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Responsabilité fondée sur la confiance : un tour d'horizon

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Responsabilité fondée sur la confiance : un tour d'horizon

CHAPPUIS, Christine

CHAPPUIS, Christine. Responsabilité fondée sur la confiance : un tour d'horizon. In: Chappuis, Christine & Winiger, Bénédict. La responsabilité fondée sur la confiance : Journée de la responsabilité civile 2000C . Zurich : Schulthess, 2001. p. 21-36

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8425

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un tour d'horizon

Christine Chappuis*

I. Introduction

La présente contribution ne vise qu'à introduire le sujet de sorte qu'elle se limite à donner un aperçu de la jurisprudence relative à la responsabilité fondée sur la confiance et des conceptions théoriques qu'elle implique. Inau- gurée en 1994 par l'arrêt SWissair1, confirmée l'année suivante par l'arrêt Grossen2, cette jurisprudence, souvent invoquée3, inquiète les praticiens ou, au contraire, sert leurs intérêts et stimule les ardeurs de la doctrine4À plusieurs reprises ces dernières années, le Tribunal fédéral a exprimé l'idée que, malgré l'absence de tout fondement contractuel ou délictuel, la con- fiance dans un certàin comportement peut entraîner la responsabilité de celui qui la suscite, puis la déçoits.

Un arrêt du Tribunal fédéral, non publié dans la collection officielle6,

sur la responsabilité d'un géologue servira d'introduction à la problémati- que. Le propriétaire d'un fonds, maître d'ouvrage, s'assure les services de certains spécialistes, pour mener à bien un projet visant la construction de deux villas jumelles. Parmi ceux-ci, un géologue était chargé, notamment, de l'étude du terrain et de la surveillance des travaux d'excavation. Suite à des glissements de terrain occasionnés par ces travaux, le fonds et la mai- son des propriétaires voisins sont endommagés. On ignore si les lésés ont

• Professeure à l'Université de Genève.

1 ATF 120/ 199411331, IdT 19951359.

2 ATF 121/ 1995 III 350.

3 Voir l'abondance des arrêts qui se réferent à la responsabilité fondée sur la confiance et dont les résumés figurent infra pp. 203 58.

4 Cf. le nombre irnpressionant de thèses et d'articles qui sont centrés sur la responsa- bilité fondée sur la confiance ou lui consacrent des développements, infra pp. 263 58.

5 L'ATF 124/1998 III 297, SI 1998460, fournit un bon rappel des conditions, même si la responsabilité de la défenderesse n' est pas admise.

6 ATF n. p. du 28 janvier 2000, SI 2000 1 549.

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tenté d'agir contre le maître d'ouvrage et propriétaire en invoquant les règles sur le voisinage (art. 679 CC). L'arrêt n'en traite pas, car c'est au géologue que les propriétaires lésés adressent leur demande en réparation du dom- mage.

La décision est intéressante, car elle passe en revue tous les moyens, traditionnels ou non, à la base d'une éventuelle responsabilité, avant de les exclure. Étant donné que le géologue (défendeur) est lié par contrat au maître d'ouvrage, mais non aux voisins lésés (demandeurs), ces derniers ne peuvent pas invoquer la violation du contrat à l'appui de leur demande. Le géologue n'a pas non plus commis d'acte illicite au détriment des lésés; ceux-ci ont certes subi une atteinte illicite à leur propriété, endommagée du fait du glis- sement de terrain, mais cette atteinte est causée par le maître d'ouvrage qui ordonne les travaux, non par le géologue. En l'absence d'acte illicite, comme de violation d'un contrat, les art. 41 et 97 CO ne sont d'aucun secours aux demandeurs. La question est de savoir si la responsabilité du géologue peut être admise sur cette nouvelle base que constitue la confiance.

Il convient de préciser que le terme de "responsabilité" est utilisé ici dans le sens que lui donnent par exemple les art. 41 et 97 CO, où la respon- sabilité vise l'obligation de réparer le préjudice subi par autrui7•

Les conditions de la responsabilité fondée sur la confiance, qui se dé- gagent de la jurisprudence, seront abordées en premier lieu (II). On exami- nera ensuite la nature juridique de cette responsabilité (III) et, pour termi- ner, quelles sont ses perspectives d'avenir (IV).

II. Les conditions

Les conditions spécifiques (A) auxquelles la jurisprudence soumet la res- ponsabilité pour la confiance sont strictes8; les passages topiques des ar- réts9 en révèlent trois: un comportement du responsable qui suscite les at- tentes du lésé (1), un rapport particulier de confiance et de fidélité entre le

7 Cf. la contribution du juge fédéral Hans Peter WALTER, 1. Sur la distinction entre les différentes acceptions du mot "responsabilité", cf. DESCHENAUX / TERCIER, § 1 na 1 5S;

TANDOOAN, Obligations, p. 54.

8 Cf. ATF 120 1 1994 II 331, 336, 1T 1995 1 359, 364 c. 5a; ATF 121/1995 III 350, 355 c.6c; 123/1996 III 220, SJ 1998277,280; ATF 124/1998 III 297, SJ 1998460,466 c.

6a; ATF n. p. du 28 janvier 2000, SJ 2000 1 549, 554 s. c. 3a.

9 "II faut que, par son comportement, la société mère ait provoqué, puis déçu de manière contraire à la bonne foi. des attentes détenninées quant à son rôle et à sa responsabilité dans le groupe": ATF 121/1995 III 350, 355 s. c. 6c; 124/1998 III 297, SJ 1998460,466

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lésé et l'auteur de ce comportement (2), la déception des attentes créées con- trairement au rapport de confiance qui s'est établi entre les parties (3). La responsabilité fondée sur la confiance est par ailleurs soumise aux condi- tions générales (B). Un bref bilan de la jurisprudence récente (C) clôt cette partie de l'exposé.

