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LA VIE D'UN MÉDECIN... AU JOUR LE JOUR

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LA VIE D'UN MÉDECIN

... AU JOUR LE JOUR

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DU MEME AUTEUR

EN MARGE DE LA MÉDECINE (Réflexions et Portraits) Préface du Docteur O'FOLLOWELL.

Pour paraître prochainement : LES NOMADES Contes, Scènes et Nouvelles.

LE DERNIER REFUGE Roman.

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DOCTEUR LIGI

LA VIE

D'UN MÉDECIN ... AU JOUR LE JOUR

ROMAN

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© 1961 by Docteur Ligi, 15, rue Anatole-France, Aulnay-sous-Bois (S.-&-O.) Tous droits de traduction, de reproduction et d'adap- tation réservés pour tous pays.

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Aux Docteurs

Charles VALINGOT et Georges MOUTHON, Président et Secrétaire Général du Syn- dicat National des Médecins Omnipraticiens, qui ont été les premiers à faire paraître plusieurs chapitres de ce livre dans « L'OMNIPRATICIEN FRANÇAIS ».

En signe de gratitude et d'amitié.

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AVANT-PROPOS

Je me propose de décrire la vie du docteur Christian Lefranc qui exerce, depuis une douzaine d'années, à Valfleur, une commune de la banlieue parisienne. Il serait vain de chercher à l'identifier, car je l'ai créé, comme j'ai imaginé le village, les habitants, le château et la source d'Agnès. Si la réalité se retrouve dans la fiction, je n'en suis pas responsable.

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Un soir, dans le cadre paisible de la maison... Préoc- cupé de l'état de Madame Thomas, une de vos malades, vous feuilletez distraitement une revue médicale. Ne pas avoir posé un diagnostic vous agace et, sans l'orgueil professionnel, vous feriez bien un saut chez elle. Votre femme, à qui vous souriez enfin, satisfaite de cette marque d'affection, essaye de vous distraire :

— En allant aujourd'hui au marché, j'ai vu Gentin sonner chez le docteur Morel.

— Tu es sûre que c'était Gentin ?

— Comment donc, je le connais.

— Moi qui ai tant fait pour lui... Il me doit encore de l'argent. — Chez le boucher on dit que sans Morel, Gentin était perdu.

— Ton histoire ne m'intéresse pas. Tu n'as pas trouvé autre chose ?

Si votre épouse n'avait pas raconté cet incident, vous seriez déjà chez votre cliente, en train de faire du zèle.

Mais le téléphone retentit. Votre femme se précipite, contente de votre renommée et de son rendement.

— On t'appelle d'urgence chez les Durand. Leur fille, devenue folle, casse toute la vaisselle.

— Que puis-je ?

— Je réponds alors que tu n'es pas là ?

— Tu ne me comprends pas. J'y vais tout de suite.

Et, en endossant le pardessus :

— Cette gamine veut se débarrasser de son beau-père et, pour arriver à ses fins, lui rend la vie impossible...

Vous mettez la voiture en marche et vous voilà parti.

Quel silence dans la rue ! Il fait un peu frais. Vous

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frissonnez, vous jetez la cigarette, à peine allumée, et vous vous écriez : « Est-ce que les Durand n'auraient pu aller, eux aussi, chez Morel ? Ce serait un beau cadeau à lui faire ».

Vous n'êtes pas sincère, mon ami. En entrant chez vos clients, où règne une ambiance de combat, vous êtes souriant et cordial. Hélas ! Une ordonnance, oubliée sur le buffet, attire votre attention.

— Comme vous tardiez, nous avons appelé le docteur Morel... s'excuse la mère. Nous n'avons pas été chez le pharmacien. Nous vous avons attendu. On a tellement confiance en vous !

Vous voilà rembruni, mon cher. Encore ce Morel ! Vous l'enverriez bien à tous les diables. Vous examinez quand même votre excitée et vous griffonnez quelques prescriptions sur un bout de papier.

— Me voilà avec deux ordonnances à présent, se lamente la femme. Laquelle est la bonne ?

— Les deux sont parfaites, madame. Faites-en ce que vous voulez.

L'air de la nuit ne calme pas vos nerfs exaspérés. C'est d'un œil morne que vous retrouvez Hélène en déshabillé : elle a fait des frais pour vous. Si vous n'aviez pas été touché par la poésie des étoiles, une épouse charmante ne peut pas vous laisser insensible...

