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La responsabilité fondée sur la confiance dans les services bancaires et financiers

THÉVENOZ, Luc

THÉVENOZ, Luc. La responsabilité fondée sur la confiance dans les services bancaires et financiers. In: La responsabilité fondée sur la confiance. Zurich : Schulthess, 2001. p.

37-48

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:9643

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La responsabilité fondée sur la confiance dans les services bancaires et financiers

Luc Thévenoz*

Quelle que soit l'analyse dogmatique que l'on fasse de la responsabilité fon- dée sur la confiance, le droit bancaire et financier est un terreau privilégié pour ce nouveau champignon découvert (ou inventé?) par la doctrine suisse alémanique, puis par la 1ère Cour civile du Tribunal fédéral. En effet, les services bancaires et financiers présentent une double caractéristique.

]0 La relation d'affaires qui se noue entre un client et un intennédiaire financier est fréquemment de longue durée. Elle donne lieu à un nombre parfois considérable de contrats distincts, souvent limités dans le temps, qui se juxtaposent et se succèdent. En sus des obligations propres à chaque con- trat, une telle relation comporte des discussions, des infonnations, des sug- gestions, des conseils, des négociations. Ces interactions en marge des con- trats, qui les précèdent, les accompagnent ou leur succèdent, sont importantes et ne peuvent être ignorées par le droit. C'est pourquoi une partie de la doc- trine, inspirée des auteurs allemands, voudrait charger cette relation d' obli- gations contractuelles résultant d'un contrat bancaire général (allgemeiner Bankvertrag). On verra plus loin que la responsabilité fondée sur la con- fiance rend cette fiction juridique obsolète (ci-dessous, ch. IV).

2° De nombreuses opérations bancaires - virements, crédits documentai- res, garanties, sûretés personnelles, etc. - mettent en jeu plusieurs parties qui ne sont pas liées par un contrat commun, mais par des chaînes ou des grou- pes (clusters) de contrats. L'effet relatif des conventions pose souvent pro- blème, de sorte que se pose la question de l'effet protecteur des tiers, auquel certains pensent que la responsabilité fondée sur la confiance pourrait ap- porter un fondement.

Professeur à l'Université de Genève, directeur du Centre d'études juridiques euro- péennes. L'auteur adresse ses remerciements chaleureux à Me Claude Bretton-Cheval- lier et à Me Leila Hawa, qui l'ont assisté dans la collecte de la documentation et dans la mise en forme de cette étude. à laquelle l'on a délibérément conservé son caractère d'ex- posé.

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Les organisateUlli de cette conférence m'ont demandé un inventaire, non une réflexion théorique sur cette "responsabilité du troisième type". C'est pourquoije décrirai, en trois brefs chapitres, les premières apparitions de la responsabilité fondée sur la confiance dans le domaine des crédits (I), dans le négoce des valeUlli mobilières et la gestion de fortune (II), et en rapport avec les renseignements financiers (III), avant de conclure en relevant notamment les conséquences de cette nouvelle théorie sur celle, plus ancienne et jamais vraiment consacrée en Suisse, du contrat général bancaire (IV).

I.

Crédits

La responsabilité de la banque dispensatrice de crédits est discutée dans trois contextes relativement différents:

A. Envers l'emprunteur pour l'octroi d'un crédit

Deux promoteUlli immobiliers avaient obtenu d'une banque cantonale un crédit de plus de 20 millions de francs en vue de réaliser une opération dans la commune de Freienbach 1. Le crédit ayant été dénoncé, ils opposèrent à la créance de la banque une créance en dommages-intéréts fondée sur l'allégné que la banque leur aurait trop facilement octroyé le crédit. Aux dires des preneUlli, la banque avait un devoir de les informer et de les mettre en garde contre les risques particuliers de l'opération immobilière envisagée; en outre, elle n'aurait pas dû prêter 82% de la valeur du projet, dépassant de 2% la limite fixée par son réglement de crédit. Enfin, elle n'aurait pas dû exercer son droit contractuel de résilier en tout temps.

Àjuste titre me semble-t-il,le Tribunal fédéral a écarté la responsabilité de la banque, comme il l'avait fait, pour un crédit destiné à la construction d'une maison familiale, une année auparavant, dans une affaire valaisanne2.

