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Pérégrinations d’une résistante italienne dans le Nord-Est de l’Italie. I giorni veri de Giovanna Zangrandi

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Nord-Est de l’Italie. I giorni veri de Giovanna Zangrandi

Estelle Ceccarini

To cite this version:

Estelle Ceccarini. Pérégrinations d’une résistante italienne dans le Nord-Est de l’Italie. I giorni veri de Giovanna Zangrandi. Cahiers d’Etudes Romanes, Centre aixois d’études romanes, 2007, pp.471 - 489. �10.4000/etudesromanes.1364�. �hal-01699619�

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17 | 2007

Auberges, hôtels et autres lieux d'étapes

Pérégrinations d’une résistante italienne dans le Nord-Est de l’Italie. I giorni veri de Giovanna

Zangrandi

Estelle Ceccarini

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/etudesromanes/1364 DOI : 10.4000/etudesromanes.1364

ISSN : 2271-1465 Éditeur

Centre aixois d'études romanes de l'université d'Aix-Marseille Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2007 Pagination : 471-489

ISSN : 0180-684X

Ce document vous est offert par Aix-Marseille Université (AMU)

Référence électronique

Estelle Ceccarini, « Pérégrinations d’une résistante italienne dans le Nord-Est de l’Italie. I giorni veri de Giovanna Zangrandi », Cahiers d’études romanes [En ligne], 17 | 2007, mis en ligne le 15 janvier 2013, consulté le 02 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/etudesromanes/1364 ; DOI : 10.4000/etudesromanes.1364

Cahiers d'études romanes est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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I giorni veri de Giovanna Zangrandi

Estelle CECCARINI Université deProvence

Résumé :

Nous prenons ici en compte un aspect central du journal de Résistance de Giovanna Zangrandi, I giorni veri. Ce journal apparaît en effet comme un journal de voyage ou d’errance. Les refuges que la jeune résistante traquée trouve sur son chemin ne sont pas les habituels lieux d’étapes du voyage, lieux publics devenus pour elle des lieux de danger. Elle trouve refuge dans la solitude des grottes de montagne, où elle subit une provisoire et frus- trante exclusion du monde des vivants, de la guerre et de la lutte contre l’occupant. Mais elle est aussi accueillie dans les foyers paysans, et cette

“voyageuse” hors normes y trouve repos et réconfort. Bien plus, elle y dé- couvre une nation italienne et une Résistance qui survivent et agissent, bien cachées au fond des cuisines. Ce lieu emblématique de la réclusion fémi- nine dans la domesticité qu’est la cuisine, devenu lieu essentiel à la conspi- ration politique, lui apparaît alors comme le révélateur des bouleversements sociaux que la guerre et la Résistance ont apportés, ouvrant un peu plus grand la porte de l’émancipation.

Le rôle le plus souvent exercé par les femmes dans la Résistance ita- lienne a été celui de staffetta, terme que j’ai choisi de ne pas traduire, tant il recouvre une réalité d’actions polymorphes

1

: transmettre des or- dres, faire le lien entre les brigades, leur apporter les nouvelles

2

, trans-

1 On pourrait toutefois utiliser l’équivalent français “estafette” qui a été utilisé pendant la Résistance ou le terme “agent de liaison” utilisé par l’historiographie francophone actuelle, mais nous trouvons ce que ces termes ne rendent pas compte de la pluralité des rôles assu- més par ces femmes (et des hommes, même s’ils sont moins nombreux).

2 C’est grâce aux staffette que les brigades sont au courant de l’avancée des Allemands ou des Alliés, des risques d’expédition allemande ou fasciste, de la situation des autres brigades.

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porter la presse clandestine, trouver et transporter du matériel divers, des armes ou de l’explosif pour les sabotages, ravitailler les brigades en nourriture et vêtements, amener aux familles des nouvelles des résistants au maquis ou en prison, leur annoncer les décès. C’est pourquoi la Ré- sistance des femmes apparaît souvent comme une longue suite d’allées et venues d’une brigade à l’autre, d’une vallée à l’autre, de la plaine à la montagne. Elles parcourent des dizaines, des centaines de kilomètres, en train, à vélo, à pied. Pour ces femmes, chaque mission est un petit ou grand voyage, semé d’embûches mais aussi de haltes dans des lieux où elles sont accueillies, le plus souvent par d’autres femmes, pour un mo- ment de repos et de réconfort

3

.

Parmi les nombreux écrits de femmes relatant leur participation à la Résistance et les périples qu’elles ont accomplis, nous avons choisi celui de Giovanna Zangrandi

4

, qui, avant de se consacrer principalement à l’écriture, a été staffetta d’une brigade de la région du Nord-Est de l’Italie, le Haut Adige (alors annexé par le Reich). Son récit, qui s’intitule

I giorni veri, présente sous forme de journal intime son expé-

rience de résistante de l’automne 1943 au mois de mai 1945

5

.

Dans la plupart des voyages, c’est l’auberge qui est le lieu d’étape par excellence, lieu où se restaurer et se reposer. C’est aussi un lieu de ren- contre, d’échange de nouvelles et d’opinions, un lieu de vie sociale et politique et, par son caractère de lieu public, c’est également un lieu de danger potentiel pour les personnes en situation d’illégalité. Mais la guerre et les bouleversements politiques et sociaux qui l’accompagnent abattent les barrières entre espace public et espace privé, brouillent les pistes, si bien que le sens à donner à ces lieux d’étape, pour ces résistan- tes nomades que sont les staffette, s’en trouve modifié.

3 Toutefois, l’aspect “itinérant” de la Résistance n’est valable que pour la Résistance au “ma- quis”, ou plutôt “in montagna”, qui implique de se déplacer selon les actions à mener et pour échapper aux expéditions allemandes ou fascistes. La Résistance dans les villes est plus sé- dentaire (dans une certaine mesure toutefois puisque la clandestinité implique souvent de changer de lieu de résidence).

4 Giovanna Zangrandi, de son vrai nom Alma Bevilacqua est née en 1910 à Bologne. Elle fait le choix de s’installer dans la région du Cadore, près de Bolzano et change alors de nom, pour marquer sa nouvelle identité “cadorina”. Figure de femme atypique par son autonomie, elle enseigne la chimie à Cortina d’Ampezzo, pratique l’alpinisme à un haut niveau et écrit dans plusieurs revues locales. Elle entre dans la Résistance en 1943, au lendemain de l’armistice du 9 septembre. Elle devient staffetta et vit dans la clandestinité pendant presque un an. L’expérience de la Résistance va devenir une de ses sources d’inspiration principales, avec l’évocation de son enfance et des légendes des Dolomites.

