• Aucun résultat trouvé

De l identité de la littérature jeunesse

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "De l identité de la littérature jeunesse"

Copied!
146
0
0

Texte intégral

(1)

Lucie Failliot

Mémoire de 4

ème

année Mémoire de Master

Séminaire : La Fabrique Culturelle Sous la direction de : Claire Toupin-Guyot

2020-2021

De l’identité de la littérature jeunesse

Analyse du panel d’expressions d’une littérature

(2)

«  Quand on est perdue et qu’on a un nom, on est déjà un tout petit peu moins perdue, dit la tortue en s’avançant d’un pas minuscule. » Claude Ponti

(3)

R

EMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Toupin-Guyot, ma directrice de mémoire, pour son encadrement tout au long de l’année, parvenue à m’insuffler un part infime de sa rigueur. Un grand merci à son aide précieuse, disponible jusqu’à la dernière minute.

Je tiens également à exprimer ma reconnaissance aux personnes m’ayant accordé un peu de leur temps, parfois beaucoup : l’écrivaine Jo Witek, la journaliste Lucie Kosmala, les responsables du secteur jeunesse des Champs Libres ainsi que le chef de projet culturel Victor Vendries.

Mes proches savent déjà comme ils m’ont été précieux : ma mère, dans sa fine relecture, ses conseils éclairés et son inaltérable soutien ; mon père et sa cuisine, dont il ne faut pas sous-estimer les mérites en période de rédaction ; ma sœur et son oreille attentive.

Mes remerciements s’en vont finalement vers mes amis : Mathilde, avec qui j’ai pu partager de sympathiques moments de détresse ; Elisa, pour qui la folie n’est pas une tare ; Nathan, merci d’avoir supporté mes états d’agitation aiguë avec beaucoup de stoïcisme.

(4)

R

ÉSUMÉ

Résumé :

La littérature de jeunesse est détentrice des livres prêts à instruire, éduquer et faire grandir. Portant l’empreinte de son destinataire jusque dans sa dénomination, de multiples acteurs gravitent autour d’elle ; de l’éditeur, assurant une production d’ouvrages pour enfants pléthorique, aux parents, acheteurs et prescripteurs, sans oublier les professionnels du livre, l’institution scolaire et l’Etat qui, dans un pays ou la Littérature dispose d’une considération tout particulière, s’activent pour défendre le livre et la lecture auprès de ce public vaste et hétérogène que sont les jeunes (enfants et adolescents). Mais la littérature jeunesse est aussi poétique, elle est image, texte et musique, fruit de la fibre artistique d’un panel d’auteurs et d’illustrateurs, elle donne à voir un contenu d’une richesse remarquable. Elle est enfin paradoxale, et demeure le souvenir des plus grands qui font d’elle une culture.

Mots clés : littérature de jeunesse / littérature / jeunesse / édition jeunesse / livres pour enfants / transmédialité / auteurs jeunesse / bibliothèques / prescripteurs / école

Abstract :

Children's literature is the repository of books designed to instruct, educate and help people grow up. It is a field in which many players revolve, from publishers, who produce a plethora of children's books, to parents, buyers and prescribers, not forgetting book professionals, schools and the State, which, in a country where literature is held in special esteem, are active in defending books and reading among the vast and heterogeneous public of young people (children and adolescents). But children's literature is also poetic, it is image, text and music, the fruit of the artistic fibre of a panel of authors and illustrators, it gives us a remarkably rich content. Finally, it is paradoxical, and remains the memory of the great ones who make it a culture.

Key words : children's literature / publishing / children’s books / children’s authors / advisor / library / transmediality / school

(5)

S

OMMAIRE

INTRODUCTION ………7 PARTIE 1 - DE L’ÉPOQUE MODERNE À NOS JOURS : ÉMERGENCE ET C O M P L E X I F I C AT I O N D E L’ I D E N T I T É D E L A L I T T É R AT U R E JEUNESSE……….………15

CHAPITRE 1. LESDIFFÉRENTESÉTAPESDECONSTRUCTIONDUNELITTÉRATUREPOUR

ENFANTS………..………..….………15

CHAPITRE 2. PRENDRE PLACE DANS LA FRANCE DAPRÈS-GUERRE : UNE

PROGRESSIVEREDÉFINITIONDELALITTÉRATUREJEUNESSE…….………..…..28 CHAPITRE 3. CHAPITRE 3. À LA LUMIÈRE DU XXIE SIÈCLE : UNE IDENTITÉ

« COMMERCIALE » PLUTÔTQUE «  LITTÉRAIRE » ?……….……..40 PARTIE 2 - L'EXPRESSION D'UNE LITTÉRATURE STRUCTURÉE PAR LES ACTEURS PRÉSENTS AUTOUR D’ELLE……….….50

CHAPITRE 1. LA LITTÉRATURE JEUNESSE SOUS LE PRISME DES POLITIQUES DU

LIVRE……….…50

CHAPITRE 2. DE L’ÉCOLE AU PATRIMOINE : UNE LITTÉRATURE JEUNESSE OFFICIELLEMENTLÉGITIMÉE……….……….60 CHAPITRE 3. UNE IDENTITÉ ÉTOFFÉE DUN BOUT À LAUTRE DE LA CHAÎNE DU

LIVRE………..71

PARTIE 3 LES FACETTES MULTIPLES D’UNE LITTÉRATURE POUR ENFANTS CONFRONTÉE À DES PROBLÉMATIQUES ACTUELLES………82

CHAPITRE 1. LESDÉFISDEL'ÈRENUMÉRIQUE : DEVRAISDÉFIS ?………82 CHAPITRE 2. UNE LITTÉRATURE ÉPROUVANT PARFOIS LES CHOIX DES ACTEURS ÉVOLUANTAUTOURDELLE………..92 CH A P I T R E 3 . LA L I T T É R AT U R E J E U N E S S E : U N E L I T T É R AT U R E

LIBRE……….………..……….102

CONCLUSION………..110

(6)

T

ABLE DESSIGLES

A.C.C.E.S : Actions Culturelles Contre les Exclusions et les Ségrégations APU : Association pour le Prix Unique du livre

ANLCI :  Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme BCD :  Bibliothèque Centre Documentaire 

BCP : Bibliothèque Centrale de Prêt

BDP : Bibliothèque Départementale de Prêt BI : Bibliothèque Intercommunale

BM : Bibliothèque Municipale

BnF : Bibliothèque Nationale de France Bpi : Bibliothèque Publique d’Information CA : Chiffre d’Affaires

CDI : Centre de Documentation et d'Information CNL : Centre National du Livre

CNLJ : Centre National du Livre pour la Jeunesse

CRILJ : Centre de Recherche et d’Information sur la Littérature pour la Jeunesse CPLJ : Centre de Promotion de la Littérature Jeunesse

DBLP : Direction des Bibliothèques de France et de la Lecture Publique DGMIC : Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles DGD : Dotation Générale de Décentralisation

DLL : Direction du Livre et de la Lecture

DRAC : Directions Régionales des Affaires Culturelles

IBBY : International Board of Books for Young People : Union internationale pour les livres de jeunesse

ONU : Organisation des Nations Unies SLL : Service du Livre et de la Lecture SNE : Syndicat National de l’Édition

UQTR : Université du Québec à Trois-Rivières

(7)

I

NTRODUCTION

« C’est vous qui méprisez les jeunes adultes, en leur donnant à mâcher cette sous-culture marchande prônée comme unique valeur du futur1 » attaque l’écrivain français Alain Blottière, s’adressant à la journaliste Lucie Kosmala, le 22 décembre 2018. Rendue publique sur le réseau social Facebook par la seule initiative de l’homme, cette confrontation naît de la mise à l’honneur du secteur Young Adult, dont la jeune fille est responsable, à l’occasion du salon Livre Paris 2019. Quelques semaines plus tard, plus de cent écrivains s’insurgent collectivement et s’en suit la publication de plusieurs tribunes, notamment dans Le Monde2 et Livres Hebdo , 3 sur cette parodie littéraire que serait le Young Adult. Pourtant, cette tendance née outre-atlantique et dont la jeunesse n’a d’égal que la popularité auprès des jeunes, s’implante dans l’univers du livre français. « Avez-vous fait une école de commerce ? » demande encore Alain Blottière : « Hypokhâgne, khâgne puis des études supérieures de lettres » certifie Lucie Kosmala.