Le réveil d'un médecin est rarement triomphant. Le vôtre fut provoqué par une discussion bruyante : — Le docteur est là ?

— Non, monsieur.

— Pourtant, sa voiture est au garage.

— Que lui voulez-vous au docteur ?

— Mon fils part en vacances, après demain, et il lur faut une « cuti » immédiatement. Sans cela, les Assu- rances Sociales ne l'acceptent pas.

— Vous ne pouviez pas l'amener hier ?

— Je travaille, madame. Et puis, vous m'embêtez. Je m'en vais de ce pas chez le docteur Morel qui est plus serviable que vous. Vous êtes réveillé — cher confrère — et bien réveillé.

— Qui était-ce ?

— Monsieur Le jeune. Il voulait une cuti-réaction pour son fils.

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— A six heures du matin ?

— Ce que je lui ai dit. Il s'est fâché et il est parti chez...

— Je t'en prie. J'ai tout entendu. Inutile de le répéter.

— Alors, pourquoi m'interroges-tu ?

La journée commence mal. Vous devriez être habitué au sans-gêne des clients.. C'est parce qu'on vous veut conforme à un cliché traditionnel. Le médecin doit cor- respondre à ce portrait idéalisé. De là naissent les con- flits, de là viennent l'ingratitude et la cruauté de leur comportement. Vous devez réaliser ce type idéal qu'ils conçoivent assez obscurément d'ailleurs. Un cri una- nime : Apostolat. Apostolat exige le pauvre qui veut trouver sur cette terre une âme pitoyable qui se penche sur lui. Apostolat clame le fortuné qui n'a jamais regardé la misère qui l'entoure. Apostolat demande le plus endurci des criminels. Les hommes veulent ren- contrer à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit un de leurs semblables apte à soulager leurs souffrances morales ou physiques. Cette exigence est devenue une obligation sociale.

Rasé de près, vêtu sans élégance, vous commencez la tournée. Oh ! vous n'êtes pas un surmené, quoique vous aimiez que l'on vous prît pour tel. A la première visite vous descendez de votre voiture comme un bolide, en claquant la porte, pour que les voisins sortent leur nez à la fenêtre. Et portant une grosse valise qui est à présent l'indice d'un médecin savant et à la page, vous sonnez nerveusement chez le malade. Vous êtes content de revoir Frémiet. Il est déjà devant vous et vous tres- saillez en le voyant. Car il porte votre vieux complet et le voir ainsi fagotté vous trouble.

— Qu'est-ce qui vous arrive, mon vieux ?

— C'est ma patte, docteur. Depuis que je l'ai coincée entre un cercueil et la paroi de la tombe, elle me fait rudement mal.

Le bonhomme a fait tous les métiers : portier dans une boîte de nuit, empailleur, marchand de quatre-saisons, fossoyeur, camelot, brocanteur.

— Quand j'étais à Saint-Ouen, et que je vendais des tableaux, je ne me serais jamais trompé sur la valeur d'une peinture et je savais vous dire si c'était du « Pi-

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castot » ou du « Lusac ». J'ai eu mon temps de gloire, ma photo dans « Paris-France-Presse ». Maintenant, faut se préparer à déguerpir. J'irai sous terre. Elle n'est pas mauvaise dans notre région. Elle conserve le cada- vre. Trois ans après l'enterrement je vais être aussi frais qu'aujourd'hui. Comme dit Sénèque...

— Vous lisez Sénèque, vous ?

— Pour me faire à l'idée de la mort...

Et pourvu d'une provision d'humour, vous vous en allez débrider un abcès, apaiser une mélancolique, jugu- ler une crise d'asthme, refuser à un monsieur distingué un faux certificat et intervenir auprès des Assurances Sociales pour un de vos pauvres malades.

En rentrant, Hélène vous guette, le sourire aux lèvres : elle vient d'inscrire une nouvelle visite sur son carnet.

— Dépêche-toi, on t'attend chez les Rodin. Son fils a le tétanos. Tu as négligé de faire la piqûre. Et monsieur Fouillard désire te parler. Il est dans la salle d'attente.

... Là, mon cher, vous perdez votre sang-froid. Vous vous laissez entraîner par l'imagination et l'ignorance des gens. La plaie était insignifiante, une éraflure. Pour- quoi cet émoi ? Vous vous voyez déjà en correctionnelle, sur le banc d'infamie, entre un clochard et un voleur.

Et vous ne doutez pas que vous seriez condamné car les juges pardonnent rarement la faute d'un médecin...

