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Les Celtes. Résumé des sources et réflexion sur la question identitaire

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Academic year: 2021

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Identités culturelles

Les Celtes

Résumé des sources

e t réflexion sur la question identitaire

Patrice Brun (UMR ArScAn - Protohistoire européenne)

Les sources littéraires

La plus ancienne mention d e s Celtes d a te du Ve siècle av. J.-C. e t a pour auteur Hérodote. Eh substance, l'Istros (le D anube) prend sa source aux pays des Celtes e t d e la ville d e Pyrènè, coule à travers l'Europe qu'il coupe par le milieu ; les Celtes sont voisins des Kynèsioi qui sont à l'occident le dernier peuple d e l'Europe. Elle véhicule une grosse am biguïté, com m e les autres sources anciennes, dont Eschyle (-525 à -456) cité p a r Pline. Elle confond, en effet, l'Espagne e t la zone nord-alpine.

Le Périple d e la Méditerranée, dit d e Skylax ou pseudo-Skylax (auteur inconnu du milieu du IVe siècle av. J.- C.), se m ontre plus en a c c o rd a v e c la géo g rap h ie :

• Emporion (Ampurias), ville d'Ibérie, est une colonie des Massaliotes. • Les Ligués s u c c è d e n t plus au nord aux Ibères, jusqu'au Rhône. • Les Ligués o c c u p e n t la c ô te du Rhône, dans la région d e Massalia.

• Les Celtes ont envahi le fond du golfe Adriatique ; après eux, viennent les Vénètes.

Polybe ( d e vers -200 à -120), qui a v o y a g é dans les Alpes, en Espagne et dans le sud d e la France, se révèle aussi précis, tout en mentionnant les modifications survenues entre le milieu du IVe siècle av. J.-C. e t son é p o q u e :

• Les Pyrénées form ent la frontière entre les Ibères e t les Celtes d e Gaule.

• Les Celtes o c c u p e n t les côtes m éditerranéennes entre le fleuve N arbôn (Aude) e t les Pyrénées.

• La G aule est a p p e lé e Keltia, e t distinguée d e l'Italie e t d e la Ligurie. • 1 n'y a pas d e Gaulois sur les côtes d e l'Espagne jusqu'à G ades (Cadix).

Varron (d e -116 à -27), cité par Pline, dit q u e des Celtes ont envahi l'Espagne, sans préciser la date. Au total, deux catégories d e sources (Duval 1971) se distinguent :

• Les plus anciennes, confuses, p e u fiables, expriment la vision des Grecs : le nord-est d e l'Europe est o c c u p é p a r les Scythes, e t le nord-ouest par les Celtes. Dès lors, tous les « b arbares » d e l'hinterland nord-occidental n e pouvaient être que celtes (une confusion an alogue a fait nom m er indiens les indigènes d'Amérique).

• Les autres, plus récentes, s'appuient sur des observations directes et peuvent souvent ê tre vérifiées p a r d 'a u tre s voies, dont l'archéologie, qui perm ettent d'identifier com m e celtes les porteurs d e la culture archéologique dite d e La Tène (Kruta, e t alii 1978). Les groupes humains ap p e lé s Celtes, qui ont envahi le nord d e l'Italie au IVe siècle av. J.-C., portent le m ê m e équipem ent q u e c eu x qui vivent dans la zone nord-alpine (observation identique pour les groupes qui sont venus s'établir sur les cô tes languedociennes au llle siècle av. J.-C).

Ansi, le term e « celte » désigne-t-il a v e c certitude le com plexe culturel drt laténien au déb u t du IVe siècle av. J.-C..

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Identités culturelles

Les sources archéologiques

En Europe, les c a s d e corrélation satisfaisante entre les groupes socioculturels e t les cultures matérielles arch éo lo g iq u es s'avèrent fréquents. Les contre-exemples ont plusieurs raisons : une docum entation insuffisante p a rc e q u e la migration fut d e courte durée (les Celtes en G rèce) ; une archéologie elle-m êm e déficiente (a b s e n c e d e tra c e des Wisigoths en Aquitaine, mais présence a tte s té e en E spagne); une interprétation a u moins partiellement erronée, dans les sources textuelles, d e l'origine com m unautaire d e s immigrants : les Teutons e t les Cimbres n'étaient peut-être pas Germains ; et le fait que les Huns, qui ont sévi en Europe o c c id e n ta le , étaient en g ran d e partie composés d e Germains (Hachm ann 1971).

