LA
CONSCIENTISATION
DE JEUNES DE L’ARVM
PAR RAPPORT AUX FAITS
GÉNOCIDAIRES
GRANDJEAN Geoffrey
Aspirant du Fonds de la Recherche
Scientifique – F.N.R.S.
Université de Liège
5 Juin 2009
INTRODUCTION
Le 16 février 2009 : 4GA
Le 2 mars 2009 : 6G
Qu’en avez-vous pensé ?
DE LA MÉMOIRE À LA
CONSCIENTISATION
Mémoire et oubli (Tzvetan Todorov)
Que reste-t-il de la transmission des faits
génocidaires ?
Pour y répondre : comment des jeunes raisonnent
sur cette question ?
Un processus de conscientisation se met en
place : il aboutit à l’adoption ou non de certains
comportements
ou
certaines
attitudes,
PRÉSENTATION DE PROFILS
Des indicateurs vont permettre de déceler la
présence ou non d’une conscientisation :
Le choc
La relativité
La facétie
Le souvenir
D’abord 4GA et ensuite 6G (Attention,
UNE ABSENCE DE
CONSCIENTISATION
PARMI LES ÉLÈVES DE
QUATRIÈME ?
LE CHOC
Traumatisme ou non présent chez le jeune
suite à ce qu’il a vu ou entendu concernant
les faits génocidaires.
LE CHOC : EXEMPLE
ANI : Allez, vous êtes tous les neuf
autour de la même table, vous
devez essayer de faire quelque
chose pour en parler à des jeunes,
comment est-ce que vous feriez
concrètement ?
GI23 : Donner un cours ou un truc
comme ça.
TH06 : Ou la télé.
GA10
:
Mener
une
grosse
campagne. Faut faire dans le
massif. Parce que [...] c'est quand
même une décision d'avenir assez
importante.
DO08 : Faire des films qui
choquent.
[Quelques rires]
GA10 : Bin quoi ? Pour en venir là,
il faut choquer ceux qui ne savent
pas ou ceux qui sont pas d'accord
pour leur montrer à quel point ça
peut faire mal.
AL31 : Choquer au maximum.
ANI : BE09 ?
BE09 : Peut-être aussi faire passer
sur Internet des [PC].
ANI : Et toi PI11 ?
PI11 : Ouais pareil, c'est du
continu quoi, faut continuer sur ce
qu'on a commencé le plus
longtemps possible. Tant que ça
continuera, ça ne recommencera
pas. Ca s'est toujours passé donc
ça peut recommencer après donc
euh.
LA RELATIVITÉ
Manière dont les jeunes lient certains faits
historiques et actuels avec les faits génocidaires et
la manière dont ils les hiérarchisent.
Les élèves de quatrième n’ont pas encore toutes
les clés en main pour établir des parallèles avec
d’autres faits historiques. Par contre, ils peuvent le
faire avec l’actualité. C’est ainsi le cas de GA10.
Par contre, PI11 semble plus réservé et plus enclin
à voir dans les faits génocidaires une certaine
spécificité
n’établissant
pas
ainsi
certains
parallèles.
LA RELATIVITÉ : EXEMPLE
ANI : Vous n'avez pas d'autres exemples, d'autres cas non plus ?
PI11 : Ils seraient même les plus connus.
BE09 : Les plus récents aussi, un des plus récents.
ANI : Un des plus récents, pourquoi ?
GA10 : Y a Sarko maintenant.
[Rire de certains]
GA10 : Mais c'est vrai, avec les Arabes, les étr... enfin
INCO : Bin non [PC]
BE25 : Bin si, quand il dit qu'il veut nettoyer au karcher euh
[Silence]
PI11 : Je pense que c'est pas le même niveau qu’Adolf Hitler hin.
BE25 : Mais non, mais bon c'est un début.
GA10 : Ouais, c'est comme ça puis on laisse faire et ça s'emballe.
GA10 : Je suis d'accord avec BE25. Ca peut arriver n'importe où. Déjà quand on regarde ici en Belgique. La séparation entre Flamands et Wallons, c'est parce qu'on est différent. Ca ne veut pas dire que c'est des problèmes d'argent ou quoi. C'est parce qu'on s'aime pas et voilà. Et ça peut arriver partout. On accepte pas les autres et puis voilà. Je suis d'accord aussi. C'est comme ça. On arrivera jamais à un point où y aura tout le monde qui s'aimera et voilà. Non, y aura toujours des problèmes quelque part.
ANI : Et tu penses que ça pourrait aller jusqu'à ce que BE09 l'a dit à un génocide ?
GA10 : Ouais, ça c'est clair. Y'a des gens qui sont complètement barjot donc euh, je vois pas pourquoi ça n'arriverait pas. Maintenant je vois pas pourquoi ça arriverait encore mais.
LA FACÉTIE
Facétie (ou plaisanterie) avec laquelle ces
jeunes parlent des faits génocidaires.