Vous pénétrez en coup de vent chez les Rodin et, du premier coup d'œil, votre angoisse se calme.

— Mon fils a eu un malaise. L'épicière nous a dit que c'est le début du tétanos. Et comme vous avez oublié de faire la piqûre...

Ayant rassuré ces innocents, vous rentrez tout souriant chez vous où vous attend monsieur Fouillard.

— Quoi de neuf, mon ami ? Et votre femme ? Com- ment va-t-elle ?

— Le chirurgien n'est pas de votre avis. Il juge une opération urgente.

— Pourquoi l'aviez-vous conduite à la clinique sans me prévenir ?

— Je n'avais personne pour la garder. D'ailleurs, j'ai mis en garde le chirurgien que, si vous n'êtes pas d'accord, je m'opposerai à toute intervention. « S'il faut

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que je tienne compte maintenant de l'opinion d'un vul- gaire médecin », m'a-t-il répondu. L'apparition de votre compagne interrompt la conver- sation. Elle vous fait des signes désespérés. — Il est une heure. Le rôti sera brûlé.

— Laisse, je t'en prie.

— Dites-moi, docteur, reprit Fouillard, ai-je le droit de la transporter à l'hôpital ? — Naturellement.

— Alors, faites un certificat.

— Le voici, avec quelques mots pour le chef de service.

Et de nouveau le soir : le même journal que vous ne lisez pas, les mêmes prospectus, les mêmes revues.

Et votre femme qui espère un mot affectueux... Seule différence avec hier, c'est qu'à la place de Madame Tho- mas, vous pensez à Madame Fouillard. La sonnerie tinte.

— Tu as l'air fatigué, mon chéri. Je vais dire que tu es parti. — Va voir d'abord.

Revenue :

— C'est encore Fouillard. Il voulait te voir. Je lui ai dit de revenir demain matin.

— Mais non, j'avais besoin de lui parler.

Vous réussissez à le rattraper et vous ouvrez fébri- lement la lettre du professeur qui confirme votre diag- nostic.

— Je m'en doutais, triomphe Fouillard. Vous aviez raison, ce n'est pas une « extra-terrine ». Ça guérira sans opération. Je suis tellement content que je tiens à vous apporter dimanche prochain un petit canard, d'un tendre... élevé par moi, c'est tout dire.

— Allons-y pour le canard. Mes respects à Madame. Vous vous redressez fièrement. Cette revanche sur un technicien maladroit vous rend confiance en vous- même. Et vous prenez place à table en face d'Hélène.

heureuse de vous savoir un moment tranquille.

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II

Une belle journée d'automne, n'est-ce pas, confrère ? Vous êtes déjà habillé, prêt à reprendre la tâche quo- tidienne. Les vacances sont oubliées. Les soucis ne manquent pas, impôts, charbon, réparations de la voi- ture, mais d'un haussement d'épaule vous les chassez, comme des importuns.

En bas, à la cuisine, Hélène parlemente avec la bonne.

Leurs voix alternent et se confondent, l'une éduquée, l'autre criarde. Votre épouse défend avec un beau cou- rage la fortune de la maison. Sa naïveté vous délasse. Il est dix heures du matin. Ce départ tardif en tournée risque d'être mal interprété par Madame et Monsieur Guyot, les patrons du café d'en face, clients fidèles de Morel qui se déclare, lui, toujours surmené : « Je suis à ma quarantième visite ».

Vous, vous n'êtes qu'à la première. Il faut reconnaître que vous vous êtes mal pris avec vos voisins. Vous vous contentez de les saluer cérémonieusement, sans ajouter quelques-unes de ces banalités qui entretiennent l'amitié dans un village et qui vous auraient rendu populaire.

Ce n'est pas de la fierté de votre part, mais une pudeur qui vous fait détester les commérages.

Tiens, la sonnette. Vous vous cachez, décidé à faire le mort.

— Le docteur Lefranc, s'il vous plaît.

— Il n'est pas là, répond la servante, selon la con- signe. On peut donc mourir sans trouver un médecin ? C'est le troisième que je demande.

Il ne sera pas longtemps absent, intervient Hélène.

— J'en veux un tout de suite, sinon...

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— Je vous assure que le docteur vous suivra. Patientez quelques instants.

— Mon fils a 39° de température depuis quatre jours, madame. Nous avons assez attendu.

Et le bonhomme s'en va, en claquant la porte.

Quand la maladie touche quelqu'un dans une famille, celle-ci commence par se dire que le mal sera passager.