A. Conditions spécifiques

1. Comportement suscitant les attentes du lésé

Les attentes du tiers lésé doivent se fonder sur "un comportement conscient ou qui peut être normativement imputé à celui qui est recherché"l0 Cette condition n'a pas été considérée comme remplie dans l'arrêt du géologue Il ,

étant donné que ce dernier n'avait donné aucune assurance au voisin lésé concernant la sécurité des travaux d'excavation entrepris, ni adopté un com- portement dont le voisin lésé aurait pu déduire des attentes à l'égard de la sécurité desdits travaux.

Par ailleurs, selon l'arrêt Musikvertriebl2 , il ne suffit pas que les atten- tes résultant de ce comportement soient vagues et générales, car elles ne seraient alors pas propres à justifier la confiance digne de protection du tiers.

Les attentes éveillées par le comportement de l'auteur du dommage doivent être suffisamment concrétes et détenninées. La simple référence à l' apparte- nance d'une société à un groupe sur le papier à lettres ou les documents publicitaires ne suffit pas pour éveiller des attentes concrètes et détenninées chez tout lecteur de ces documents, pas plus que la seule existence d'un groupe de sociétés. Le Tribunal fédéral exige davantage: ainsi, dans l'arrêt Swissair, il a admis la réalisation de cette condition en raison de l'insistance avec laquelle les documents publicitaires et le papier à lettres de la filiale se référaient à Swissair Beteiligungen AGI3.

c. 6a. "La responsabilité de la société mère suppose, entre le lésé et le responsable, une relation particulière ('Sonderverbindung'), soit un rapport spécial de confiance et de fidé- lité" (ATF 121 / 1995111 350, 356, Pro 1996613,617).

10 ATF n. p. du 28 janvier 2000 C. 3., SJ 2000 1 549.

Il ATF n. p. du 28 j.nvier 2000 C. 3 .. SJ 2000 1 549, 555.

12 ATF 124/ 1998 III 297 C. 6b, SJ 1998460,466 S.

13 "Überall wo International Golf and Country Residences steht, steht Swissair darunter.

Und selbstverstandlich 8uch dahinter", En traduction littérale: "Où que se trouve IGR, Swissair est dessous, et bien entendu derrière", Plus loin: "Denn die IGR ist zwar ein selbstândiges Untemehmen der Swissair Beteiligungen AG, arbeitetaber nach den gleichen untemehmerischen Maximen wie ihre Mutter", Selon la traduction du Journal des Tribu-

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2. Rapport particulier de confiance et de fidélité

La création de telles attentes fait naître entre les parties une relation parti- culière de confiance, également nommèe "rapport spécial de confiance et de fidélité"14 (Sonderverbindung)15. Cette relation se situe à mi-chemin entre un lien véritablement contractuel et le rapport purement fortuit qui existe entre l'auteur d'un acte illicite et la victime 16.

Aucune relation particulière de confiance ne liait le géologue aux voi- sins lésés, du fait que le géologue n'avait pas adopté un comportement propre à éveiller les attentes concrètes et déterminées des voisins. En effet, il n'existait aucune relation personnelle entre les parties; le contact entre elles "résultait uniquement du dommage causé à la propriété des deman- deurs par les travaux de construction ( ... ), ce qui représente une situation de fait de nature typiquement délictuelle"17. En revanche, une telle relation est admise, dans l'arrèt Grossen, en raison du lien particulier unissant le spor- tif individuel à la fèdèration qui èdicte une procédure de sélection et, dans l'arrèt Swissair, en raison des attentes éveillées par l'insistance avec la- quelle l'appartenance de [GR au groupe Swissair est mise en évidencel8 .

3. Déception des attentes créées

Celui qui éveille les attentes d'un tiers doit renoncer à adopter ultérieure- ment un comportement contraire à celles-ci, partant, contraire au rapport de confiance qui s'est noué entre les parties. La fédération sportive n'a ainsi pas le droit d'imposer une épreuve supplémentaire en vue de la participa- tion aux Championnats, en revenant sur la procédure de sélection initiale- ment instituèe par ellel9• La société mère ne peut pas non plus s'abstenir de surveiller l'information que sa société fille donne aux personnes qui se sont

naux: "IGR est une entreprise autonome de Swissair, mais elle travaille selon les mêmes principes que sa société mère" (ATF 120/199411 331 c. 3b et 5b.aa, IdT 19951359,362 et 365).

14 ATF n. p. du 7 janvier 1999 c. 4, SI 2000 1 533,538; ATF 121/1995 III 350, 356 c. 6c.

IS ATF 120/199411 331, 336 c. 5a (rechtliche Sonderverbindung), IdT 1995 1 359, 363.

16 ATF n. p. du 28 janvier 2000 c. 3a, SI 2000 1 549, 554: "Il ne suffit pas d'une rencon- tre fortuite et non voulue qui est, en règle générale, la caractéristique d'une responsabilité délictuelle fondée sur la négligence".

17 ATF n. p. du 28 janvier 2000 c. 3., SI 2000 1 549, 555.

18 ATF 121/1995 III 350, 356 c. 6d; ATF 120/199411331 c. 5b, IdT 1995 1 359.

19 ATF 121/1995 III 350, 356 c. 6d.

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fiées à l'appartenance de la filiale au groupe pour entrer en rapport contrac- tuel avec la filiale2°.

