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Chapitre 1 : La comédie musicale au Québec

1.1 Terminologie

1.1.4 Qu’en est-il du théâtre musical?

L’appellation « théâtre musical » serait-elle une alternative à l’appellation « comédie musicale »? Malgré tous les noms francophones possibles associés au terme anglophone

musical, les deux termes en tête de liste restent toujours théâtre musical et comédie musicale. À travers les divers ouvrages et articles que nous avons lus, lorsqu’il était

question du musical de Broadway, on utilisait l’un ou l’autre des termes mentionnés précédemment. Par conséquent, on pourrait en conclure qu’il n’est plus nécessaire de

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trouver un terme idéal pour redéfinir la traduction francophone de musical, mais plutôt de savoir lequel de ses deux termes le traduit le mieux. Théâtre musical ou comédie musicale?

Rostain (1986) évoque la rivalité entre l’institution lyrique (l’opéra) et le théâtre musical. Il en vient aussi à se demander si cette délimitation entre l’institution lyrique et le théâtre musical est justifiée :

Une image floue et fragile entoure toujours d’un halo rébarbatif l’appellation même de « théâtre musical ». […] Que vise-t-on en effet lorsqu’on défend ou lorsqu’on attaque le théâtre musical? En réalité, rien d’autre qu’un conglomérat parfaitement hétéroclite de styles d’écritures musicales très différentes les unes des autres, un agrégat d’idéologies dramaturgiques, d’esthétiques de mise en scène, de pratiques institutionnelles souvent très éloignées les unes des autres… Tant et si bien que lorsqu’on désigne le théâtre musical on ne désigne rien de précis, bien au contraire. […] Il faut admettre le fait que l’expression théâtre musical ne désigne ni un genre, ni un mouvement esthétique, ni un groupe artistique militant, mais qu’elle ne sert en fait qu’en tant que système provisoire de repérage (en distinguant de l’institution lyrique). (Rostain, 1986 : 2)

En d’autres termes, Rostain semble tenir à ce que le théâtre musical et l’opéra soient deux choses bien distinctes l’une de l’autre. Dans un autre article (Rostain, 1987), il en vient à se demander si le théâtre musical est un genre et se demande comment nommer les spectacles musicaux qui ne sont pas de l’opéra. Il en arrive à deux conclusions possibles :

Ou bien l’on entend par Théâtre Musical TOUT ce qui est création lyrique contemporaine, toute œuvre musicale destinée au spectacle dramatique. Et dans ce cas- là, en n’employant plus le mot Opéra, on veut clairement marquer une coupure entre le passé lyrique et le présent. Ou bien l’on veut différencier esthétiquement ce qui serait l’Opéra Contemporain du Théâtre Musical Contemporain. Mais on court alors le risque d’avoir à multiplier les catégories, et de devoir ajouter à Opéra et à Théâtre Musical autant de concepts (Théâtre instrumental, spectacle musical, Opéra de poche, etc.) autant de désignations que le désireront les compositeurs, lorsqu’ils ne se reconnaîtront pas dans ce qui existe, ou lorsqu’ils voudront à leur tour s’en différencier. (Rostain, 1987 : 2)

Rostain n’est pas le seul à se demander si l’opéra et le théâtre musical font partie du même genre artistique :

What is musical theater? Is it merely drama into which songs and other music have been interpolated? Is it opera on a smaller scale, with perhaps a smaller musical reach?

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Is it a hybrid of these two, or a genre that needs to be considered independently of others?11 (Koblick, 2010 : 2)

Rostain évoque son propre point de vue quant à la terminologie :

[…] tout dépend dans cette querelle de mots, du point de vue où l’on se place. Est-ce du Théâtre Musical? Est-ce de l’Opéra? Tout dépend de qui pose la question, ou de la position de qui y répondra. (Rostain, 1987 : 2)

Dans une entrevue avec le musicologue et historien français Guy Erismann, ce dernier donne sa propre définition du théâtre musical :

Le théâtre musical, c’est du théâtre. Du théâtre qui a récupéré la musique, qui a récupéré la totalité des modes d’expression et qui en fin de compte est du théâtre dramatique qui a retrouvé la musique comme il y a trois siècles, tout simplement. Dans ma définition du terme théâtre musical, je donne la priorité à théâtre, absolument. MAIS!... la musique en est le moteur essentiel! […] Dans les origines du théâtre, il y avait la musique. […] Chez les Grecs et même jusqu’à Monteverdi, on ne concevait pas du tout le théâtre sans la musique. Et c’est un théâtre très ouvert parce que chaque compositeur et surtout chaque rencontre de créateurs donne une forme différente. (Erismann, 1978)12

Ce qu’il y a d’intéressant dans les propos de Guy Erismann, c’est qu’il ne cherche pas à faire une différence entre le théâtre musical d’antan (chez les Grecs, par exemple) et le théâtre musical d’aujourd’hui. De nos jours, nous avons tendance à inventer de nouvelles catégories13 à chaque fois qu’un spectacle démontre des caractéristiques particulières et unique. C’est ce que l’auteur semble vouloir éviter. Erismann ne développe cependant pas sur son dernier commentaire : « […] chaque rencontre de créateur donne une forme différente. » Ce que le musicologue semble vouloir dire, c’est que chaque spectacle aura sa propre forme, mais que cependant, quelles que soient les différences, cela restera du théâtre musical.

11 « Qu’est-ce que le théâtre musical? Est-ce simplement une pièce de théâtre où la musique et les chansons ont été interpolées? Est-ce un opéra à plus petite échelle avec une portée musicale plus petite? Est-ce un hybride de ces deux formes ou bien est-ce un genre qui doit être considéré indépendamment des autres? »

12http://www.ina.fr/video/I04365737

13 Par exemple, le la production québécoise de Sweeney Todd à Québec en 2014 était appelée un thriller musical. La production québécoise de Don Juan, présentée en 2012, était appelée un spectacle musical, alors que Starmania (1978) était un opéra-rock.

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Dans un court reportage sur l’adaptation québécoise du musical intitulé Next to Normal, Denise Filiatrault donne son avis sur l’utilisation du terme comédie musicale lorsqu’il s’agit d’une pièce à caractère non humoristique :

On peut appeler ça du théâtre musical plus que de la comédie musicale. Bien sûr qu’en anglais, it’s a musical. En français, on dit une comédie musicale mais y’a rien de comique là-dedans. Enfin, il y a de l’humour… Mais c’est une pièce très, très, très touchante. (Filiatrault, 2012)14

Ainsi, un metteur en scène tel que Filiatrault (qui proviendrait du milieu du théâtre et qui monterait une comédie musicale) pourrait risquer de mettre l’accent sur le côté théâtral de sa création. Donc, son bagage professionnel et ses expériences passées influenceraient la perspective de son propre travail. Cet artiste pourrait être porté à dire qu’il ou elle fait du théâtre musical étant donné que sa production met l’accent sur le côté théâtral, malgré la présence de chansons dans le spectacle.

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