On ne meurt pas parce que le thermomètre s'est subi- tement mis à grimper. Cette sérénité dure peu. La persis- tance de la fièvre finit par inquiéter. Alors, affolés, ils se précipitent chez le médecin. Si ce dernier ne répond pas assez vite à leur appel, la crainte de la mort devient angoisse.

Le comportement des gens est explicable, celui de Lefranc ne l'est pas moins. Lorsqu'il accourt, on l'accueille souvent avec un ironique « déjà », ce qui veut dire : « vous n'avez donc rien à faire ? » Un méde- cin ne doit jamais être surpris à flâner, rêver, vivre comme n'importe quel homme. Cette mentalité puérile crée des malentendus regrettables...

Vous commencez votre randonnée par les Grivois. La maison est bien entretenue et la bibliothèque du salon apporte comme une assurance de correction. Dès l'entrée, vous devinez une situation trouble. Vous êtes devenu sensible aux impondérables. Nul mieux qu'un médecin ne sent leur présence.

Madame Grivois, sèche et dure, s'incline avec une gravité exagérée. Au fond de la pièce, sa fille, d'une vingtaine d'années, tressaille en vous voyant.

La vieille dame débute par une profession de foi.

Elle parle de sa confiance, de l'affection qu'elles ont, sa fille, elle et les siens, pour vous.

— Vous ne pouvez pas nous laisser dans le malheur.

Ma fille... que voici.

Vous avez compris. Blonde, les yeux baissés, elle a ce maintien si chastement pudique de toute femme qui a péché.

— Tout est prêt, reprend madame Grivois. Nous avons pu nous procurer quelques bougies « d'Edgard », pour la dilatation.

Vous faites voir le danger d'une telle manipulation, les

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suites désastreuses pour la santé et l'affectivité d'une femme.

— Et nous qui espérions tant de vous... Est-ce qu'on vous doit quelques chose ?

— Le prix de mon déplacement, madame.

Personne ne vous reconduit et c'est avec regret que vous regardez cette maison où vous êtes sûr de ne plus revenir...

Il va falloir maintenant affronter monsieur Ledoux, le mal nommé, car il est d'un abord difficile. Toujours en révolte contre la société, et n'en pouvant mais, il se venge sur ceux qui lui tombent sous la main. La mal- chance voulait que son fils eut une angine banale avec une forte poussée fébrile.

Ledoux vous reçoit sans aménité :

— Mon fils a toujours 40°, Monsieur. Quels sont vos projets ?

— Le guérir, tout simplement.

— Ça n'en prend pas le chemin... Plus il absorbe de vos drogues, plus la fièvre monte. Je ne suis pas méde- cin, mais il me semble...

— Vous avez de la chance de ne pas l'être.

— Permettez-moi de ne pas vous plaindre. Je n'ai pas encore vu un toubib faire faillite. — Je ne suis pas un épicier.

— Trêve de plaisanteries. Il s'agit de mon enfant.

Je n'en ai qu'un seul.

— Vous auriez pu en avoir plusieurs. Personne ne vous le défendait.

Le bonhomme en est tout surpris. Vous profitez de l'accalmie pour monter au premier étage et examiner le malade sur lequel se penchent sa mère et la grand-mère.

Les deux femmes tournent vers vous leurs yeux remplis de larmes et de reproches. Pendant que vous vous occu- pez du petit, Ledoux, en bas, arpente le salon d'un pas agressif. — Ecoute, lui crie sa femme, un peu de silence. Le docteur ne peut pas ausculter Gérard.

— Je ne suis plus maître chez moi ?

Et il recommence à battre le plancher avec insistance.

Vous ne pouvez pas changer d'opinion et vous promettez une guérison rapide.

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— Je viendrai le voir demain, dites-vous, en partant.

— Hum, on voit bien que cela ne vous coûte guère...

Plus loin vous rencontrez des visages aimables et détendus. De meilleure humeur, vous frappez chez madame Plançon, une vieille femme, tout édentée. Son mari, quand il est ivre, la bourre de coups. Madame Plançon vous attend, effondrée, dans un fauteuil misé- rable. Pour se consoler, elle avait bu un verre de vin blanc le matin, en dépit de fortes brûlures d'estomac.

Et c'est un gémissement profond qui vous accueille :

— Que se passe-t-il, ma pauvre dame ?

— Je suis malheureuse.

— Vous n'êtes pas la seule.

— Je me fiche des autres.

