Papieau étudie plutôt les stratégies adoptées par les producteurs.

0.2.2 État de la création

Bien que peu d’ouvrages directement en lien avec notre sujet aient été écrits, à plusieurs reprises, au Québec, des traductions de comédies musicales ont été réalisées. L’un des traducteurs de comédie musicale les plus actifs au Québec est probablement Yves Morin (né en 1965). Détenteur d’une maîtrise en musique (spécialisation interprétation) de l’Université de Montréal (1991), Yves Morin est professeur au Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal. Il est aussi compositeur, directeur vocal, traducteur et adaptateur. À titre de traducteur, il produit des adaptations francophones de comédies musicales dans le cadre du Festival Juste pour rire ou en partenariat avec Denise Filiatrault : Cabaret (2003, 2013), Rent (2004), Un violon sur le toit (2009), La mélodie du

bonheur (2010), Une vie presque normale (2012), Chantons sous la pluie (2012), Hairspray (2013) et Grease (2015, 2016). Lorsqu’il agit à titre de traducteur-adaptateur,

Morin s’en tient à traduire le texte et les chansons, alors que la mise en scène est assurée par quelqu’un d’autre. Bien que cela ne découle pas seulement de ses choix personnels, il arrive que, dans certaines comédies musicales traduites par Morin, des chansons soient conservées dans leur langue d’origine si elles sont trop connues du public2. De plus, certaines comédies musicales qu’il a traduites ont été adaptées en version québécoise3. Bien qu’Yves Morin soit un excellent traducteur et que certaines de ses traductions nous aient inspirée, son travail est plutôt éloigné du nôtre, car la plupart de ses traductions sont en

1

Le spectacle musical à tradition française fait référence à une suite de tableaux musicaux accompagnés de chorégraphies, où les chansons sont conçues dans la logique des musiques dites populaires et où il n’y a que très peu, voire, aucun dialogue. Plusieurs spectacles musicaux créés par des Québécois suivent cette tradition. Par exemple : Notre-Dame de Paris, Don Juan, Roméo et

Juliette, Le petit prince.

2 Dans la comédie musicale Grease, traduite par Yves Morin, bien que les dialogues soient en français, seulement la moitié des chansons ont été traduites. Les autres chansons, telles que « You’re the One That I Want », « We Go Together », « Hopelessly Devoted To You » et quelques autres sont interprétées dans leur version originale anglaise. Il est à noter que dans ce cas-ci, ce choix n’est possiblement pas seulement celui du traducteur, mais celui de l’équipe artistique entière.

3 Dans les comédies musicales Rent, Une vie presque normale et Grease, on peut observer une variation diatopique du langage. En effet, les dialogues sont en « québécois » plutôt qu’en « français international », même si l’action ne prend pas part au Québec. Il est à noter que dans ce cas-ci, ce choix n’est possiblement pas uniquement celui du traducteur, mais celui de l’équipe artistique entière.

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français québécois, alors que nous penchons pour une traduction voyageant entre le français standard nord-américain et le français normatif international.

Une autre traductrice de comédie musicale qui se démarque au Québec est Joëlle Bond (née en 1985). Diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec (2008) et détentrice d’un baccalauréat en traduction de l’Université Laval (2015), Joëlle Bond travaille depuis comme comédienne, auteure dramatique et traductrice. À titre de traductrice, elle a assumé la création de plusieurs comédies musicales en français au Québec parmi lesquelles on retrouve Peter Pan (2010), Les quatre filles du Docteur March (2012), Wicked (2012),

Sweeney Todd (2014) et West Side Story (2015). Bien qu’elle ait à son actif moins de

traductions qu’Yves Morin et qu’elle ne possède aucune formation universitaire en musique, Bond se démarque par la qualité de ses traductions de chansons : elles sont proches des originales, tant en ce qui concerne la fidélité au rythme musical que celle du texte et les sonorités; et elles sont de plus naturelles à entendre4. Ce dernier aspect des traductions de Joëlle Bond nous inspire grandement, car elles sont très représentatives des versions originales. En effet, elles sont traduites librement, tout en étant fidèles, et elles conservent l’emplacement original des rimes.