B. Autres conditions de la responsabilité

La responsabilité est soumise aux autres conditions classiques que sont le dommage, le lien de causalité entre la déception des attentes suscitées et le dommage subi21 et, sans doute, la faute de l'auteur du préjudice22.

Le dommage provient du fait que le lésé, qui s'est fié aux attentes créées par l'autre partie, prend des dispositions patrimoniales s'avérant désavantageuses pour lui ou, au contraire, omet de prendre les dispositions qui s'imposeraient23Il s'agit d'un dommage "résultant de la confiance dé- çue"24.

C. Bilan

Parmi les arrêts publiés dans la collection officielle ou d'autres revues, la confiance a été retenue cinq fois comme fondement d'une responsabilité25 et refusée quatre fois26• Parmi les cinq cas positifs, trois affaires récentes sont toutefois peu significatives, et ce pour deux raisons: soit le fondement de la responsabilité n'était pas clairement établi dans le cas d'espèce, soit la responsabilité aurait également pu être admise sur la base des moyens classiques, sans recours à la confiance2? Par ailleurs, aucun des arrêts non

20 ATF 120/199411331 c. 5c.bb, IdT 1995 1 359.

21 ATF 121/1999 III 350, 357 c. 7a.

22 Pour une analyse de ces conditions, cf. MOSER, Haftung, pp. 155 ss, 187 ss; BERGER,

Verba1tenspflichten, pp. 173 ss.

23 ATF n. p. du 28 janvier 2000 c. 3a, SI 2000 1 549, 555; ATF n. p. du 7 janvier 1999 c.

4, SI 2000 1 533, 538; ATF 12111999 III 350, 357 c. 7a; ATF 120/199411331,341 c. 6, IdT 19951359,367.

24 BERGER, Verha1tenspflichten, pp. 177 S.; cf. également, GAUCH/SCHLUEP/REY, N 2705 ss.

25 ATF n. p. du 7 janvier 1999, SI 2000 1 533; ATF n. p. du 8 juin 1998, SI 19991 113;

ATF 124/1998 III 363, SI 1999 1 38; ATF 12111995 III 350; ATF 120/1994 11331, IdT 19951359.

26 ATF n. p. du 28 janvier 2000, SI 2000 1 549; ATF 124/1998 III 297, SI 1998460;

ATF 123/ 1996 III 220, JdT 19971242, SI 1998277; ATF n. p. du 29 janvier 1996, Bulletin CEDIDAC septembre 1996, p. 1.

2? Voir, par exemple, ATF n. p. du 7 janvier 1999, RNRF 1999 387, SI 2000 1 533 (vente immobilière nulle): le moyen classique aurait été de retenir que commet abus de droit (art. 2 al. 2 CC), celui qui refuse le paiement d'une partie du prix alors que le contrat a été

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publiés fournis par le juge fédéral Hans Peter WALTER28 n'admet un cas de responsabilité fondée sur la confiance.

III. La nature juridique

Les premiers arrêts relatifs à la responsabilité fondée sur la confiance se réfèrent aux règles de la bonne foi sans que le rôle de l'art. 2 CC n'appa- raisse très clairement. Ainsi, l'arrêt Swissair mentionne les devoirs de pro- tection et d'information qui reposent sur les règles de la bonne foi ("auf Treu und Glauben beruhende Schutz- und Aufklarungspflichte")29 et l'ar- rêt Grossen la "responsabilité déduite des règles de la bonne foi")o. Après quelques considérations sur la portée de l'art. 2 al. 1 CC (A), on examinera le fondement de la responsabilité pour la confiance (B), puis les questions que la jurisprudence a laissées ouvertes (C).

A. Portée des règles de la bonne foi

Selon l'art. 2 al. 1 CC, chacun est tenu d'exercer ses droits et d'exécuter ses obligations selon les règles de la bonne foi. Cette disposition semble limitée à l'hypothèse de droits et d'obligations prèexistants, donc à celle d'un rapport juridique déjà établi entre les parties. À défaut d'un contrat ou d'un autre rapport juridique (par exemple, de voisinage), on serait tenté de croire que les sujets de droit ne se doivent ni égards, ni loyauté. Telle est l'opinion d'une bonne partie de la doctrine31• Toutefois, de nombreux auteurs admettent que l'existence d'un rapport particulier-qui n'est pas nécessai- rement de nature contractuelle - suffit exceptionnellement, pour que les parties à ce rapport se doivent les égards mutuels prescrits par l'art. 2 al. 1 CCJ2. C'est d'ailleurs ce que fait la jurisprudence depuis fort long-

exécuté pour l'essentiel; dans l'ATF 124/1998 III 363, SJ 1999 1 38, le fondement légal de la responsabilité pour renseignements inexacts donnés par un avocat n' est pas clair;

dans l'ATF n. p. du 8 juin 1998, SJ 19991113, il s'agit d'un cas classique de responsabi- lité pré-contractuelle.

28 Cf. annexe 2, pp. 213 ss.

29 ATF 120/1994 II 331, 336 c. 5b, JdT 19951359.

30 ATF 121 /1995 III 350, 355 c. 6c.

31 Par exemple SCHWENZER, Obligationenrecht, N 50.22; MISTELI, Responsabilité, pp. 103, 104 ss, 172; STARK, Haftpflichtrecht,§ 16, N 108 ss, pp. 39 ss [opinion contraire à celle exprimée par OFTINGER, Haftpflichtrecht, § 4, p. 130 n. 16].

)2 BK-BREHM, n. 53a ss ad art. 41 CO; ENGEL, Traité, p. 450; PETITPIERRE, Fondements, p. 279; DELCO, Treu und G1auben, pp. 177 ss, 201; CHAPPUIS C., Responsabilité, pp. 93 ss.

