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3.3.3 Les expressions idiomatiques

Les expressions idiomatiques, aussi appelées idiotismes, sont des expressions propres à une langue. Généralement assez imagées, ces expressions prennent parfois la forme de métaphores. Bien qu’il existe des équivalents francophones pour la majorité des expressions idiomatiques anglophones, les idiotismes ne peuvent pas se traduire mot à mot et il arrive que certains d’entre eux soient carrément intraduisibles. La traduction de ces expressions est alors un des défis les plus difficiles à surmonter pour le traducteur- adaptateur. Lors de la traduction de nos comédies musicales, nous avons observé deux difficultés auxquelles nous avons souvent fait face lorsque nous avons croisé des expressions idiomatiques :

1. Il n’est pas rare de tomber sur un idiotisme qui ne possède pas d’équivalent francophone.

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2. Souvent, la traduction d’une expression idiomatique nécessite en français beaucoup plus de mots et de syllabes que l’expression originale en anglais (en traduction de chansons, cette particularité pose problème, car la traduction est entièrement contrainte par une restriction rythmique).

Conscient que l’équivalent francophone des expressions idiomatiques anglophones n’a pas toujours le même nombre de syllabes, le traducteur-adaptateur fait souvent face à un dilemme : garder le sens original de l’expression (et traduire par un autre idiotisme) en ne respectant pas nécessairement le nombre de syllabes imposé par le rythme musical original, ou ne pas tout à fait respecter le sens, mais conserver le nombre de syllabes et le rythme musical original. C’est ce que nous avons observé lors de la traduction de la chanson « Pop », extraite de la comédie musicale Le chanteur de noces (2015). Dans cet exemple, l’expression idiomatique est « Pop the question » et elle possède un équivalent francophone. En effet, elle peut être traduite par « Faire la grande demande ». Si l’on tentait de faire une traduction à la manière des sourciers, on voudrait probablement respecter la signification de « Pop the question ». Alors, on obtiendrait possiblement une version semblable à celle-là :

Tableau 2 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Pop » (traduction sourcière) Pop

(Version anglophone originale)

Il fera sa demande

(Traduction à la manière des sourciers) Holly et Angie

He’s gonna pop! He’s gonna pop! The question!

Julia

He’ll never pop. He’ll never pop the question! Holly et Angie Il te fera Il te fera Pas sa demande! Julia

Il n’la f’ra pas. Il ne f’ra pas sa demande!

Holly et Angie

So there’s no reason to stop And question his love.

Oh, pop the question!

Holly et Angie

Tu n’devrais jamais douter de ses intentions. Il f’ra sa demande!

Bien que cette traduction respecte le sens de l’expression, ainsi que le nombre de syllabes imposé par le rythme musical original, elle ne respecte pas la structure de la phrase, qui voudrait que le mot remplaçant « pop » soit toujours au même endroit, et par le fait même, on ne respecte pas non plus les rimes entre « pop » et « stop ». Nous avons décidé de

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remplacer l’expression « Pop the question » par « Oui je le veux »46. Bien qu’au premier regard, ce choix linguistique semble très éloigné de l’original, il nous semblait plutôt judicieux. En effet, au final le public comprendra le même message que dans la langue originale, mais simplement dit d’une autre manière :

• En anglais, on parlera du copain qui fera sûrement sa demande à Julia.

• En français, on parlera de Julia qui aura sûrement l’occasion de dire oui à la demande de son copain.

Tableau 3 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Pop » (traduction cibliste) Pop

(Version anglophone originale)

Oui

(Notre traduction) Holly et Angie

He’s gonna pop! He’s gonna pop! The question!

Julia

He’ll never pop. He’ll never pop the question! Holly et Angie Tu diras oui! Tu diras oui! « Oui, je le veux! » Julia

J’aim’rais dire oui. J’aim’rais tant dire « Oui, je le veux! »

Holly et Angie

So there’s no reason to stop And question his love Oh, pop the question!

Holly et Angie

Tu n’devrais jamais douter de ses intentions Dis « Oui, je le veux! »

Dans cet exemple, nous avons eu recours à une traduction par modulation. Avec cette proposition, le mot « oui » arrive exactement à la même place que « pop ». Grâce à ce remplacement d’expression, nous arrivons donc à respecter la structure de phrase proposée en anglais. Cependant, nous n’avons malheureusement pas réussi à sauver la rime entre « pop » et « stop », et nous avons dû ajouter une note lors du passage de « He’ll never pop the question » vers « J’aim’rais tant dire oui, je le veux ». Étant donné l’importance de l’expression, qui est répétée plusieurs fois dans la chanson, il nous semblait moins grave de sacrifier une seule rime et d’y ajouter une note (précisons que cet ajout n’altère pas la chantabilité et que toutes les autres rimes de la chanson ont été conservées).

