G ERGONNE
Analise élémentaire. Développement de la théorie donnée par M.
Laplace, pour l’élimination au premier degré
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 4 (1813-1814), p. 148-155
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I48
ANALISE ÉLÉMENTAIRE.
Développement de la théorie donnée par M. LAPLACE ,
pour l’élimination
aupremier degré ;
Par M. G E R G O N N E.
ÉLIMINATION
CRAMER
est ,je crois ,
lepremier qui
aitremarqué
la loi que suivent les valeurs des inconnues dans leséquations
dupremier degré,
etqui
aitindiqué
des méthodes pour construire cesvaleurs,
sans passer par le calcul de l’élimination.
Postérieurement , Bezout ,
dans sa Théorie
générale
deséquations algébriques,
aapporté quel-
ques modifications à ces
méthodes ; mais, quoiqu’il
fût sur la voied’en donner une démonstration
proprement dite ,
elles sont demeuréesentre ses
mains ,
comme entre celles deCramer ,
le résultat d’unesimple
induction.Ce n’est seulement
qu’en 1772 que M.Laplace,.
dans les Mémoires’de l’académie des
sciences,
adémontré,
pour laprenlière fois,
d’unemanière
générale
etrigoureuse
l’exactitude de ces formules.Mais,
soit que la
précieuse
collection où la théorie de cet illustregéo-
mètre est
exposée,
ne se trouve pas sous la main de tout lemonde,
soitplutôt
que M.Laplace
neprésentant
pour ainsi direcette théorie
qu’en passant ,
ne lui aitpoint
donné ledéveloppement
suffisant
pour la
faire bienapprécier,
on atoujours
continuédepuis
lors ,
dans tous les traitésd’algèbre,
àn’appuyer
les méthodes de construction des valeursgénérales
des inconnues que sur unesimple
induction.
Une
AU PREMIER DEGRE. I49
Une expérience
deplus
de dix années m’a convaincu que lathéorie
de M,Laplace ,
suffisammentdéveloppée
n’excède pas laportée
des
esprits
lesplus
ordinaires. Voici sousquelle
furmej’ai
coutumede la
présenter.
J’ose croirequ’on
la trouveraplus
courte etplus.
simple
que les calculsqu’il
faudrait faire pour donnerquelque
vrai-semblance aux conclusions
qu’on voudrait
tirer de l’induction.i. Dans tout ce
qui
vasuivre , j’appellerai
Nombres deméme espée
deux nombresqui
seront l’un et l’autrepairs
ou l’un etl’autre
impairs. J’appellerai,
aucontraire ,
Nombresd’espèces diffé-
rentes deux nombres dont l’un sera
pair
tandis que l’autre seraimpair.
2.
Ainsi,
il sera vraiqu’on change l’espèce
d’un nombre en luiajuutant
ou en lui retranchant une unité ou ,plus généralement,
un nombre
impair quelconque ,
etqu’on
ne lachange
pas en luiajoutant
ou en lui retranchant un nombrepair.
3. Il sera encore vrai de dire que, si l’on
change plusieurs
foisconsécutivement
l’espèce
d’unnombre,
sonespèce
se trouvera défi-nitivement être ou n’être
plus
la mêmequ’elle
était enpremier lieu ,
suivant que le nombre deschangemens d’espèces qu’il
aurasubi sera
pair
ouimpair.
4.
Soient deslettres a, b,
c,...., toutes différentes les unesdes autres, au nombre de m. Concevons que ces lettres soient
écrites,
les unes à la suite des autres , dans un ordre arbitraire. Si alors.
deux d’entre elles se trouvent tellement
disposées ,
l’une parrapport
à
l’autre ,
dansl’arrangement total,
que cellequi
se trouve leplus
à droite
soit,
aucontraire,
à lagauche
de l’autre dansl’alphabet ;
nous
exprimerons
cette circonstance en disant que ces deux lettres forment entre elles une inversion, Nousdirons,
enconséquence ,
que
l’arrangement
totalprésente
autant d’inversionsqu’il s’y
trouverade
systèmes
de deux lettres pourlesquelles
la même circonstance aura lieu.5. On voit par là que, si les m lettres se trouvent écrites suivant Torn. IV.
I50
ÉUMINAT10N
l’ordre
alphabétique ,
le nombre des inversions seranul ;
etqu’au
contraire il
n’y
aura que desinversions , lesquelles par conséquent
seront au nombre
de
si elles sont écrites dans un ordreabsolument inverse de celui de
l’alphabet.