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temps en ce qui concerne le rapport de pourparlers et la responsabilité pour culpa in contrahendo qui en découle33, tout en refusant d'accorder à l'art. 2 al. 1 CC, sous réserve de situations exceptionnelles étroitement délimitées, le caractère d'une norme fondamentale de protection dont la violation cons- tituerait un acte iIIicite34.

L'exigence de la relation particulière de confiance et de fidélité (Sonderverbindung), dont l'arrêt Swissair déduit des devoirs de protection et d'information35, remplace la condition du rapport juridique qui, dans la règle, justifie l'application des régIes de la bonne foi. On peut ainsi admet- tre que les règles de la bonne foi trouvent exceptionnellement36 à s'appli- quer en l'absence d'un rapport juridique préexistant, en particulier en l'ab- sence de conclusion d'un contrat (avant que le contrat ne soit conclu ou après qu'il a pris fin), ce qui semble admis, au moins implicitement, dans l'arrêt Swissair.

Il est par conséquent possible d'admettre que les règles de la bonne foi peuvent, dans certains cas exceptionnels, constituer le fondement de de- voirs de loyauté et de fidélité, malgré l'absence d'un véritable rapportjuri- dique préexistant. Se pose alors la question de savoir à quel régime (art. 41 ss ou 97 ss CO) la violation de ces devoirs, issus des règles de la bonne foi, doit être soumise.

B. Fondement de la responsabilité

Il est courant, mais d'une trompeuse simplicité, d'opposer la responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO) à la responsabilité délictuelle (art. 41 ss CO):

faute de contrat, la responsabilité contractuelle n'entre pas en considéra- tion; faute d'acte illicite, la responsabilité délictuelle ne peut pas non plus être envisagée37. Pour les cas où tant le contrat que le délit font défaut, la jurisprudence semble avoir trouvé le salut dans une troisième voie, à mi-

33 "La responsabilité résultant d'une culpa in contrahendo repose sur l'idée que, pen- dant les pourparlers, les parties doivent agir selon les règles de la bonne foi. [ ... ] L'ouver- ture des pourparlers impose nécessairement des devoirs réciproques aux parties": ATF

105/197911 75 c. 2a, JdT 1980166,70 (et réf. cit.).

34 ATF 108/198211305 c. 2b, JdT 1983 1 609 (rés.): "L'art. 2 CC ne fonde en effet pas une obligation indépendante, mais s'applique en rapport avec des droits et obligations déjà existants"; cf. également, ATF 121/1995 III 350, 354 c. 6b.

35 Cf. supra n. 29.

36 Cf. KEllER, Treu und Glauben, pp. 136 s.

37 Cf. par exemple, ATF 120/199411331 c. 3 et 4, JdT 1995 1 359; ATF 121/1995 III 350 c. 6a et b.

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chemin entre le contrat et le délit, en instituant la confiance comme un fondement propre de responsabilité.

Quant à la doctrine, elle est partagée, moins sur le résultat des arrêts qui admettent ou rejettent cette responsabilité, que sur les fondements mê- mes de celle-ci. L'une des critiques de principe adressée à la jurisprudence est que les dispositions existantes suffisent à appréhender les situations rassemblées sous le label de responsabilité fondée sur la confiance38Par ailleurs, certains auteurs déplorent le manque de clarté de la conception du Tribunal fédéml39•

Comme pour le régime applicable à la culpa in contrahendo, dont la responsabilité fondée sur la confiance est issue4o, on peut imaginer sché- matiquement trois possibilités: l'application des règles délictuelles, l'ap- plication des règles contractuelles ou l'application des règles qui convien- nent le mieux à une responsabilité de type sui generis.

1. Application de l'art. 41 al. 1 CO

Une partie de la doctrine41 considère que les cas qualifiés par la jurispru- dence de responsabilité pour la confiance peuvent être résolus conformé- ment aux régies délictuelles. Deux pistes ont été envisagées à l'appui d'une application de l'art. 41 al. 1 CO.

Certains auteurs admettent que la violation des règles de la bonne foi peut exceptionnellement être considérée comme un acte illicite lorsqu'il existe entre les parties une relation de fait qualifiée42•

Franz WERRO, suivi par Ingeborg SCHWENZER43 , proposent une défini- tion différente de l'ilIicéité, qui s'écarte de lajurisprudence fermement éta-

38 Cf. SCHWENZER, Obligationenrecht, N 52.03; MISTELI, Responsabilité, pp. 169 ss, 173 ss, 177 ss; KUZMIC, Haftung, pp. 224 s., 250 S., 260 s.; CHAPPUIS C., Bonne foi, pp. 230 ss, 247.

39 SCHWENZER, Rezeption, pp. 68 s.; AMSTUTZIW ATTER, p. 506; DRUEY, Groupes, p. 97;

GoNZENBACH, Vertrauenshaftung, p. 126.

40 ATF 120/199411 331, 335 c. 5a, JdT 19951359.

41 Cf. les contributions de Roland BREHM, Franz WERRO et Pierre WESSNER.

42 SCHWENZER, Obligstionenrecbt, N 52.03; BK-BREHM, n. 53a ss ad art. 41 CO; MISTELI, Responsabilité, pp. 177 ss, 184 88; PETITPIERRE, Fondements, p. 279; ENGEL, Traité, p. 450;

KUHN, p. 353; OFTINGER, Haftpflichtrecht, p. 130; OSER/SCHONENBERGER, n. 9 ad art. 41 CO; CHAPPUIS C., Responssbilité, pp. 96 s.; cf. égslement, DELcO, Treu und Giauben, p. 201. Dans le même sens, avant 1994, KELLER, Treu und Giauben, p. 137; KELLER!