Diantre ! Tous deux ont la même formation, mais avec près de quarante ans d’écart, difficile de surenchérir lorsque le temps semble détenir le fin mot de l’histoire. Ces crispations relatives au développement d’un nouveau genre littéraire que d’aucuns considèrent à cheval entre la littérature jeunesse et la littérature générale, d’autres l’intégrant entièrement à l’univers jeunesse, soulignent combien celui-ci n’est pas exempt de tensions, loin s'en faut.

Autour des valeurs de l’objet littéraire, peu de consensus existent : certains préfèrent évoquer les liens tissés entre la littérature et la culture, attribuant à la première un pouvoir signifiant , proche de celui de dire le monde . Plusieurs accentuent son 4 5 utilité, son engagement et ses responsabilités, à l’instar de Victor Hugo qui écrit que « la littérature, d’une certaine, manière, serait la vérité des sociétés et du pouvoir dans la cité6 », tandis que d’autres rappellent l’importance de l’air culturelle et linguistique dans

Propos d’Alain Blottière, recueillis en ligne sur le réseau social Facebook, < www.facebook.com >, consulté le 19

1

avril 2021.

« « Dans un salon consacré au livre, et à la littérature française, n’est-il plus possible de parler français ? » », Le

2

Monde, 26 janvier 2019.

« Ecrivains et éditeurs s’indignent de voir le « globish » envahir Livre Paris », Livres Hebdo, 26 janvier 2019.

3

REY (Alain) (sous la direction de), « Littérature », dans Dictionnaire culturel en langue française, Paris, Le Robert,

4

2005, 9 648p.

SARTRE (Jean-Paul), Qu’est ce que la littérature ?, Paris, Éditions Gallimard, 1948, 384p., p. 63.

5

HUGO (Victor), Choses vues, 1849-1869, Paris, Éditions Gallimard, 1972, 840p., p.397.

6

(8)

laquelle elle se déploie, lui conférant dès lors une « unité sociale1 », une identité.

Aucune pensée ne semblant prendre le pas sur une autre, elles enrichissent continuellement ce produit social « soumis à la créativité humaine2 », formant un paysage littéraire qui revêt en France les allures nobles que la légende lui a conférées.

Au milieu d'un tel tableau, la littérature de jeunesse navigue en eaux troubles, car si sa vigueur économique lui offre sans autre forme de procès une place dans l’environnement éditorial puis dans les rayons des librairies, sa valeur symbolique ne va pas sans dire.

Pourtant, cette littérature est aussi un « point d’ancrage dans le monde3 », tel que le décrit Philippe Meirieu dans sa présentation inaugurant la deuxième édition des Assises de la littérature de jeunesse en octobre 2019. Elle le donne à découvrir comme elle permet de créer du lien social tout en, par le truchement d’une expérience esthétique, faisant culture. Néanmoins la littérature jeunesse, par essence, ne peux se limiter à ces égards-là car, et Françoise Hache-Bissette l’écrit : elle est « à la croisée de plusieurs disciplines4 ». Naturellement, les premières sont l’Histoire littéraire et la littérature comparée, mais la littérature jeunesse touche aussi à l’Histoire sociale, économique et institutionnelle, à celle de l’édition, des bibliothèques, de l’éducation, de l'enfance et des mentalités, sans oublier l’Histoire de l’image, de l’art et du patrimoine, etc. La littérature pour les enfants, telle qu’elle se représente en ce jour dans la société française, est au cœur de ce carrefour d’influences. Peut-être est-ce justement cette position qui la rend difficilement saisissable ?

En ce sens, il apparaît nécessaire d’acquérir l’historicité de l'objet que l’on nomme, le plus souvent, littérature jeunesse et ce, même s’il est somme toute complexe de s’accorder sur ses racines. Aussi, certains des prochains retours en arrière remontent jusqu’au XVe siècle où émergent les premiers contenus que le public jeune s’accapare progressivement. Cette réflexion s’attarde aussi quelque peu au XIXe siècle, époque où l’édition jeunesse en est à ses balbutiements, entre autres, parce que la figure de l'éditeur

REY (Alain), Op cit.,p.109.

1

REY (Alain), Op cit., p. 106.

2

MEIRIEU (Philippe), La littérature de jeunesse : un enjeu éducatif et culturel [Discours d’ouverture Assises de la

3

littérature jeunesse, 2ème édition], Paris, France, 2019.

HACHE-BISSETTE (Françoise), « Littérature et presse de jeunesse » dans Dictionnaire d’histoire culturelle de la

4

France contemporaine, directeurs de la publication (DELPORTE, MOLLIER, SIRINELLI), Paris, PUF, 2010, p.493.

(9)

industriel se construit. Malgré tout, la majeure partie de cette réflexion concerne le XXe et le XXIe siècles qui sont balayés de façon éparse.

Néanmoins, se dessinent quelques points ou périodes d’ancrage, desquels résulte la plupart des analyses exposées ci-après, ces derniers rendant compte des moments charnières de la construction de l’actuelle littérature jeunesse. Tout d’abord, la création en 1957 de l'École des Loisirs, une maison innovante par nature (spécialisée dans le secteur jeunesse), mais aussi dans sa politique éditoriale. Celle-ci entame notamment un rapprochement avec l’école qui mène, finalement, à l’introduction officielle de la littérature jeunesse dans les programmes scolaires en 2002. D’autre part, le renouvellement général porté par les événements de mai 68 et s’installant dans les années soixante-dix, a trait aussi à la conception de l’enfance et des enfants et révolutionne le contenu des livres proposés à la jeunesse. Par la suite, deux épisodes dans les années quatre-vingt tiennent assurément un rôle essentiel : la création du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil en 1984, espace de valorisation et de promotion du livre jeunesse, et la politique mise en place par Jack Lang qui, au-delà de la Loi de 1981, entraîne un bouleversement de l’action culturelle (rôle de l’EAC).

Pour ce qui est du XXIe siècle, le succès de la saga Harry Potter n’est pas à négliger, étant à l’origine d’importantes évolutions, aussi bien dans les stratégies éditoriales que dans les pratiques de lectures des jeunes. Après quoi, il est ardu de définir d’autres points de rupture qui demandent naturellement du recul. Toutefois, mais l’observation doit être considérée avec précautions car elle n’est pas corroborée scientifiquement, l’année 2014 s’apparente à un tournant puisqu’après avoir mis en lumière les polémiques et les crispations attenantes à la littérature jeunesse (pour preuve l’accroissement des articles publiés par Le Monde sur le sujet ), la parole des acteurs de 1 la chaîne du livre jeunesse semble vouloir se libérer : la première édition des Assises de la littérature de jeunesse en 2017 en étant la démonstration la plus notoire.

