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Les projets EAC : l’exemple des Jardins dessinés

Dans le document De l identité de la littérature jeunesse (Page 62-66)

Chapitre 2. De l’École au patrimoine : une littérature jeunesse officiellement

B. Les projets EAC : l’exemple des Jardins dessinés

Il est intéressant de voir que l’EAC offre une légitimité à la littérature jeunesse en participant à l’acceptation d’une diversité littéraire, perceptible par l’élargissement des listes obligatoires évoquées précédemment mais surtout par un grand nombre de projets s’organisant dans les écoles et les collèges. Lorsqu’en 2013, une circulaire ministérielle précise les modalités d’actions des politiques d’EAC, s’en suivent différents textes porteurs de soutien et de crédibilité institutionnelle à ces dernières.

C’est le cas de la « Charte pour l'Éducation Artistique et Culturelle » (8 juillet 2016),

AHR (Sylviane), BUTLEN (Max), art. cit., p. 40.

1

Ibid., p. 52.

2

qui appuie le rôle de l’EAC « dans l’éducation à la citoyenneté et l’émancipation personnelle1 ». Depuis lors, des enquêtes réalisées par la DGMIC proposent une évaluation de ces politiques publiques. Par exemple, en 2013-2014 est apprécié le 2 poids des partenaires et est relevée la forte implication des bibliothèques municipales, intercommunales et départementales (BM, BIP, BDP) dans les politiques de l’EAC et dans leur collaboration avec les établissements scolaires. Aussi, à l’image des enjeux de l’EAC :

« L’histoire retiendra qu’un mouvement de fond, au croisement de la rénovation pédagogique et d’une action culturelle élargie, mené à la fois par des enseignants progressistes, des artistes innovants, ouverts et coopératifs, des élus et des responsables culturels conscients et audacieux, des militants associatifs opiniâtres, a su imposer dans la société le thème général de

l’éducation artistique et culturelle en une quarantaine d’années. »3

La littérature jeunesse mise en avant dans ces initiatives est une littérature s'insérant dans la diversité d'une sphère culturelle, une littérature à la croisée des disciplines artistiques.

À titre d’illustration, un beau projet à vu le jour récemment et ce, malgré les nombreux obstacles liés à la COVID. Imaginé par la DRAC Nouvelle-Aquitaine, le projet éducatif et artistique des Jardins dessinés s'est déployé autour de l'accueil en résidence de douze auteurs dans douze lieux labellisés « Jardin remarquable4 ». L’objectif était d’installer des ateliers d’écriture et de création, en faisant collaborer de jeunes auteur(e)s de bandes dessinées issues de l'École européenne supérieure de l'image d’Angoulême et des groupes de jeunes. À ce titre Julie Gore, graphiste, illustratrice, dessinatrice de bandes dessinées et enseignante, a mené des sessions de création avec des scolaires de l’école de la commune de Celles, pour finir par créer

« Un cadre d’action : l’éducation artistique et culturelle », voir le site du ministère de la Culture, <

1

www.culture.gouv.fr >, consulté le 28 février 2021.

Direction générale des médias et des industries culturelles Service du livre et de la lecture. Enquête sur les actions

2

des bibliothèques territoriales en matière d’éducation artistique et culturelle (EAC), 2015.

CARASSO (Jean-Gabriel), « Éducation artistique et culturelle : un « parcours » de combattants ! », L'Observatoire,

3

vol. 42, no. 1, 2013, p. 81.

GAZEAU (Nicolas), Jardin dessinés, douze artistes en résidence dans douze Jardins remarquables de

Nouvelle-4

Aquitaine, École européenne supérieure de l'image d’Angoulême, mai 2021.

Figure 14 - Photo du Jardin de vie de Celles. Et image tirée du livre Jardins dessinés de Nicolas Gazeau, 2021.© EESI Angoulême.

une série d’illustrations «  mettant en scène leur jardin si original1  » (étant originellement le Jardin de Vie à Celles : figure 14). Est donc mise en valeur une littérature par l’image, les élèves étant jeunes, il est coutumier de faire usage de l’illustration pour les sensibiliser. Dans ce cadre-là, ces dernières racontent une histoire, résultat de l’imagination d’une autrice et des enfants, tout en faisant référence à un lieu réel.

« Fruits d'une lente maturation ou de fulgurances, ces œuvres ont surtout ceci d’intéressant qu’elles sont fort variées, plastiquement et conceptuellement, et qu'elles sont autant l'expression de l’originalité de chaque artiste que de l’identité forte et inimitable de chacun des douze jardins labellisés Jardin remarquable par la DRAC. » 2

À l’origine, dans le but de valoriser les créations artistiques, le fruit de ce travail aurait dû être replacé sur les sites à l’occasion des Rendez-vous aux jardins3, mais cette action n'a pu avoir lieu à cause du contexte sanitaire. Néanmoins, une des caractéristiques retrouvées au sein de ces projets est bien la considération de la littérature au-delà du livre, dans des sphères où elle est partagée, animée, fêtée. Alors, sous l'impulsion des politiques publiques, la littérature pour enfants se convertit-elle en événement ?