Les deux arrêts traitent essentiellement de la responsabilité de la banque pour une violation alléguée, mais non retenue, de ses obligations pré-con- tractuelles de diligence, d'information et de mise en garde. Le plus récent se

1 ATF n. p. du 23 juin 1998, SJ 19991205, Praxis 1998 827 n° 155, RSDA 1999 197 r2. Voir notamment LEUENBERGER, Sorgfaltspflichten, pp. 579 ss; MOSERIBERGER, pp. 541 ss; TERClER, Responsabilité, pp. 10 ss.

2 ATF n. p. du 31 octobre 1997, RVJ 1999214 cons. 3a.

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réfère à la théorie de la responsabilité fondée sur la confiance3; l'autre n'en traite pas. Tous deux s'inscrivent cependant clairement dans ce cadre con- ceptuel.

Le Tribunal fédéral rappelle le principe que l'emprunteur assume le risque de son investissement. Ce principe souffre des exceptions lorsque la banque a manqué à une obligation de diligence, d'information ou de mise en garde à l'égard de son client, obligations accessoires qui résultent des règles de la bonne foi (article 2 al. 1 CC) lorsqu'elles ne résultent pas déjà de l'ac- cord des parties.

En bonne méthode, le Tribunal fédéral concrétise assez précisément ces obligations de diligence, d'information et de mise en garde en distinguant principalement suivant l'expérience en affaires des clients et la nature ban- caire ou non de l'opération financée. Quelques citations d'un raisonnement soigneusement étayé méritent d'être reproduites ici:

"Un devoir prêcontractuel de mise en garde peut également incomber à la'banque lorsque le client inexpérimenté se fie de manière reconnais- sable aux renseignements, conseils et informations de la banque pro- fessionnellement compétente ou lorsque la banque, en raison d'une connaissance technique particulière, peut prévoir un danger non re- connaissable pour le client et menaçant un placement. Enfin, un devoir d'information peut également naître à charge de la banque en raison d'un conflit d'intérêts ...

" ... si le client réclame un crêdit qui n'est pas lié à une affaire à conno- tation bancaire [banknahes Geschiift] (p. ex. placements en valeurs mo- bilières), mais au financement d'un projet indépendant d'une affaire bancaire, la banque n'est fondamentalement pas tenue [ ... ] de vérifier spontanément la possibilité de rêaliser de tels projets d'un point de vue juridique ou économique, pas plus qu'elle n'est tenue d'instruire le preneur de crêdit des risques liés au financement d'une affaire de ce genre. Un devoir général de conseil à charge de la banque n'entre d'em- blée en considération que pour les affaires conclues avec la banque, à son instigation ou par son intennédiaire, sous peine d' élargir à l'infini le cercle de ses obligations.'"

3 Le considérant 3a (SJ 1999 1 205) se réfère à "des devoirs accessoires qui sont dé- duits soit d 'un 'contrat bancaire général', soit d'un rapport légal d' obligation sans pres- tation primaire", La théorie du gesetzliches Schuldverhiiltnis ausserhalb primarer Leistungspflicht est l'une des composantes de celle de la responsabilité fondée sur la confiance.

SJ 19991205,207, cons. 40 (n. 1).

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Le résultat paraît satisfaisant. Il va certes moins loin que les propositions formulées par CHAUDET5 ou par LÂNZLINGER6•

Ces deux arrêts marquent la naissance d'une tendance, bienvenue, du Tribunal fédéral à revaloriser les obligations qui découlent directement de la loi - et, spécifiquement, des régies de la bonne foi consacrées à l'article 2 al.

1 CC - dans une relation juridique qui n'est pas, ou pas encore, réglée par un contrat. La référence à la théorie de la responsabilité fondée sur la confiance n'apporte ici cependant rien de nouveau: ces deux arréts concernent le man- quement allégué à des obligations pré-contractuelles, que les régies de la bonne foi font naître d'un rapport de pourparlers. Le même résultat, la même concrétisation de ces obligations dans le contexte d'un crédit bancaire, aurait pu être énoncée il y a dix ans et sans se référer à la notion de responsabilité fondée sur la confiance.