Outre la comparaison critique relative aux politiques culturelles, françaises et anglo-saxonnes, ayant surtout trait à l’implication étatique, le traitement de ce sujet

Recensement de presse du Monde (1990-2020).

1

(10)

n’outrepasse pas les frontières hexagonales, ou bien de façon infime, sur des thèmes ne demandant pas un degré de détail marquant.

Les sources primaires faisant référence à la littérature jeunesse demeurent globalement disséminées et si certaines sont approfondies, peu permettent de saisir les réels enjeux afférents à cet objet si on ne les met pas en relation avec d’autres.

Néanmoins, les actualités publiées assidûment par le ministère de la Culture, qu’elles concernent l’univers du livre dans sa globalité (Service du Livre et de la Lecture) ou les actions culturelles menées auprès des jeunes publics (EAC) furent opportunes pour comprendre la voix de l’Etat au sein de ces domaines.

Pour ce qui est de la presse, les articles du Monde s’étendant de 1990 à 2021 représentent de manière assez fidèle le développement de la littérature jeunesse et de sa prise en compte, bien que lacunaire, par les médias nationaux. À titre d’exemple, aucun article paru en 1993 ne comprend les termes « littérature jeunesse », alors qu’ils sont au nombre de dix en 2003, et atteignent les quarante-huit en 2014 (trente-neuf en 2017).

Ces derniers, après avoir été régulièrement croisés entre eux, se sont avérés très utiles pour illustrer, tout au long de la réflexion, les argumentaires défendus ou les théories exposées. D’autre part, le médium spécialisé Livres Hebdo, disposant d’informations complètes sur l’actualité littéraire, jeunesse comprise, ainsi que sur les métiers des professionnels du livre, favorise une compréhension de la façon (rudimentaire, du moins) dont s’organise le monde du livre : certains documents à disposition, tels que les planisphères de l’édition jeunesse, allouent un cadre salutaire.

Concernant les sources statistiques, elles proviennent généralement de deux origines : le SNE, publiant chaque année les chiffres de l’édition et de l’édition jeunesse, ainsi que le ministère de la Culture et celui de l’Education nationale dans une moindre mesure (rapports, enquêtes, budgets). La revue Culture Études, éditée par le ministère de la Culture et particulièrement les travaux d’Olivier Donnat, Philippe Lombardo et Loup Wolff offrent du reste de nombreuses données sur les pratiques culturelles des Français et en conséquence sur les pratiques de lecture. En outre, la BnF produit fréquemment des rapports statistiques sur son activité, ainsi que des synthèses annuelles sur la production éditoriale nationale par le biais de l’Observatoire du dépôt

(11)

légal. Par conséquent, ces documents ont été mobilisés afin d’assurer toute la rigueur scientifique nécessaire au raisonnement suivant.

Par ailleurs, une attention particulière fut portée à la production jeunesse qui image, éclaircit voire incarne plusieurs argumentaires, afin de la montrer aussi variée qu’elle est. De ce fait, sont mentionnés les œuvres d’un certain âge (Les Aventures d'Alice au pays des merveilles) comme les toutes récentes (Le Bois dormait), les chef- d’œuvres (Le Petit Prince) comme les phénomènes (Harry Potter), les livres controversés (Tous à Poil) comme les consensuels (Le Club des Cinq), les albums (L'arbre sans fin) comme les romans (La Rivière à l’Envers) et bien d’autres encore. De plus et de manière à obtenir à la fois l’ancrage au réel et le point de vue artistique, plusieurs entretiens ont été réalisés auprès de professionnels du livre : l’écrivaine Jo Witek, les responsables du secteur jeunesse de la médiathèque Les Champs Libres de Rennes, Blandine Jardin et Hélène Le Goff, la journaliste de presse jeunesse Lucie Kosmala, ont accepté de se livrer sur leur quotidien et leur rapport à la littérature de jeunesse. Le chef de projet Victor Vendries, responsable de l’équipement du Livre- échange de le ville de Sarcelles, a aussi accepté d’apporter sa compétence relative à l’organisation d’un projet culturel de lecture publique.

Cette étude s’appuie sur un équipement scientifique qui varie selon les aspects étudiés de cette littérature. Néanmoins, deux auteures, toutes deux issues du même sérail, sont retrouvées de façon récurrente du début jusqu’à la fin de cette réflexion, étant à l’origine d’ouvrages généraux questionnant l’objet « littérature jeunesse », tant d’un point historique, philosophique, sociologique, que littéraire. En premier, Isabelle Nières-Chevrel, professeur émérite de Littérature générale et comparée ayant été à l’origine d’enquêtes et d’ouvrages scientifiques pionniers sur la littérature jeunesse (dès les années quatre-vingt). Lorsque la recherche ayant trait à cet objet se développe davantage, cette dernière publie en 2009 une Introduction à la littérature de jeunesse qui balaie divers enjeux relatifs à l’identité singulière de cette littérature. La seconde auteure, Nathalie Prince, publie La littérature jeunesse en 2010 et dirige un l’ouvrage collectif La littérature de jeunesse en question(s) paru en 2009. Afin de compléter l’aspect historique de cette littérature, les travaux de Jean Perrot et Françoise-Hache Bissette sont aussi sollicités.

(12)

Ensuite, ce sont les études de l’historien Jean-Yves Mollier qui permettent d’obtenir un point de vue plus général sur l’objet-livre, ainsi que sur l’histoire de l’édition. Les approches de Jean Perrot sur l’édition jeunesse sont aussi remarquablement complètes. En desserrant la focale, celles-ci se voient complétées et enrichies par les travaux de Françoise Benhamou, particulièrement en raison de son Économie de la Culture, un ouvrage déployant aussi des réflexions sur les politiques culturelles.

En outre, la Revue de la BnF aussi bien que les Bulletin des bibliothèques de France, exposent de multiples analyses critiques sur le devenir des bibliothèques et des bibliothécaires, sur l’évolution des pratiques de lectures et celle de l’univers livresque notamment face au rôle croissant du numérique, ainsi que sur toute forme d’actions culturelles autour du livre…. Enfin, les travaux de Mathilde Lévèque et Matthieu Letourneux, spécifiquement sur la littérature jeunesse, développent des recherches singulières, entre autres en construisant des passerelles vers d’autres objets d’études qui mettent en valeur des enjeux essentiels jusqu’ici peu examinés, la transmédialité et la culture médiatique.

Le choix de traiter de la littérature jeunesse, en questionnant l’identité qui l’habite en ce jour, trouve d’abord sa justification dans l’existence d’une actuelle « crise de la lecture » qui touche éminemment les jeunes. Effectivement, l’évolution des pratiques de lecture ne semblant pas se faire en faveur de cette dernière, les générations récentes partageant avant tout une culture audiovisuelle, il s’agit dans ces conditions d’interroger l’existence de cette littérature pour la jeunesse, qui se mêle à l’omniprésence du virtuel. De plus, celle-ci détient, semble-t-il, une vitalité à toute épreuve, parvenant du reste à protéger son marché de la présente crise de la COVID 19 . 1 L’enjeu est donc double : que possède-t-elle, en cette période grise pour le livre, d’assez singulier qui lui permette de demeurer populaire et profitable ? En ce sens, il est capital de s'enquérir du rôle des « médiateurs », allant de l’Etat au parent en passant par les bibliothécaires et les enseignants : quid de cette mission de transmission du goût pour la lecture ? Est-elle la même qu’hier ?

