FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1898-1899
|\° 34
CONTRIBUTION
AL'ÉTUDE EXPÉRIMENTALE
LTÏFLUEICE DE LA MUSIQUE
SUR
LA CIRCULATION ET LA RESPIRATION
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉ
présentée et soutenue publiquementle 9 Décembre 1898
Maurice-Paul GUIBAUD
Né à Toulon (Var), le 21 novembre 1874 Élèvedu Service de Santé de la Marine
/ MM. MORACHE professeur.... Président.
_ . , . \ VERGELY professeur )
Examinateurs de la Thèse : <
ivattccam • • ( r„n,■
) POUSSON agrege } Jugt^.
( PACHON agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE -DIJEAUX — 91
1898
Facilité de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS MM. M1GE
AZAM...
DUPUY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
Clinique interne
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
Médecinelégale Physique
Chimie
Clinique externe
j
l^NELONGUE. Histoirenaturelle ...Pathologie et théra- Pharmacie.
peutiquegénérales. VERGELY. Matière
médicale
....Thérapeutique ARNOZAN. Médecine expérimen-
Médecineopératoire. MASSE. taie
Clinique d'accouché- Clinique ophtalmolo-
ments LEFOUR. gique
Anatomie pathologi- Cliniquedes maladies
que COYNE. chirurgicales des en-
Anatomie BOUCHARD. fants
Anatomie générale et Clinique gynécologique
histologie VIAULT. Cliniquemédicaledes Physiologie JOLYET. maladies des enfants
Hygiène LAYET. Chimiebiologique...
AGRÉGÉS EN EXERCICE :
section demédecine(Pathologie interneetMédecine
MM. CASSAET. | MM. Le DANTEC
AUCHÉ. | HOBBS.
SABRAZÈS. |
sectionde chirurgie et accouchements
[MM. BINAUD. | a \MM.
MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FElfRÉ.
BADAL.
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BOURSIER.
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DENIGÈS.
Pathologieexternes BRAQUEHAYE CHAYANNAZ.
Accouchements,
légale.)
CHAMBRE LE NT FIEUX.
Anatomie
sectiondessciencesanatomiques et physiologiques
[MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
CANNIEU. Histoirenaturelle BEILLE.
section des sciencesphysiques
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie....
COURS COHPLÉ1II3ATA1 R Clinique desmaladies cutanées etsyphilitiques
Clinique desmaladies des voiesurinaires
Maladies du larynx, desoreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
Conférenced'Hydrologie etMinéralogie
Le Secrétaire de la Faculté:
M. BARTHE.
FS :
MM. DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRELENT.
DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANGE.
CARLES.
LEMA1RE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émisesdans les
Thèsesqui lui sont présentéesdoivent êtreconsidérées comme propres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leur donnerniapprobation niimprobation.
A LA MÉMOIRE DE MA MÈRE
|
m
A MON PÈRE
Pour son amour, pour ses sacrifices.
A MA SŒUR — A MON FRÈRE
A MES PARENTS
A MONSIEUR LAL ANNE
PROFESSEUR AU LYCEE DE BORDEAUX
ET A MADAME LALANNE
Avecl'expressionde maplus sincère gratitude.
A MESAMIS
A MONSIEUR LE DOCTEUR PAC110N
PROFESSEUR AGRÉGÉ DE PHYSIOLOGIE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
Témoignage de ma reconnaissance,
de ma profonde sympathie et de
ma grande amitié.
L'année passée près de vous, cher Maître, resteradans ma mémoire.
M. G...
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR MORACIIE
PROFESSEUR DE MÉDECINE LÉGALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
MÉDECIN INSPECTEUR D'ARMÉE
DIRECTEUR DU SERVICE DE SANTÉ DU '18e CORPS COMMANDEUR DE LA LÉGION D'HONNEUR
Hommage de respectueuse recon¬
naissance au Maître qui nous accueillit toujours avec tant de
bienveillance, et qui nous donne aujourd'hui une marque de haute sympathie en nous faisant l'hon¬
neur de présider notre thèse.
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AVANT-PROPOS
«Quoiquepersonne nemetteen doutel'énorme influence de la musique surl'homme, il n'y apourtantque très peu d'étudesexpérimentalessurcettequestion.»
Prince J.deTarchanoff.
(XIe Congrès international de médecine, Rome1894.)