Un troisième traducteur de comédies musicales a fait son apparition au cours de 2015 : Serge Postigo (né en1968), reconnu pour ses talents d’acteur et de metteur en scène. Même s’il n’a qu’une seule traduction à son actif, nous avons choisi de le mentionner dans notre état de la création puisqu’il a une particularité intéressante que les deux autres traducteurs n’avaient pas : dans la comédie musicale Mary Poppins (2016), il joue le double rôle de traducteur-adaptateur et de metteur en scène. De plus, bien qu’il traduise en respectant le sens global du spectacle, il se permet une certaine liberté d’adaptation, ce qui rend les chansons particulièrement « naturelles » en français. Il est donc celui dont le profil se rapproche le plus du nôtre. De plus, son approche de traduction partage des aspects de la nôtre : en plus de respecter l’emplacement original des rimes, Serge Postigo ne calque pas parfaitement le rythme musical de la mélodie originale anglophone. Il se permet de

4 L’auditeur connaissant les versions originales anglophones des comédies musicales traduites par Joëlle Bond arrive à trouver un sentiment de familiarité et de similitude entre l’originale et la traduction, ce qui rend le travail de Joëlle Bond très naturel à l’écoute.

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l’adapter en fonction de la prosodie française, tout en essayant de conserver au maximum les valeurs de notes de la version originale.

0.3 Problème, question de recherche et objectifs

Comme le suggèrent l’état de la recherche et celui de la création, bien que la traduction de comédie musicale soit une activité bien présente au Québec, on constate certaines lacunes en ce qui a trait à la recherche scientifique. En effet, jusqu’à ce jour, très peu de recherches ont été faites sur les défis de traduction rencontrés par les traducteurs-adaptateurs de comédie musicale. Bien que plusieurs adaptations de comédies musicales professionnelles aient vu le jour en France, elles n’ont malheureusement que très rarement traversé l’océan pour se rendre jusqu’au Québec. Les Québécois se retrouvent ainsi dans une position qui leur offre la possibilité de réutiliser les traductions et adaptations françaises, ou de créer leur propre version francophone. Dans l’optique de créer des spectacles qui attireront plus de spectateurs, les productions québécoises décident souvent de faire leurs propres adaptations5. Si le public américain est aussi fervent des comédies musicales, c’est somme toute en partie grâce à l’expérience que le public vit en y assistant. En effet, la traduction de livrets en théâtre musical remonte aux origines de l’opéra, plus précisément « peu après l’invention de l’opéra en 1600 » (Kaindl, 2004 : 44) et depuis cette époque, le désir de compréhension du spectacle est l’une des principales raisons qui ont déterminé le besoin de traduire les livrets : le public, bien souvent, « faisant fi des finasseries esthétiques […] veut “comprendre” » (Marschall, 2004 : 17). Durant le XIXe

siècle, la pratique de la traduction était chose courante : le public et le compositeur dramatique lui‐même considéraient que le livret « véhiculait un récit qui devait être compris » (Gouiffès, 2004 : 460). Anne-Marie Gouiffès précise que ce désir de compréhension était probablement lié à un rapport à l’opéra qu’elle définit comme étant « empreint de frivolité et de candeur » (ibid). Bref, l’opéra était encore à cette époque un « art vivant » qui n’avait pas encore atteint son actuel statut « d’objet de culture et de vénération » (ibib). Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle que l’on a cessé de recourir de manière régulière à la traduction et que l’on a commencé à privilégier les représentations en version originale.

5 La compagnie de productions Juste pour rire a présenté plusieurs comédies musicales qui étaient des adaptations québécoises (entre autres Mary Poppins (2016) et Grease (2015)) alors que leur production

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8

Comme on peut l’observer, le désir de compréhension du public à l’égard du spectacle auquel il assiste est une préoccupation qui remonte à plusieurs siècles. Or, comment le public francophone d’aujourd’hui peut-il espérer vivre pleinement cette expérience si, à tout moment, on passe d’une langue à l’autre? (En considérant que ce changement de langue semble ne pas être justifié dans le livret.)

Quels sont donc les défis reliés à la traduction et l’adaptation de comédies musicales de Broadway en contexte francophone québécois, et comment leur faire face? Dans ce contexte, notre objectif principal est d’identifier les enjeux et les défis reliés à la traduction ou à l’adaptation de comédies musicales américaines en contexte francophone québécois. Plus spécifiquement, il s’agira de :

 Saisir les enjeux théoriques reliés à la pratique de la traduction en vue de contribuer à l’avancement des connaissances dans le domaine de la comédie musicale;

 Comprendre les choix devant lesquels sont placés les traducteurs-adaptateurs de chansons dans le contexte d’une comédie musicale;

 Sur le plan de la création, adopter des réflexes de traduction qui nous permettront à l’avenir de faire face plus rapidement aux défis imposés par la traduction, et par le fait même;

 Comprendre les raisons qui motivent nos choix personnels dans nos propres traductions/adaptations de comédies musicales.