6. Soit M un
arrangement quelconque
de nos mlettres ;
per-mutons-y
entre elles deux lettres consécutivesquelconques,
sanstoucher aucunement aux autres ; et soit M/ le nouvel
arrangement
qui
en résulte. Je dis que , dans M et1B’11,
les nombres d’inversionssont
d’espèces
différentes. Eneffet,
les deux lettrespermutées
devantnécessairement former une inversion dans l’un des arrangemens
M, M’,
et n’enpoint
former dansl’autre ,
et toutes les autres lettresdemeurant ,
dans les deux arrangemells ,disposées
de la mêmemanière,
soit entreelles ,
soit parrapport
àcelle-là ;
il s’ensuit que .soit en
plus
soit eninoins ,
le nombre des inversions de M’ diffère seulement d’une unité du nombre des inversions deM ;
ces deuxnombres sont donc
d’espèces
différentes.7. Il suit de là que , si l’on
déplace
une seule lettre d’une manièrequelconque , l’espèce
du nombre des Inversions demeurera la mêmeou se trouvera
changée ,
suivant que le nombre desplaces
parcourues par cette lettre serapair
ouimpair.
Eneffet ,
onpeut
concevoir que ledéplacement
nes’opère
quesuccessivement,
par la permu- tation continuelle de cette lettre avec savoisine ,
soit de droite soit degauche ;
or , àchaque permutation partielle (6), l’espèce
dunombre des inversions
variera ; donc,
à la fin(3) ) l’espèce
dunombre des inversions se retrouvera la même
qu’au
commencement ou serachangée ,
selon que le nombre depermutations partielles, c’est-à-dire,
le nombre desplaces
parcourues serapair
ouimpair.
8. Concluons de là que , si l’on
déplace
deuxlettres ,
pour leur faireparcourir ,
en tout , un nombreimpair
de rangs ,l’espèce
dunombre des inversions se trouvera nécessairement
changée.
Il estclair,
eneffet , qu’il faut,
pourcela ,
que l’une des deux lettresdéplacées
parcoure un nombrepair
de rangs , cequi
nechange
pas
(7) l’espèce
du nombre desinversions ,
et que l’autre en par-AU PREMIER ORDRE.
I5Icoure ensuite un nombre
impair,
cequi
doit nécessairement lachanger (7).
9.
Donc ,
si l’onpermute
entre elles deux lettres nonconsécutives
on
changera
nécessairementl’espèce
du nombre des inversions. Soiten effet n le nombre des lettres intermédiaires à ces
deux-la ;
onpourra d’abord
porter
la lettre laplus
àgauche
immédiatement àgauche
del’autre ,
cequi
lui feraparcourir
nplaces ; puis
remettrecette dernière à la
place
de lapremière;
et, comme elle seraobligée
de passer
par-dessus celle-ci ,
elle se trouvera avoir parcouru n+Iplaces.
Le nombre total desplaces
parcourues par les deux lettressera donc 2n+I, et
conséquemment (8) l’espèce
du nombre desinversions se trouvera
changée.
10. Soit écrite successivement la lettre b à la
gauche
et à ladroite de la
lettre a ,
enchangeant
lesigne
auchangement
deplace;
on formera ainsi le binôme
Soit introduite
successivement ,
et en allant degauche
àdroite ,
lalettre c ,
dans chacun des termes de cepolynôme ,
en lui faisantparcourir ,
danschacun,
toutes lesplaces
de droite àgauche ,
etchangeant
encore designe
àchaque changement
deplace,
on formeraainsi le
polynôme
Concevons que l’on en fasse de même successivement pour les lettres suivantes
d, e, f,...,jusqu’à
la dernièreinclusivement,
en suivanttoujours
exactement l’ordrealphabétique :
onparviendra
ainsi àun
polynôme homogène P,
de mdimensions ,
dont les termes y aunombre de I.2.3.... m, ne seront évidemment autre chose que la totalité des
permutations
dont nos m lettres sontsusceptibles.
Jevais prouver que ,
d’après
ce mode degénération ,
les termes de ceI52
ÉLIMINATION
polynôme
auront lesigne
-+- ou lesigne
- i suivant que le nombre des inversionsqu’ils présenteront
serapair
ouimpair.
Il est d’abord aisé de voir que les deux résultats que nous venons de former satisfont à cette loi.
Supposons
doncqu’elle
se soutienneencore pour
l’avant-dernier polynôme,
de manière que chacun deses termes
porte déjà
lesigne qui
convient au nombre de ses inversions.L’introduction de la dernière lettre à la droite de l’un de ces termes ne
changera
rien à cet état de chosespuisqu’elle
n’enchangera
nile
signe
ni le nombre des inversions. A mesure que cette lettreavancera ensuite vers la
droite, l’espèce
du nombre des inversionssc trouvera alternativement
(7) changée
etrétablie ;
mais lesigne
se trouvant
aussi ,
parhypothèse,
alternativementchangé
etrétabli,
la loi dont il est
question
continuera àsubsister, si,
comme nousle
supposons ,
elle a lieu dans l’avant-dernierpolynôme ; puis
doncqu’elle
subsiste dans les deuxpremiers ,
il s’ensuitqu’elle
estgénérale.