5 Giovanna ZANGRANDI, I giorni veri, Milano, Mondadori, 1963, 253 p.

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Notre parcours de lecture visera d’abord, dans une partie préliminaire, à montrer en quoi le récit de Zangrandi prend l’aspect d’un journal de voyage, tant il est dominé par le déplacement continuel de sa protago- niste. Nous envisagerons ensuite les trois types de lieux d’étape présents tout au long de cet itinéraire : d’abord les refuges de fortune qui sont des lieux de solitude, puis les lieux publics, source de danger, et enfin, les cuisines paysannes et populaires qui apparaissent comme les véritables

“auberges” de la Résistance. Notre analyse nous amènera alors à souli- gner l’ambivalence des lieux d’étapes qui peuvent apparaître à la fois comme des lieux de danger – parce que lieux “carrefour” – et des lieux refuges, où les individus trouvent une protection contre les dangers du monde extérieur.

I giorni veri de Giovanna Zangrandi, un journal de Résistance comme un journal de voyage ?

Ce texte est présenté comme un journal intime par l’auteur qui en sou- ligne l’authenticité dans une note au lecteur

6

. Pourtant il s’agit d’un texte écrit en 1961, seize ans après les faits, et publié en 1963, après des modifications apportées à la demande de l’éditeur. Nous sommes donc face à un journal intime reconstitué, même s’il se base sur des notes pri- ses pendant la Résistance. Le texte est divisé en paragraphes précédés de notations spatiales et temporelles plus ou moins précises (parfois le jour, mais plus souvent le mois ou la saison). Un rapide coup d’œil à ces di- dascalies met en évidence l’errance continuelle de la protagoniste. Ainsi, le compte rendu de ses déplacements et des lieux où elle fait étape cons- titue l’élément structurant du récit et ce journal de Résistance apparaît presque comme un journal de voyage.

Giovanna Zangrandi commence ses pérégrinations autour de Cortina d’Ampezzo, « la cittadina d’oltre confine »

7

où elle habite, car sa pro- fession d’enseignante lui permet de voyager librement dans certaines

6 Giovanna ZANGRANDI, op. cit., p. 6 : « Persone, luoghi, avvenimenti, parole riferite in questo diario sono veri, non si tratta di una ricostruzione romanzesca. I nomi di località sono autentici e riscontrabili, quelli di persone pure, anche se per coloro che lo preferivano, che oggi non desiderano comparire, ho usato il nome di battaglia ». « Les personnes, lieux, évé- nements, paroles rapportées dans ce journal intime sont vrais, il ne s’agit pas d’une reconsti- tution romanesque. Les noms de lieux sont authentiques et vérifiables, ceux des personnes également, même si pour ceux qui le préféraient et qui aujourd’hui ne souhaitent pas être ci- tés, j’ai utilisé leur pseudonyme de résistant ».

7 Ibidem, p. 89.

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zones

8

. Pendant le début de la Résistance, ses voyages se font le plus souvent sur la journée et consistent à transporter du matériel clandestin, à entrer en contact avec les résistants du Cadore, de l’autre côté de la nouvelle frontière

9

. Les étapes sont donc surtout des pauses dans les “re- lais” de la Résistance : ce sont des bars, des maisons de résistants où quand il trop tard, elle passe parfois la nuit

10

.

Son récit met en scène les difficultés des voyages d’une staffetta, en raison des problèmes que posent les moyens de transport en temps de guerre

11

. Les trains sont souvent en retard, annulés, bombardés, les rou- tes qu’elle doit parcourir à bicyclette sont en mauvais état – les cham- bres à airs sont d’ailleurs très difficiles à se procurer – et elle doit parfois se déplacer à pied sur de très longues distances ou affronter la montagne enneigée l’hiver

12

. S’y ajoute la précarité des endroits où elle peut faire étape pour la nuit :

Albe stellate, marce di ore, dieci che spesso diventano venti, brevi soste, sci e pelli di foca certe volte, poi nasconderli […] prima di saltare sulle strade […] ora, per ordine di Garbin, cerco di rintrac- ciare una radio trasmittente […] andare, trafficare, ascoltare, far dire senza parere. […] E andare, trovare altri fili, tutto serve. Passi lenti nel ghiaccione, salire, ridiscendere, salire nella selva anti- ca.13

Adesso il nostro andare di staffette è un zigzagare per le vecchie vie militari di Loreto e del Cridola, bicicletta in spalla e per rocce e fratte a cercar passerelle […] adesso ogni giorno, ogni minuto è avventura, non hai tempo di pensare. Alla sera s’è vivi, si consta-

8 Ibidem, p. 32.

9 Mission à Bologne pour récupérer de l’explosif (p. 35), à Bolzano en octobre 1943 pour apporter les vêtements civils nécessaires à l’évasion de militaires italiens prisonniers à Bol- zano.

10 Ibidem, pp. 56-59 à Bolzano chez « Saturnia Tellus », la première des « donne delle cucine ».

11 Contrairement à l’impression que laissent certains récits de résistants qui, vivant avec la brigade, pouvaient profiter des moyens de transport dont celle-ci disposait : fourgons, ca- mions, parfois voitures, dans les périodes relativement calmes, bien sûr.

12 Giovanna Zangrandi était une skieuse et une alpiniste confirmée.

13 G. ZANGRANDI, op. cit., pp. 69-70 : « Des aubes étoilées, des marches de plusieurs heures, dix qui souvent en deviennent vingt, de brèves pauses, parfois avec les skis et les peaux de phoque, qu’il faut cacher ensuite […] avant de s’élancer sur les routes. […] Maintenant, sur ordre de Garbin, je cherche une radio émettrice […] il faut aller, se débrouiller, écouter, faire dire sans que cela paraisse. […] Et toujours aller, trouver d’autres liens, tout sert. Des pas lents sur le glacier, monter, redescendre, monter dans la forêt ancestrale. »

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ta, si dorme, dove capita. Ottanta chilometri al giorno circa di me- dia – tra la bicicletta e raccordi a piedi.14

La densité narrative des passages où elle raconte ses missions de staf-

fetta mettent en avant non seulement leur caractère éprouvant, mais aus-

si et surtout leur aspect d’aventure. Le récit en comporte de nombreux éléments : les paysages sauvages des montagnes du Cadore, la difficulté du parcours, la dangerosité de la mission, le courage et l’habileté de ces femmes.

L’entrée dans la clandestinité est pour Giovanna Zangrandi le début d’une véritable errance. Parce qu’elle est une femme, on lui refuse de se réfugier avec les maquisards, elle doit donc se débrouiller seule pour trouver un endroit où dormir

15

. Non seulement elle devient nomade, mais, libérée de toute contrainte personnelle ou professionnelle, elle in- tensifie son travail de staffetta et les déplacements qu’il implique. Ce changement dans l’organisation matérielle de son existence est décisif et se reflète dans l’organisation de la narration : dans la deuxième partie du livre, de la page 118 à la page 161, on compte dix-neuf didascalies spa- tiales différentes, sans compter les déplacements à la journée. Le voyage et les étapes apparaissent dès lors comme un motif central de la narra- tion.