GABI, pp. 40 s.; REy, Sonderverbindungen, pp. 234 ss.

43 SCHWENZERISCHONENBERGER, pp. 353 ss, 378; WERRO, P1Adoyer, p. 347; WERRO, Liabi1ity, p. 189; TERCIERlWERRO, p. 26. Cf. également, ScHONENBERGER, Haftung, p. 152.

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blie du Tribunal fédéral, selon laquelle un acte est illicite s'il viole un de- voir légal général, soit qu'il porte atteinte à un droit absolu du lésé (illicéité de résultat, Veifolgsunrecht), soit qu'il provoque une atteinte de nature pu- rement patrimoniale et heurte une norme de protection pertinente (illicéité de comportement, Verhaltensunrecht)44. Ces auteurs considèrent la con- ception traditionnelle comme trop étroite - elle ne permettrait pas d'appré- hender le dommage purement économique - et la remplacent par une défi- nition d'origine française et anglo-saxonne, selon laquelle l'illicéité consiste en un manquement injustifié à la diligence objectivement requise dans les circonstances de l'espéce4s • L'illicéité n'est ainsi plus conçue comme la violation d'un devoir légal général, mais comme celle d'un devoir de dili- gence (violation of a duty to take reasollable care, Sorgfaltspflicht- verletzung).

Ces deux approches permettent de retenir, dans les hypothèses qui nous intéressent, une responsabilité délictuelle fondée soit sur la violation des règles de la bonne foi, soit sur celle d'un devoir de diligence. La première conception, récusée par le Tribunal fédéral46, correspond à celle de l'avant- projet de révision du droit de la responsabilité civile, dont l'art. 46 al. 2 prévoit qu'un fait dommageable "est illicite s"il est contraire à une injonc- tion ou à une interdiction de l'ordre juridique, au principe de la bonne foi ou à un devoir contractuel"47. Quant à celle définissant l'illicéité comme la violation d'un devoir de diligence, trop proche de la conception subjective de l'illicéité, elle n'a pas été reçue par le reste de la doctrine48, ni par la jurisprudence49.

On remarquera que les deux approches ne sont en réalité pas diamétra- lement opposées dans leur essence. Les régies de la bonne foi imposent au sujet de droit d'adopter un comportement loyal et fidèleso. Ce devoir ne paraît pas si éloigné de celui imposé à la personne raisonnable (reasollable person) placée dans les mêmes circonstances que l'auteur d'un dommage, devoir dont la violation constituerait un acte illiciteS'. C'est un pas qu'In-

44 ATF n. p. du 28 janvier 2000, SJ 2000 1 549, 551 c. la et réf. cit.

45 Voir la contribution de Franz WERRO dans le présent ouvrage, II.A.I.

46 Cf. supra n. 34.

47 Voir la contribution de Pierrre WESSNER dans le présent ouvrage.

48 Cf. SCHwENZERlSCHôNENBERGER, p. 378.

49 Cf. supra n. 44.

SO ZK-BAUMANN, n. 3 ad art. 2 CC; DESCHENAUX, Titre préliminaire, pp. 137 S.; BK- MERZ, n. 17 ss ad art. 2 Cc.

SI WERRO, P1àdoyer, p. 347; WERRO, Liabi1ity, pp. 192 ss; voir également sa contribu- tion dans le présent ouvrage, II .A. 1.

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geborg SCHWENZER n'hésite pas à franchir lorsqu'elle affirme qu'un duty to take reasonable care peut naître dans certaines hypothèses de fait, notam- ment dans celle d'un rapport particulier de confiance entre l'auteur du dom- mage et le lésé. La violation de ce devoir correspondrait à celle du principe de la bonne foi, applicable en cas de relation particulière de confiance52 .

2. Application (directe ou par analogie) de l'art. 97 al. 1 CO Pour les partisans de l'application de l'art. 97 al. 1 COSl, qu'elle soit di- recte ou par analogie, l'exigence même d'un rapport particulier de con- fiance entre les parties fait de la responsabilité pour la confiance une figure quasi-contractuelle ou, à tout le moins, proche du modèle contractuel.

Selon la doctrine dominante54 et, plus récemment, le Tribunal fédé- ra155, l'application de l'art. 97 CO, en l'absence d'un contrat, passe par la reconnaissance de la notion allemande de einheitliches gesetzliches Schutzverhiiltnis [rapport légal de protection uniforme ( ou unique)

J.

Cette théorie a pour but de donner un fondement juridique commun à tous les devoirs de comportement ou devoirs accessoires incombant aux parties dès les pourparlers contractuels jusqu'à la fin du contrat, voire au-delà. Ce rap- port légal de protection uniforme, remplaçant l'exigence d'un lien contrac- tuel, ferait naître des devoirs de comportement légaux56 dont la violation pourrait être soumise à l'art. 97 al. 1 CO, au moins appliqué par analogie.

52 SCHWENZERISCHÔNENBERGER, pp. 378 s.

53 Cf. la contribution Hans Peter WALTER dans le présent ouvrage, IV.7; WALTER, Vertrauenshaftung, pp. 282 s. Dans le même sens, la contribution d'Alain HIRSCH, lb; SJ 1999 1 541. Voir également, KRAMER, Einfluss, p. 380; KRAMER/SCHWENZER, p. 83;

MOSER, Haftung, pp. 116 S.; MOSER/BERGER, p. 545 et réf. cit. n. 28.