Pour atteindre nos objectifs, nous nous pencherons d’abord sur les aspects théoriques de la traduction afin de pouvoir ensuite les appliquer à notre pratique dans le contexte de trois comédies musicales et nous tenterons de cerner quels sont les défis linguistiques et extralinguistiques rencontrés en les faisant dialoguer avec les possibles contraintes imposées par les facteurs socioculturels, lesquels motivent l’adaptation ou la traduction de comédies musicales de Broadway en contexte québécois.

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9

0.4 Cadre théorique

La notion de « traduction » est ici comprise au sens d’Umberto Eco. Dans Dire presque la

même chose (2007), l’auteur nous apprend que la fidélité n’est pas la reprise du mot à mot,

mais du monde à monde. Les mots ouvrent des mondes et le traducteur se retrouve à devoir ouvrir le même monde que celui que l’auteur original a ouvert, mais à l’aide de mots différents. Les traducteurs ne sont pas des peseurs de mots, mais des peseurs d’âmes et lors de ce passage d’un monde à l’autre, tout est une affaire de négociation. Autrement dit, tout bon traducteur sait négocier avec les exigences du monde de départ afin d’obtenir, dans le monde d’arrivée, une traduction la plus fidèle possible, non pas à la lettre mais à l’esprit. D’où la raison pour laquelle traduire c’est « dire presque la même chose », tout en sachant qu’on ne dit jamais la même chose (Eco, 2007 : 8). Dire presque la même chose est un procédé qui se pose sous l’enseigne de la négociation. « [T]oute traduction présente une marge d’infidélité par rapport à un noyau de fidélité présumé, mais […] la décision sur la position du noyau et l’ampleur de la marge dépend des objectifs que s’est fixés le traducteur (ibid. : 16-17) ». Le traducteur doit faire une hypothèse sur le monde possible que le texte représente (ibid. : 51).

Dans le même ordre d’idées, Jean-René Ladmiral, traducteur et philosophe français, propose deux catégories de traducteurs : les « sourciers » et les « ciblistes ». Selon lui, les sourciers s’attachent au signifiant du texte-source à traduire, alors que les ciblistes entendent respecter le signifié (le sens et la valeur). Le premier type d’approche cherche donc à être aussi près que possible du texte-source, culturellement et linguistiquement. Quant à l’approche du second type, elle recherche une expression naturelle et vise à produire le même effet chez le public-cible qu’a pu avoir le message-source sur ses destinataires d’origine. Autrement dit, si l’on suit Eco, une traduction parfaite (donc à la manière des sourciers) n’est pas possible. Plutôt, nous avons tout lieu de penser qu’afin de parvenir à une traduction qui dise « presque la même chose », une traduction qui soit juste (qui rende donc justice au texte source tout en étant compréhensible et agréable pour le public de la langue cible), il faudrait adopter le mode de pensée cibliste : demeurer fidèle à l’esprit du texte source, tout en tenant compte de la langue et la culture pour lequel ce texte est traduit. Bien qu’à première vue l’approche cibliste nous semble la plus évidente à

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choisir, peut-on néanmoins tenir compte du fait que dans certains contextes, l’approche des sourciers a sa place et qu’au final, une bonne traduction résulte probablement d’un équilibre entre ces deux approches? Comment alors faire dialoguer les contraintes linguistiques et extralinguistiques au moment de la traduction?

0.5 Méthode de recherche-création

Dans un premier temps, nous produirons la traduction de trois comédies musicales ayant des chansons à vocation différentes : une à vocation « musicocentrique », une autre à vocation « logocentrique», et finalement, une dernière mélangeant ces deux fonctions. Bien que ces deux termes seront expliqué lors du chapitre 3, précisons que la chanson à vocation « musicocentrique » valorise davantage la musique plutôt que les paroles (Gorlée, 1997 : 237) et que ses propos ne font pas avancer l’histoire ou le temps. Quant à la chanson « logocentrique », elle est axée sur le discours (Low, 2013 : 237) et elle fait avancer le temps, évoluer l’histoire et les informations dévoilées durant celle-ci ne sont pas nécessairement répétées dans les dialogues qui la précèdent ou qui la suivent.