14 Ibidem, p. 141 : « Maintenant nos allées et venues de staffette consistent en des zigzags le long des vieilles routes militaires de Loreto et du Cridola, la bicyclette sur l’épaule, à grim- per au milieu des rochers et des buissons pour chercher des passerelles. […] Maintenant chaque jour est une aventure, on n’a pas le temps de penser. Le soir, on est vivant, on le constate, on dort où c’est possible. Presque quatre-vingts kilomètres par jour de moyenne – entre la bicyclette et les liaisons à pied. »

15 Son premier refuge sera la maison de la femme d’un résistant qui la recueille, puis elle s’installera dans un chalet d’alpage chez un berger qu’elle connaît. Ibidem, p. 107 : « Ho camminato ancora quasi fino a sera. […] Allora scendo a Villanova dove la prima casa al margine del bosco è quella di Marcello, c’è sola Raffaella, ha fatto una faccia a vedermi, ha detto : – Dio, in che stato ! – una minestra calda e a letto. […] È ovvio che qui, nel paese sulla strada non posso restare […] un agente di Garbin mi dice che in banda non vogliono donne, si sa, mi dovrò arrangiare. […] Vien notizia che gendarmi travestiti sono andati a cercarmi a casa, che c’è mandato di cattura. E in banda non vogliono donne, anche se sono meno lavativi di molti studentelli e impiegati. E va bene : andrò intanto su in Forcella Picco- la dove Marco Moro, il pastore, ha duecento pecore da sorvegliare… ». « J’ai marché encore jusqu’au soir. […] Alors je suis descendue à Villanova où la première maison au bord du bois est celle de Marcello, il y a seulement Raffaella, elle a fait une tête en me voyant, elle m’a dit : – Mon Dieu, dans quel état tu es ! – une soupe chaude et au lit. […] Il est évident qu’ici, dans ce village au bord de la route, je ne peux pas rester […] un agent de Garbin me dit qu’à la brigade, ils ne veulent pas de femmes, bien sûr, je vais devoir me débrouiller. […]

La nouvelle arrive que des gendarmes en civil sont venus me chercher, qu’il y a un mandat de capture. Et à la brigade ils ne veulent pas de femmes, même si elles sont moins paresseu- ses que bon nombre d’étudiants ou d’employés.

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Mais avec la clandestinité proprement dite, les difficultés matérielles et les risques grandissent et le récit prend une tonalité plus grave. Le “récit d’aventures” devient récit de fuite et de lutte pour survivre :

Una paura folle mi agguanta, la folle primordiale paura che l’uomo ha delle mute di lupi […] calcolo : ancora non mi vede, non mi sente, l’unica è di buttarsi fra i baranci, dove l’afrore resi- noso e la ramaglia confondono il fiuto del cane […] vado a caso, le gambe di pezza ed ogni facoltà di pensiero come sepolta, sono solo muscoli meccanicamente buttati a muoversi fuori dalla stan- chezza, solo instinto bestiale e primordiale ; sono solo foresta.16 Allora si carica la gerla e si emigra su per le faggete, si va di notte perché nessuno veda dove vai. […] Fin che il fiuto o la pelle più che gli occhi avvertono una massa nell’ombra, un fienile, e lo si apre piano […]. E cambiare spesso tana.17

Ora devo di nuovo scomparire dalle piste dei paesi […]. Ghiaccio e neve cigolano sotto le scarpe, […] la troverò una tana.18

Dès lors, la peur est au centre de la narration et seule compte la survie.

La recherche d’un lieu d’étape sera la recherche d’un refuge, même élé- mentaire, comme l’exprime la récurrence de la métaphore de l’animal traqué à la recherche d’une tanière.

À l’automne 1944, le général Alexander décide la dissolution des groupes de résistants jusqu’au printemps. La plupart des résistants ne peuvent rentrer chez eux car ils sont recherchés et doivent, comme G.

Zangrandi, chercher un refuge pour passer l’hiver. Elle retrouve deux compagnons avec lesquels elle s’installe dans une grotte en pleine mon- tagne. L’inconfort de ce refuge de fortune n’est rien pour elle, comparé à la solitude qu’elle a connue auparavant :

16 Ibidem, p. 103 : « Une peur folle me prend, la folle peur primordiale que l’homme a des meutes de loups à ses trousses. […] Je calcule: [le chien] ne me voit pas encore, il ne me sent pas, la seule chose à faire est de se jeter dans les buissons où l’odeur pénétrante de la ré- sine et les branches confondront le flair du chien. […] Je vais au hasard, les jambes en coton et toute faculté mentale comme ensevelie, je ne suis que des muscles que la fatigue fait se mouvoir de façon mécanique, je ne suis qu’instinct animal, primordial, je ne suis que forêt. » 17 Ibidem, p. 164 : « Alors je charge ma hotte et je migre là-haut dans la hêtraie, j’y vais de nuit pour que personne ne voie où je vais, […] jusqu’à ce que mon flair ou ma peau plus que les mes yeux remarquent une masse dans l’ombre, un fenil, et je l’ouvre doucement […]. Et changer souvent de tanière. »

18 Ibidem, p. 175 : « Maintenant je dois à nouveau disparaître des pistes des villages […]. La glace et la neige craquent sous mes chaussures, […] j’en trouverai bien une, de tanière. ».

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Parlare con altri esseri dei tuoi accanto a questo fuoco. […] Ab- biamo deciso di trasferirci […] all’alta roccia della Memora. […]

È circa a quota duemila, una gran roccia esposta al sole, non grotta, ma arcuata abbastanza per proteggere dalle intemperie e dalle slavine […] circa due metri dove potremo abitare. […]

Quando imbruna accendiamo il fuoco […] dopo cena si scambia qualche parola, raccontarsi cose passate, esaminarle, anche far programmi, così, poveri programmi di gente semplice, ma che tut- tavia adesso, qui nel tepore del baracchino di dassa, in tre, dopo mangiato, riesce a sperare in un domani.19

On trouve là une caractéristique récurrente chez Giovanna Zangrandi, l’idée selon laquelle la Résistance provoquerait le retour à une vie primi- tive, voire préhistorique, dont la grotte, seul refuge possible, est ici em- blématique. Si ses deux compagnons lui permettent de rompre sa soli- tude, le refuge de la Memora est malgré tout une étape loin du monde des vivants et de l’engagement dans la lutte nationale. D’où le sentiment d’inutilité qu’elle éprouve. Aussi ses allées et venues pour garder le contact avec les autres résistants ou chercher de la nourriture sont-elles un réconfort. Elle fait parfois étape dans des abris de fortune, granges, bergeries abandonnées

20

, mais elle s’arrête aussi dans les cuisines de paysannes qui l’accueillent parfois pour la nuit, comme Angela à Tai di Cadore

21

. Ces cuisines représentent alors un contact humain, le maintien des liens avec la Résistance et, finalement, le retour à une certaine socié- té civile dont la clandestinité l’avait exclue.

