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De quelle concurrence parlons-nous ?

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1680 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 10 septembre 2014

maladie ont multiplié les scandales avec arrogance. Leur absence d’intérêt pour la prévention et la gestion des maladies chro- niques diminue la qualité des soins. La chasse aux bons risques n’est pas éthique.

Le contrôle arbitraire des thérapeutes et la pression des caisses pour pouvoir choisir ceux qui seront remboursés sont inaccep- tables. La réaction de rejet est tout à fait compréhensible.

Ceci dit, il faut bien constater que c’est le cadre légal qui permet ou impose tout ceci aux assurances-maladie. Les chambres fé- dérales, à la quasi-unanimité, ont voté en début d’année une nouvelle loi de com- pensation des risques qui interdit à l’avenir la sélection des risques et met les assureurs en concurrence sur la prise en charge des maladies. Pourquoi ne l’avoir pas fait avant ? Le parlement, dans les semaines qui vien- nent, va voter en plus une augmentation du contrôle des caisses maladie. On voit qu’il existe d’autres alternatives à la CP

pour mettre fin aux dérives des caisses maladie.

Les thérapeutes se plaignent du blocage, voire de la diminution des tarifs. La CP supprimera certes le contrôle des caisses, mais il paraît naïf d’imaginer que ceci per- mettra la fin du contrôle des prestations.

En étant responsable de la totalité du fi- nancement, le politique devra assumer seul la difficulté de trouver le financement d’une éventuelle augmentation des tarifs dans un contexte de déficits publics. Il ne pourra plus rejeter la faute sur les caisses et devra alors certainement faire pression sur les coûts.

Certains estiment que la CP mettra un terme au problème de la fin de l’obligation de contracter défendue par les caisses. Ce ne sont pourtant pas les assureurs qui peuvent décider de choisir les thérapeutes qui seront remboursés, mais le politique. Il existe déjà d’ailleurs des mesures dans ce sens, avec une limitation de l’installation

des radiologues dans certains cantons.

Pour les soins intégrés, on considère de plus en plus qu’il faut construire des équipes autour d’un patient, plutôt que des institutions autour des maladies. Les médecins en pratique libérale font ceci depuis longtemps, malgré le poids des institutions. La CP amène le risque d’une dérive vers une institutionnalisation de la médecine, car la réponse de l’Etat se base le plus souvent sur la création de nou- velles institutions.

Au final, la question que pose la vota- tion sur la CP pourrait être de savoir s’il vaut mieux que ce soit des institutions qui se chargent des maladies chroniques, avec davantage d’intervention de l’Etat dans la relation médecin-malade.

Dr Marc-André Raetzo Groupe médical d’Onex

Route de Loëx 3 1213 Onex

Je ne suis sans doute pas le seul médecin à réagir positivement quand on me parle de concurrence. J’y vois un stimulant, une in- citation à faire mieux, à produire de meil- leurs résultats, à satisfaire mes patients. Il est vrai que je n’ai pas été un fan de la concurrence au sens académique, que je ne me suis pas nourri de l’adage publish or perish. Ecrire des papiers souvent plus utiles à remplir un CV qu’à faire avancer la science n’était pas mon truc. Mais poser le bon diagnostic, réussir une intervention difficile sans complication et contribuer à la guérison m’a toujours donné le senti- ment du devoir accompli à la fin d’une journée parfois harassante. J’aime les soi- gnants qui travaillent avec passion, avec la volonté de se dépasser même s’ils ne sont pas toujours justement récompensés pour leurs efforts. L’idée que les patients nous

en sont reconnaissants, c’est déjà beaucoup.