« Le marché du livre jeunesse résiste à la crise », Livres Hebdo, 2 décembre 2020.

1

(13)

La seconde raison ayant motivé le traitement de cet objet est sans doute son expression profondément indéfinie, justement occultée par le «  dynamisme  » de l’édition jeunesse. La littérature jeunesse n’est pas simplement une catégorie éditoriale somme toute jeune et qui fonctionne, elle est une littérature qui ne cesse de questionner sa propre existence. Effectivement, ayant été dès ses débuts «  suspectée de fonctionnalité1 », la littérature jeunesse semblent d’abord contrainte par une obligation morale. Des acteurs qui la reçoivent, l’enfant est bien le dernier, elle doit donc satisfaire les attentes de plusieurs groupes ; cela lui laisse-t-il le loisir d’exister par sa seule dimension artistique ? La littérature jeunesse apparaît être un objet sous tension et s’échinant sans relâche à redéfinir son rôle ; se retrouve-t-elle en quête de légitimité ? Cette étude cherche aussi à mettre en exergue une quantité d’acteurs, entre autres les écrivains jeunesse, qui ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur et partant, dont on connaît peu de choses. Quelle considération leur fut réellement octroyée ? Par les éditeurs et les politiques du livre ?

Pour terminer, il est important de préciser que le concept d’identité, à la fois complexe et polysémique et questionné ci-après en relation avec la littérature jeunesse, est à considérer au sens large. Il est possible de l’entendre au regard des pensées philosophiques de David Hume, qui entendent que l’identité s’apprécie selon les perceptions et les impressions que l’on a d’un objet. Concernant la littérature jeunesse, il s’agit de prendre en compte la constance et la cohérence des impressions existantes à son égard.

Rendre compte dans son évolution de l’identité de la littérature jeunesse est l’objectif annoncé ; celle qu’elle revendique pour elle-même, avec des créateurs qui ne sont pas univoques ; celle qu’on lui attribue et ici encore les acteurs évoluant dans sa sphère - des professionnels du livre aux pouvoirs publics - sont soumis à des enjeux multiples.

Historiquement, les premières références de la littérature jeunesse apparaissent dès le XVIe siècle, mais c’est au XIXe et sous l’impulsion des éditeurs modernes que celle-ci se structure autour de ses aspects originels et des missions qu'on lui attribue, accélérant la mise en place d’un processus de complexification de son identité, s’étendant jusqu’à nos jours. Entourée par un grand nombre d’acteurs et en premier lieu

NIÈRES-CHEVREL (Isabelle), Introduction à la littérature de jeunesse, Paris, Didier Jeunesse, 2009, 240p., p. 20.

1

(14)

l’Etat français, la littérature pour enfants se trouve modelée, nourrie et solidifiée par les politiques publiques, mais aussi par les professionnels du livre, dont l’identité la marque parfois profondément. À la lumière du XXIe siècle, cette littérature se trouve cerclée de problématiques nouvelles : certaines anciennes et refaisant surface, d’autres plus générales et contemporaines, l’incitant à questionner son existence et à se reconfigurer.

(15)

Par5e I. De l’époque moderne à nos jours : émergence et complexifica5on de l’iden5té de la liLérature jeunesse

La littérature jeunesse telle qu’elle se révèle depuis le XXIe siècle n’est pas celle du début du XXe et s’éloigne, si ce n’est plus, de ce que l’on a longtemps considéré comme des chefs d’œuvres de ce genre littéraire tels que Les Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault ou encore les Fables de La Fontaine. Par conséquent, l’intérêt est bien d'identifier les différents moments à l'origine de la création et de la métamorphose d’une littérature dont l’identité se complexifie. Comme l’exprime Annie Collovald

« l'identité se rapporte, en effet, à l'existence dans le temps et à la variation1 ». Aussi, est-il possible, à travers et malgré le changement, de déterminer une permanence dans l’évolution chronologique de cette littérature pour enfants ? Parallèlement, quels sont les élargissements qu'elle embrasse ? Les changements dont elle se saisit ? Ceux qu'elle subit ?

La réflexion détaillée après s’attarde sur trois périodes. La première s’établit dès le XVIe siècle et s’étend jusqu’en 1945. Étant la plus longue, elle met en exergue ce lent processus d’émergence et d'unification d'une littérature pour enfants, qui s’inscrit habilement dans le contexte économique et sociétal dans lequel elle évolue. Par suite, la littérature jeunesse est regardée à travers sa véritable remise en question, caractéristique des années 50 et 60. Enfin, c’est l’actuelle littérature de jeunesse, en tant que secteur innovant et rentable qui est analysée, à peu de choses près depuis le tournant Harry Potter.

Chapitre 1. Les différentes étapes de construction d’une littérature pour enfants

Un retour historique sur les premières apparitions des contenus littéraires (écrits ou oraux) qui participent de la naissance de la littérature jeunesse est essentiel, afin de mieux saisir ses caractéristiques et de voir notamment comment celle-ci est devenue une catégorie éditoriale à part entière. Il est également important de préciser que sa

COLLOVALD (Annie), GIL (Fernando), SINDZINGRE (Nicole), TAP (Pierre), « IDENTITÉ », Encyclopédie

1

Universalis, < www.universalis.fr >, consulté 22 mai 2021.

(16)

construction se solidifie à la suite de l’évolution de la place de l'enfant dans la société française, mais aussi en écho à celle-ci. En ce sens, la littérature de jeunesse se définit à ses débuts comme un instrument de structuration de l'enfant et se trouve à cet effet, sous le contrôle de différents acteurs, en particulier l'Etat.

I. Les expressions élémentaires d’une littérature pour la jeunesse n’en portant pas encore le nom

A. Les premières références

« Mon ambition est d’être lu par des enfants âgés de zéro à cinq ans. D’être lu ? Non pas ! Disons plutôt d’être manipulé, gazouillé, mis à l’oreille du chien, chiffonné, embrassé par les chéris sans lettres, sans grammaire, mais avec des fossettes, qui remplissent votre chambre d’enfants d’un joyeux vacarme, et le cœur de votre cœur d’une incessante allégresse. » 1

En 1890, dans sa « Préface adressée à toutes les mamans », Lewis Carroll rend compte de la place qu’il accorde à l’enfant comme destinataire de ses œuvres . Par 2 ailleurs, selon l’historique exposé par la BnF dans son exposition « Babar, Harry Potter et Compagnie », les premiers livres profitant aux enfants - sans leur être spécifiquement dédiés - apparaissent dès 1530 avec La Civilité puérile d’Érasme. Ils se divisent à l’époque en trois corpus : « l’apprentissage des rudiments », constitué de manuscrits et 3 d’écrits qui traitent des questions morales et d’apprentissage par la lecture (abécédaires,

« civilités », livres de méthode, etc.) comprenant par exemple Les Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne de Jean-Baptiste de La Salle (1711) ; la littérature de « colportage » composée des fables et contes qui plaisent aux enfants ; et la

« littérature des gouvernants » ou les « livres destinés à l'éducation des princes », notamment porteurs d’une référence de taille : Les Aventures de Télémaque de Fénelon paru en 1699. La parution de l'ouvrage fait, à l’époque, grand bruit. Perçu comme une critique de l'absolutisme royal, le scandale augmente la notoriété de ce roman

CARROLL (Lewis), « Préface adressée à toutes les mamans » [« Pâques, 1890 »], dans Alice racontée aux petits,

1

Paris, l’École des loisirs, « Lutin poche », 1978 [traduction intégrale et inédite de B. Noël].