Fin février 1945, elle quitte la Memora qui a été repérée, et rejoint la division Nannetti à Alpago

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. La Libération approchant, elle multiplie

19 Ibidem, p. 175 : « Parler avec des êtres humains, comme toi, près de ce feu. […] Nous avons décidé de nous transférer […] jusqu’au rocher de la Memora, […] il est presque à deux mille mètres d’altitude, un grand rocher exposé au soleil, pas une grotte, mais suffisamment arqué pour nous protéger des intempéries et des avalanches […] presque deux mètres carrés où nous pourrons habiter. […] Quand le soir descend nous allumons le feu […] après le repas nous échangeons quelques mots, on se raconte des choses passées, on les analyse, on fait aussi des projets, comme ça, de pauvres projets de gens simples mais qui pourtant, mainte- nant, là dans la tiédeur de la cabane de branches, à trois, espèrent en l’avenir. »

20 Missions à Auronzo pour garder le contact avec le chef de la brigade : traversée de glaciers, entre 2000 et 3000m d’altitude, nuit dans une bergerie en ruine (Ibidem, p. 192).

21 Ibidem, pp. 186 et 203.

22 Ibidem, p. 210 « Vecchia bicicletta rugginosa, copertoni rattoppati […], correre fin che il fiume diviene vasto nel vallone, fin che si trovano recapiti ancora in vita e il comando della divisione Nannetti che ti accoglie e ti mette subito in moto ». « Une vieille bicyclette rouil- lée et des chambres à air rapiécées […], il faut courir jusqu’à ce que le fleuve s’étale dans le vallon, jusqu’à rencontrer des relais encore en activité et finalement le siège du commande- ment de la division Nannetti qui m’accueille et me remet de suite en route. »

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les déplacements entre Alpago et d’autres endroits de la Vallée du Piave, jusqu’à Padoue en passant par Bolzano et Belluno

23

. Au printemps 1945, la maison d’Angela, à Tai di Cadore devient son lieu d’étape principal

24

jusqu’au 2 mai 1945, jour de la Libération de la région.

Ce résumé des pérégrinations de Giovanna Zangrandi laisse apparaître plusieurs types de lieux d’étape. Il y a d’un côté des refuges de fortune, granges, chalets d’alpage ou bergeries, et de l’autre les cuisines de fem- mes du peuple ou de paysannes dont les proches sont engagés dans la Résistance, qui servent de relais. Il y a aussi les lieux publics, bars et ca- fés principalement, qui n’apparaissent pas dans notre résumé en raison de leur caractère plus ponctuel. Ces différents lieux d’étapes ont des fonctions bien précises dans l’économie du récit.

Les refuges de fortune : l’exclusion du monde des vivants et de la guerre

Bien souvent, lors de ses pérégrinations clandestines, les seuls refuges que G. Zangrandi trouve sont des grottes, des fenils, quand elle ne doit pas bivouaquer en pleine montagne, dans des conditions de confort et d’hygiène très rudes. Les descriptions qu’elle fait de ces lieux d’étapes, précises, parfois longues, mettent en évidence l’importance capitale qu’ils ont :

Una persa dormita dentro un caldo lercio di penne di uccelli, odor di becchime, di sterco, fumo, sporcizia di secoli, pullini e pidocchi a schiere forse, non conta : cose vive, libere, calde, tra esseri vivi scampati, sotto le frasche dei larici e il cielo vasto dell’Antelao.25 Fienili delle Marmarole, adagiati su brevi ripiani prativi o appol- laiati su pale erte […] di rado qualcuno è di muro sui prati più vasti, ma di solito allora i padroni son gente piuttosto ricca, li sor-

23 Les diverses didascalies et indications spatio-temporelles donnent : Val Piave « fine febbraio 1945 » (p. 212), « Recapito 67, periferia di Bolzano » (p 213), Belluno « marzo 1945 » (p.

218), Padova (p. 220), Cadore (p. 223).

24 Ibidem, p. 228, mais aussi Vedorcia (p. 226), Auronzo (p. 246).

25 Ibidem, p. 171 : « Un profond sommeil dans la chaleur crasseuse de plumes d’oiseaux, dans une odeur de grain, de fiente, de fumée, la saleté de plusieurs siècles, des puces et des poux en bataillons, peut-être, cela n’a pas d’importance : ce sont des choses vivantes, libres, chau- des, parmi des êtres vivants échappés au danger, sous les frondaisons des mélèzes et le vaste ciel de l’Antelao. »

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vegliano […] se ti ci scovano ti dicono duramente che sei sgradita ospite, tu bandita con una taglia, puttana della brigata.26

Nell’altopiano aperto la tormenta fischia, […]. Come non so, al buio ho azzeccato il muro della casera delle pecore, un rudere, ma è la salvezza. Anche all’interno è piena di neve, di stalattiti di ghiaccio, forse sono venti sotto zero fuori sull’altopiano e anche qui dentro, la bava che esce di bocca gela subito e fa crosta sul mento. […] Nessun pensiero alle cose solite dei capodanni, alle feste che fa la gente ; solo essere felici perché anche stalvolta ce l’ho fatta, a infilare la casera, a tirar fuori i piedi prima che gelino, a non restarci sfinita nella morte bianca.27

La description de ces refuges s’insère dans la même logique que la mé- taphore de la tanière. Dans ces trois citations, il s’agit de lieux qui ne sont pas destinés à abriter des hommes, mais des animaux ou du foin : chalets en ruines où se réfugient des oiseaux, bergerie, grange. Ces refu- ges de fortune sont donc bien le lieu de l’exclusion de la société civile et du retour à une certaine forme d’animalité. Ainsi, la place importante occupée dans le récit par ces étapes n’a pas pour seul effet d’informer sur la réalité quotidienne d’une résistante. On retrouve dans chacune de ces citations la juxtaposition antithétique d’éléments de souffrance, et, paradoxalement, de soulagement, voire de plénitude. Ce choix narratif illustre l’ambivalence fondamentale du récit de la Résistance chez Gio- vanna Zangrandi, qui met en avant, tout à tour, la souffrance et l’enthousiasme, l’insistance sur la rudesse de la vie au maquis et la beau- té des paysages, le constat amer de l’omniprésence d’une “barbarie sau- vage” née de la guerre civile et la force des relations humaines nées dans l’adversité. Et c’est l’équilibre précaire né de ces oppositions qui donne au texte toute son intensité.

26 Ibidem, p. 173 : « Les fenils de la région des Marmaroles, installés sur d’étroits morceaux de prairie ou perchés en haut des pentes […]. On en trouve parfois, rarement, en dur et sur des prés plus vastes, mais alors d’habitude les propriétaires sont des gens plutôt riches, ils les surveillent. […] S’ils t’y trouvent, ils te disent sèchement que tu es un hôte indésirable, toi, bandit dont la tête a été mise à prix, la pute de la brigade. »

27 Ibidem, p 192 : « Sur le haut plateau, la tempête siffle […]. Je ne sais trop comment, dans le noir, j’ai réussi à trouver le mur de l’abri des brebis, une ruine, mais c’est le salut. Même l’intérieur est plein de neige, de stalactites de glace, dehors, sur le haut plateau, il fait peut- être moins vingt et même ici, à l’intérieur, la salive gèle tout de suite et fait une croûte sur le menton. […] Aucune pensée pour les choses habituelles des réveillons du jour de l’an, pour les fêtes que les gens font ; je suis juste heureuse parce que cette fois encore j’y suis arrivée, j’ai réussi à rejoindre l’abri, à sortir mes pieds des chaussures avant qu’ils ne gèlent, à ne pas y rester, là, dans la mort blanche. »