— Monsieur Plançon n'a pas été raisonnable ?

— Il dit que je ne suis plus assez belle pour lui.

Il veut que je me parfume maintenant, ou que je m'en aille d'ici.

— Il n'est pas méchant, je crois.

— Pas méchant ?... Je voudrais vous voir à ma place.

— Ça me serait difficile, madame.

Elle rit. Elle n'est point bête, seulement usée par une vie de labeur et de soucis.

Elle vous montre un flacon de parfum.

— Je m'en mettrai cette nuit. N'est-ce pas grotesque, à mon âge, d'être obligée de me parfumer comme une p... ? Prenez-moi la tension. La dernière fois, je n'en avais pas assez. Vous écrivez une ordonnance inoffensive.

— Si le parfum ne suffit pas, achetez donc une che- mise de Nylon, conseillez-vous, en vous en allant.

— Sacré docteur Lefranc, je vous aime bien, vous savez ?

Souriant, vous rentrez chez vous. Hélas ! votre femme est en larmes.

— Qu'y a-t-il, Hélène ?

Pas de réponse, mais de nouveaux sanglots.

— Raconte-moi. Tu as congédié la bonne ? Ça ne serait pas la première fois.

— J'ai vu, ce matin, le docteur Morel, finit-elle par avouer.

— Ce n'est pas un motif de se lamenter.

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— Ça se voit que tu n'es au courant de rien. Il roulait dans une Vedette, une Versailles.

— C'est pour cela que tu te désoles ?

— Tu es bon, toi. De quoi aurons-nous l'air avec notre quatre chevaux ? Nous sommes la risée du pays... — Voyons, Hélène, que te manque-t-il ? Nous vivons bien, nous avons passé nos vacances en Italie et je tra- vaille de mon mieux.

— Tu ne sais pas t'y prendre. Tu économises sur les visites, tu te fais mal voir par les pharmaciens avec tes ordonnances de deux sous. Tiens, j'oubliais, monsieur Ledoux vient de téléphoner que tu ne te déranges pas demain. Encore un bon client perdu.

— Je ne le regrette pas. C'est un fou.

— Si tu n'attends que des clients parfaits, on mourra de faim. Il faut que tu demandes au docteur Morel comment il procède. Autrement, j'irai moi-même.

— Je te le défends, entends-tu ? Je ne suis pas une usine à produire de l'argent. Je ne considère pas un malade comme une source de profit.

Vous regagnez votre bureau et vous vous dites qu'il n'est point facile d'être un honnête homme. Mais deux bras vous serrent amoureusement et vous êtes bien forcé de faire la paix.

— Pardonne-moi, chéri, reste comme tu es. Je suis fière de toi.

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III

Une vibration métallique, un bruit d'avalanche et, le rêve, dans lequel vous plongiez comme dans une eau douce, s'évanouit. Vous ouvrez des yeux éblouis par la lumière. Hélène a déjà décroché le téléphone et parle à une voix lointaine :

— Mais oui, madame, 15, rue de Saverne, chez mon- sieur Rondeau. C'est entendu, le docteur ne va pas tarder.

La communication terminée, Hélène se glisse dans le lit. Vous vous habillez en maugréant, comme tout méde- cin, quoique satisfait, au fond.

Elle vous interroge :

— Monsieur Rondeau ? Il vient de sortir de la clinique.

— Il faudrait dire plutôt qu'ils me l'ont renvoyé mou- rant. On n'aime pas les tuiles, là-bas. Cela fait de la mauvaise réclame. Quelqu'un doit se dévouer. C'est mon rôle.

— Tu as toujours aimé le rôle d'apôtre. Tu retardes, mon chéri. A présent, tout se calcule en espèces sonnantes.

— Quel langage de commis voyageur ! Je ne l'aime pas dans ta bouche. Dors bien. A tout à l'heure. La nuit. Les maisons, telles des boîtes de carton, ont quelque chose d'irréel. Une seule est éclairée. Sur le seuil, vous rencontrez monsieur le curé. Il vous salue avec un art étudié où vous sentez une hostilité qui se veut aimable. Sans un mot, il monte sur son vélo, en serrant sa soutane, comme une jupe, et s'enfonce dans les ténèbres. Il a une préférence pour le docteur Morel qui, flanqué de son épouse, de sa belle-mère et de ses fils, s'installe au premier rang, à l'église, chaque

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IMPRIMERIE HABAUZIT, AUBENAS - 4 TRIMESTRE 1961

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