L’œuvre d’Alice aux pays des merveilles ayant déjà été écrite vingt-cinq ans auparavant, à destination d’un jeune

2

public.

Exposition « Babar, Harry Potter et Compagnie » à la BnF.

3

(17)

pédagogique, pourvu de références aux textes antiques et ayant pour ambition d’être moral .1

Dès la fin du Moyen Âge, si la littérature jeunesse ne possède pas encore cette constance caractéristique d’une identité , elle existe. En effet, les premières librairie et 2 maison d’édition jeunesse sont créées outre-manche par John Newbery en 1744 (« Juvénile Library » ) : ces dernières fondent et définissent cette 3

spécialisation que devient l’édition jeunesse. En France, celle-ci ne se développe en profondeur qu’à partir du XIXe siècle, faute de véritable catégorisation des ouvrages - jeunesse - et donc de clientèle . Il est effectivement à préciser qu’en ce qui concerne les 4 contes, ces derniers sont d’abord dédiés aux adultes , ce n'est que par 5 la suite que les enfants s’approprient les bien connus Gulliver ou Robinson Crusoé . 6 En effet, quand bien même Charles Perrault écrivait ses Contes en plein mitan du XVIIe siècle, il les dédiait généralement « aux beaux esprits de la société de cour, aristocratie et haute bourgeoisie et aux femmes en particulier7  ». Ces contes s’élargissent ensuite progressivement à la sphère domestique. La couverture de l'édition originale des  Contes du temps passé de Perrault publiée en 1697, illustre se glissement en donnant à voir une

paysanne contant des histoires aux enfants près de la cheminée (figure 1). Ainsi, c’est au XVIIe siècle en France que le premier répertoire de la littérature jeunesse se confond avec celui de la littérature orale .8

B. L'oralité comme attribut originel

Voir le site Gallica, < www.gallica.bnf.fr >, consulté le 22 mai 2021.

1

COLLOVALD (Annie), GIL (Fernando), SINDZINGRE (Nicole), TAP (Pierre), art. cit.

2

LOUSSOUARN (Sophie), « La littérature enfantine en Angleterre au XVIIIe siècle », dans XVII-XVIII, Revue de la

3

Société d’études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles, 2000, p. 99-114.

Exposition « Babar, Harry Potter et Compagnie » à la BnF.

4

« Littérature orale et littérature de jeunesse », Encyclopédie Universalis, < www.universalis.fr >, consulté 22 mai

5

2021.

CHELEBOURG (Christian), MARCOIN (Francis), La Littérature de jeunesse, Paris, Armand Colin, 2007, 126

6

p., p. 37.

PERROT (Jean), « Jeunesse Littérature pour la », dans l’Encyclopædia Universalis, < www.universalis-edu.com >,

7

consulté le 4 octobre 2020.

« Littérature orale et littérature de jeunesse », Encyclopédie Universalis, < www.universalis.fr >, consulté 22 mai

8

2021.

Figure 1 - Couverture des Contes du temps passé de Charles Perrault, 1697. © The Morgan Library & Museum,

(18)

L’une des premières formes que revêt la littérature jeunesse est en effet celle représentée par le tableau de la mère lisant au chevet de l’enfant qui ne sait pas encore lire, pour l’endormir. Elle raconte. De fait, les contes populaires, dont les succès sont internationaux au XIXe siècle, se sont transmis pendant longtemps oralement (les contes des Mille et Une Nuits1 en sont un exemple). Ils n'ont alors pas de fixation écrite, notamment et simplement parce que le taux d’alphabétisation demeure bas. Pour nombre d'historiens , c’est Hans Christian Andersen en s’inspirant des contes qu’on lui 2 aurait raconté dans sa jeunesse, qui offre une première « approche spécifiquement littéraire » à ces derniers. En effet, l’écrivain en véritable créateur - et non en 3 compilateur / conteur comme les frères Grimm - crée assurément pour les enfants, se convertissant alors en « père fondateur de la littérature jeunesse moderne ». En outre, 4 comme l’exprime Pénélope Driant, les traditionnels contes et leur transmission orale continuent de se développer, notamment dans les bibliothèques pour susciter le goût de lire : « L’histoire lue ou racontée donne de la saveur au récit ». Par ailleurs, elle ajoute 5 que cette tradition « crée un lien intime et privilégié entre l’adulte et l’enfant ». 6

C. Une littérature dotée d’une dimension affective

En effet et Samantha Bailly, présidente de la Charte des auteurs et des illustrateurs jeunesse le rappelle : la littérature pour enfants se construit et se développe auprès de « femmes au foyer qui écrivent des histoires pour les enfants7 ». À titre d’exemple, la comtesse de Genlis, dramaturge, romancière et pédagogue française, écrit en 1779 les pièces de son Théâtre à l’usage des jeunes personnes, à destination de ses propres filles . Le déploiement de cette littérature se fait effectivement dans une sphère 8

Ibid.

1

DRIANT (Pénélope), « La littérature orale dans les bibliothèques publiques » [Mémoire ENSSIB, Diplôme de

2

conservateur des bibliothèques, Université de Lyon], 2014, 145p., p. 42.

Ibid.

3

Ibid.

4

DRIANT (Pénélope), art. cit., p.10.

5

Ibid.

6

« Droits d'auteurs : pourquoi les auteurs jeunesse sont-ils si mal payés ? », Franceinfo, 29 novembre 2017.

7

NIÈRES-CHEVREL (Isabelle), Op. cit., p. 31.

8

(19)

intime, dans laquelle l’adulte et l'enfant partagent un moment émotionnel autour de l’objet-livre . Aussi, la littérature jeunesse se nourrit de cette intimité puisque celle-ci 1 permet une entrée à la fois douce et délicate dans la lecture, puis la littérature, par le truchement du lien parent-enfant. En ce sens, la littérature pour enfants dispose d’un lectorat dédoublé qui offre, de fait, une place importante à l’adulte. Le parent est en charge d’une mission « périlectorale ». En d’autres termes et cela fait partie intégrante 2 de son travail de médiation : il lit pour l’enfant et joue avec le livre. Est retrouvé ici le caractère oral explicité précédemment, puisque tant que l’enfant ne peut le faire lui- même, la littérature jeunesse donne lieu à une lecture bavarde. Une lecture à jamais différente de celle que l'on connaît en grandissant, puisqu’elle représente en réalité un dialogue, entre l’adulte et l’enfant. Comme l’écrit Daniel Pennac, ce dialogue transforme alors le lecteur adulte, aux yeux de l’enfant, en livre :

« Comme nous aimions l’effrayer pour le pur plaisir de le consoler ! Et comme il nous réclamait cette frayeur ! Si peu dupe, déjà, et pourtant tout tremblant. Un vrai lecteur, en somme. Tel était le couple que nous formions à l’époque, lui le lecteur, ô combien malin ! et nous le livre, ô combien complice ! »3 

  Ainsi, le contexte primitif de transmission de la littérature de jeunesse, à l’origine d'une lecture à plusieurs voix, construit celle-ci autour d'une relation affective qui valorise la place du médiateur. En outre, à partir de la fin du XVIIIe siècle, moment où cette littérature devient en France un « fait social et culturel4 », le rôle de l’adulte évolue puisque, tel que l’explique Nathalie Prince, ce dernier devient l’« objet éditorial5

» de la littérature pour enfants. D’abord essentiellement narrateur, il prend place dans le développement des premières logiques éditoriales. Celles-ci, dirigées par un éditeur moderne s’affirmant au XIXe siècle, offrent un appui et un cadre neuf à cette nouvelle littérature à destination des enfants.