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Pour une montagnarde comme Giovanna Zangrandi, l’inconfort de ces lieux d’étape a peu d’importance, c’est de la solitude qu’elle souffre le plus. Cette solitude dépasse le simple manque de contacts humains, elle est liée au sentiment d’être exclue de la société, au moment même où la guerre a réveillé en elle la conscience de la nécessité de rompre avec la passivité sociale et politique de sa vie. Alors, même au refuge de la Memora où ils sont trois, l’impression d’être loin du monde des vivants et de l’histoire qui se joue est un tourment douloureux :

Quando la solitudine cresce e si dilata, quando la voce dei vivi ci mormora dentro acida, ossessiva, cattiva col suono delle campane dei paesi (lo porta il vento, arriva come parole a cui non si può rispondere) allora cacciarsi sotto al fieno e dormire.28

Giorni e giorni in cui la voce dei vivi sono solo le campane dei paesi […] dicono che noi siamo qui isolati a fare pressoché niente per finirla prima e certe volte prende il nervosimo, la rabbia, si odia il suono ossessivo delle campane, la morsa di questa solitu- dine impotente.29

Les refuges solitaires cachés dans la montagne, bien qu’essentiels à la survie de la protagoniste, sont donc avant tout synonymes de solitude et d’impuissance, de sortie de l’Histoire qui se joue dans les lieux habités.

Il y a là un constat particulièrement significatif chez une femme comme Giovanna Zangrandi qui, alpiniste confirmée, nourrissait une véritable passion pour la nature sauvage des montagnes du Cadore.

Les lieux publics : lieux de danger et de travestissement

Face à l’isolement des refuges de fortune, les bars et les auberges sont des lieux qui pourraient rompre la solitude de la jeune résistante. Mais ce sont surtout des lieux à exploiter, pour ainsi dire des lieux de “tra-

28 Ibidem, p. 173 : « Quand la solitude grandit et se dilate, quand la voix des vivants murmure en nous, acide, obsessionnelle, mauvaise, avec le son des cloches des villages (le vent l’amène, il arrive comme des mots auxquels on ne peut pas répondre) alors il ne reste qu’à se jeter dans le foin et dormir. »

29 Ibidem, p. 175 : « Des jours et des jours pendant lesquels la seule voix des vivants qui nous parvienne est le son des cloches des villages. […] Elles nous disent que nous sommes isolés ici à ne faire presque rien pour que tout cela finisse plus vite et parfois la nervosité, la rage nous prend, et l’on hait le son obsédant des cloches, la morsure de cette solitude impuis- sante. »

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vail”. Ce sont des lieux d’investigation où recueillir des informations, des points de repère pour les staffette qui se passent le relais pour trans- mettre des messages, des lieux où la foule et le bruit permettent de pas- ser inaperçu et donc très utiles pour rentrer en contact avec d’autres ré- sistants

30

. Ce sont néanmoins des lieux où le danger est toujours présent, car même dans le cas où ils sont tenus par des résistants, ils sont fré- quentés par les Allemands et les fascistes. Cette scène dans le bar de Do- rina, une résistante, illustre la tension qui règne quand l’anonymat des résistants risque d’être compromis. Un officier allemand qui vient d’entrer dans le bar commence à courtiser Anna (pseudonyme de staffet-

ta de Giovanna Zangrandi) alors qu’elle parle au téléphone avec son

chef, Severino, pour la libération de prisonniers qui sont sur le point d’être exécutés :

Bisogna sorridere a costui, bisogna, gli occhi della Dorina spaven- tati, sorridere anche a lei, ridere […]. Lo so che li stanno ucciden- do, devo disincagliarmi senza compromettere la Dorina.31

Ce sont donc des lieux qui obligent au travestissement des émotions, des lieux où le mensonge et la maîtrise de soi sont les seuls garants de la sécurité

32

. Lors d’une pause dans un bar quand elle entend des fascistes parler de résistants torturés alors qu’elle a dans son sac des lettres com- promettantes, elle tente de s’éclipser discrètement :

30 Ibidem, p. 123, elle retrouve un résistant dans une “weinstube” qui lui donne des informa- tions sur des dépôts de munitions allemands : « La weinstube è fumosa e c’è gran rumore, mentre disinvoltamente mangiamo il nostro piatto di krauti, chiacchierando […] Ci possia- mo dar notizie senza destare alcun sospetto, come se lui avesse trovata una qualunque ragaz- za amica. » ; p. 212 : « attendo un “cambio” all’osteria di Ponte delle Schiette, […] è arrivata la staffetta con la posta. » ; p. 153 : « A Lozzo entrai nel bar ch’è un poco nostro recapito, ai tedeschi che bevono nell’angolo non si fa caso ». « La weinstube est enfumée et il y a beau- coup de bruit, alors que, désinvoltes nous mangeons notre plat de choucroute en bavardant.

[…] Nous pouvons échanger des informations sans éveiller les soupçons, comme s’il venait de rencontrer une simple amie. » ; p. 212 « J’attends un ‘relais’ à l’auberge du Ponte delle Schiette, […] la staffetta vient d’arriver avec le courrier. » ; p. 153 : « À Lonzo, je suis en- trée dans le bar qui nous sert de point de chute, les Allemands qui boivent dans un coin, on n’y fait pas attention ».

31 Ibidem, p. 155 : « Il faut sourire à celui-là, il le faut, il y a le regard épouvanté de Dorina, il faut lui sourire à elle aussi, rire […] Je sais qu’ils sont en train de les tuer, je dois m’en sortir sans compromettre Dorina. »

32 C’est la même tension qui domine un autre passage, alors que des Allemands viennent de s’arrêter dans le bar tenu par Ida, et qui sert de relais de la Résistance. Ibidem, p. 247 : « la piccola Ida [ha] occhi che dominano il terrore e corre attorno a servire i tedeschi al bar, tira la bocca come per sorridere disinvolta, questa cosuccia dal coraggio di ferro […] padrone della stessa paura che ha dentro. Anna, corri a dirlo a Tai.” ».

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[…] un bar ; è pieno di fascisti, è questione di non farci caso e di dare al proprio viso una espressione di simpatia come se fossi un’ausiliaria sua, sorridere con discrezione, dico. Ci credono, fan- no posto cerimoniosi […] Mentre centellino come niente il mio caffè, sento che dice : “Ce l’ho fatta a farlo cantare, eccome, pec- cato che…” – Fa un gesto come a dire “peccato che è crepato”. – Capisco, sei uno di Villa Triste ; so che la mia faccia non segna muscolo per nessun orrore se voglio. Con permesso, lasciatemi uscire, con queste lettere nella borsetta.33

Les lieux publics, bars, auberges, dans lesquels elle fait étape sont donc des lieux où elle ne peut rien laisser transparaître de ce qu’elle est, où elle doit jouer un rôle. Ce travestissement, rendu nécessaire par le danger potentiel, soumet l’individu à une tension psychologique ex- trême. Ces lieux d’étape, lieux de danger et d’inauthenticité des relations humaines sont donc pires que les refuges de fortune solitaires. Mais il y a pourtant d’autres lieux d’étape, à mi-chemin entre la solitude de l’iso- lement dans la montagne et la foule des lieux publics, où chacun peut laisser en partie tomber le voile de la clandestinité pour être enfin soi- même : ce sont les cuisines paysannes ou populaires, repères de la Résis- tance.