À la suite de ces traductions, nous tenterons d’observer si nos approches de traduction se rapprochent plus de celle des ciblistes ou des sourciers, et si ces approches diffèrent en fonction du type de chansons à traduire (musicocentrique ou logocentrique). Pour l’avoir en partie expérimenté, nous pensons que l’approche cibliste est la plus adaptée à notre travail, car elle est pensée en fonction du public-cible à satisfaire, plutôt qu’en fonction du texte-source à respecter. Cependant, notre objectif est de tenter de comprendre le travail mené par des traducteurs spécialistes du domaine, les choix qu’ils opèrent (cibliste ou soucier) et les raisons qui les motivent sur la base de nos propres traductions/adaptations. Ainsi, nous mènerons la recherche-création en deux temps :

1- Récolte des données : nous expérimenterons la traduction de trois comédies musicales. Une première où les chansons sont à vocation musicocentrique, une deuxième à vocation logocentrique et une dernière qui se situe entre ces deux pôles. Ensuite, nous observerons les approches de traductions utilisées en France dans les spectacles Mamma Mia (2011) et

Le bal des vampires (2015), et nous observerons s’il y a, dans ces comédies musicales, des

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Enfin, nous identifierons les défis de traduction et d’adaptation auxquels nous avons fait face lors de la traduction d’un spectacle avec une majorité de chansons à vocation musicocentrique, d’un autre spectacle où les chansons sont majoritairement à vocation logocentrique et d’un dernier où les chansons sont à la fois musicocentrique et logocentrique. Cette variété de sources et de types de données permettra d’élargir le spectre des problèmes de traduction que l’on peut rencontrer.

2- Analyse des données : Une fois nos propres traductions faites et après avoir identifié l’approche de traduction à laquelle notre travail se rapproche le plus, nous pourrons, en adoptant une approche critique de notre propre travail, analyser les méthodes que nous aurons utilisées.

À ce stade-ci de nos études, les résultats obtenus nous donneront un aperçu clair d’une situation que nous essayons de mieux comprendre et d’expérimenter. Les résultats obtenus nous permettront de mettre en application ces observations dans les prochaines adaptations de comédies musicales que nous réaliserons.

0.6 Présentation des parties du mémoire

Le premier chapitre sera consacré à la comédie musicale au Québec. Plus précisément, il sera question de bien définir la terminologie francophone attribuée au mot anglophone

musical, ce qui nous permettra, en outre, de mieux comprendre l’emprise décisionnelle que

les grandes compagnies octroyant les droits de représentations ont sur les traducteurs lorsqu’il est temps de traduire une comédie musicale : donnent-elles libre cours aux traducteurs ou bien imposent-elles des restrictions de traduction? Ces questions nous permettront ainsi d’observer la réalité des traducteurs de comédie musicale au Québec. Le deuxième chapitre s’intéressera à la traduction et à l’adaptation, ce qui nous amènera à possiblement évoquer une dichotomie entre les deux termes. Les notions de traduction des « ciblistes et sourciers », ainsi proposées par le traducteur Jean-René Ladmiral, seront également réévaluées, puisqu’une partie des analyses à venir s’appuieront sur elles. Le troisième chapitre concernera les différentes vocations des chansons. Nous avons retenu et défini deux types de vocations s’appliquant aux chansons de comédie musicale : la chanson musicocentrique et la chanson logocentrique. L’identification et la définition plus élaborée

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de ces deux vocations nous permettront de voir si les défis rencontrés par les traducteurs sont présents dans les deux types de chanson, ou si certains d’entre eux n’apparaissent que dans un seul type de chanson. Enfin, le quatrième chapitre sera consacré à l’analyse de dix différents défis de traduction rencontrés lors de la traduction de Sister Act, Blonde et légale et Le chanteur de noces. Les paramètres observés seront divisés en deux catégories : tout d’abord les défis linguistiques, et finalement, les défis extralinguistiques.

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Chapitre 1 : La comédie musicale au Québec

1.1 Terminologie

1.1.1 Introduction

Le monde de la comédie musicale connaît présentement une croissance importante au Québec. Cet art n’est pas nouveau, car le genre en question existe depuis plus d’un siècle aux États-Unis et depuis plusieurs décennies au Québec. Cependant, de plus en plus d’écoles offrent des programmes scolaires spécialisés en comédie musicale, ce qui indique une reconnaissance croissante de ce genre et de son importance sociale et culturelle. Malgré cet engouement pour la comédie musicale, la population a encore une certaine difficulté à l’apprécier. Cette réticence est possiblement causée en partie par une ignorance vis-à-vis de ce qu’est réellement la comédie musicale. Le terme francophone étant plutôt vague, il peut être confondu avec d’autres types d’arts de la même lignée. En anglais, le terme utilisé est simple : musical (terme utilisé depuis le XXe siècle qui a lui-même remplacé l’expression plus ancienne musical theater) (Preston 2008 : 18). Le terme a été traduit de multiples façons en français et au fil du temps, une légère confusion s’est installée. Parle-t-on d’un théâtre musical, d’une comédie musicale, d’un spectacle musical, d’un opéra-rock, d’un musical ou d’un music-hall? Toutes ces expressions peuvent nous amener à nous demander si elles signifient toutes la même chose ou bien si elles font référence à des genres de spectacles ayant chacun leurs particularités. C’est pourquoi, dans ce chapitre, nous aimerions arriver à trouver un équivalent terminologique pertinent du mot anglais musical, un terme qui décrirait exactement ce qu’est le musical de Broadway, qui ferait consensus et ne porterait pas à confusion.