Notre travail doit être considéré commeun très modeste essai de psycho-physiologie. Nous nous sommes proposé d'apporter quelques documents expérimentaux relatifs à
l'influencede la musique sur la circulation et la respiration,
àl'état normal.
Il s'esttrouvé que notre tachea été particulièrement déli¬
cate. Déjà elle l'était par sa nature même, qui la rattachait
à la difficile étude des Sensations et do leur retentissement organique. Ellel'a été rendue plusencore par le faitque, sur le terrain spécial où nous nous sommes placé, des devan¬
ciers n'avaient pas encore posé de netsjalons, tracé de fer¬
mes linéaments capables de servir de guide à l'esprit du
chercheur. Ce n'est pas, on peutle dire,par la précision que brille actuellement l'histoire de l'influence delamusiquesur
les fonctions de l'organisme. Le vague, le banal, voire le fantasque, s'y rencontrent à l'excès; les notions claires et
bien établies sont rares. De telles notions pourtant seules importent et seules doivent compter.
L'intérêt que présentait pour nous ce sujet, les bienveil¬
lants encouragements de nos maîtres nous ont été lestimu¬
lant précieux,indispensable à la mise en œuvre de notre
travail.
M. le professeur Morache, à qui nousfîmes part, il y a un
an, de notre désir d'étudier l'influence de la musiquesur les
fonctions de l'organisme,nous conseilla de diriger plus spé¬
cialement nos recherches du côté de la circulation. S'il nous est particulièrement agréable d'inscrire en tête de notre thèse inaugurale le nom de ce Maître, c'est parce qu'il fut
celui dontles leçons et les entretiens contribuèrent si large¬
ment àdiriger notre esprit vers les recherches d'ordre psy¬
cho-physiologique.
Pouraccomplir notre étude expérimentale, M. le profes¬
seurMorache nous adressa à M. leprofesseur agrégé Pachon, quimità notre disposition les ressources deson laboratoire.
M.Pachon voulut bien surtoutnousaccorderbeaucoup deson temps, avec cette générosité que lui connaissent ceux qui
l'entourent. Son assistance, ses conseils nous ont permis de poursuivre avecquelque fruit nosrecherches.
Avantde franchir lesportes de l'Université, qu'il nous soit permis desongerà ceux qui, durant cesquatre ans d'études,
furent nosguides et nos initiateurs.
Ce sont nos maîtres des Hôpitaux et de laFaculté, MM. les professeurs Coyne, Ferré, Moussous, Picot, M. le Dv Moure,
M. leprofesseur Layet, qui voulut bien s'intéresser particu¬
lièrement à nos modestes travaux et dont nous ne saurions oublier la haute obligeance; M. le professeur Masse, dont
l'extrême bienveillance restera dans notre souvenir.
Ce sont, dans la Marine, nos maîtres de Toulon et de Bor¬
deaux et, à leur tête, M. le Dr Bourru, directeur de l'Ecole principale du Service de santé, et M. l'Inspecteur général
Cunéo que nous avions appris à aimer bienavantd'être placé
sous ses ordres.
Nous renouvelons enfin l'expression de notre gratitude
pour tous ceux qui eurent la complaisance de se prêter à
nos expériences; ils pourront juger, en parcourant cette thèse, combien leur collaboration nous a été précieuse.
Bordeaux. 9 décembre 1898.
INTRODUCTION. DIVISION DU TRAVAIL
La musique tient à notre époque uneplace considérable et toujours croissante dans la vie sociale. Cet art, par cela
môme qu'il s'adresseplus que tous les autres à la sensation proprement dite, est plus que tout autre cultivé, goûté
d'aucuns diraient volontiers subi. Pour nous, qui lui devons
tant d'heures agréables, nous nous plaisons à constater que
ses manifestations intéressent le médecin à plus d'un
titre.
Le physiologiste, en sepréoccupant des localisationsencé¬
phaliques des phénomènes sensoriels, étudie le retentisse¬
ment de la vie cérébrale sur les fonctions de l'organisme.
Notre sujet l'intéresse donc directement, puisqu'il se rap¬
porte à un chapitre de physiologie cérébrale.