46 Cet exemple réfère à un procédé de traduction vu dans le deuxième chapitre : la traduction par modulation. C’est une variation dans le message qui implique un changement de point de vue, afin de favoriser le passage d’une langue à l’autre.

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Lors de l’analyse de nos propres traductions, nous avons constaté que nous adoptions les comportements de traduction suivants vis-à-vis des expressions idiomatiques : lorsqu’une expression n’apparaissait qu’une fois dans une chanson et qu’elle ne se traduisait pas particulièrement bien, soit nous la supprimions, soit nous la remplacions par une autre expression qui prenait une direction différente (choix cibliste). Cependant, un cas extrême de traduction d’idiotisme s’est présenté à nous lors de la traduction de Blonde et légale (2016) dans la chanson « Chip On My Shoulder ». Un problème important s’imposait : la chanson est entièrement basée sur la signification de cette expression. Il était donc impossible de la supprimer ou de prendre une direction différente. Il nous a donc fallu trouver une équivalence pertinente qui serait aussi représentative et imagée que l’originale (donc, traduire à la manière des sourciers). Comme l’expression fait référence à une image pour laquelle il n’existe pas d’équivalent francophone, il nous a fallu faire quelques recherches afin de bien comprendre le sens de l’expression. La définition la plus complète de cette expression est la suivante : une personne qui a un « Chip on his shoulder » est une personne constamment fâchée parce qu’elle croit avoir été traitée injustement ou parce qu’elle a l’impression de ne pas être aussi bonne que les autres47.

Tableau 4 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « Chip On My Shoulder » Chip On My Shoulder

(Version anglophone originale)

There’s a chip on my shoulder, and it’s big as a boulder. With the chance I’ve been given,

I’m gonna be driving as hell! I’m so close I can taste it, so I’m not gonna waste it. Yeah, there’s a chip on my shoulder…

You might wanna get one as well.

Une dent contre le monde

(Notre traduction)

J’ai une dent contre le monde Et j’y pense à chaque seconde Avec la chance que j’ai eue, J’dois tout faire pour monter l’échelle

Et ceux qui auront douté n’auront qu’à me regarder… Ouais, j’ai une dent contre le monde… Trouve-toi s’en une n’importe laquelle.

Finalement, on remarque que l’expression choisie a été « J’ai une dent contre le monde ». Après plusieurs heures de réflexion, cette traduction nous est apparue comme la plus efficace pour remplacer l’expression idiomatique : elle respecte parfaitement le nombre de syllabes original et elle représente exactement le sens du texte d’origine. Même si le reste

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Notre définition de l’expression, à la suite de l’analyse des définitions anglophones trouvées dans différents dictionnaires.

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de la strophe n’est pas une traduction littérale, nous l’avons adaptée en changeant légèrement le discours du personnage afin de conserver les rimes, tout en respectant le message ciblé par la chanson d’origine : notre héros a un passé qui le fâche et c’est ce passé qui le motive à aller de l’avant.

3.3.4 La rime

Comme nous l’avons observé dans le deuxième chapitre, plusieurs traducteurs ont proposé des modèles de priorités en traduction de chansons. Il est intéressant de constater que, dans les trois modèles que nous avons retenus, la rime ne semble jamais être une priorité. Kelly place la rime en quatrième sur une liste de sept éléments (1992-1993 : 92). Quant à Dyer- Bennet, il ne parle aucunement de respecter cet aspect (Emmons & Sonntag, 1979 : 292). Finalement, Low, dans son approche pentathlonienne, considère la rime comme le dernier des cinq critères de sa liste. Pour lui, s’il existe autant de mauvaises traductions, c’est parce que les traducteurs ont donné une trop grande priorité à ce critère, en délaissant les autres – chantabilité, sens, naturel et rythme (2005 : 199).

Lors de la conscientisation de notre propre travail de création, le respect de la rime s’est avéré un aspect aussi primordial que le respect du sens original de la chanson. En effet, la rime est la dernière chose que nous acceptions de sacrifier. À nos yeux, elle représente, en quelque sorte, le squelette de la chanson, au même niveau que les accords, la mélodie et le rythme musical. Nous sommes consciente que les paroliers ne se basent pas fondamentalement sur la rime pour écrire leurs chansons. Cependant, en tant que traductrice qui a le devoir de faire refléter le travail du parolier original, nous croyons qu’il faut rendre justice à cet aspect de la chanson, considérant que les rimes n’apparaissent pas par hasard et que leur insertion dans un texte chanté résulte d’un processus de réflexion important. Nous croyons donc que s’il y a présence de rimes dans une chanson, le traducteur doit les respecter. Les paroles sont en quelque sorte un poème et c’est dans cette optique qu’il faut traduire. De plus, les rimes donnent une certaine direction et un certain rythme à la chanson.