B. Envers l'emprunteur pour la dénonciation

inopportune du crédit ou pour n'avoir pas maintenu ou étendu un crédit nécessaire

Dans l'arrêt précité de 19987, le Tribunal fédéral a confmné que, lorsqu'elle est réservée par les clauses du contrat, la résiliation en tout temps du crédit n'est limitée que par l'interdiction de l'abus de droit, qu'il avait écarté dans le cas d'espèce. Rien n'indique que les tribunaux suisses devraient suivre leurs voisins européens, en obligeant à maintenir, sous condition, des con- cours bancaires compromis.

On en trouve confirmation dans un arrêt rejetant la demande en domma- ges-intérêts dirigée par l'emprunteur contre la banque qui avait financé l'achat d'une société de haute technologie, puis le renouvellement d'une partie de l'équipement technologique et octroyé une facilité de trésorerie, pour ensuite refuser un crédit supplémentaire apparemment nécessaire au renouvellement du solde de l'équipement8.

La 1ère Cour civile a placé explicitement le débat sur le terrain de la responsabilité fondée sur la confiance, excluant l'application de cette théorie au cas d'espèce. Elle a jugé que la banque n'avait pas fait naître chez l'em- prunteur l'attente qu'elle accepterait de financer le renouvellement de l' en-

5 CHAUDET, Obligation, pp. 51 5S.

6 LÂNZLlNGER, H.ftung, pp. 158 ss.

7 SJ 19991205,211 cons. 4d (n. 1).

8 ATF n. p. du II mai 1999, 4C.405il998, V. c. CSFB SA, reproduit pp. 217 ss.

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semble de l'équipement, quand bien même ce renouvellement était néces- saire. "Ce n'est que si la demande initiale avait été d'un montant nettement supérieur et que l'attention de la banque avait été attirée sur le caractère indispensable du renouvellement intégral de l'outil de production"9 qu'une responsabilité fondée sur la confiance aurait été envisageable.

C. Envers les tiers pour avoir créé une apparence infondée de solvabilité ou n'avoir pas adéquatement surveillé l'utilisation du crédit par l'emprunteur

La doctrine suisse est généralement restrictive en ce domaine. La jurispru- dence parait lui donner raison.

Le Tribunal cantonal du Valais a jugé que la banque qui a accepté de procéder à des décaissements en faveur de l'emprunteur contraires aux clau- ses du crédit de construction péjore certes sa propre situation, mais n'engage pas sa responsabilité envers les entrepreneurs lorsque le crédit épuisé ne permet plus de couvrir leurs factureslO.

Le Tribunal cantonal a examiné ce cas sous l'angle de la responsabilité pour acte illicite. En effet, la banque n'entretient en principe pas de rapport particulier (Sonderverbindung) avec les créanciers de son emprunteur, rap- port dont il pourrait résulter des obligations fondées sur l'article 2 al. 1 CC.

À juste titre, l'arrêt rejette une responsabilité fondée sur la création d'un état de fait dangereux!! en l'absence d'un devoir d'agir ou d'une position de garant de la banque envers ces tiers. Une responsabilité supposerait un acte illicite spécifique (qui faisait ici défaut), un délit civil qui n'est pas nécessai- rement une infraction au code pénal ou à une autre disposition pénale desti- née à protéger les créanciers de l'emprunteur.

Si le Tribunal cantonal avait raisonné à partir de la théorie de la respon- sabilité fondée sur la confiance, il aurait vraisemblablement constaté que l'octroi d'un crédit de construction ne crée pas automatiquement chez les entrepreneurs une attente légitime et digne de protection que leurs factures pourront être intégralement satisfaites à charge du crédit bancaire octroyé. Il faut bien sûr réserver des contacts particuliers exprès entre la banque et un

9 Idem, cons. 3b.

10 ATC VS, RVJ 1997 173 cons. 2b.

Il Pour une application critiquable du Gefahrensatz en l'absence de mise en danger d'un droit subjectif absolu, cf. ATF 93 II 329, JdT 19691 130 etATF 1221II 73, PlA 1996 1133, RiB 1998 206.

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entrepreneur, au cours desquels la banque pourrait imprudemment prendre certains engagements à son égard ou donner des renseignements de nature à rassurer l'entrepreneur et à entamer ou poursuivre des travaux qui ne se- raient plus financés.