II. La littérature jeunesse comme événement

A. L'importance des manifestations littéraires : une littérature au-delà du livre Par le biais des politiques du livre, la littérature jeunesse est un objet de connaissance à diffuser, diffusion qui s’organise grâce à des événements de plus ou moins grande ampleur. Compris dans les politiques de la DGMIC encourageant le développement de la lecture, le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil,

« grand rendez-vous de la littérature pour les enfants4 », « grande fête de la littérature jeunesse5 » né en 1984, se convertit chaque année au mois de décembre, en espace de célébration de la littérature jeunesse. Ce moment organisé en Seine-Saint-Denis met en avant des actions culturelles permettant de connecter la littérature à ses lecteurs, en ne

Ibid., p.23.

1

Ibid., p.4.

2

Action du ministère de la Culture ayant lieu chaque année (enjeux patrimoniaux et écologiques).

3

« Romans adolescents : cinq coups de coeur à retrouver au Salon de Montreuil », Le Monde, 30 novembre 2018.

4

« Droits d'auteurs : pourquoi les auteurs jeunesse sont-ils si mal payés ? », Franceinfo, 29 novembre 2017.

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se contentant pas de mettre des livres à disposition. Tel que l’exprime Maire Desplechin , le lien au territoire et donc aux publics est à nouveau une vraie nécessité. Il 1 s’agit effectivement d’inventer de véritables « expérimentations » en vue « d’associer quelque chose de l’histoire de ces publics à ce qui se crée » . 2 Le livre pour enfants développe une capacité : celle de toucher autrement ses lecteurs autour d'un moment fédérateur. Cette ambition est aussi celle du festival « Partir en livre », temps fort organisé en plein mois de juillet par le CNL et le CPLJ. Créée en 2015, cette manifestation littéraire nationale se décline sur le territoire français en impliquant les professionnels du livre : le CNL, les bibliothèques, les libraires, les collectivités territoriales, les associations et même les campings … Les animations sont nombreuses 3 et font sortir le livre de ses lieux habituels, en invoquant l’idée du ludique et du plaisir.

En démontre l’organisation en 2016, au parc Georges-Valbon à la Courneuve, d’un s’illustrer dans un espace qui n'est pas le sien. C’est une littérature hors les murs, tentant de s’adapter à tous et aux situations les plus diverses (elle peut être lue à la plage, en voiture, dans un camping, etc.) qui se trouve au cœur de ce festival. Elle fut notamment mise en lumière par l’affiche dessinée par Joann Sfar (figure 15), rendant « hommage à la diversité des lecteurs, tous réunis par le plaisir de lire pendant leurs vacances ou leurs loisirs5 ». La littérature pour enfants apparaît libre et libérée, autant que peuvent l'être ses lecteurs.

Les événements littéraires sont, entre autres,

BIANCHI (Florence), « Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis », Bulletin des bibliothèques de

1

France (BBF), 2007, n° 2, p. 116-117.

Ibid.

2

« Partir en livre », voir le site du Ministère de la Culture, < www.culture.gouv.fr >, consulté le 28 mars 2021.

3

Ibid.

4

« Partir en livre ! », Actualités France Culture, 2016.

5

Figure 15 - Affiche de « Partir en livre », du 20 au 31 juillet 2016 © Joann Sfar.

prisés par les politiques culturelles pour des raisons multiples : l’événement permet de valoriser un territoire ; peut être une stratégie politique ; regroupe un public important assimilé à public élargi et donc ; satisfait les actions de démocratisation culturelle.

Aussi, sous le prisme des politiques du livre, la littérature jeunesse peut faire événement et c’est une conception particulièrement ouverte de cette dernière qui s'affiche. Celle-ci peut être retrouvée dans les manifestations et les expositions organisées par La BnF. Ces dernières s’apparentent, selon Vauclare, aux événements se situant « aux frontières de l’événementiel ». En effet, les expositions sont intégrées dans la programmation d’une institution, un lieu fixe qui prévoit une « forme d’événementiel [qui] assure la continuité et la porosité entre institutionnel et événementiel et témoigne de la place que prend ce dernier dans les politiques des institutions culturelles1  ». Si l’événement prend aujourd’hui part aux diverses stratégies de médiation et ce, avec de plus en plus d’ampleur, il n’est pas inutile de rappeler que c’est bien l’expérience qui est au cœur des propositions culturelles, notamment lorsqu’un genre littéraire se donne à voir de façon originale.

Dans le document De l identité de la littérature jeunesse (Page 62-66)