Les porteurs d e la culture d e La Tène, qui étaient ap pelés Celtes par les auteurs d'Italie, occupaient, au début, la m ê m e aire g éographique q u e ceux d e la culture d e Hallstatt qui les p ré c é d a ie n t ; et rien, dans le mobilier laténien, ne perm et d 'envisager une population venue d'ailleurs. En c o n séq u e n c e , les porteurs d e la culture Hallstatt peuvent être considérés com m e les ancêtres d e ceux d e la culture d e La Tène. L 'hom ogénéité culturelle d e la zone nord-alpine, siège d e la culture identifiable com m e celtique, rem onte en fait à la prem ière moitié du Ile millénaire av. J.-C. M'inspirant d e Clarke (1968), j'ai a p p e lé c e t e n se m b le « com plexe culturel nord-alpin » (fig. 1). Il évolue sous les formes d e c e que l'on a identifié co m m e la « culture d e s tumulus du Bronze moyen », la « culture des cham ps d'urnes », la « culture d e Hallstatt » e t la « culture d e La Tène ». Il se dilate e t se contracte au fil du temps, mais l'ensem ble conserve la m êm e em prise initiale.

Pendant les périodes du Bronze final e t du premier â g e du Fer, le com plexe nord-alpin ne d e s c e n d pas au sud du Q uercy. C e constat va à rencontre des auteurs qui ad m etten t une p rése n c e celtique dans la péninsule ibérique vers -800 (Bosch-Gimpera, Kraft 1928; Judice Gamito 1988); c e tte interprétation s 'a p p u ie sur des sources écrites anciennes m alm enant la géographie physique e t sur la toponymie, soit une vingtaine d e suffixes en -b rig a considérés co m m e typiquement celtiques, dans la péninsule ibérique. Leur origine d e m e u re c e p e n d a n t indatable. Les objets indubitablement nord-alpins d a te n t des environs d e -250 (La Tène B au plus tôt) d a n s ce s régions, e t restent peu nombreux (Lenerz d e Wilde 1981). C ette d a te s'a v è re plus conform e à la logique puisque le maximum d'expansion d u com plexe celtique est atteint au llle siècle av. J - C. C 'est seulem ent alors que les côtes languedociennes, en particulier, sem blent être atteintes.

L’identité d es Celtes

Dans les questions sur l'identité, la ten d an ce première consiste à raisonner en term e d e peuple, au sens d'ethnie à fond biologique; on ch erch e l'origine, le b e rc e a u des Celtes, bref l'ancêtre fondateur. En effet, selon le sens com m un, un peuple est une sorte d e g rande famille. Dans la plupart des ca s toutefois, les peuples se form ent plus vite et à une échelle plus large q u e c e qu'autorise la seule c a p a c ité d e reproduction biologique. C ela suppose nécessairem ent in processus d'agrégation, g én éralem en t m asqué a posteriori

p a r l'invention d 'u n e hérédité com m une. C'est l'une des fonctions essentielles d es mythes. Ils rendent a c ce ssib le e t a c c e p ta b le pour le sens commun une procédure inquiétante c a r ressentie co m m e une m e n a c e pour l'identité. De plus, les formations culturelles hom ogènes p ro c è d e n t toujours d e d é m e m b re m en ts e t d e rem em brem ents successifs. C e que l'on peut espérer découvrir, c e sont d o n c c e s m om ents où d e s humains ont c o m m e n c é à se reconnaître com m e a p p a rte n a n t à un m êm e e n se m b le distinct, e t à ê tre reconnus par les autres com m e tels. L'étiquette importe peu. Peut-être les m em bres du C om plexe nord-alpin ne s'appelaient-ils pas eux-mêmes d es Celtes initialement. Peut-être les Celtes, c o m m e les Germains, n'étaient-ils qu'un des groupes com posant c e com plexe ; leur nom étan t g én éralisé p a r les g recs à c e t ensem ble do n t ils reconnaissaient l'hom ogénéité. C e qui c o m p te est la reco n n aissan ce mutuelle d e l'hom ogénéité. Il faut do n c se dem ander com m ent e t pourquoi s'o p è re l'hom ogénéisation.