Concernant la terminologie utilisée en français pour décrire le terme musical, très peu d’auteurs ont traité de ce sujet. En effet, certains auteurs comme Michel Chion (2002) ou Richard Cyr (Vaïs, 2007) parleront exclusivement de comédie musicale et alors que d’autres, comme Estelle Esse (ibid), ne parleront que de théâtre musical. Jusqu’à présent, personne ne semble s’être interrogé sur le terme qui serait le plus approprié entre comédie

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Ce qui semble manquer dans les ouvrages référencés est l’explication de la démarcation entre l’apparition de la comédie musicale et l’apparition du théâtre musical en contexte francophone. Il va de soi que l’apparition du musical est plutôt claire lorsqu’on lit des ouvrages en anglais6 étant donné que la seule terminologie utilisée est musical. Cependant, dans les ouvrages francophones7, la terminologie est tellement non-officielle que quelquefois, on parle de l’apparition de la comédie musicale et d’autres fois, on parle de l’apparition du théâtre musical. Et aucun auteur ne semble s’être demandé si ces deux termes signifient la même chose, ou bien s’ils représentent deux genres bien distincts l’un de l’autre. Sans terminologie exacte, il est difficile en contexte francophone de savoir exactement de quoi il retourne. Nous chercherons donc à établir une terminologie qui, à notre sens, sera claire et saura représenter exactement ce qu’est le musical typique de Broadway. Pour le moment, nous comprenons que « […] la comédie musicale, [est la] sœur de l’opérette française, via l’Angleterre » (Oster & Vermeil, 2008 : 9).

Puisque la comédie musicale était donc, au départ, de tradition purement anglaise, cela pourrait expliquer pourquoi, au Québec et en France, on classe les œuvres du genre créées en terre francophone comme étant des spectacles musicaux ou des opéras-rock, ce qui nous semble être l’une des raisons pour lesquelles la terminologie du terme musical est, dans ce contexte, si floue. Une autre hypothèse serait que, par besoin d’identification, les francophones préfèrent utiliser des termes différents afin de se démarquer, mais aucune recherche n’a, à notre connaissance, été menée en ce sens pour permettre de valider ces pistes. De fait, comment établir une terminologie qui puisse rendre compte de la spécificité de la tradition francophone tout en tenant compte de la pratique telle qu’elle est comprise dans le monde anglophone? Nous essaierons donc de comprendre à quel moment dans l’histoire la comédie musicale et le théâtre musical sont apparus, en retraçant la chronologie des évènements, à partir des premières traces de théâtre s’associant à la musique. Ensuite, nous nous questionnerons sur l’utilisation du mot « comédie » dans le terme comédie

musicale, pour mieux comprendre son utilisation.

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Voir Mates (1985), Kislan (1995), Everett & Laird (2008), Preston (2008) et Koblick (2010) 7 Voir Rostain (1986 et 1987), Chion (2002), Vaïs (2007), Oster & Vermail (2008) et Papieau (2010).

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1.1.2 Les premières manifestations de la comédie musicale

À l’aide de différents ouvrages sur l’histoire du théâtre musical8, il m’a été possible de retracer les premières manifestations du théâtre musical en Amérique. Cette reconstitution chronologique m’a permis d’y voir plus clair quant à la provenance de cet art que nous nommerons pour le moment « le musical de Broadway d’aujourd’hui ». Apparu au XVIIIe siècle, le terme « théâtre musical » constituait une catégorie générale, composée de sous-genres tels que l’opéra, les pantomimes, le mélodrame, les ménestrels ou encore l’extravaganza. Les différentes formes de musicals appréciées par les Américains entre le XVIIIe et le XIXe siècle se sont développées en s’influençant mutuellement.