DRIANT (Pénélope), art. cit., p.10.

1

PRINCE (Nathalie), « Introduction », dans La littérature de jeunesse en question(s), directrice de la publication

2

(PRINCE), Presses universitaires de Rennes, 2009, 250 p 10.

PENNAC (Daniel), Op. cit., p. 26.

3

NIÈRES-CHEVREL (Isabelle), Op. cit., p. 29.

4

PRINCE (Nathalie), La littérature de jeunesse - Pour une théorie littéraire, Paris, Armand Colin, 2010, 240p., p. 74.

5

(20)

II. L’époque contemporaine ou l’avènement d'une littérature pour la jeunesse, façonnée par une avancée économique et sociale

A. L’insertion dans une chaîne du livre modernisée : l’édition moderne et la création d'une catégorie éditoriale…

À la fin du XVIIIe siècle, la littérature pour enfants s’insère dans un contexte tout à fait particulier et favorable à son développement. En effet, c’est dans le cadre d’une période révolutionnaire marquant la véritable naissance de la presse, que quelques hommes à l’esprit novateur, à l'instar de Charles-Joseph Panckoucke, s’adonnent à la création de grandes entreprises éditoriales . De ce fait, c’est là que se structure 1 doucement l’activité spécifique de l’éditeur, jusqu’ici absent de la chaîne du livre dans l’Ancien Régime, puisque les libraires-imprimeurs, en relation avec les auteurs, exerçaient les tâches qu’il s’approprie ensuite. Selon Jean-Yves Mollier , l’émergence 2 de l’édition est une révolution engendrée par des facteurs multiples et, pour la plupart, interdépendants. Il est possible d’en relever trois dont bénéficie la production jeunesse : l'avènement d’une société bourgeoise (1) liée notamment au progrès technique (2), permettant de concentrer les moyens de production et forçant la spécialisation et l’autonomisation des métiers du livre (imprimeur, libraire, éditeur). Enfin, comme l’exprime Anne Aubry , l’accompagnement de lois réformant l’instruction et 3 l’institution scolaire (3) (Loi Guizot 1833), donnent lieu à l’alphabétisation progressive de la population, à son accès à la lecture, la rendant potentiellement consommatrice de livres et de presse.

Ce faisceau de circonstances a offert, à l'image de cette édition s’inscrivant dans un système capitaliste, une première dimension économique à la littérature enfantine.

Celle-ci prend effectivement place dans un nouveau marché, puisque c’est précisément à cette période que Louis Hachette initie les premières « commandes éditoriales4 » la

DUBOIS (François-Ronan), « Jean-Yves Mollier, Une autre histoire de l’édition française », Lectures, le 4

1

novembre 2015, [en ligne]. http://journals.openedition.org/lectures/19359 (consulté le 27 mai 2021).

MOLLIER (Jean-Yves), Une autre histoire de l’édition française, Paris, Éd. La Fabrique, 2015, 430 p.

2

AUBRY (Anne), « La lecture enfantine en France au début du XIXe siècle », Revista Complutense de Estudios

3

Franceses , 2014, p.281-292., p. 291.

MOLLIER (Jean-Yves), « L’évolution du système éditorial français depuis l'encyclopédie de Diderot », Op. cit., p.

4

25-26.

(21)

concernant, menant du reste à ses succès initiaux en tant qu'éditeur. Ainsi, les premiers best-sellers de L. Hachette ne sont autres que Alphabet, Premier livre de lecture courante  (1831) ou encore Petite Arithmétique raisonnée, dont les commandes dépassent à l’époque les cinquante-cinq mille exemplaires . Ces ouvrages d’instruction 1 sont à destination des petits enfants et s’adressent par ailleurs aux classes « populaires » et non uniquement à une jeunesse aisée . Par conséquent, à travers cette expansion de 2 l'édition scolaire, la littérature pour enfants s'implante et capte, de fait, un public plus large.

De façon plus globale et selon les mots de Jean-Paul Gourévitch, c’est l’action des éditeurs comme L.Hachette mais aussi Jean Hetzel, à l'origine de la réintégration du féerique dans l'univers enfantin (ayant édité les ouvrages Jules Verne), qui font 3 exploser cette « spécificité éditoriale4 ». Ils développent par la même des viviers d’auteurs, tout en mettant en place les traductions des productions étrangères et développant des magazines pour la jeunesse, ainsi que des collections…

B. …rendant grâce au public jeune….

Le répertoire jeunesse est constitué, jusqu’au milieu du XVIIIe, d’une « série d’œuvres appartenant au patrimoine culturel commun aux pays d’Occident5 » et qui demeurent disparates. Comme évoqué précédemment, il existait malgré tout un corpus qui regroupait en son sein textes antiques ; contes moyenâgeux (légendes et romans de chevalerie par exemple) et contes modernes, nombreux issus d'une tradition orale ; écrits d’instruction, mais aussi œuvres considérées à l'origine pour les adultes… À partir de 1750 se structure réellement une production prévue pour être à l'usage de la jeunesse.

Production éditoriale qui se construit (au milieu du XIXe siècle) autour d'un nouveau

Ibid.

1

SAINT-GERAND (Jacques-Philippe), « Jean-Yves Mollier, Une autre histoire de l’édition française", Questions de

2

communication, 2016, n°29, p.430-435.

« Influence des théoriciens de l’enfance et pionniers de l’édition jeunesse », fiche de la BnF.

3

GOURÉVITCH (Jean-Paul), « La littérature de jeunesse dans tous ses écrits : anthologie de textes de référence,

4

1529-1970 », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 1999, n° 3, p. 120-120.

RENONCIAT (Annie), «Dimensions internationales du livre pour enfants», directeurs de la publication (MICHON

5

& MOLLIER), Les mutations du livre et de l’édition dans le monde du XVIIIesiècle à l’an 2000. Actes du Colloque international, Sherbrooke 2000. Québec et Paris, Les presses de l’Université Laval et L’Harmattan, p. 461-471.

(22)

corpus. Selon Anne Aubry, les ouvrages sont de trois types : « Les manuels scolaires », 1 mentionnés ci-avant ; « les livres de prix », offerts, comme leur nom l’indique, en récompense aux bons élèves et promouvant des vertus éducatives et « Les livres d’étrennes », qui sont généralement des beaux livres (pouvant aussi être à destination des adultes) aux contenus et à la forme plus libre, à l’origine d'une première segmentation filles / garçons, des livres.

C’est donc à la fin du XVIIIe siècle que s’affirme la particularité la plus notoire de la littérature de jeunesse : celle-ci se définit a priori par son destinataire (la caractérisation se faisant d’ordinaire par thématique). Cette caractéristique est dès lors invariante et révèle l’ambition de s’adresser à l’entièreté d’une catégorie de personnes : la jeunesse. Le groupe étant à la fois large et évolutif, on peut supposer que la littérature enfantine se construit à son image, c’est-a-dire de façon complexe. Toujours est-il que la simple existence de cette dernière est rendue possible grâce à la vision renouvelée de l'enfance et de la jeunesse.