Les élèves de cette classe de quatrième
parlent de ces faits avec beaucoup d’humour
et de légèreté.
Facétie limitée
LA FACÉTIE : EXEMPLE
ANI : Et vous les filles qu'est-ce
que vous feriez ?
JA10 : Le tuer.
ANI : Vous feriez toutes cela ? Ce
serait facile ?
BE09 : Bin non, justement, je
suppose qu'il s'en doute un petit
peu aussi.
ANI : Et comment est-ce que vous
feriez pour le tuer ?
JA10 : Avec un couteau.
GA10 : Un coup de fourchette
dans l'œil. Ca c'est bien. [Rire de
certains] Bin non, je sais pas, c'est
une
question
assez
vague,
comment est-ce qu'on va tuer
quelqu'un.
ANI : Est-ce que vous avez déjà
parlé de ça entre, en famille, de
ces faits-là ? Les exemples que
vous avez cités avant.
BE25 : Quand on regarde des films
à la maison, c'est sûr, on en parle
toujours, enfin. Moi j'ai mon
arrière grand-mère qui a été, je ne
sais plus...
PI11 : Au magasin
[Rire de tous]
ANI : Et le fait que ton arrière
grand-mère ait été non pas au
magasin mais... euh... est-ce que
vous en parlez en famille ou pas ?
BE25 : Faut pas trop m'en
demander... C'est choquant.
LE SOUVENIR
La manière dont les jeunes abordent la
question du souvenir et de la transmission
des faits génocidaires à d’autres personnes.
Faible « psychologisation de la mémoire »
(Pierre Nora) et canaux traditionnels de
transmission du passé : témoignages, livres,
films…
LE SOUVENIR : EXEMPLE
GA10 : Aussi recueillir des témoignages, enfin.
GA10 : Moi je suis d'accord. Qu'est-ce qu'il y a d'autres à dire. [SilenQu'est-ce]. Il faut pas l'oublier, voilà tout. Au moins y penser, ça doit pas se reproduire ça. Ca doit pas être omniprésent quand même. C'est clair que c'est pas sympa de dire ça pour certains qui l'ont vécu ou des descendants de je ne sais pas trop quoi.
GA10 : Ce sera plus facile d'accepter quelqu'un. Enfin, on n'a pas envie de devenir ou de penser comme les gens qui ont fait ça. On n'a pas envie de leur ressembler. Alors on fait différemment. Quand on n’y réfléchit pas, bin qu'on y pense un peu, c'est clair qu'avoir des pensées pareilles, c'est malsain.
PI11 : C'est-à-dire la pub, c'est quand même compliqué à faire. Le mieux c'est que tout le monde le disent ne serait-ce qu'à ses enfants ou copains et tout ça. Et si tout le monde le fait, ça ira. Mais s'il n'y a qu'une partie de la population qui le fait, bin ça devient de plus en plus petit et ça va s'oublier.
PI11 : Ouais, faudrait le faire le plus possible mais il ne faut pas non plus rester tout le temps dans le passé. Il faut y penser, c'est certain. Mais il n'y a pas que ça à penser non plus.
BE09 : Tu vas pas vouer ta vie à ça. Mais bon. Faut quand même en parler de temps en temps.
PI11 : Ouais voilà. Ce qui est sûr, c'est que ça ne doit pas s'oublier mais c'est pas la première chose qu'on doit penser. Faut quand même faire attention.
UNE FAIBLE CONSCIENTISATION
GA10
PI11
Le choc
Veut choquer
Veut choquer
La relativité
Relativité présente
Relativité moins
présente
La facétie
Facétie présente
Facétie présente
Le souvenir
et canaux traditionnels
Psychologisation faible
et canaux traditionnels
Psychologisation faible
UNE FORTE
CONSCIENTISATION
PARMI LES ÉLÈVES DE
SIXIÈME ?
DIFFÉRENCE DE CONNAISSANCES
Génocid
e
Camp
Premièr
e
Guerre
mondial
e
Deuxièm
e Guerre
mondial
e
Deuxième
Guerre
mondiale*
Quatrième
secondaire
2
34
2
2
22
Sixième
secondaire
0
66
2
18
36
LE CHOC
A
B
C
-Propos de l’évêque
-Visite des camps de
concentration et
d’extermination
d’Auschwitz-Birkenau
(chaussures)
+ Légère déception
(soleil, fleurs, arbres)
Volonté de
choquer
- Visite des camps
de concentration et
d’extermination
d’Auschwitz-Birkenau (valises)
Volonté de
choquer
-Propos de l’évêque
LE RELATIVITÉ
A : C'est un peu comme Sarkozy un peu en France en ce moment. Il fait des réformes qu'il avait pas promises à la base et il les fait quand même. Il fait beaucoup pour les riches et il fait moins pour la classe moyenne.