Les rapports entte banque dispensatrice de crédits et tiers illustrent, semble-t-il, qu'une éventuelle responsabilité fondée sur la confiance - qui résulte de la violation d'obligations nées des règles de la bonne foi (article 2 al. 1 CC) - suppose un rapport particulier entte le responsable et le lésé (Sonderverbindung), alors qu'en l'absence d'un tel rapport, il ne peut exis- ter que des devoirs généraux dont la violation est un acte illicite au sens de l'article 31 al. 1 CO.

II. Négoce de valeurs mobilières et gestion de fortune

Plus encore qu'en matière de crédits, les opérations sur valeurs mobilières et le mandat de gestion de fortune sont la source, depuis longtemps, et bien avant la responsabilité fondée sur la confiance, d'une jurisprudence fournie sur les obligations d'information et de mise en garde du banquier, du négo- ciant ou du gérant de fortunel2.

A. Obligations d'information et de mise en garde

Ainsi, dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a ordonné une indemnisation complète de l'investisseur par le gérant ( non bancaire) qui avait, de manière insuffisante, informé et mis en garde son client quant aux risques d'une po- litique de placement se limitant exclusivement aux options sur devises 13.

En matière de négoce, le législateur s'en est préoccupé en édictant des règles de conduite (article II LBVMI4), et notamment un devoir du négo- ciant envers ses clients, de les informer "en particulier sur les risques liés à un type de transactions donné". Ces exigences légales ont été notamment concrétisées (partiellement et restrictivementl5) par l'Association suisse des

12 ATF 119 II 333, JdT 1994 1 610; HGer ZH, ZR 1993 300 n° 84; HGer ZH, rés. RSDA 1998199 r13; TF 4C.351/1997 du 27 avril 1998, rés. RSDA 1999 198 r5.

13 ATF 124 III 155, JdT 1999 1125, SJ 1998689 obs. BRETTON-CHEVALLIER; WEBER, Haftung; également discuté par KUSTER, Aufkliirungspflicht.

14 Loi fédérale sur les bourses et le conunerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (RS 954.1).

15 THEVENOZ, Règles, pp. 20-26.

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banquiers dans les règles de conduite pour négociants en valeurs mobilières applicables à l'exécution d'opérations sur titres du 22 janvier 199716.

Il est généralement admis que l'article Il LBVM consacre à la fois une obligation de droit public sanctionnable par l'autorité de surveillance et une obligation de droit privé que chaque client peut faire valoir devant le juge civiP7. Il s'agit là d'une obligation légale qui naît indépendamment de la conclusion d'un contrat ou du type de contrat éventuellement conclu. Il s'agit d'une obligation au sens technique, c'est-à-dire d'un devoir relatif dont le client est le créancier. Sa violation est sanctionnée par les articles 97 ou 101 CO (suivant qu'elle est le faît d'un organe ou d'un auxiliaire).

À l'instar de MM. W IEGAND et BERGER 18, on peut critiquer la qualifica- tion contractuelle des obligations résultant de l'article Il LBVM, dans la mesure où ces obligations ne reposent pas - ou pas nécessairement - sur la volonté du négociant de s'obliger. Certes, depuis longtemps doctrine et juris- prudence suisses ont détaché le contrat de son fondement exclusivement vo- lontaire en recourant à l'interprétation normative des déclarations de volonté selon le principe de la confiance. Même non contractuelles, il s'agit d' obli- gations, à savoir de devoirs relatifs (et non absolus) d'information, de con- seil, de mise en garde, de loyauté, de diligence qui sont dues au seul créan- cier. La violation de telles obligations, contractuelles ou légales, est un cas d'application simple et classique de l'article 97 CO. La théorie de la respon- sabilité fondée sur la confiance n'apporte ici rien de nouveau; elle paraît plutôt brouiller les enjeux.

En outre, le gérant de fortune n'est pas nécessairement un négociant, auquel cas il n'est pas assujetti aux devoirs d'information, de diligence et de fidélité prescrits par l'article II LBVM. Il est lié à son client par un mandat au sens des articles 394 ss CO, qui fait naître des obligations semblables, objets d'une jurisprudence abondantel9. La théorie de la responsabilité fon- dée sur la confiance n'est, ici également, d'aucun intérêt.