Pour que la concurrence s’exerce, il faut la liberté de choisir. Limité dans les hôpitaux publics, le choix est encore bien réel en pra- tique ambulatoire privée. Il faut aussi que mes patients ou les collègues qui m’adres- sent des patients sachent comment je tra- vaille, quels sont mes résultats, si je suis digne de confiance. Ils doivent même oser me faire une infidélité à l’occasion. Dans un système libéral, la libre concurrence, c’est laisser à chacun la liberté de produire et de vendre ce qu’il veut, aux conditions qu’il choisit. Une belle théorie qui ressem ble peu à notre quotidien. Dans l’assurance de base, les tarifs sont imposés, le catalogue de prestations est défini. Si nous dépassons les coûts moyens de la spécialité, nous voilà mis au pilori par les assureurs chargés lé- galement de nous surveiller. Certains d’entre

nous débordent de travail et ne cherchent pas de clients. D’autres ont la vie plus dure et lorsqu’ils partagent leur temps entre la médecine interne générale et une spéciali- té, voilà qu’on refuse de prendre en charge leurs soins, comme s’ils étaient de moins bons médecins.

Je ne fais plus partie de la garde mon- tante, mais je crois que les jeunes collègues aussi sont majoritairement attachés à exer- cer notre art avec excellence, à pratiquer ce que nous appelons simplement une bonne médecine. Il est vrai que nous abandonnons un peu facilement l’aspect économique de notre activité à ceux qui ont le sens des affaires. Il est difficile sinon impossible de gérer de manière pointue un cabinet sans y consacrer une partie appréciable de ses loisirs. Sous-traiter la facturation, la comp- tabilité ou la gestion administrative du

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 10 septembre 2014 1681 personnel est sage. Ce n’est pas notre mé-

tier. Beaucoup d’entrepreneurs mandatent des entreprises externes pour ces tâches, mais restent les patrons responsables de l’entreprise. Mon inquiétude viendrait plu- tôt du nombre croissant de médecins qui s’engagent dans une entreprise dont ils ne tiennent pas les rênes. Nous y avons été habitués dans les hôpitaux. Moins de tra- cas administratifs, facilité de changer de lieu, mais aussi de perdre ce qui a été construit lorsque que notre vision ne s’ac- corde plus avec une direction qui privilé- gie les résultats comptables. Il est pourtant essentiel que nous gardions le contrôle de la médecine, que nous soyons au centre des décisions lorsque des coupes devien- nent inéluctables.

Un des arguments principaux des oppo- sants à la caisse maladie publique, c’est le maintien de la concurrence sans laquelle les coûts ne sauraient plus être contrôlés. Il vaut la peine d’y réfléchir. D’abord, il s’agit d’une concurrence entre les caisses qui, c’est un scoop, ne sont pas des fournisseurs de soins. Cette concurrence s’exerce sur deux points puisque les assurés sont libres de changer de caisse : les primes et le service fourni. Pour les primes, c’est simple. Celui qui y est attentif changera chaque année de caisse pour choisir la prime la plus basse. Oublions le temps perdu et le travail administratif. Ces changements fréquents alimentent le jeu des réserves que les assu- reurs doivent constituer. Le mécanisme est bien connu. Une caisse qui grandit grâce à des primes basses doit augmenter ses ré- serves. Elle devra donc adapter ses primes vers le haut et verra les assurés mobiles la quitter, ce qui entretient le mouvement.

Mais les réserves restent acquises à la caisse lorsque l’assuré la quitte. Ce jeu qui paraît anodin permet d’échapper à la solidarité entre risques différents dans une assurance sociale qui est, il ne faut pas l’oublier, obli- gatoire. Imaginez que nous puissions, en fonction de la caisse de compensation que nous avons choisie, payer des cotisations AVS différentes pour recevoir en fin de compte la même rente. Ou réduire forte- ment nos cotisations AVS lorsqu’une mala- die chronique nous donne peu de chances d’arriver à la retraite.

Quant à la concurrence sur le service fourni, elle ne pousse pas une caisse à

s’améliorer. Les bons assurés ne sont-ils pas ceux qui, n’étant pas malades, ne coûtent rien ou presque ? La caisse habile les ac- ceptera sans complication, mais traînera les pieds dès qu’il s’agit de rembourser des traitements coûteux. Une petite incitation à aller voir ailleurs. Caricature ? Peut-être.