Le travail du traducteur-adaptateur sera inévitablement comparé à l’œuvre originale et c’est pourquoi nous pensons que ce dernier se doit d’offrir une version qui paraîtra la plus

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familière possible à l’auditeur connaissant la version originale. Prenons par exemple la chanson « I Could Be That Guy », extraite de la comédie musicale Sister Act (2017).

Tableau 5 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « I Could Be That Guy »48 I Could Be That Guy

(Version anglophone originale)

I could be the cock of the walk, and the talk

of the town. Leadin’ the pack

when the action goes down! I could be the dude all in white,

bathed in light

on the floor. Livin’ out loud

as the crowd shouts for more!

Je serais celui-là

(Notre traduction)

Je devien’drais une vraie légende

en demande

tous les soirs

Une vraie idole,

celle que tout l’monde veut voir! Je serais ce gars tout en blanc,

si brillant, si intense. Du premier pas

jusqu’à la révérence!

On peut observer que la structure des rimes (ou des assonances) est respectée à chaque couplet dans la version originale. Cela donne un bon indice sur le fait que ces rimes n’ont pas été placées là par hasard. Elles font donc partie intégrante de la structure de la phrase et c’est pourquoi nous avons jugé pertinent de respecter leur emplacement. En comparant la version originale avec notre traduction, on peut remarquer que nous n’avons pas respecté la signification de chaque vers individuel. En effet, respecter la signification de chaque vers tout en conservant l’emplacement de chaque rime relève de l’impossible. Cependant, si l’on choisit de respecter le sens global de la chanson (voire de chaque couplet), il nous est soudainement possible de respecter la grande majorité des structures de rimes et le sens original.

Un autre cas intéressant s’est présenté à nous lors de la traduction de Blonde et légale (2016). Dans la chanson d’ouverture du spectacle, « Oh My God, You Guys », on peut observer qu’à plusieurs reprises, tout au long de la chanson, une rime en [aız] est présente dans les refrains49 :

48 Les mots soulignés qui sont d’une même couleur sont les emplacements des rimes à respecter. 49

Précisons que dans cette chanson, chaque fois que le refrain survient, les paroles de ce dernier sont différentes. Elles évoluent en fonction de l’avancement de l’histoire.

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1. Oh my god, omigod you guys, Looks like Elle’s gonna win the prize!

If there ever was a perfect couple, this one qualifies, Omigod you guys!

2. Oh my god, omigod you guys

Fashion crisis to supervise

No one should be left alone to dress and to accessorize. Ohmigod you guys!

3. Oh my god! Omigod you guys! All this week I’ve had butterflies:

Ev’ry time he looks at me it’s totally proposal eyes

Omigod you guys!

4. Oh my god! Omigod you guys…

Elle saw right throught that salesgirl’s lies. I may be in love but I’m not stupid, Lady : I’ve got eyes.

5. Oh my god. Omigod you guys! This one’s perfect. And it’s just my size!

See? Dreams really do come true. You never have to compromise.

La répétition de cette rime est tellement importante que le fait de traduire cette chanson sans la respecter pourrait déstabiliser le spectateur. En effet, ayant entendu la rime en [aız] à chaque refrain, il s’attendra à l’entendre à nouveau lors des prochains refrains. Voyons à présent de quelle façon nous avons abordé ce défi de traduction :

1. Oh mon Dieu, mon Dieu j’y crois pas! Très bientôt Elle se mariera!

Jamais on aura vu un couple parfait comme celui-là, mon Dieu j’y crois pas!

2. Oh mon dieu, mon Dieu j’y crois pas! Nous devons éviter les dégâts.

Personne ne doit rester seul dans une situation comme celle-là. Mon Dieu j’y crois pas!

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Afin de respecter la structure de toutes les rimes de la version originale, il nous a fallu choisir une rime nous offrant assez de possibilités. En effet, plusieurs vers dans la chanson d’ouverture terminent avec la rime [aız]; cependant, la chanson finale du spectacle reprend le même thème, mais avec des propos différents qui riment encore en [aız]. Le choix de la rime en [ɑ] nous semblait judicieux, car il nous offrait de nombreuses possibilités. Encore une fois, on peut remarquer que notre traduction respecte le sens global de chaque refrain, non le sens de chaque vers individuel. Le choix de prioriser le respect de la rime nous oblige donc à sacrifier un peu l’exactitude du sens dans la traduction.