16 Reproduites in THEVENOziZULAUF, 45-19.

17 ZULAUF, Règles, pp. 25 ss, 38; WIEGANDIBERGER, p. 732.

18 WIEGANDIBERGER, pp. 734 s.; BERGER, Verhaltenspflichten, p. 108.

19 Cf. supra note 12.

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B. Responsabilité de la banque dépositaire pour la gestion fautive du gérant externe?

En revanche, la théorie de la responsabilité fondée sur la confiance pourrait ouvrir un nouveau champ de réflexion dans la discussion, qui demeure trés controversée, de la responsabilité de la banque dépositaire en cas de gestion fautive par le gérant externe.

Le point de départ reste que lorsqu'un client confie un mandat de ges- tion à un gérant indépendant plutôt qu'à la banque dépositaire de ses avoirs, la mauvaise gestion du portefeuille engage la responsabilité du gérant, non de la banque2°. En principe simple exécutante des instructions de placement que le gérant externe lui transmet dans le cadre d'une procuration, la banque ne répond envers son client de la gestion fautive du gérant externe que dans des situations relativement exceptionnelles2l :

lorsque la banque entretient ou laisse subsister une relation trop étroite avec un gérant externe qui apparaît comme son organe de fait et en tant que tel engage la responsabilité de la banque par ses actes fautifs ou lorsque pour une autre raison l'on peut faire abstraction de l'indépen- dance juridique de la banque par rapport au gestionnaire;

lorsque la banque est, parallèlement ou aux côtés du gérant externe, liée par un mandat de gestion à l'égard du client22 ;

lorsqu'un organe ou un employé de la banque se rend coupable comme auteur, co-auteur, ou simple complice, d'une infraction pénale commise par le gérant (abus de confiance, gestion déloyale, faux dans les titres, etc.), engageant ainsi la responsabilité extracontractuelle de la banque (article 41 al. 1 ou 55 CO);

hormis ces situations pathologiques, lorsque la banque exécute des ins- tructions du gérant externe qui dépassent la procuration que le client a conférée au gérant aux fins de la gestion23 •

20 Par exemple: ATF n. p. du 29 octobre 1997, SJ 1998 198; CJ GE, SJ 1997 590; RSDA 1998 199 rl3 (n. 12).

21 CJ GE, SJ 1997590; RSDA 1998 199 rl3 (n. 12); SJ 1998 198 (n. 20). Voir LÉVY, Gestion; BIZZOZERO, Gérant; PLANTA, Commentaire. Cf. surtout BREITON-CHEVALlIER,

Gérant.

22 ATF n. p. 4C.432/l994 du 30 mars 1995.

23 Cf. nOl8mment, LÉVY, Gestion, pp. 1I4 s.; WAlTER, Pflichten; DIETZI, Verantwort- lichkeit, pp. 197 ss.

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Dans un article qui a suscité une belle controverse, DE BEER24 a suggéré que le contrat de dépôt astreint la banque à une obligation de conserver la valeur du dépôt (Werterhaltungspjlicht) et de prévenir les dommages (Schadens- abwendungpjlicht); il se nouerait en outre un rapport de confiance entre le client et la banque, obligeant celle-ci à une forme de surveillance, certes sommaire, des activités du gérant externe, qui peut aller jusqu'à la mise en garde de son client et le refus des instructions du gérant.

À ma connaissance, la jurisprudence n'a pas encore eu l'occasion d' ap- pliquer la théorie de la responsabilité fondée sur la confiance à la relation entre banque simple dépositaire et son client lésé par la faute d'un gérant externe. Une grande prudence paraît donc s'imposer.

La banque dépositaire qui ne reçoit pas le mandat de gestion s'oblige envers son client à exécuter promptement et diligemment les instruc- tions de placement qu'elle recevra du gérant dans les limites de sa pro- curation. Sauf situations exceptionnelles, elle ne promet, ni ne crée l' at- tente légitime qu'elle évaluera l'opportunité des instructions reçues.

Elle n'en a d'ailleurs en général pas les moyens, parce qu'elle n'est pas informée de la politique de placement décidée entre le client et le gérant.

Elle n'en connaît les contours que par l'étendue de la procuration du gérant, qui est généralement très étendue et n'exclut que les retraits. Il est cependant évident qu'elle ne peut exécuter des instructions non cou- vertes par cette procuration sans engager sa responsabilité.