La première trace d’activité théâtrale aux États-Unis remonte en 1735 (Preston, 2008), avec le premier opéra anglophone monté en Amérique, l’opéra-ballade Flora, or, Hob in the

Wall. Par la suite, la première troupe permanente a été la Company of Comedians de Lewis

Hallam, arrivée de Londres en 1752. Plus tard, celle-ci se renomma The American

Company. Cette compagnie voyagea de ville en ville durant la moitié du XVIIIe siècle. Par la suite, des théâtres furent construits dans les grandes villes afin d’accueillir les troupes et leurs spectacles. Les troupes de théâtre actives qui faisaient des tournées en Amérique étaient des extensions transatlantiques du circuit théâtral de Grande-Bretagne; les théâtres américains faisaient essentiellement partie de la sphère culturelle de Londres.

Au cours des années 1790, la vie théâtrale américaine a subi d’importants changements. Les zones urbaines étaient désormais suffisamment grandes pour permettre la mise en place de théâtres permanents où des troupes pourraient être en résidence. Les théâtres pouvaient alors offrir des emplois à long terme aux musiciens, ce qui attira en Amérique de nombreux musiciens européens. L’historien Julian Mates (1985) explique qu’au début du XIXe siècle, au moins la moitié du répertoire de la scène américaine se rapprochait du musical. Chaque théâtre avait son orchestre et les soirées typiques étaient constituées d’un pot-pourri de performances, dont une grande partie nécessitait l’accompagnement d’un orchestre. À cette époque, le pourcentage de musique dans une œuvre théâtrale était important. C’est pourquoi, durant cette période, les termes « théâtre » et « théâtre musical » étaient synonymes. À la fin du XVIIIe siècle, le mélodrame (introduit en Angleterre par la France)

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fit partie intégrante du théâtre américain. Il deviendra l’une des formes dominantes de théâtre musical au cours du XIXe siècle.

Dans les premières décennies du XIXe siècle, le vedettariat fut introduit en Amérique par les Anglais : une célébrité anglaise visitait différents théâtres afin d’y jouer le rôle principal, accompagnée par la troupe résidente du théâtre en question. À cette époque, le théâtre américain s’appuyait encore sur le répertoire joué à Londres. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, le mélodrame commença à faire son apparition au début de ce siècle. Il deviendra le genre dramatique et musical le plus important et le plus populaire en Amérique durant ce siècle. D’origine française, le mélodrame utilise de courts passages musicaux afin d’amplifier l’incidence émotionnelle, soit en alternance avec les dialogues, soit comme musique de fond sous les dialogues. Le mélodrame s’inspirait aussi de la pantomime, la musique y accompagnant les actions. Dès 1850, les différentes techniques d’alternance entre la musique et les dialogues amenèrent des façons plus spécifiques d’utiliser la musique au théâtre : on s’en servait maintenant pour attirer l’attention du public ou pour accentuer l’impact émotionnel d’une scène lorsque les dialogues seuls étaient inadéquats ou lorsque des scènes étaient concrètement impossibles à reproduire (comme des scènes de combat). C’est à cette époque que le mélodrame cessera de faire référence à une simple technique et qu’il deviendra un genre particulier de drame.

Vers 1843 apparaît le genre ménestrel, développement musicothéâtral le plus important de la période d’avant-guerre. Il deviendra rapidement un rival du mélodrame en popularité (Cockrell, 1997). Les troupes de ménestrels rejoindront rapidement les autres spécialités du théâtre musical en attirant un public de diverses classes sociales et économiques. Le spectacle de ménestrels consiste en une variété d’éléments du théâtre américain populaire incluant la danse et le chant, appuyé par une focalisation sur le burlesque, qui était un élément essentiel de l’humour américain de l’époque.

Durant les années 1840 et 1850, les frères Ravel arrivèrent en Amérique avec un spectacle particulier, qui combinait la virtuosité physique et les machineries de scène sophistiquées avec le récit visuel de la pantomime mélangé avec le ballet et les talents de gymnastique (Adel Schneider, 1979). Les prouesses physiques de ce genre de spectacle impressionnèrent le public américain. Cette combinaison de virtuosité physique avec la pantomime narrative,

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17

les décors et les machineries de scène évoluera en une forme qui sera plus tard appelée le « spectacle » ou « l’extravaganza ».

Le théâtre américain burlesque du début du XIXe siècle était une production dramatique à nature satirique et humoristique (ce n’est que plus tard que la forme burlesque deviendra un spectacle de variétés avec « strip-tease » comme principale composante). Vers le milieu du XIXe siècle, la forme burlesque a adopté quelques caractéristiques de l’extravaganza telles qu’un humour présenté par des calembours et des jeux de mots humoristiques pleins de double sens. À cette période, le spectacle burlesque commençait à introduire de plus en plus de musique. Cette forme de théâtre devint rapidement populaire en raison des sujets traités : les blagues sur les immigrants allemands ou irlandais et les Africains-Américains étaient des sujets faisant partie de l’humour américain (Preston, 2008 : 15).