Pour terminer, nous avons constaté que nous priorisons la rime au même titre que le sens lors de la traduction des chansons. Nous avons aussi observé que l’on négligera une rime, ou on la déplacera, seulement si cette rime ne se trouve pas au beau milieu d’un vers et que le fait de la respecter ne nous oblige pas à sacrifier plusieurs critères (la structure de phrase, le sens, le rythme original, etc.) Par exemple, dans la chanson « The Life I Never Led » extraite de Sister Act (2017), une structure de rimes à respecter s’imposait. Cependant, parce que chaque vers était relativement court, il nous a été impossible de placer la troisième rime exactement au même endroit dans le vers :

Tableau 6 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « The Life I Never Led » The Life I Never Led

(Version anglophone originale)

I’ve never let go

and gone with the flow, and don’t even know, really, why.

I’ve never rebelled, or stood up and yelled, or even just held my head high.

Cette vie dont j’ai rêvé

(Notre traduction)

J’n’ai jamais laissé

Le vent me porter,

C’est drôle mais je n’sais pas pourquoi

Je n’suis pas de celles

Qui jouent les rebelles, Déployer mes ailes, je n’sais pas.

Dans cet exemple, on observe que la rime du troisième vers se trouve sur la cinquième syllabe dans la chanson originale. Dans le premier couplet de notre traduction, il nous a été impossible de traduire en obtenant des rimes riches. Alors que « laissé » et « porter » devrait rimer avec un troisième mot rimant en [e], nous avons opté pour un mot rimant en [ɛ]. Cependant, en modifiant légèrement la prononciation du mot « sais » [sɛ] par [se], l’auditeur entendra les trois rimes, même si à l’écrit il n’y en a que deux.

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Finalement, voyons un exemple dans lequel nous avons dû déplacer une rime (toujours dans la même chanson, avec la même forme de couplet) :

Tableau 7 Comparaison des versions anglophone et francophone de la chanson « The Life I Never Led »

(exemple de rime déplacée)

The Life I Never Led

(Version anglophone originale)

To stand up and say

"I’m seizing the day" To not just obey, but to choose.

Cette vie dont j’ai rêvé

(Notre traduction)

Et enfin crier :

« Laissez-moi passer! » Pas juste obéir, mais choisir.

Dans ce dernier exemple, on remarque que la triple rime du couplet n’est pas respectée. En effet, nous avons préféré déplacer la rime étant donné que les propos de ce couplet sont primordiaux à la bonne compréhension de la suite de l’histoire. Au lieu que la cinquième syllabe du troisième vers rime avec les deux premiers vers, nous l’avons fait rimer avec le dernier mot du troisième vers.

Bien que ces quelques exemples démontrent des possibilités permettant de garder les rimes présentes après la traduction, il existe certainement plusieurs autres méthodes et solutions permettant de tenir compte de ce paramètre lors de la traduction. Nous avons pu observer, à la lumière de notre expérience personnelle, que notre réflexe est de prioriser la rime apparaissant en fin de phrase. Quant aux rimes apparaissant au milieu d’un vers, lorsque nous ne n’arrivons pas à les conserver, nous les adaptons, les déplaçons, ou, à l’extrême, nous les supprimons. Cela dit, à l’aide de ces exemples, nous désirions simplement démontrer que la créativité du traducteur-adaptateur est mise à l’œuvre (et à l’épreuve) lorsqu’il s’agit de respecter ses propres convictions (considérant que le respect de la rime est un choix artistique propre à chaque traducteur-adaptateur).

3.3.5 La chanson logocentrique

Comme nous l’avons vu dans le troisième chapitre, la chanson logocentrique en comédie musicale pourrait être comparée au récitatif de l’opéra. Elle est basée sur un discours ou un dialogue exprimé à travers la musique et peut être composée sous la forme couplet-refrain ou sous une forme plus complexe évoluant en fonction de la mise en scène. Le défi de traduction dans ce type de chanson est que le fil temporel du récit n’est pas interrompu

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durant la chanson, de sorte qu’elle se passe en temps réel. Étant donné que les paroles comportent de nombreuses informations nécessaires à la compréhension de l’histoire, cet aspect augmente le niveau de difficulté de sa traduction.

En effet, comme les informations dévoilées pendant la chanson ne sont pas nécessairement répétées durant les dialogues qui précèdent ou qui suivent la chanson, la contrainte sémantico-narrative est importante pour le traducteur-adaptateur de comédie musicale. Nous avons constaté qu’il est possible de traduire aussi librement dans une chanson logocentrique que dans une chanson musicocentrique. Cependant, une fois la traduction achevée, la charge informative doit être aussi complète que dans l’original. Le message à passer offre donc moins de possibilités de traduction que celui d’une chanson musicocentrique, compte tenu du discours à respecter.

Prenons par exemple la chanson « What You Want », tirée de la comédie musicale Blonde

et légale (2016). Ce numéro musical est l’un des plus longs de la pièce (environ une dizaine

de minutes). Le numéro commence alors qu’Elle Woods, jeune californienne bien nantie et

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