Une véritable obligation de surveillance du dépositaire sur les instruc- tions du gérant est une charge onéreuse, qui suppose des informations supplémentaires, des ressources en personnel et en technologies de l'in- formation, et surtout qui fait supporter au surveillant des risques non négligeables. Le législation impose une telle obligation aux banques dépositaires des fonds de placement (article 19 al. 2 LFp25). Mais cette prestation fait l'objet d'une rémunération (O,2 à 0,4% selon WATIER26).

On ne peut attendre un service semblable de la banque dépositaire d'un portefeuille privé qui n'obtient de rémunération que pour la conserva- tion des valeurs, leur administration courante et l'exécution des ordres de bourse.

24 DE BEER, Verantwortlichkeit, pp. 127 SS.

25 Loi fédérale sur les fonds de placement du 18 mars 1994 (RS 951.31).

26 W ATIER, Ptlichten, p. 1176.

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Dans le contexte d'un contrat existant entre deux parties, la responsabilité fondée sur la confiance - en fait, la responsabilité pour violation des obliga- tions nées de l'article 2 al. 1 CC dans un rapport particulier qui naît ici d'un contrat - est fort proche de l'interprétation supplétive ou du comblement des lacunes du contrat. Elle n'est pas et ne doit pas être un instrument de correc- tion des obligations contractuelles clairement stipulées par les parties.

III. Responsabilité pour renseignements financiers inexacts

Selon une jurisprudence qui paraissait bien établie27, la banque qui, inten- tionnellement ou par négligence, fournit des renseignements commerciaux et financiers inexacts à l'un de ses clients est susceptible d'engager sa respon- sabilité.

Ces renseignements sont toujours expressément donnés sine obligo, c'est- à-dire avec la mention expresse que la banque rend ce service à bien plaire et non sur la base d'un mandat, qui ne serait d'ailleurs pas rémunéré.

À défaut d'un contrat, la jurisprudence retient que la responsabilité de la banque est fondée sur un acte illicite:

Celui qui est interrogé sur des faits sur lesquels, grâce à sa position, il dispose de connaissances ou d'infonnations particulières doit - s'il s'autorise à donner une réponse - donner un renseignement conforme à la vérité pour aulant qu'il lui soit reconnaissable que ce renseigne- ment est lourd de conséquences pour celui qui l'interroge; il ne doit pas énoncer des faits qu'il sait faux ni se permettre des affinnations dont la fausseté devrait lui sauter aux yeux sans grande vérification. [ ... Il est également responsable] lorsqu'il tait des faits qui lui sont connus et dont il devait se dire que leur connaissance pourrait influencer la déci- sion à prendre [par l'autre partie.]u

L' arrét Sotheby de 1986, qui portait sur l'expertise exécutée à titre gracieux d'une lampe Gallé, paraît avoir remis en cause cette jurisprudence tradition- nelle29. Le Tribunal fédéral y admit la conclusion d'un mandat gratuit, avec la responsabilité qui en résulte.

27 ATF 124 III 363 cons. 5a, SJ 1999138; ATF 121 III 350 cons. 6b, SJ 19961197; ATF 112 II 347 cons. l, JdT 1987128; ATF 111 II 471 cons. 2, JdT 19861485.

28 ATF 111 II 471 cons. 3, JdT 19861485 (ici en traduction libre). Arrêts antérieurs énumérés par SCHÙNLE, Responsabilité. p. 219 note 3.

29 ATF 112 Il 347, JdT 1987128.

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Le Tribunal fédéral étendrait-Hia même analyse aux renseignements financiers, suivant en cela leBundesgeriehtshofallemand qui y voit un con- trat gratuit30? Il ne semble pas avoir pris cette direction dans un arrêt de 1996 relatif à la responsabilité de la banque chef de file du placement public d'un emprunt obligataire31 •