Les cuisines paysannes ou populaires : « les auberges de la Résis- tance »

Les cuisines paysannes ou populaires où Giovanna Zangrandi trouve refuge sont les seuls lieux où elle puisse trouver un réel réconfort physi- que qui contraste avec sa vie d’animal traqué. Elle y est accueillie à bras ouverts, même quand la nourriture et l’espace manquent. Elle décrit ain- si son arrivée chez « Saturnia Tellus » :

Sono arrivata su di un ballatoio sporco, con troppi usci e nomi sospetti su quegli usci, uno s’è aperto, una cucina di vecchia casa senza anticamere […]. Tre donne in quella cucina, grandi donne, due figlie atletiche come uomini, visi tesi dai pronti riflessi e la

33 Ibidem, p. 221 : « […] un bar ; il est plein de fascistes, il s’agit juste de ne pas y faire atten- tion et de donner à son visage une expression de sympathie comme si j’étais une de leurs auxiliaires, sourire, avec discrétion bien sûr. Ils y croient, me font place, l’air cérémonieux.

[…] Pendant que je sirote mon café comme si de rien n’était, j’entends [que l’un d’eux] dit :

“Si je suis arrivé à le faire parler, et comment, dommage que…” – il fait un geste comme pour dire : “Dommage qu’il ait crevé” – j’ai compris, tu es un de ceux de la “Villa Triste” ; je sais que mon visage ne contracte aucun muscle, ne montre pas de signe d’horreur, si je le veux. Pardon s’il vous plaît, laissez-moi sortir, avec ces lettres dans mon sac à main. »

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madre […] Sussura in dialetto veronese di far piano, il pianerotto- lo è pieno di babe crucke, pettegole, sospettose, ostili […]. Dice la madre che resti a cena e io tremo pensando che costoro, nell’ostile Bolzano, sono a rigorosa tessera ; mi brucia portar via la roba di un piatto che so cosa vale oggi. Ma la madre insiste e forse è bene non dar nell’occhio.34

La cuisine est alors, pour la jeune staffetta et ces femmes qui partici- pent à la Résistance, un lieu de rencontre privilégié parce que c’est le lieu de vie de beaucoup de ces femmes et parce que c’est souvent la seule pièce chauffée. Les étapes de la staffetta sont souvent limitées au strict nécessaire : manger, se réchauffer, se reposer. Mais le réconfort que G. Zangrandi y trouve ne se limite pas à un réconfort physique ; c’est le réconfort moral que procure le caractère accueillant du lieu qui importe, comme l’illustre bien cette description de Marta, préparant un

risotto :

E Marta […] misura tanti pugni di riso per uno, tra i discorsi gravi ed entusiasmanti di ripresa, di rinascita.35

Ou encore la description d’une soirée passée chez la même Marta, où domine le réconfort apporté par les paroles d’espoir et l’amitié partagée :

Alla sera Marta non crede che ho mangiato, vuole che sieda con lei in cucina, è grande e tersa e calda questa cucina. […] Vuole che mi peli e mangi un po’ delle sue patate e sono tanto morbide e tiepide, dolcemente si sciolgono in bocca, anche le nostre parole di speranza si sciolgono, lente, calde.36

34 Ibidem, p. 56 : « Je suis arrivée sur une coursive sale, avec trop de portes et trop de noms suspects sur ces portes, l’une d’elles s’est ouverte, la cuisine d’une vieille maison sans vesti- bule […]. Trois femmes dans cette cuisine, de grandes femmes, deux filles athlétiques comme des hommes, aux visages tendus par des réflexes rapides, et la mère. […] Elle mur- mure en dialecte véronais de faire doucement, le palier est plein de teutonnes, bavardes, sus- picieuses, hostiles.[…] La mère dit que je dois rester dîner et je tremble à l’idée que, eux, dans l’hostile Bolzano, sont rigoureusement rationnés ; cela me fait mal de prendre la nourri- ture d’un plat dont je sais ce qu’il coûte aujourd’hui. Mais la mère insiste et peut-être est-il bon de ne pas trop se faire remarquer. »

35 Ibidem, p. 174 : « Et Marta […] mesure tant de poignées de riz par personne, au milieu des discussions graves et enthousiasmantes de la reprise, de la renaissance. »

36 Ibidem, p. 142 : « Le soir, Marta ne me croit pas quand je lui dis que j’ai mangé, elle veut que je m’asseye avec elle dans la cuisine, elle est grande, claire et chaude cette cuisine. […]

Elle veut que je pèle et que je mange un peu de ses pommes de terres et elles sont si tendres et tièdes, elles fondent doucement dans la bouche, et nos paroles d’espoir, elles aussi, fon- dent, chaudes et calmes. »

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De la même manière, la description d’une soirée chez Angela est signi- ficative :

[nella] cucina di Angela, calda ‘nostra’, ci sono Sergio e Peppo e Bruno. […] Strizza brodo dalle mie maglie, le stende vicino alla fornella infuocata, dice che posso, anzi che devo dormire nel suo letto, così domani vedrò certuni dei nostri. Alla mattina è venuto uno di Tai che conoscevo da tempo. […] mi dice diverse cose, no- tizie della situazione e della guerra.37

Le possessif souligne ce qui caractérise ce lieu : c’est un des rares en- droits où la résistante traquée a l’impression d’être “chez elle”, mais sur- tout, puisqu’il s’agit d’un possessif à la première personne du pluriel, il s’agit là de la “maison de la résistance”. Ainsi, ces lieux d’étape sont à la fois les “relais” de la résistance sans lesquels l’organisation clandes- tine ne pourrait fonctionner

38

et les points de rencontre qui permettent réellement de rompre avec la solitude. Or, c’est cette solitude qui, selon l’auteur, tend à faire retourner l’homme à l’état sauvage, asocial

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. Dans le récit de Giovanna Zangrandi, cet état primitif guidé par un instinct de survie animal s’accompagne de la résurgence d’une violence ancestrale, certes nécessaire à la lutte, mais source d’interrogations douloureuses sur l’humanité et la civilisation. Les étapes dans les cuisines paysannes prennent donc tout leur sens car elles permettent à l’individu nomade de se sentir à nouveau comme partie du groupe : de la Résistance, de la pa- trie, de l’espèce humaine. Ces cuisines deviennent les “auberges” où les résistants se retrouvent.