Peuple et culture

On o b se rv e q u e le processus d'hom ogénéisation culturelle s'o p ère sur d e très vastes e sp ac e s, plus grands m ê m e q u e la surface des nations européennes actuelles. Il est sûr que, p e n d a n t la protohistoire, la taille des territoires unifiés politiquement resta toujours inférieure à cela. Le facteur d'hom ogénéisation e st d o n c n é cessairem en t d'une autre nature. I semble reposer sur le principe fondam ental d e to u te socialisation, c'est-à-d ire l'é c h a n g e , à la fois d e géniteurs (te plus souvent des femmes) e t d e biens. Ces é c h a n g e s humains e t m atériels supposent des é c h an g e s d'informations et, par conséquent, d e représentations sym boliques concourant à l'unification d e s visions du m onde entre interlocuteurs. Les individus en viennent ainsi à percevoir, à interpréter leur environnement et à s'exprimer d e façon similaire.

Ainsi se c ré e la «culture», c e systèm e d e connaissances, d e techniques, d e règles e t d e c ro y a n c e s com m unes. C e q u e l'archéologue ap p e lle une culture, c'est c e qui reste d e c e la e t qui distingue une co m m u n a u té spécifique. C e sont les traces conservées d'un ensem ble d e groupes résidentiels qui é c h a n g e n t plus en tre eux q u 'a v e c d'autres. Il existe une hiérarchie parmi les entités culturelles ; non seulem ent parmi celles q u e reconnaissent les archéologues, mais aussi parmi les groupes socioculturels eux-m êm es.

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Identités culturelles

Dans la littérature antique, par exemple, un peuple se com pose d e ligues, d e nations^ d e cités, d e tribus, d e cantons — term es flous, mais qui expriment divers niveaux. Les ensem bles polythétiques isolés par l'archéologie reflètent c e t em boîtem ent.

Contrairement à c e q u e suggère le sens commun, la question des peuples n 'a pas d e réponse évidente. Elle ne peut non plus ê tre é lu d é e car elle réapparaît derrière p resque tous les problèm es dont traite l'archéologie : derrière la variation typologique, derrière les entités culturelles, derrière les c h a n g em e n ts socio-économ iques. Il faut bien en effet expliquer ces hom ogénéisations culturelles e t leur éto n n a n te résistance au tem ps. Elles n e se réduisent pas à une détermination politique. Elles se corrèlent mieux a v e c les sphères économ iques. Pas totalem ent toutefois : si c 'e st bien par l'é c h a n g e q u e s'o p ère l'hom ogénéisation, c 'e s t moins par les flux d e m atière que par les flux d'information. Ni la com m unauté linguistique, ni m êm e la com m unauté g én étiq u e ne font le peuple ; l'une com m e l'autre sont des produits d e la fré q u e n c e e t d e la d u rée des interactions sociales, réglées initialement par la distance. Un p eu p le est une formation sociale qui se modifie en fonction d e la structure des réseaux d 'é c h a n g e s.

À l'heure du réveil d es nationalismes européens, alors que les conflits ethniques ensanglantent régulièrement le tiers-monde, la question des peuples doit être explorée attentivem ent. À c e tte fin, d o té e d e la profondeur du tem ps dont elle a l'a p a n a g e , l'archéologie peut e t doit a pporter sa contribution à une question qui sollicite l'ensem ble des sciences humaines.

Éléments bibliographiques

Bosch-Gimpera P., Kraft G. 1928. Zur Keltenfrage. Mannus,6 (Festgabe Kossinna), p. 258 ss. Brun P. 1987. Princes et princesses de la Celtique.Paris : Errance.

Clarke D.L. 1968. Analytical Archaeology.London : M ethuen.

Duval P.-M. 1971. Les sources de l'histoire de France. TA.La Gaule jusqu'au milieu du Ve siècle. Paris : Picard. H achm ann R. 1971. Les Germains.Paris : Nagel.

J u d ice Gam ito T. 1988. Social Complexity in Southwest Iberia, 800 - 300 B.C. The case of Tartessos. Oxford : British A rc h a e o lo g ic a l Reports. International Series. 439.

Kruta V.. Szabo M., Lessing E. 1978. Les Celtes.Paris : Hatier.

Lenerz d e Wilde M. 1981. Keltische Funde aus Span ien. Archàologisches Korrespondenzblatt. 11, 4, p. 315-320.

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Identités culturelles

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