Mais les témoignages ne manquent pas pour nous montrer la réalité de ces méca- nismes. Le parlement fédéral en est cons- cient, mais travaille à la vitesse de l’escar- got. Ses tiroirs regorgent de projets qui sont autant de miroirs aux alouettes atten- dant leur démantèlement dès que l’initia- tive pour une caisse publique aura été reje- tée. Pensez à la compensation des primes payées en trop dans plusieurs cantons. Le problème est connu depuis au moins dix ans. Il a été dénoncé sans résultat. Il a fallu la ténacité de quelques conseillers d’Etat pour que la question soit finalement abor- dée à Berne et que l’on décide mollement de mettre un petit emplâtre sur cette bles- sure. N’essayez pas de me faire croire que les caisses sont incapables de calculer la différence entre les primes encaissées et les coûts assumés.

Je suis fatigué par ce poker menteur dans le seul intérêt des caisses, je suis lassé de tant de sornettes racontées ces dernières semaines. Je veux une concurrence effi- cace, qui pousse à améliorer les soins, pas un couteau sous la gorge. Or l’évolution actuelle est en train de nous faire perdre tout contrôle du système de santé. Les coûts continueront leur croissance et c’est ce fac- teur qui permettra bientôt aux caisses de bétonner leur pouvoir face à un monde politique qui se perd dans la gestion de budgets déficitaires. La fameuse liberté de contracter qu’elles essaient de glisser dans chaque projet de loi, elles finiront par l’ob- tenir. Elle leur donnera un contrôle étendu, le droit de refuser le remboursement des prestataires qui n’acceptent pas les tarifs et rabais exigés. Nos centres de soins pour- raient alors ressembler aux centres de dis- tribution d’Amazon et les pouvoirs publics se déclareront incapables d’intervenir.

La LAMal a institué une assurance- maladie sociale avec de grandes qualités, mais aussi des défauts majeurs pour un esprit libéral, car elle exclut pratiquement toute libre concurrence dans le domaine ambulatoire. C’est un prix que le peuple

suisse a accepté de payer en 1994. Alors allons jusqu’au bout ! Si je votais oui à la caisse publique, c’est dans un esprit libéral, pour préserver l’autonomie de la méde- cine plutôt que celle des caisses. Le débat sur les coûts des soins et sur l’étendue de l’assurance sociale doit rester sur le terrain politique. Il ne doit pas être progressive- ment confisqué par quelques caisses puis- santes qui ne poursuivent que des objectifs économiques. Si la décision démocratique est d’économiser sur l’assurance-maladie, elle doit faire l’objet d’un consensus et être assumée. Asphyxier le système de soins en nous chargeant de décider où couper puis- que nous savons où ça fait mal, non merci !

Tant de sornettes ont été dites sur cette initiative ! Il ne s’agit ni de mettre en place une sécurité sociale à la française, ni de renforcer le contrôle de l’Etat sur les tarifs – il est pratiquement total par la volonté des caisses – mais de mettre un peu d’ordre dans un système opaque et inique. Pas question non plus de faire disparaître les modèles d’assurance réseau ou autres, ni de payer des primes en fonction du reve- nu. Relisons le texte : l’assurance-maladie sociale est mise en œuvre par une institu- tion nationale unique de droit public qui crée des agences cantonales ou intercanto- nales chargées de fixer les primes par can- ton, sur la base des coûts, de les encaisser et de payer les prestations. Ce principe constitue le cadre imposé au Parlement pour adapter la loi. Il ne fait aucun doute que les caisses actuelles continueront à jouer un rôle important, mais elles devront appliquer les mêmes règles et des primes identiques dans le canton pour un même modèle d’assurance. Les réserves seront gérées au niveau cantonal et les caisses seront enfin sous contrôle. Elles l’ont bien compris et c’est pourquoi elles mettent tant de moyens pour faire échouer cette initiative.

Dr Pierre-Alain Schneider Hôpital de la Tour Avenue J.-D. Maillard 3 1217 Meyrin

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