Si ces “auberges de la Résistance” contrastent avec les autres lieux d’étapes, c’est aussi par qu’elles sont pratiquement le seul endroit où le

37 Ibidem, p. 196 : « [Dans] la cuisine d’Angela, chaude et qui est un peu la nôtre, il y a Sergio et Peppo et Bruno. […] Elle essore la saleté de mes vêtements, elle les étend près du four- neau brûlant, elle dit que je peux, ou plutôt que je dois dormir dans son lit, comme ça, de- main, je verrai certains des nôtres. Le matin, l’un d’eux que je connais depuis longtemps est venu de Tai […] il me dit différentes choses sur la situation actuelle et la guerre. »

38 Ce sont ainsi des lieux de prise de contact avec des supérieurs, ou encore d’échange de nou- velles importantes, bonnes ou tragiques. Ainsi quand elle fait le récit de la mort de Severi- no : « Loro due sono crollati sul tavolo, in silenzio […], gli occhi secchi e fissi […] Dopo tanto, da quelli di Angela esce una lacrima sola, da una parte […] arriva Nerina […] conse- gna ordini. Allora ci si rimette a mestar armi, pulire, preparare cose per uccidere. ». « Ils se sont tous les deux écroulés sur la table, en silence […], le regard sec et fixe. […] Au bout d’un long moment, de celui d’Angela coule une seule larme, d’un côté, […] Nerina arrive […] elle transmet les ordres. Alors on se remet à trafiquer des armes, les nettoyer, préparer des choses pour tuer. » (Ibidem, p. 247).

39 Ce constat d’un retour à un état primitif, est d’ailleurs présent dans de nombreux récits de résistants (et dans de nombreux textes relatant des situations extrêmes).

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masque de la clandestinité peut tomber, où les résistants peuvent expri- mer leurs sentiments sans crainte d’être découverts. À l’opposé du tra- vestissement qu’imposent les lieux publics, ce sont des lieux de rapports humains sincères et de vraies rencontres, comme lorsqu’elle discute avec son chef, Severino :

ci sediamo nella cucinetta dei fienatori. […] Dei nostri cuori fisici sentiamo il battito, ognuno il suo (o forse quello dell’altro) ; la vi- va corrente del sangue passa in queste due spalle addossate, parla con oscura silenziosa voce.40

Ou après la pendaison de deux d’entre eux à laquelle elle a assisté avec un compagnon, alors qu’elle se met à pleurer :

Anna, piano, non farti vedere così, nasconditi […] – Andiamo via, se qualcuno ti riconosce ? Vieni in cucina da me. Mi spinge là […] In cucina non c’era nessuno […] ; qui si può piangere sul ta- volo con la testa tra le mani.41

Enfin, quand elle décrit ces “auberges de la Résistance”, elle met au premier plan les femmes qui les dirigent, énumérant celles qui font par- tie de « cette série des femmes des cuisines » qui l’ont accueillie

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. Ain- si, ces cuisines, qui sont devenues des lieux de conspiration politique, apparaissent comme le symbole de l’entrée des femmes dans la vie poli- tique du pays. Giovanna Zangrandi présente cette “résistance des cuisi- nes” comme ce qui a permis à la Résistance armée d’exister. En effet, si les cuisines paysannes ou populaires ont eu une telle importance, c’est que la guerre abat les barrières entre espace privé et espace public. La domesticité, espace privé par excellence, devient un des rares espaces de

40 Ibidem, p. 150 : « nous nous asseyons dans la petite cuisine des ramasseurs de foin. […] Nos cœurs physiques, nous en sentons le battement, chacun le sien (ou peut-être celui de l’autre) ; le courant vif du sang passe dans nos épaules adossées [au mur] et parle comme une obscure voix silencieuse. »

41 Ibidem, p. 157 : « Anna, doucement, ne te fais pas voir comme ça, cache-toi […] – Partons, et si quelqu’un te reconnaissait ? Viens chez moi, dans la cuisine. Il me pousse jusque-là.

[…] Dans sa cuisine, il n’y a personne […] ; ici on peut pleurer sur la table, la tête entre les mains. ».

42 Ibidem, p. 228 : « [Angela] simile e diversissima a tante altre, diversa dalla mistica Marta di Rizzios che mi ricordava impossibili sante, diversa dalla statica e prolifica Saturnia Tellus che iniziò questa serie delle donne delle cucine, diversa dalla grossa e terrosa, eroica per disperazione, madre di Burrasca. » / « [Angela] semblable et pourtant si différente de tant d’autres femmes, différente de Marta de Rizzios, la mystique, qui me rappelait d’incroyables saintes, différente de Saturnia Tellus, immobile et prolifique, qui débuta cette série des femmes des cuisines, différente de la mère de Burrasca, grosse, couverte de terre, héroïque par désespoir ».

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liberté où la vie politique se réfugie. Ainsi, alors qu’une compagnie de SS vient de s’installer à Borca :

La gente di Borca spaventata, ma dura, stringe i denti e si obbliga a guardarli negli occhi. […] Ma su, in cucina da Elda, con quei bambini suoi piccolissimi sulle ginocchia, ci si confessa la paura e la nausea.43

L’importance de la cuisine comme lieu d’étape et relais de la Résis- tance n’est pas juste un constat, fait en passant. L’auteur revient à plu- sieurs reprises sur l’importance de ces “cuisines de la Résistance” dans des passages où elle met en évidence leurs similitudes et leur rôle dans le bon fonctionnement de la Résistance

44

. Si ce sont des lieux de relais entre

staffette, de réunions politiques, de rencontre entre les comman-

dants des brigades, avec les envoyés des Alliés, ce sont encore des lieux où a survécu le sentiment d’appartenance nationale :

È la cucina di un cascinale, una delle solite cucine e mai solita e uguale alle altre : in ognuna c’è della gente che è diversa e in certi quarti d’ora in cui si aspetta un “cambio” o un comandante o un commissario, qualcuno che ti dia ordini e moto, […] càpita di guardarsi attorno. Certe volte mi succede di osservare questa gente […]. Per sentirsi ancora gente e non la selvatica delle Mar- marole. Nelle cucine come quella di Angela, di Saturnia Tellus, di Marta o di questa del podere dei Righess mi sento in Italia, italia- na. Cucine tutte una diversa dall’altra […] facce diverse qualcosa di simile in questa guerra annidata nelle cucine. Qui al recapito 67, il pater familias non conta gran che […] la madre invece conta […] comanda a bacchetta tutti […] certe volte, quando in cucina arriva tutto il Comando armato (e poche decine di metri più in là c’è i tedeschi), trema, ansa di paura, ma ingoia, tace, e si mette a fare caffè d’orzo per tutti. Poi va fuori e chiama anche noi staffette perché i capi possano parlare delle cose delicate in asso- luto riserbo.

Nella cucina del recapito 67 c’era traffico stamane, anche una cer- ta euforia, c’erano diversi comandanti che parlavano di faccende

43 Ibidem, p. 137 : « La population de Borca terrorisée mais dure, serre les dents et s’oblige à les regarder dans les yeux […] Mais là-haut, dans la cuisine d’Elda, avec ses tout jeunes en- fants sur les genoux, on peut avouer la peur et la nausée. »

44 Ainsi, en février 1945, Giovanna Zangrandi va à Tai, chez Angela : « Ho dormito da Angela la seconda sera, ancora aspettando di poter incontrare forse il commissario di brigata o il maggiore Holl, forse ci faranno far qualcosa. » (Ibidem, p. 204). / « J’ai dormi chez Angela le second soir, alors que j’attendais encore de pouvoir rencontrer le commissaire de la bri- gade ou le major Holl, peut-être pourront-ils nous faire faire quelque chose ».