[Silence]
ANI : Tu dis, c'est comme Sarkozy, par rapport à quoi, à l'histoire ou par rapport au fait que les hommes politiques ou les présidents promettent beaucoup de choses.
A : Les deux. Je sais pas. [Silence]
A : Quant au scénario, oui, je suppose qu'il a promis plein de trucs mais il a fait autrement que ce qu'il pensait.
ANI : Ca pourrait prendre une tournure violente comme dans le scénario ? A : Bin non, je pense pas.
B : Sarkozy, c'est lui qui a dit qu'il fallait faire un coup de Karcher dans les banlieues. Z : Il a dit que c'était pas vrai.
ANI : Et qu'est-ce que ça t'inspire toi, B ?
B : Ca rejoint un peu les mêmes idées. C'est exterminer. Hitler c'était exterminer les Juifs enfin et tout ça. Et Sarkozy, c'est exterminer les...
A : Les racailles
B : Ouais, les racailles, entre guillemets. […]
ANI : Pour toi, c'est la même chose, Hitler et Sarkozy, c'est la même chose ? B : C'est pas la même chose mais.
Y : C'est pas encore à ce point-là. [Silence]
[…]
A : Bin Hitler il a aussi profité d'une situation de crise en Allemagne et euh, tout le monde était au bout. Et il a promis de beaux discours et tout le monde l’a cru et finalement, c'était autre chose. Sarkozy, c'est pas le même contexte.
UNE FACÉTIE PEU PRÉSENTE
A
B
C
Facétie non
présente
Facétie non présente
Mais doute :
ANI : Et comment est-ce que vous feriez pour éviter ça en fait ?
B : Tuer
ANI : Tu tues, toi carrément ?
B : Leur faire la même chose, comme ça ils comprendront.
Z : S'ils meurent, ils comprendront jamais.
B : Non, non mais.
A : Des types comme ça, y'a rien à faire.
B : Y'a rien à faire.
Facétie non présente
Mais doute :
C : Bin je disais que, des gens d'un immeuble avec peut-être des couteaux de cuisine ou des armes et tout ça contre des mitraillettes, ça ne fait pas vraiment le poids.
Conscientisation négative : sorte d’inhibition au niveau de la
manière dont certains jeunes s’expriment, qui est soit individuelle, soit
LA SOUVENIR
A
B
Voie psychologisée de la mémoire
Célèbre phrase de Gandhi :
« ceux qui ne se souviennent pas
de leur passé sont condamnés à
le revivre ».
Quid de la forme du souvenir ?
ANI : Et euh, personnellement,
qu'est-ce que vous feriez pour ne pas oublier
alors, tous les jours ?
Y : En parler.
B : Le triangle rouge.
ANI : C'est quoi ça en fait le triangle
rouge ?
B : Bin c'est pour dire qu'on est
contre les idées d'extrême-droite.
ANI : Et ça vient d'où en fait ça ?
LE SOUVENIR : SUITE
C
ANI : Imaginons maintenant que vous êtes trente ans plus tard parce que je vous ai dit que l'histoire se déroulait il y a trente ans euh. Qu'est-ce que ça vous inspirerait ? Vous êtes des Belges et ça s'est passé dans un pays étranger.
X : Tout faire pour que ça n'arrive pas dans notre pays. W : Faire quoi ?
X : Essayer de repérer déjà les astuces dans les programmes. V : Eviter d'élire un homme qui dit qu'il aime pas les étrangers. X : Ouais t'as raison.
C : Exclure l'extrême-droite, tout simplement. X : Voilà.
C : L'extrême-gauche aussi, tous les extrêmes. U : Extrême-gauche, t'es un gauchiste.
C : C'est les communistes, tout ce qui est extrême, ce n'est pas bon. ANI : Pourquoi tu dis ça C ?
C : Bin parce que l'extrême, que ce soit euh l'extrême communisme comme en Chine ou l'extrême-droite comme Hitler, c'est au final, ça arrive toujours à la guerre. Il n'y a jamais personne qui est complètement satisfait. Maintenant, il vaut éviter ces partis-là.
X : C'est trop radical.
+ Filip De Winter et Michel Delacroix
UNE CONSCIENTISATION BIEN
PRÉSENTE
A
B
C
Le choc
conscientisation
Choc : agent de
conscientisation
Choc : agent de
Choc : agent
de
conscientisatio
n
La relativité
Non relativité
Non relativité
/
La facétie
Facétie non
présente
Facétie non
présente
Facétie non
présente
Le souvenir
psychologisée
Mémoire
Conscientisation
politique
Conscientisatio
n politique
TABLEAU RÉCAPITULATIF
GA10
PI11
A
B
C
Le choc Oui Oui Oui Oui Oui
La relativité Oui Oui Non Non /
La facétie Oui Oui Non Non (mais doute)
Non (mais doute) Le souvenir psychologisForme
ée Forme psychologis ée Forme psychologis ée Triangle rouge Contre extrême-droite