À la lumière de ces éléments, on comprend alors que le théâtre musical, sous toutes ses formes, était partie prenante de la vie des Américains. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, tous les styles mentionnés plus tôt (burlesque, ménestrels, opéra, mélodrame, pantomime, danse et pièces de théâtre avec chansons) ont continué d’être diffusés, mais ils se sont aussi transformés et influencés entre eux. De nouveaux styles sont aussi apparus à cette époque (l’opérette, la farce-comédie, le spectacle-extravaganza ainsi qu’une expansion de variété.) Les troupes itinérantes de théâtre musical partaient maintenant en tournée dans tous les États-Unis. En plus de la confusion dans les formes de théâtre musical qui ne cessèrent d’apparaître, une imprécision de la terminologie fit surface : un même spectacle pouvait être appelé une farce-comédie9, une revue10 ou un spectacle. Il faut se dire que de nombreux spectacles présentaient les caractéristiques de nombreuses catégories. C’est donc à partir de cette époque que les formes de spectacles, ainsi que leur terminologie, devinrent confuses : la fusion de toutes ces formes ensemble engendrait de nouveaux genres de spectacle ayant quelques ressemblances communes tout en étant différents.

9 Petite pièce comique populaire très simple [découlant du style burlesque] où dominent les jeux de scènes. (Robert, Rey-Debove & Rey, 2010 : 1012) et genre théâtral découlant du style burlesque, qui a pour but de faire rire et qui a des caractéristiques grossières. (Faivre, 1997)

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Spectacle comique ou satirique évoquant des événements de l’actualité, des personnages connus. (Larousse, 2001 : 891)

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18

La première utilisation du terme anglophone musical comedy date de cette époque. Le spectacle Evangeline; or the Belle of Acadie est un très bon exemple d’enrichissement mutuel des différents sous-genres du théâtre musical : un spectacle élaboré avec des décors, des costumes, des machineries de scène (telles qu’une montgolfière). Au burlesque, on emprunte des rimes et des jeux de mots, des références à l’actualité. Du spectacle de variétés ainsi que du spectacle de ménestrels, on retrouve des sketches, des gags. De l’opéra-comique, on a emprunté les dialogues parlés, une intrigue romantique, un recueil musical de chansons, des danses, un ensemble de numéros et un chœur. Plusieurs éléments du mélodrame et de la pantomime s’y retrouvent aussi. Avec ce spectacle, on comprend que les premières comédies musicales étaient un amalgame de différents types de spectacles.

Un autre genre de spectacle a eu un immense impact sur le musical du XXe siècle. En effet, la scène de vaudeville a accueilli un nouveau genre d’amusement nommé the revue. La revue, style déjà populaire à Paris, fut présentée à New York vers 1890. La première revue américaine à connaître un succès se nomme The Passing Show (1894). Ce spectacle combinait l’extravaganza et le burlesque satirique avec le ménestrel, la danse et un chœur de femmes légèrement vêtues. En résumé, c’était un spectacle de variétés dans le meilleur de la tradition américaine.

En résumé, dans le XVIIIe et le XIXe siècle, le théâtre faisait beaucoup plus partie intégrante de la vie des Américains que de nos jours. Des éléments de la scène se sont intégrés à la vie américaine de cette période. Les Américains connaissaient les chansons des opéras et des spectacles de variétés, jouaient des arrangements de comédies musicales sur leur piano personnel, montaient des productions amateurs d’opérettes, allaient écouter la fanfare municipale jouer des arrangements tirés de la musique des opéras, opérettes et spectacle de variétés (Preston, 2008). De nombreux Américains, de statuts sociaux ou économiques différents, assistaient régulièrement aux performances musicothéâtrales. Depuis, le théâtre musical américain a continué de se transformer grâce à une riche et précieuse tradition d’entrecroisement mutuel de ses sous-genres. C’est précisément cet échange et ce jeu de forme entre les genres du théâtre musical qui permet de comprendre le développement de la comédie musicale américaine.

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19

1.1.3 Vers une dénomination juste de la comédie musicale

Selon les différentes définitions du terme « comédie musicale » que l’on retrouve autant sur Internet que dans les livres ou les dictionnaires, un aspect est commun aux différentes définitions : c’est un genre théâtral mêlant comédie, chant et danse. De nos jours, on se demande si l’utilisation de la terminologie « comédie » musicale est juste pour représenter le terme anglophone musical, car tous les musicals de Broadway ne sont pas nécessairement comiques. Or, il s’agit d’une condition sine qua non.