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[…] c’era Burrasca che raccontava con enfasi il colpo fatto da Radiosa Aurora. […] Ma adesso qualcuno è salito di corsa al 67, ha fiato in gola ; dice che sta arrivando una colonna tedesca.45

La libération approchant, le récit reprend parfois le ton de l’aventure, comme dans cette description de la maison d’Angela, devenue lieu de ralliement de la Résistance de la région de Tai, son « caravansérail » :

La casa di Angela è diventata il caravanserraglio della brigata.

Comandanti e intendenti e gregari che vengono e vanno dal viot- tolo a monte […] come la cantina di Angela è diventata una santa barbara, con la plastica verde sotto le patate, le sipe sotto la cova della tacchina. […] Poi càpitano generali francesi e italiani, uffi- ciali alleati, intendenti e staffette a colloquio con comandanti nos- tri in cucina, lei si ritira con me nel fienile ; quando, chiamata, può rientrare, saluta con garbo da signora, prepara loro il caffè, lo serve leggera con le scure mani segnate.46

Mais Giovanna Zangrandi va plus loin dans son analyse de l’impor- tance des cuisines populaires ou paysannes comme lieu d’étape néces- saire à une Résistance sans cesse en mouvement. Elle montre comment les femmes ont su exploiter la neutralité apparente de cet espace pour en faire un moyen d’action politique. Elle perçoit dans cette guerre « nichée dans les cuisines » un facteur d’émancipation féminine et elle l’exprime

45 Ibidem, p. 213 « C’est la cuisine d’une grande ferme, une des habituelles cuisines, et jamais la même et pareille aux autres : dans chacune d’elles, il y a des personnes différentes et par- fois, quand on attend un “relais” ou un commandant, un commissaire, quelqu’un qui nous donne des ordres et nous mette en mouvement, […] il arrive que l’on regarde autour de soi.

Parfois, il m’arrive d’observer ces personnes […]. Pour se sentir encore une personne et pas la sauvage des Marmaroles. Dans les cuisines comme celle d’Angela, de Saturnia Tellus, de Marta, ou dans celle-ci de la ferme des Righess, je me sens en Italie, italienne. Des cuisines toutes différentes l’une de l’autre, […] des visages différents, quelque chose de semblable dans cette guerre nichée dans les cuisines. » ; « Ici au relais 67, le pater familias ne compte guère, […] la mère, par contre, compte […] elle commande tout le monde à la baguette. […]

Parfois, quand dans la cuisine arrive tout le commandement armé (et que quelques dizaines de mètres plus loin il y a les Allemands), elle tremble, elle halète de peur, mais elle encaisse, se tait, et elle se met à faire du café d’orge pour tout le monde. Puis elle sort et elle nous ap- pelle nous aussi, les staffette, pour que les chefs puissent parler des choses délicates dans la réserve la plus absolue. » (Ibidem, p. 218).

46 Ibidem, p. 228 : « La maison d’Angela est devenue le caravansérail de la brigade. Des com- mandants et des intendants, de simples membres de la troupe qui vont et viennent depuis la ruelle au-dessus, […] tout comme sa cave est devenue un dépôt de munitions, avec le plastic vert sous les pommes de terre, les grenades “sipe” sous la couvée de la dinde […] Puis arri- vent des généraux français et italiens, des officiers alliés, des intendants et des staffette en discussion avec nos commandants dans la cuisine, elle se retire avec moi dans le fenil ; quand, lorsqu’on l’appelle, elle peut rentrer, elle salue avec une grâce de dame, leur prépare le café et le sert avec légèreté de ses mains noires et abîmées. ».

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en renversant le statut symbolique de ce lieu domestique par excellence qu’est la cuisine, royaume de la “bonne ménagère” où le fascisme avait renvoyé les femmes

47

. Ce lieu qui, dans un autre contexte, a pu apparaî- tre comme emblématique de l’aliénation féminine, devient ici lieu essen- tiel à l’action politique :

Queste donne restate qui nelle cucine che ora non sono più chiuse sul vicolo, la guerra ha squarciato barriere e tende.48

Ainsi, non seulement la cuisine, lieu du “non-voyage” par excellence, devient un lieu d’étape privilégié du voyage des résistantes, mais elle apparaît comme un espace domestique momentanément réinvesti par la politique qui laisse entrevoir une possible participation des femmes à la vie publique du pays.

Le journal de Résistance de Giovanna Zangrandi apparaît donc comme le récit d’une errance, d’un voyage au travers de la guerre dans un envi- ronnement difficile dont les étapes sont des moments essentiels, tant pour le repos de la protagoniste que pour sa participation active à la lutte pour la libération de l’Italie. Alors que les bars et les auberges sont des lieux de danger, que les refuges de fortune ne permettent pas la cohésion du groupe de ceux qui luttent ensemble, les cuisines paysannes ou popu- laires apparaissent comme les véritables “auberges” de la Résistance ita- lienne.

Un tel regard sur la Résistance a la particularité de mettre au premier plan les femmes qui “dirigent” ces cuisines, plutôt que les résistants qui dirigent les brigades au maquis. Ainsi, l’auteur souligne la poussée émancipatrice liée à la participation massive des femmes à la Résistance dite civile, qui, en assurant le ravitaillement et l’intendance de la Résis- tance armée, en a permis l’existence.

Toutefois, comme l’ont montré les dernières citations qui évoquent la discrétion de ces femmes et leur effacement immédiat devant les chefs,

47 Ibidem, p. 88, alors qu’elle coud dans sa cuisine pour aider sa voisine : « Ci so fare, ci fecero i corsi per far le brave fattrici, le casalinghe spose prolifiche che il duce avrebbe premiato. » / « Je sais y faire, ils nous ont donné des cours pour faire de nous de braves ménagères, les femmes au foyer prolifique que le Duce allait récompenser ».

48 Ibidem, p. 228 : « Ces femmes restées là dans les cuisines qui maintenant ne sont plus fer- mées sur la rue, la guerre a déchiré les barrières et les rideaux. »

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il ne s’agit pas d’un renversement de grande ampleur, capable de mettre fin à une conception du rôle de la femme profondément ancrée dans les mentalités et les comportements. Du reste, le récit de G. Zangrandi elle- même n’est pas exempt d’une valorisation récurrente de figures fémini- nes stéréotypées. Il y a là un paradoxe dans la mesure où l’auteur prota- goniste apparaît comme un exemple d’émancipation personnelle. Si son texte est l’un des rares sur la Résistance à mettre au premier plan tant de figures féminines d’une réelle épaisseur narrative, la figure de la toute puissance maternelle en est, pourtant, l’un des aspects les plus frappants.

Pour ces « femmes des cuisines », ce statut de patronnes des “auberges

de la Résistance” ne sera le plus souvent, surtout pour les moins jeunes,

qu’une parenthèse politique refermée dès la libération.

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