Dans le développement de l'enfant, l'hygiène de l'esprit
doit préoccuper les éducateurs. La psychiatrie s'est particu¬
lièrement attachée à faire accorder à cet important facteur
la place qu'il mérite. Pour ce qui est de la musique,
Ch. Féré(15 l), après avoir constaté les effets dépressifs de
certaines mélodiessur l'énergiestatique, en conclut «qu'au point de vue pédagogique au moins, il serait nécessaire de
surveiller deplus près le choix des morceauxqu'on fait exé¬
cuter aux enfants ». On voit ainsi comment se rattache à l'hygiène, auxdélicats problèmes que soulève l'éducation de
(') Les numéros inscrits entreparenthèses à la suitedes noms d'auteurs
permettent de sereporter,pourl'indication des ouvragescités, aux numéros correspondants del'index bibliographique.
l'enfant, l'étudeexpérimentale de l'influence organique de la musique.
En thérapeutique, on a cherché à utiliser les effets des
excitations auditives, en particulier dansle domaine encore
mystérieux des maladies mentales. Si les résultats n'ontpas été bien marqués, peut-être faut-il rapporter ces insuccès à
une insuffisante connaissance du genre de musique qui
convient à tel ou tel malade. C'est du moins ce que donnent
à entendre les auteursqui, avec Ch. Féré (15), pensent que la musiqueest susceptible de rendre quelques services dans le
traitement del'aliénation mentale,« à condition toutefoisque sonusageait été réglé d'avance sur une étude méthodique. » C'est une étude de ce genre, ou plutôt le préliminaire physiologique nécessaire à une telle étude, que nous avons essayé d'entreprendre. Mais embrasser ce sujet,dans toute
son étendue, c'était nouscondamner à rester trop superfi¬
ciel. Nous avons dû limiter nos recherches, qui, au lieu de porter sur l'ensemble des fonctions del'organisme, se sont adressées àl'une d'elles, la circulation. On sait toutel'impor¬
tance desmodifications de cette fonctionpour la viegénérale
de l'individu. Lanutrition des divers éléments subit à chaque
instant le contre-coup de cesvariations. Il était donc parti¬
culièrement intéressant d'étudier l'influence de la musique
surla circulation, d'où dépend, en somme, au premier chef
l'état dynamique de notre organisme. C'est là spécialement l'objet du présent travail.
En outre, les réactions respiratoires, très marquées dans -certains cas, ont arrêté notre attention, et nous n'avons pas
cru devoir les négliger.
Du reste, ramenée ainsi à un cadre plus étroit, la question
ne laisse pas que de présenter encore une grande comple¬
xité. Une analyse complète et rationnelle de l'influence organique de la musique comporte, en effet, des éléments
fort multiples.
Il est tout d'abord logique de procéder du simple au composé.
- 13 —
Il faudra donc isolément et successivement étudier les
sonssimples : notes aiguës, notes graves; leur succession
sous forme de gammes : gammes chromatiques, gammes diatoniques (majeures,mineures); — l'émission simultanée
dedeux notes prises à des intervalles divers (tierce, quarte,
etc., etc.) et la distinction en intervalles consonnants et
dissonants; — la réunion de plusieurs notes en accords : accords majeurs, accords mineurs; —et alors, la synthèse
de tous ces éléments dans une phrase musicale. Pour les
œuvres musicalesproprement dites, ce n'est pas seulement
dumode (majeur ou mineur) qu'il faut tenir compte,
mais
du rythme (adagio, andante, allegro, etc.,
etc.), de l'intensité
des sons(piano, crescendo, forte, etc.,
etc.),
dela richesse
harmonique, qui est à elle seule commela signature du
compositeur. Puis vient la qualité de
1 "instrument (piano,
cuivres, violon, voix humaine, etc.) qui donne par son timbre spécial un caractèreparticulier
à l'influence exercée.
Passantalorsau sujeten expérience, plusieurs questions
se posent. Tout individu
réagit-il,
oufaut-il certaines condi¬
tions d'éducation, de tempérament musical ? — Un même
sujet réagit-il toujours dans le môme
sens?
—Une même
excitationdonnera-t-elle chez des sujets différents des résul¬
tatssemblables? — etc., etc.
Il estévident que, pour être
autorisé à répondre à toutes
ces questions, il faut répéter
plusieurs fois chaque expé¬
rience sur un individu, etsurtout renouveler chaque série d'expériences sur des
individus différents.
Toutes ces nécessités rendent, on le voit, très longue et
très complexeune telleétude, si on
la veut précise.