La théorie de la responsabilité fondée sur la confiance amène probable- ment à examiner le même problème sous un nouvel angle. La banque qui fournit un renseignement à bien plaire n'entend pas prendre des engagements contractuels, et ceci est reconnaissable pour le bénéficiaire de ces renseigne- ments. Admettre un contrat relèverait de la fiction. En revanche, la violation d'un devoir de ne pas fournir des renseignements inexacts, tel qu'il résulte de la jurisprudence traditionnelle, est moins la violation d'un devoir général (acte illicite) que celle d'un devoir relatif, c'est-à-dire d'une obligation par- ticulière qui naît entre celui qui sollicite le renseignement et celui qui accepte à titre gracieux de le lui donner. Entre eux naît un rapport légal particulier, une Sonderverbindung, fondée sur les règles de la bonne foi (article 2 al. 1 CC). Le Tribunal fédéral a tendu la perche dans un arrêt relatif à la respon- sabilité de l'avocat qui avait établi une attestation inexacte en sa qualité de proteetor d'un trust:

... il parait approprié de qualifier la responsabilité pour faux renseigne- ments de responsabilité délictuelle ou de soumettre aux principes de la responsabilité fondée sur la confiance, respectivement de la culpa in contrabendo."

Ce considérant met bien évidence l'alternative: devoir général (et donc acte illicite) ou devoir relatif, ou plutôt obligation? Entre celui qui demande un renseignement et celui qui accepte de le donner, il naît un rapport particulier (Sonderverbindung), même s'il n'est pas contractuel. Plutôt qu'une respon- sabilité "d'un troisième type", qui ne soit ni délictuelle ni contractuelle, on peut analyser la responsabilité fondée sur la confiance comme résultant de la violation d'une obligation (au sens technique du terme) résultant entre les parties des règles de la bonne foi (article 2 al. 1 CC). Comme d'ailleurs une partie importante de la doctrine l'admet depuis longtemps pour la cu/pa in contrahendo33 , la violation d'une telle obligation relève des articles 97 ou

30 WM 1998 1771, ZIP 1998 1434.

31 ATF n. p. du 2 août 1996, SJ 1997 108 cons. 7.

32 Cons. 5b, ATF 1241II 363, SJ 1999138.

33 ATF 90 Il 449, 458 cons. 6; VON TUHR, Ob1igationenrech~ pp. 192 s.; ENGEl, Traité, pp. 185 s. et 749 ss.

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101 CO, dont personne ne conteste qu'ils ne se limitent pas aux obligations contractuelles.

IV. En guise de conclusion: exit le contrat bancaire général

À mes yeux, le principal bénéfice de la théorie de la responsabilité fondée sur la confiance est de revaloriser l'importance et l'étendue des règles de la bonne foi, qui font naître certaines obligations rèciproques aussitôt que deux ou plusieurs sujets de droit entrent dans un rapport particulier, même sans acte juridique prèalable.

Dans la relation bancaire, généralement de longue durèe mais qui, sur le plan contractuel, s'analyse comme un cumul et/ou une succession de COD-

trats particuliers, limités dans le temps et dans leur objet, les règles de la bonne foi viennent tisser certaines obligations autour, et parfois dans les lacunes, de ces contrats.

La tentative de la doctrine et de la jurisprudence34 d'analyser la relation bancaire comme fondant un contrat bancaire général ou rèsultant d'un tel contrat est une fictionjuridique35. Même interprètées selon le principe de la confiance, il n'y a pas de manifestations de volonté réciproques de s'obliger durablement et en des termes très généraux.

11 n'en existe pas moins certaines obligations rèciproques qui rèsultent de cette relation durable, mais elles n'ont pas un fondement contractuel.

Elles reposent sur l'article 2 al. 1 CC, qu'il appartient au juge d'appliquer avec prudence dans chaque cas concret afin de déterminer s'il convient de retenir, à charge d'une partie, une obligation que les règles de la bonne foi lui imposent même si elle ne l'a pas voulue.

Le fondement dogmatique d'une telle responsabilité est en parfaite co- hérence avec le système de notre droit privé. On peut sans regretter écarter la fiction juridique d'un contrat général bancaire que les parties n'ont jamais voulu conclure.

34 Si 19991205 cons. 3a (n. 1), et auteurs cités; SCHMID, Bankvertragsrecht, pp. 158 sa;

WIEGAND, Rechtsheziehuog, pp. 131 ss, 135.

35 GUGGENHEIM, Contrats, p.26; KLEIN ER, Baokkonto, pp. 274 s. Cf. TApp. TI, Rep. 1990244, rés. RSi 1993 31 n' 6.

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