54 Cf. MORIN, Responsabilité, pp. 167 ss; KRAMER, Einfluss, pp. 365 ss, 377; BK·

KRAMER/SCHMIDLlN, Allg. Einl. N 142 ss; WALTER, Vertrauenshaftung, p. 283; WIEGAND, Schuldrecht, p. 93; BaK-WIEGAND, n. 10 ss ad art. 97-107 CO; MOSER, Haftung, pp. 117 ss, 120; MOSERIBERGER, p. 545; GAUCH/ScHLUEP/SCHMID, N 982m (comblement d'une la- cune de la loi selon CC 1 Il et llI); TERCIER, Responsabilité, pp. Il s.; cf. également l'ap- préciation nuancée de BK-WEBER, n. 48 s. Vorb. zu Art. 97-109, n. 78 ss ad art. 97 CO.

Contra: ScHWENZER, Obligationenrecht, N 5.02, 52.01; CHAPPUIS C., Bonoe foi, pp. 243 ss.

55 ATF n. p. du 23 juin 1998, SI 1999 [ 205, 207 c. 3a; ATF n. p. du 8 juin 1998, SI 1999 1 113, 117.

56 Cf. la contribution de Hans Peter WALTER, IY.6.

(12)

3. Responsabilité sui generis

Quelques auteurs,7 prônent une solution calquée sur les règles que la juris- prudence a dégagées en rapport avec la responsabilité pour culpa in contrahendo, dont le caractère sui generis est aujourd'hui reconnu par le Tribunal fédéra(58 et une partie de la doctrine'9. Il y aurait ainsi lieu d'ap- pliquer les règles les plus appropriées en fonction du problème concrète- ment posé, c'est-à-dire les règles délictuelles en ce qui concerne la pres- cription (art. 60 CO) et les règles contractuelles quant à la responsabilité pour les auxiliaires (art. 101 CO)60.

4. Remarques conclusives

Après ce survol des tendances relatives à la nature juridique de la responsa- bilité fondée sur la confiance, une certitude paraît se dessiner: ni la respon- sabilité délictuelle, ni la responsabilité contractuelle ne suffisent à appré- hender les cas de responsabilité fondée sur la confiance, faute à la fois d'acte illicite et de violation d'un contrat. Il convient pourtant d'abandon- ner cette certitude - trompeuse - pour deux motifs.

Premièrement, il n'est pas correct de limiter l'application de l'art. 97 CO à la responsabilité contractuelle. Le texte légal ne subordonne pas la res- ponsabilité du débiteur à l'existence d'un contrat, mais à celle d'une obli- gation. Or, l'unanimité règne dans la doctrine sur le fait que les "obliga- tions" dont la violation est soumise à l'art. 97 CO peuvent trouver leur fondement dans un contrat, comme dans la loi61 . On peut dès lors se de- mander si les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) ne constituent pas une source d'obligations véritables dont la violation pourrait être sanctionnée par l'art. 97 al. 1 CO.

En second lieu, la responsabilité pour acte illicite (art. 41 al. 1 CO) en- traîne dans son sillage toutes les difficultés liées à la réparation d'un dom-

57 BaK.BuCHER, N 91, 92 ss ad CO 1. Cf. également, ZK-BAUMANN, N 127, 129, 131, 181 ss ad art. 2 CC; HAUSHEERIJAUN, Zivilgesetzbuch, N 3.92.

58 ATF n. p. du 8 juin 1998, SJ 1998 1 113, 117; ATF 1201 1994" 331 c. 5a, JdT 19951 359,363 s.

59 GAucHlScHLUEP/SCHMID. nQ 975 55. 981 5.; KOLLER, Obligationenrecht, nO 1768 55;

ZK-JAGGI, n. 592, 593 ss ad art. 1 CO.

60 ATF 104 1 1978" 94 s. (fr.); 108/1982" 419, JdT 19831204,206.

61 THÉVENOZ, Contrat, pp. 173 ss, 176; BaK-WIEGAND, n. 3 ad art. 97 CO; BK-WEBER, n. 9 ad art. 97 CO; GAUCH/SCHLUEP/REY, N 2567, 2902; ENGEL, Traité, p. 704; YUNG, Devoirs, p. 115.

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mage purement économique, qui est subordonnée à la violation d'une nonne de comportement pertinente62• Il s'agit, dans ce cadre, de détenniner, d'une part, si les règles de la bonne foi sont susceptibles de fournir la nonne de protection idoine et, d'autre part, si leur violation constitue un acte illicite63 /64•

C. Questions ouvertes

Alors que la jurisprudence refuse expressément le second point65 et admet implicitement le premierM, elle retient de manière claire que la responsabilité fondée sur la confiance ne relève ni de l'art. 41 CO, ni de l'art. 97 CO, mais représente un chef de responsabilité sui generis67• Cette qualification hors système pose une série de problèmes qui n'ont pas encore été résolus:

1. Le dommage réparable doit-il être défini par référence aux catégories développées en rapport avec l'art. 97 al. 1 CO, celles de l'intérêt néga- tif et positif ou encore celle de l'intérêt à l'intégrité du patrimoine (Erhaltungsinteresse)68?

2. La faute du responsable est-elle présumée, selon le modèle de l'art. 97 al. 1 CO, ou à prouver par le lésé, confonnément à l'art. 41 al. 1 CO?

62 MISTELI, Responsabilité, pp. 16955, 17355, 177 ss; WERRO, Liability, pp. 181 55;

WERRO, Pllidoyer, pp. 361 55; SCHwENZERISCHONENBERGER, pp. 353 ss; GAuCHISWEET, pp. 117 ss; LoRANDI, Haftung, pp. 19 55.