Notre travail ne comprend pastous les éléments que nous
venonsd'énumérer. S'ilen estainsi, c'estque, pour être plus précis, nous avons voulu
faire
sur unterrain moins vaste
une étudeplus complète.
Voici quelest notre plan :
La première partie
comprend deux chapitres qui
con¬tiennent :
Le premier, l'historique des travaux expérimentaux se rapportant à l'influence dela musique sur les fonctions de l'organisme;
Le second, la technique suivie dans nos expériences,
c'est-à-direl'application de la méthode pléthysmographique
à l'étude de l'influence de la musique sur la circulation.
La deuxièmepartie est consacrée à l'exposé des résultats
denos recherches personnelles. Elle comprend deux chapi¬
tres qui contiennent :
Le premier, l'exposé et l'analyse de nos tracés pléthysmo- grapliiqueset respiratoires considérés isolément dans cha¬
cun des cas observés;
Lesecond, l'étude comparative et synthétiquede ces résul¬
tats.
Enfin, nos conclusions.
m
CHAPITRE PREMIER
Historique des travaux expérimentaux relatifs à
l'influence organique de la musique.
Notre historique a pour objet, l'énumération et le court résumédes recherches expérimentalesse rapportant à l'in¬
fluence de la musiquesur l'organisme de l'homme. Il serait
sansdoute intéressant de relater les différents travauxqui
ontété publiés surles rapports généraux de la musiqueavec la médecine, d'autant plusque la liste complète n'en existe»
croyons-nous, nullepart. On y verrait indiquée l'application
des excitations auditives au traitement desmaladies lesplus
diverses: la peste, les plaies envenimées, la goutte, la phti¬
sie, etc... Mais ce travail d'érudition et d'ordre général ne sauraitentrer dans le cadre réstreint que volontairement
nous nous sommes assigné, de l'étude expérimentale de
l'influence de la musique au point devuespécial de la circu¬
lation et de la respiration.
Certainsde ces ouvrages qui ne remontent môme pas à un siècle contiennent, parmi de judicieuses réflexions, un véritable tissu d'erreurs et de préjugés.Nous renvoyons à ce
sujet le lecteur àla thèse deSoula (21), où l'on trouvera l'in¬
dication de quelques-uns de ces traités, et aussi l'exposition
des essais tentés dans lesasiles d'aliénés.
Des séances musicales ont été données à diverses repri¬
ses auxpensionnaires de Sainte-Anne, de la Salpêtrière, et
à celles de l'ancien asile de folles de Bordeaux.
Gui.
Esquirol (14)
publia,
en1838, le compte rendu de ses essais
àla Salpêtrière. Voici ses
conclusions
: «La harpe, le piano,
leviolon, quelques
instruments à vent et des voix excellentes
concouraientà rendre nos concerts
aussi agréables qu'inté¬
ressants... Des airs sur tous les tons,sur
tous les modes, sur
toutes lesmesures, furent
joués
etchantés
envariant le nom¬
bre et la naturedesinstruments;
plusieurs grands morceaux
demusiquefurent
aussi exécutés. Ce spectacle, nouveau pour
nos malheureuxmalades, ne fut
point
sansinfluence, mais
nous n'obtînmespointde guérison,pas
même d'amélioration
dans leur état mental. »
Malgré ces insuccès,
Esquirol
engageses successeurs à ne
pas abandonner ce genre
de traitement. Il n'y a pas lieu évi¬
demment de se décourager après
de semblables résultats.
L'inefficacité de la musiquen'est pas
plus démontrée que ne
le serait celle d'un remède qu'on
aurait appliqué le même
jour à uncertain
nombre de malades, à dose égale pour tous,
et qui n'aurait pas
amené de guérison.
Tousces faits concourent à montrer
la nécessité de procé¬
der non pas auhasard, mais
progressivement, par des obser¬
vationset des expériences
patiemment accumulées.
Les expériences qui ont
été faites
pourdéterminer d'une
façon précise
l'influence de la musique sur les fonctions de
l'organismeontportésur
trois points principaux : 1) la dvna-
mométrie; — 2) les variations
du pouls;
—3) les variations
de la respiration.
| I.
Dynamométrie,
J.deTarchanoff(22), de
Saint-Pétersbourg, fait
unecommu¬
nication au XIe Congrès
International de Médecine (Rome
1894). Il recherche
comment agit la musique sur l'activité
neuro-musculaire de l'homme.