En effet, à tort ou à raison, le mot comédie est synonyme d’humour. Si l’on prend, par exemple, les genres cinématographiques, un film humoristique se retrouvera dans la catégorie « comédie », alors qu’un film à l’histoire tragique se trouvera dans la catégorie « drame ». Toutefois, une comédie dramatique pourrait se retrouver dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Si l’on se fie à cette logique que nous utilisons pour classifier les genres de films, il en irait de même pour les spectacles musicaux. Une pièce de théâtre musical humoristique serait une comédie musicale et une pièce de théâtre musical dramatique serait un drame musical ou une tragédie musicale. Cependant, comprenons-nous réellement le vrai sens du terme « comédie » dans l’appellation comédie musicale? Si l’on regarde la première définition du mot comédie d’après le dictionnaire le Petit Robert

2017, cela signifie « spectacle de théâtre, de cinéma où se mêlent la musique, le chant, la

danse et un texte sur une base narrative suivie (à la différence du music-hall) ». On pourrait alors en déduire qu’une comédie musicale, lorsque présentée sur scène, est une pièce de théâtre musicale.

La deuxième définition du dictionnaire le Petit Robert 2017 est : « Pièce de théâtre ayant pour but de divertir en représentant les travers, les ridicules des caractères et des mœurs d’une société ». D’après cette deuxième définition plus moderne du terme comédie, une comédie musicale devrait être une pièce de théâtre musicale qui soit divertissante. Plus loin dans les définitions du même mot, on retrouve une précision sur le terme comédie

musicale : « Spectacle de théâtre, de cinéma où se mêlent la musique, le chant, la danse et

un texte sur une base narrative suivie (à la différence du music-hall). » Dans cette définition précise de la comédie musicale, il n’est pas question d’humour. On précise que contrairement au music-hall (qui est un spectacle de variétés comportant plusieurs numéros

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qui s’enchaînent), la comédie musicale doit suivre un fil narratif. Dans le dictionnaire le

Petit Larousse 2015, le mot comédie est défini ainsi : « Pièce de théâtre, film destiné à

provoquer le rire par la peinture des mœurs, des caractères, ou la succession de situations inattendues. » Le Petit Larousse donne aussi une définition précise du terme comédie musicale : « Genre de spectacle où alternent des scènes dansées et chantées, textes parlés et musique. » Quant au Grand dictionnaire terminologique de l’office québécois de la langue française, il définit le terme ainsi : « Pièce de théâtre où de nombreux numéros de chant, de musique et de danse cohabitent avec le dialogue pour faire progresser une intrigue. »

En résumé, ni dans le Petit Larousse, ni dans le Petit Robert, ou même dans le Grand

dictionnaire terminologique de l’office québécois de la langue française la comédie

musicale désigne un spectacle comique ou humoristique. Donc, on peut en conclure, d’après ces définitions, que la comédie musicale renvoie à un genre de spectacle mélangeant théâtre, chant, danse et musique, le tout basé sur une trame narrative. Malgré les apparences, la comédie n’est pas systématiquement axée sur le registre comique, même si la majorité de ce que l’on classe comme « comédie » l’est. Par exemple, la comédie larmoyante n’a absolument rien d’humoristique. Cependant, elle fonctionne comme une comédie, par le biais de caractéristiques classiques telles que la fin heureuse. Or, l’utilisation du mot « comédie » dans une terminologie telle que « comédie larmoyante » ou « comédie musicale » ne signifie pas obligatoirement une référence à un genre comique. À la lueur de ces précisions, l’utilisation de la terminologie « comédie musicale » comme traduction au terme anglophone musical semble, pour le moment, être toujours possible, malgré cette ambiguïté qu’entraîne le mot « comédie ».

1.1.4 Qu’en est-il du théâtre musical?

L’appellation « théâtre musical » serait-elle une alternative à l’appellation « comédie musicale »? Malgré tous les noms francophones possibles associés au terme anglophone

musical, les deux termes en tête de liste restent toujours théâtre musical et comédie musicale. À travers les divers ouvrages et articles que nous avons lus, lorsqu’il était

question du musical de Broadway, on utilisait l’un ou l’autre des termes mentionnés précédemment. Par conséquent, on pourrait en conclure qu’il n’est plus nécessaire de

Figure

Tableau 2 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Pop » (traduction sourcière)
Tableau 3 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Pop » (traduction cibliste)
Tableau 5 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « I Could Be That Guy » 48
Tableau 6 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « The Life I Never Led »
+4

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