63 Dans ce sens, l'art. 46 al. 2 de l'avant-projet de révision du droit de la responsabilité civile (cf. supra n. 47). Voir la contribution de Pierre WESSNER dans le présent ouvrage.

64 Jla été soutenu ailleurs (CHAPPUIS C., Responsabilité, pp. 92 ss; CHAPPUIS C., Bonne foi. pp. 230 55 et réf. cit.) que les règles de la bonne foi étaient susceptibles de faire naître aussi bien des devoirs relatifs [lorsqu'il existe un rapport particulier de confiance à l'égard d'une personne déterminée (cu/pa in conlrahendo, responsabilité pour renseignements inexacts, etc.)] que des devoirs généraux [lorsque ce rapport lie le responsable à un nom- bre indétenniné de personnes qui mettent leur confiance en lui (état de fait de l'arrêtSwissair, hypothèses semblables à la responsabilité des auteurs de prospectus, art. 752 CO)); dans le premier cas, plus fréquent en pratique, la responsabilité est soumise à l'art. 97 al. 1 CO, dans le second, à l'art. 41 al. 1 CO.

65 Cf. supra n. 34.

66 Cf. supra n. 33.

67 ATF 124/ 1998 III 297 c. 6a, SJ 1998460,466; ATF 123/1996 III 220 c. 4e, JdT 19971242, SJ 1998 277, 280.

68 Cf. la contribution de Hans Peter WALTER, IV.7 n. 85. Voir par ailleurs, ATF 124 / 1998 III 363 c. Sb, SJ 1999138,45. Sur la notion d'intérêt à l'intégrité du patrimoine (Er/w/tungsinteresse), cf. SCHWENZER, Obligationenrecht, N 14.32; GAuCHISCHMID/REy, N 2703, 2706; LÜCHINGER, Schadenersatz, N 344 ss.

(14)

3. Le responsable pour le fait d'autrui bénéficie-t-il de la possibilité d'exculpation prévue par l'art. 55 al. 1 CO ou non selon l'art. 101 al. 1 C()69?

4. Faut-il envisager une responsabilité personnelle de l'auxiliaire sur le modèle de la responsabilité délictuelle (concours imparfait entre les responsabilités fondées sur les art. 41 al. 1 et 55 al. 1 CO) ou le maître est-il seul responsable (art. lOI CO)? L'arrêt du géologue 70, dans un obiter dictum, apporte un élément de réponse à cette question en rete- nant qu'une responsabilité personnelle de l'auxiliaire est envisagea- ble, pour autant qu'il existe entre celui-ci et le lésé une relation person- nelle étroite ou que l'auxiliaire ait donné une garantie personnelle pour le succès de l'entreprise.

5. Quel est le rapport entre ce troisième chef de responsabilité et la res- ponsabilité pour acte illicite ou pour inexécution d'une obligation con- tre un même responsable? Le concours alternatif doit-il être admis7l ou la responsabilité fondée sur la confiance est-elle subsidiaire aux chefs de responsabilité traditionnels?

6. Quel est le rapport entre les différents coresponsables, entre le respon- sable classique (par exemple, le propriétaire voisin) et le responsable pour la confiance (le géologue) ou entre le cocontractant (la filiale) et le responsable pour la confiance (la société mère)? Doit-on admettre la solidarité parfaite (art. 50 CO) ou imparfaite (art. 51 CO) entre les coresponsables72?

7. La prétention en réparation du dommage se prescrit-elle par un an, selon la régIe délictuelle (art. 60 CO) ou par dix ans, selon la règle générale (art. 127 CO)?3?

8. En ce qui concerne la compétence et le droit applicable à ce type de responsabilité, convient-il de retenir le rattachement contractuel (art. 112-113 et 117 LDIP) oudélictuel (art. 129 et 132-133 LDIP)?

69 Sous réserve de la preuve de l'absence de faute hypothétique: BK-WEBER, n. 133 ss ad art. 101 CO; GAucHIScHLUEP/REV, N 2864 ss et réf. cit.

70 ATF n. p. du 28 janvier 2000, SJ 2000 1 549, 554 c. 3a.

71 Tout comme le concours alternatif est admis entre la pretention en dommages-intérêts fondée sur l'art. 41 CO et celle fondée sur l'art. 97 CO: BK-WEBER, Vorbem. Art. 97-109, n. 106 ss et réf. cit.

72 Sur les points 1. 4, 5 et 6, cf. CHAPPUIS C., Responsabilité, pp. 84 S., 97 (opinion nuancée, sur le point 4), lOI, 103 s.

73 Sur les points 2, 3, et 7, cf. CHAPPUIS C., Bonne foi, pp. 240 s.

(15)

N'ayant pas encore été soumises au Tribunal fédéral74, toutes ces ques- tions sont laissées ouvertes, mais se résoudraient d'elles-mêmes si les grai- nes de la responsabilité pour la confiance n'avait pas été semées en dehors du jardin de la responsabilité civile.

IV. Les perspectives d'avenir

L'admission d'une responsabilité sui generis fondée sur la confiance ap- porte certains changements dont la portée est difficile à évaluer et ouvre la porte à des développements théoriques nouveaux ou permet, peut -être, de confirmer des développements qui n'ont encore été qu'esquissés. Cinq thè- mes peuvent ainsi être mentionnés sous forme d'interrogation.

1. La responsabilité fondée sur la confiance constitue-t-elle une autre manière d'envisager la cu/pa in contrahendo et, dans l'affirmative, quelles en sont les conséquences sur les règles qui la régissent75? 2. Quel est le régime juridique désormais applicable à la responsabilité

pour renseignements inexacts? Celle-ci relevait, auparavant, de la res- ponsabilité délictuelle76, mais a été attribuée, en tant que sous-ensem- ble, à la responsabilité pour la confiance 77.