Il
sesert de l'ergographe de
A. Mosso pour inscrirela
courbe de la fatigue des muscles
fléchisseurs des doigts, fatigue
obtenue
parcontraction
volontaire ou électrique.
Dans cesconditions, unemusique gaie, excitante, agissant
surl'homme dont les fléchisseurs de la main sont complète¬
ment fatigués, fait renaître, au bout de quelques secondes,
les contractions de la main, effet qui peut durer de quelques
secondesjusqu'à deux ou trois minutes.
Mais ce qui est encore plusintéressant, c'est que la musi¬
que peut agir d'une manière tout opposée, c'est-à-dire affai¬
blir les contractions musculaires et les faire même disparaî¬
tre, quand elle a un caractère triste, lugubre, et qu'elle est
lentement rythmée. Dans quelques cas,il suffitderemplacer
un motifmusical tristeparun autregai pour que les contrac¬
tions recommencent. Les courbes ergographiqu.es démon¬
trent donc d'une manière très nette que la musique produit
une action sur l'activité musculairede l'hommeenla renfor¬
çant ou en la déprimant, suivant le
caractère
desmélodies.
L'auteur croit que les variations delà circulation sanguine
influeraient sur la rapidité deséchanges nutritifs dans le
muscle et seraient ainsi la cause indirecte des variations dynamographiques.
Tarchanoff étudie aussi l'effet de la musique sur l'activité
cutanée et la perspiration.
Il termine ainsi sa communication : « Nous aurions le droit de conclure quela musique présente un agent très effi¬
cace pour agir sur l'activité de différents systèmes de l'orga¬
nisme de l'homme et dans différentes directions, et, par
conséquent, nous trouvonsl'idéedel'application de
la
musi¬que dans la médecine commeayantdes fondements
sérieux.
Pour obtenir des résultats favorables, ilnerestequ'àétudier plusminutieusementl'influencedelà musiquesur
différentes
fonctions de l'organisme de "l'homme, et c'est uniquement
le
manquedenos connaissances qui empêche le
médecin de
nos jours d'appliquer plus souvent la musique au traitementde
différentes maladies. »
En France, Ch. Féré (15) avait, antérieurement aux expé¬
riencesdeTarchanoff, étudié Teffetdynamiquedelà musique.
Un sujet placédevantun piano donne une pression dyna-
- 20 —
mométrique croissantesous
l'influence de l'excitation par
dessonscroissants(gamme
montée), puis l'ascension s'arrête,
et lesexcitationssuivantesproduisent deseffets
décroissants.
En même temps, le tracé
pléthysmographique pris
surle
même sujet montre « que sous
l'influence des mêmes sons
successifs, l'afflux du sang augmente,
puis diminue dans
l'avant-bras et la main ». Le point culminant de
la courbe
ainsi obtenue variesuivantles sujets.
Les impressions monotones,
fournies
par uneseule note,
exagèrent non seulement
l'intensité de l'effort brusque, mais
encore l'intensité etla durée de l'effort soutenu,
et la puis¬
sance à renouveler l'effort.
Les excitations auditives combinées,
auxquelles
«la
mémoire et lesassociations d'idéespeuventajouterune
signi-
v ficationparticulière », ontuneactionvariable
:les morceaux
tristes sont dépressifs, les morceaux
gais sont excito-
moteurs.
L'influence excitantede certaines mélodiessur
l'homme à
l'étatde fatigue est d'ailleursun
fait d'observation vulgaire.
Cette action est utilisée dans l'armée.
Après
unelongue
marche, lessoldatsfatigués repartent
d'une allure vive
sousl'effet d'une musique bienrythmée et
entraînante. Les
sonne¬ries duclairon,de la trompette, dans les
marches militaires,
tiennentcomme enéveil l'activité musculaire du
soldat. De
même, les chansons de route en honneur
dans les régiments
contribuentà fournir aux hommesun stimulant
nécessaire.