C. …auquel est reconnu un statut particulier

Le déploiement de la littérature pour enfants indique en effet la présence d’une perception assez accrue de la période de l’enfance, pour que la jeunesse « mérite » qu’on lui dédie une littérature. Avant la publication en 1960 par Philippe Ariès, historien et philosophe majeur du XXe siècle, de L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, il était coutumier d’entendre dire que la jeunesse n’avait bénéficié d’aucune considération . Ces jugements sont requestionnés par la suite, lorsqu’est identifiée la 2 présence graduelle du « sentiment de l’enfance3 » dans une société qui admet que l'enfant a des besoins distincts. Par ailleurs, c’est effectivement au XVIIIe siècle que celle-ci reconnaît à l’enfance un statut particulier, influencée notamment par les pensées de John Locke (Pensées sur l'éducation), puis de Jean- Jacques Rousseau (Émile, ou De l’éducation). Si les deux philosophes n’étaient pas nécessairement en accord, leurs

AUBRY (Anne), art. cit.

1

ARIÈS (Philippe), L’enfant et la vie familial sous l’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1973.

2

Ibid.

3

(23)

traités sont devenus de véritables manuels éducatifs qui mettent en exergue l’importance de l’enfance : « les plus petites impressions, presque insensibles, de notre tendre enfance, ont des conséquences très importantes et durables1 ». C’est notamment en s’appuyant sur les pensées de Locke que se développent les livres de John Newbery , 2 auxquels ce dernier offre ainsi une légitimité. L’un de ses best-sellers, A Little Pretty Pocket-Book (1744) l’illustre par sa préface :

« The Face of a Child, when it comes into the world (says the great Mr. Locke) is as tender and susceptible of Injuries as any other part of the Body ; yet, by being always exposed, it becomes Proof against the severest Season and the most inclement Weather even at a Time when the Body (though wrapped in Flannels) is pierced with Cold. »3

Il est plutôt clair qu’au XIXe siècle, l'enfant demeure considéré comme un être inchoatif, un pré-adulte qu’il faut façonner et redresser. C’est bien ici qu'est l’enjeu, l’enfant comme « sujet cognitif et moral » doit maintenant être la cible d'une éducation 4 qui saura développer les qualités désirées. Dès lors, « la littérature jeunesse a été une littérature non pas pour l’enfant, mais pour l’adulte qui éduque l’enfant ». Ainsi, il est 5 rapidement acquis que le livre jeunesse dispose d’un pouvoir ; celui d’instruire. Une fonction qui le rend à la fois propice à satisfaire des intentions éducatives et républicaines, mais aussi potentiellement nocif et donc à surveiller.

III. Une première mission définie : être morale ?

A. L’intention pédagogique retrouvée dans les livres

LOCKE (John), Some Thoughts Concerning Education and Of the Conduct of the Understanding : Eds. Ruth W.

1

Grant and Nathan Tarcov, Indianapolis, Hackett Publishing Co., Inc., 1996.

ROSE (Jonathan), « « John Newbery ». The British Literary Book Trade, 1700–1820. », Dictionary of Literary

2

Biography, Vol. 154, Eds. J. K. Bracken and J. Silver, 1995.

« Le Visage d'un Enfant, lorsqu'il vient au Monde (selon le grand M. Locke), est aussi tendre et sujet aux Blessures

3

que toute autre Partie du Corps ; cependant, en étant toujours exposé, il devient Résistant à la Saison la plus sévère, et au Temps le moins clément, même à un moment où le corps (bien qu'enveloppé de flanelles) est transi de froid. » Dans NEWBERRY (John), A Little Pretty Pocket-Book, Dodo Press, 1744, 90p., p.9.

VERGNIOUX (Alain), « La littérature de jeunesse à l'école… : des fictions « sur mesure » », La lettre de l'enfance

4

et de l'adolescence, vol. 79, no. 1, 2010, p. 41-46.

PRINCE (Nathalie), Op. cit., p. 28.

5

(24)

Dans sa mise en route, la littérature jeunesse cherche son chemin et commence, dans sa représentation la plus connue, par être morale. Les ouvrages pour enfants défendent en effet une morale initialement et discrètement catholique, puis laïque . Pour 1 satisfaire cette ambition, il semble que l’exploitation des contes soit tout d'abord prisée . 2 Par exemple, La Belle et la Bête, œuvre à l’origine à destination des adultes, dans la première version de Mme de Villeneuve (1740), est clairement didactique dans son adaptation pour les enfants par Mme Leprince de Beaumont (1756). Comme l’écrit Paula Miglio, ce conte est là pour « leur inculquer par l’amusement des valeurs justes de vertu et de bonté3 ». Notamment par le biais du personnage de Belle qui représente les vertus théologales (la foi, l’espérance et la charité), mais aussi cardinales (la prudence, la tempérance, la force, et la justice), à l’inverse de ses sœurs qui illustrent les péchés catholiques.

En outre, sur le chemin de la moralisation, les « livres de prix » sont plébiscités.

Roger Chartier explique que ces derniers sont en effet guidés par « les normes inédites de la lecture scolaire, les projets des bibliothèques populaires, les valorisations du bien lire et les condamnations du livre mauvais » . Ces livres deviennent déjà considérés 4 comme « classiques », à l’image des Fables de La Fontaine. Aussi, la demande augmente et le marché devient extrêmement fructueux pour les éditeurs. De plus et Annie Renonciat l’explique, ces livres possèdent un pouvoir symbolique qui tend à se pérenniser en créant une relation d’interdépendance avec les acteurs qu’il sert : un cercle vertueux pour la littérature jeunesse. Ce système récompensant les plus méritants, s’associe notamment aux valeurs républicaines, à travers l’installation de la Troisième République.

« Livre de fête, livre symbolique octroyé par l’Institution, livre rouge et or sous la IIIe République, il est appelé à prolonger dans le temps et dans l’espace le message scolaire, à familiariser l’enfant avec le patrimoine littéraire historique et géographique de son pays. »5

GOURÉVITCH (Jean-Paul), art. cit.

1

AUBRY (Anne), art. cit.

2

MIGLIO (Paola), « La Belle et la Bête : Origines, réécritures et postérité d'un conte de 1740 à 1946 » [Mémoire de

3

Master 2, Mention - histoire civilisation patrimoine, Université Lumière Lyon II], 2019, 169p., p. 58.

CHARTIER (Roger), MARTIN (Henri-Jean), VIVET (Jean-Pierre), Le Temps des éditeurs : du romantisme à la

4

Belle Époque (Histoire de l’Édition française, Tome 3, Paris, Promodis, 1985, 669p., p.366.

RENONCIAT (Annie), Op. cit.,p. 465.

5

(25)

Dans cette mouvance, l’Etat, voyant les potentialités qui s’offrent à lui, ne va pas seulement user d’ouvrages préexistants à destination des jeunes : il va lui-même créer du contenu. Dès lors, à la fois enrichie et contrainte, la littérature enfantine se convertit en guide, inculquant aux jeunes les valeurs républicaines.