3. Cette nouvelle forme de responsabilité offre-t-elle une piste pour ren- dre responsable l'auteur d'un avis d'expert à l'égard de tiers avec les- quels l'auteur n'était pas en rapport78?

4. La figure du contrat avec effet protecteur des tiers (ou "contrat avec effet de protection envers les tiers", Vertrag mit Schutzwirkung zugunsten Dritter)79 est-elle destinée, dans la foulée, à faire son appa-

74 La question de la prescription était posée dans l'ATF n. p. du 7 janvier 1999, SJ 2000 1533,539, c. 4b. mais n'a pas été résolue. faute d'avoir été invoquée par le responsable devant l'autorité cantonale.

75 Cf. supra n. 60.

76 ATF 111/1985 Il 471 c. 2-3, JdT 19861485. Voir cependant, l'ATF 112 /1986 II 347, JdT 1987128 (rés.), qui admet, dans le cas particulier, la conclusion d'un contrat portant sur un avis d'expert concernant une lampe Gallé. Cf. les contributions de Luc THÉVENOZ et de Franz WERRO dans le présent ouvrage; MISTELI, Responsabilité, pp. 65 S5, 203 S8;

ScHONENBERGER, Haftung.

77 ATF 121 / 1995 III 350, 355 c. 60; cf. cependant, ATF 124 / 1998 1II 363 c. 5b, SJ 1999 138,44.

78 Voir la contribution d'Alain HrRScH dans le présent ouvrage. Cf. par ailleurs, MOSER, Haftung.

79 BK-WEBER, Vorb. Art. 97-109, n. 43 ss, n. 290 ss ad art. 97 CO (l'admet de manière limitée); SIEGRIST, Vertrag; MOSER, Haftung, pp. 47 SS, 86, 94 ss.

(16)

rition en droit suisse? Cette théorie signifierait que le contrat liant le géologue au maître d'ouvrage pourrait être invoqué en vue de protéger le propriétaire voisin lésé. On sent le Tribunal fédéral de plus en plus tenté8o• Sans admettre franchement l'idée, l'arrêt du géologue se borne à refuser son application au cas d'espéce81 . L'un des arrêts non pu- bliés82 fournis par Hans Peter WALTER se montre plus favorable encore à cette théorie dont on peut sans doute prédire la réception à la pro- chaine occasion83.

5. Le présent discours est-il déjà dépassé par l'avant-projet de révision du droit de la responsabilité civile, dont la définition large de l'iIIicéité permet d'appréhender la violation des règIes de la bonne foi84? Quel que soit le sort que connaîtra cet avant-projet, les questions évoquées ici méritent quelques réflexions, car, de lege ferenda, il est nécessaire de s'interroger sur le bien-fondé de la qualification comme acte illicite d'une violation des règles de la bonne foi, puis, le cas échéant de lege lata, de concrétiser celles-ci en vue de leur application dans le cadre du futur art. 46 al. 2 CO, comme de l'actuel art. 41 al. 1 CO.

V.

Conclusion

Après ce bref tour d 'horizon de la jurisprudence, deux constatations s' impo- sent. Premièrement, le Tribunal fédéral conçoit clairement la responsabilité fondée sur la confiance comme une responsabilité sui generis, une troisième voie entre le contrat et le délit. En second lieu, cette qualification, ou plutôt

80 Voir la contribution de Hans Peter WALTER dans le présent ouvrage, 111.5.

81 ATF n. p. du 28 janvier 2000, SJ 2000 1 549, 555 s. c. 3b: "La proximité purement géographique, mais non fondée sur des rapports personnels, entre les demandeurs et le maître d'ouvrage ne suffit pas pour attirer ceux-là dans le champ de protection du contrat".

82 ATF n. p. du 18 janvier 2000, c. 4, anne . . 2.4, p. 229: "Certes, l'opinion a été défen- due, en doctrine, que la responsabilité contractuelle pouvait englober le dommage subi par des tiers étrangers au contrat (Vertrag mit Schutzwirlcung zugunsten Dritter) [ .. .]. On est dans un cas d'application de la responsabilité fondée sur le principe de la confiance, ce qui présuppose un rapport de confiance reconnaissable entre le cocontractant et le tiers impliqué".

83 Une bonne partie de la doctrine y est favorable: voir les contributions de Ernst A.

!CRAMER et de Bruno SCHMIDLIN dans le présent ouvrage. Cf. par ailleurs, BK-!CRAMERf SCHMIDLlN, n. 144 ss et les réf. cÎt. n. 79. Contra: SCHWENZER,Obligationenrecht, N 87.01 ss, 87.05; HONSELL, Haftpflichtrecht, § 4 N 22; PIOTET, Débiteur; PtOTET, Res·

ponsabilité, pp. 337 ss, 342 ss.

84 Art. 46 al. 2 de l·avant-projet. Cf. la contribution de Pierre WESSNER dans le présent ouvrage.

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ce refus de qualification, laisse de nombreuses questions importantes non tranchées.

Au rythme des décisions tranchant les futurs litiges, les contours des conditions auxquelles la responsabilité est subordonnée, gagneront sans doute progressivement en précision. Le flou qui, dans l'intervalle, subsiste, conduit immanquablement les plaideurs à invoquer cette nouvelle fonne de responsabilité, par peur de négliger l'argument qui pourrait, de manière inat- tendue, faire mouche.

On ne peut, dès lors, s'empêcher de se demander s'il était opportun d'instaurer une telle responsabilité du troisième type.

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