Il. Concevons actuellement que , dans chacun des termes du
polynôme P,
on affectechaque
lettre d’un indiceégal
au rang decette
lettre,
en cette manièreon formera ainsi un nouveau
polynôme D , qui
n’auraplus
de termessemblables. Je vais prouver que
si,
dans cepolynôme D,
onchange
une lettre
quelconque
en une autre , en laissant d’ailleurs celle-ci où elle se trouvedéjà,
et sans toucher auxindices ,
tout lepoly-
nôme s’anéantira.
Supposons ,
eneffet,
que l’onchange h
en 8, sanstoucher à
AU PREMIER ORDRE.
I53g ni aux indices.
Soient ,
pour un termepris
auhazard
dans lepolynôme ,
p et y les indicesrespectifs de g et h ;
cepolytiôme ,
renfermant toutes les
permutations ,
doit avoir un autre terme nedifférant
uniquement
de’celui-là qu’en
ce que c’est Ilqui
yporte
l’indice p
et g
l’indice q : et deplus (g)
ces deux termes doiventêtre affectés de
signes contraires ;
ils se détruirontdonc , lorsqu’un changera h
en g ; et il en sera de même de tous les autres termespris
deux à deux.12. La lettre a devant se trouver dans tous les termes du
poly-
nôme
D ,
et nepouvant
se trouverqu’une
seule fois danschacun;
ce
polynôme peut
être ordonné suivant les indices de cettelettre,
ainsi
qu’il
suit :A1, A2, AJ’ ... Am
étant des fonctions deb, ,
cI,di
,...,b2,
c2,d2
,....,bm,
Cm,dm. Alors, d’après
cequi
vient d’êtredit
(1 1),
on devra avoirLe
polynôme D ,
ordonné parrapport à quelqu’autre lettre,
don-nerait lieu à des
conséquences analogues.
13. Ces’choses
entendues, soient,
entre les m inconnues x,y,z,...;les m
équations
(*) Ce sont ces fonctions dont il a été
question
à la page I53 du 3.e volume de ce recueil.I54 ÉLIMINATION
En
prenant
la somme de leursproduits respectifs
parAI, A2, A3,...Am,
etayant égard
auxéquations (I et 2 ) ,
ilviendra
d’où
Ainsi le dénominateur commun des valeurs des inconnues n’est autre
chose que le
polynôme D ;
et on en conclut le numérateur de la valeur de chacuned’elles,
en y mettant la lettrequi représente
le terme tout comnme à la
place
de cellequi représente
le coefficient de cetteinconnue , toujours
sans toucher aux indices.I4. Si,
dans leséquations (3),
onchange K1, k2, k3 .... km
connue, ces
équations, toujours
au nombre de m , deviendrontet
donneront,
par unsemblable changement opéré
dansl’équation (4) t
AU PREMIER ORDRE.
I55or , comme p , dans cette
équation,
demeurearbitraire ,
onpeut
fort bien poser 03C1=2013D03B1: on aura ainsi
formule dans
laquelle et
demeure indéterminée. On aurait des valeursanalogues pour
03B3, z,... 03B3.15.
Ainsi ,
la même méthodequi
nous a conduit aux valeursgénérales
desinconnues,
dans lesproblèmes
déterminés dupremier degré,
nous donneégalement
les valeurs entières lesplus générales
des inconnues dans les
problèmes
indéterminés de cedegré ;
dumoins
lorsque
leséquations
n’ontpoint
de terme tout connu,et que le nombre des inconnues
n’y
surpasse que d’une seule unité le nombre de ceséquations.
16.
Mais y
de ce casparticulier
onpeut
facilement passer auxautres.
Si,
eneffet,
le nombre des inconnues surpasse de n unités celui deséquations,
il nes’agira
que dejoindre
auxéquations
données n-i autres
équations
de même forme affectées de coeffi- ciensarbitraires ;
laqnestion
se trouvera ramenée au cas que nousvenons de
considérer,
avec cette différencequ’au
lieu d’une seulearbitraire ,
les valeurs des inconnues en contiendrontplusieurs.
C’està peu près
par cette voie que,depuis long-temps,
M. Servois était parvenu , de soncôté,
aux résultats quej’ai
donnés à lapage 156
du 3.e volume de ce recueil.
17. Enfin la même méthode
peut
conduire encore auxéquations
de condition