B. Une littérature au service des ambitions patriotiques : Le Tour de la France par deux enfants (1877)

L’enjeu premier est de pouvoir façonner l’enfant de la république, grâce aux livres dont il a maintenant accès, toujours par le

biais de l’école. Pour rappel, la Troisième République est à ses débuts un régime fragile subissant diverses crises (les monarchistes, le B o u l a n g i s m e , l ’ É g l i s e , e t c . ) q u i l a déstabilisent . Il apparaît donc crucial 1

« d’enraciner » le régime républicain, pour que celui-ci devienne, aux yeux des nouveaux citoyens, l’unique réalité possible. C’est dans ce contexte qu’est publié Le Tour de la France

par deux enfants, sous le pseudonyme de G. Bruno (alias Augustine Fouillée), en 1877 aux éditions Belin. Racontant le périple de deux orphelins en quête d'une patrie et faisant, et bien, un tour de France, l'ouvrage devient vite un succès véritable. Vendu à chaque école, il parvient, en 1914, à totaliser un tirage de plus de sept millions d’exemplaires . 2

Habilement utilisé, ce manuel sert à l’apprentissage de la lecture et sa préface n'est autre que le « manuel du parfait citoyen », glorifiant la patrie et valorisant les devoirs du républicain . Tel que l’explique Guy Citerne, le livre use de logiques qui ont 3 fait leurs preuves pendant des siècles : celles de l’instruction de la morale chrétienne. En

LEDUC (Jean), Histoire de la France: l'enracinement de la République, 1879-1918, Paris, Hachette, 1991, 240p.

1

CITERNE (Guy), « À L’ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE. Réflexion sur un manuel scolaire à succès : Le Tour de la

2

France par deux enfants », article issu d’un reportage, 2007, 40p., p.3.

Ibid., p. 13.

3

Figure 2 - Première page Le Tour de la France par deux enfants, de G. Bruno, 1877. © Éditions Belin

(26)

ce sens, Le Tour de la France par deux enfants est « espèce de catéchisme scolaire » 1 prônant « le respect religieux du devoir et de la justice2 ».

La liaison élaborée entre la littérature jeunesse et la Troisième République, bien illustrée par ce roman scolaire, n'est pas simplement une instrumentalisation des livres pour enfants à des fins civiques et politiques. C'est effectivement le cas mais la littérature enfantine ne s’en trouve pas pour autant lésée. Tout d’abord parce que celle- ci, dans les dernières décennies du XIXe siècle, est en quête de renouvellement et commence à s’essouffler . Aussi, ses relations familières avec l’Etat mettent en exergue 3 la légitimité (octroyée par ce dernier) et l’importance de cette littérature qui fait office de relai. Celle-ci en est à la fois solidifiée, dans son développement, et protégée. Par ailleurs, la production livresque dirigée par les entreprises éditoriales, prend place dans le circuit des industries culturelles qui évolue et se sophistique continuellement, ce lien à l’instance étatique permet donc une forme d’ancrage et de sécurité.

C. Un paysage éditorial contrasté et une production jeunesse se dispersant

Néanmoins, début XXe siècle, pourtant forte de ses succès auprès des professionnels qui la contrôlent (entre autres l’Etat dans son contenu et l’éditeur dans sa conception et sa politique éditoriale), l’ambition prédicante du livre jeunesse se tarit quelque peu . La littérature pour enfants peine à affirmer ses aspects plus libres et plus 4 divertissants, qui existent pourtant. En effet, l’éditeur Hetzel , jusqu’à passer le 5 flambeau à son fils (en 1886), développe déjà des œuvres au contenu diversifié : des

« romans d’aventures, historiques, récits de voyages, vulgarisation scientifique, etc. », 6 prenant place dans un décor éditorial novateur, fait de « Bibliothèques », d’ajouts de collections et de séries nouvelles. Malgré cela, la littérature de jeunesse cherche à

Ibid.

1

BRUNO (G), Le Tour de la France par deux enfants, Paris, Tallandier, 2012.

2

Exposition « Babar, Harry Potter et Compagnie » à la BnF.

3

Ibid.

4

La visée éducative demeure, comme le démontre la création du Magasin d’éducation et de récréation, revue

5

littéraire française destinée à l’enfance.

« Influence des théoriciens de l’enfance et pionniers de l’édition jeunesse », fiche de la BnF.

6

(27)

atténuer le relatif déclin du livre et décide de sortir des sentiers battus. Sans parler d'un bouleversement, elle tâtonne.

Dans sa quête, il semble nécessaire d’évoquer l’expression d’un nouveau format : l’album. Celui-ci est en effet le fruit du progrès technique : la chromolithographie, procédé 1 d’impression lithographique en couleurs, apparaît en 1845, et la photogravure au trait en 1872. L’album se construit différemment du livre illustré et offre une place conséquente à l’image, tout en soulignant l’importance de la variation des supports : c’est à cette époque que naissent les premiers livres à systèmes, les livres joujoux, à coulisse, etc. Aussi, les éditeurs expérimentateurs exploitent ce genre qui bouleverse foncièrement l’objet-livre.

Exprimant à merveille la singularité de la littérature jeunesse et

étant souvent d’une grande qualité esthétique, le format acquiert rapidement de la renommée. À titre d’illustration, Louis-Maurice Boutet de Monvel , peintre et 2 illustrateur, multiplie les initiatives autour de l’album et parvient en peu de temps à se créer un style propre, alliant images, comptines et histoires enfantines (figure 3). Il s’en trouve récompensé par le succès d’une série de cinq livres inédits publiés chez Plon (1883-1896) . 3

D'après Jean-Yves Mollier, la situation générale de l’édition française est tout de même plutôt fructueuse, notamment grâce au développement d’une culture de masse, de laquelle découle une progression des tirages et des ventes . Les grosses entreprises 4 éditoriales structurent la majorité des productions (Hachette, Calmann-Lévy, Plon, Hetzel, Garnier, Flammarion et Fayard), tandis que quelques nouveaux se font une place (Albin Michel (1900) et Grasset (1907)) . S’agissant du secteur jeunesse, il évolue 5 doucement et surtout à partir des années 30, où s’observent quelques nouveautés et

Ibid.

1

Voir le site Gallica, < www.gallica.bnf.fr >, consulté le 28 mai 2021.

2

Vieilles chansons de France (1883), Chansons de France (1884), La Civilité puérile et honnête (1887), Les Fables

3

de La Fontaine (1888) et Jeanne d’Arc (1896).

MOLLIER (Jean-Yves), Op. cit.

4

Ibid.

5

Figure 3 - Pages Vieilles chansons et rondes pour les petits enfants, notées avec des accompagnements faciles par Ch. M. Widor ; Illustrations de M.

Boutet de Monvel © Bibliothèque Nationale de France.

Références

Documents relatifs

Dans cette perspective peut s'inscrire, par exemple, le rapport de sens, redondant ou non, entre le texte et l'image, mais également toute l'intertextualité – jusqu'à la

compte du poids, du volume pour être facilement transportable, des possibilités de rangement..

Enfin, il faut citer les recherches entreprises dans l’Histoire de l’album pour la jeunesse : celles de Claude-Anne Parmeggiani, qui montre combien les relations

L'autorisation de présenter une thèse ou un ensemble de travaux en soutenance est accordée par le chef d'établissement, sur avis du responsable de l'École Doctorale, après avis

On

Il est question à travers cette étude de faire un diaporama de la gouvernance de la forêt Boucher dans la ville de Gatineau, en s’intéressant particulièrement

Elle est pourtant une pratique répandue dans les ateliers d'écriture pour enfants et adolescents, dans le cadre de l'école (travaux de Marie-Françoise Bishop) ou dans celui

Les études sur la traduction sont également une piste de recherche relativement neuve et prometteuse pour les chercheurs français : la littérature d’enfance et de jeunesse a