Dansla charge, oùlerythme des tambours
et des clairons
sefait de plus en plus rapide et
pressant, la marche s'accélère
et se transformebientôtenune courseeffrénée, dans
laquelle
l'excitation est assez forte pour faire disparaître
l'idée du
danger. -
Danslefaitbienconnudesfoulesquisemettentà
la
remor-quederégiments qui
passent
avecleur fanfare,
oude socié¬
tés accompagnées de leur
harmonie, il serait intéressant de
rechercher s'il n'y a pas, outrel'élément de
curiosité,
commeune attirance, une suggestion inconsciente
exercée
parla
i»
i
— 21 -
musique sur cesfoulespourles provoquer à l'activitémuscu¬
laire.
Rapprochonsenfin deceseffets l'ardeurtoujoursnouvelle à
la danse etl'absence defatigue à la suitede plusieurs heures
de cet exercice, chez des jeunes filles peu capables par ailleurs d'un long effort. Le rythme musical peut ici encore apporter sa partd'explication.
En résumé, il est à souhaiterqueles expériences deFéréet
deTarchanoff soient continuées; cette étude ne peut qu'être
fécondeen résultats.
§ II. Pouls et Respiration.
En 1880, Dogiel (12) étudie en Allemagne l'influence de la musique sur la circulation de l'homme et des animaux. Les
instruments employés par lui sont de diverse nature : dia¬
pasons de Kçenig mis en vibration à l'aide d'un archet, cla¬
rinette, violon, petite flûte et sifflet de métal.
1° L'emploi du kymographion permet de constater chez les
animaux un accroissement de la pression artérielle et une augmentation de force etde vitesse du cœur, sousl'influence
de l'excitation de l'ouïe.
2° Les pulsations chez Yhomme sont
enregistrées
par le pléthysmographe de Mosso. L'auteur insiste surles
précau¬tions prises relativement à l'immobilité du sujet, la régula¬
rité de la respiration, l'uniformité de la température. Il
observe, cà l'audition de sonsisolés oude mélodies, des varia¬
tionsdans la circulation, proportionnelles à la hauteur, à l'intensité, au timbre du son et à la nature de l'instrument.
Il constate l'influence de la mesure, du rythme, bien mar¬
quée lorsqu'on joue à un sujet tartare des airs nationaux.
Mentz (19), également en Allemagne (1896), enregistre le pouls de l'artère radiale avec unsphygmographe de Marey, et
mesure les longueurs des pulsations. Il étudie séparément
l'effet des sons simples et desmorceaux de musique.
1° Lessons simples amènent un ralentissement du pouls
e.t cle la respiration (inscrite à l'aide d'un
pneumographe).
Une répétition de la môme excitation influe un peu
moins
surle pouls quela première épreuve. Le sujet doit,
d'après
l'auteur, se soumettre à la sensation pureet ne pas
permettre
auxsentiments de se développer.
2° Lesmorceauxdemusique étaient joués sur un
harmo¬
nium. Si le sujet ne prête pas spécialementsonattention,
s'il
n'analyse pas le morceau, on a un
ralentissement du pouls;
dans le cas contraire, on a une accélération. Dans le cours d'un morceau, le pouls se ralentit lorsque l'intensité
varie
beaucoup; une consonnanceagréable est
accompagnée d'un
ralentissement; une dissonance désagréable,
d'une accélé¬
ration de la pulsation.
En 1896, Patrizi (20) fait en Italie une étude de
l'influence
de la musique sur la circulation cérébrale. Son
sujet était
un jeune garçonde treize ans qui avait eu unepartie du
cer¬veau miseà nu par un traumatisme du crâne. Les
résultats
ont été lessuivants. La musique etles diapasons ont cons¬
tammentproduit une augmentation de volume
du
cerveau ;l'effet sur la circulation des membres a été extrêmement variable, il y a eutantôtconstriction,
tantôt dilatation, tantôt
ilne s'est rien produit.Enfin l'auteur déclare qu'il
n'a
pasnotéde différence entre les effetsvolumétriquesdesmélodies gaies ettristes.
L'année suivante, MM. Binet et Courtier (11) publient en Franceun importanttravail, sous le titre Influence
de la vie
émotionnelle sur le coeur, la respiration etla circulation capillaire. La troisième
partie est consacrée
auxréactions
dues à la musique. Les auteurs ont fait six séries
d'expé¬
riences sur un même sujet, bon musicien. Ils enregistraient
les mouvements respiratoires parle pneumographe, les
pul¬
sations artérielles par le sphygmographe, et enfin le «
pouls
capillaire» parle plétliysmographe
d'Hallion et Comte. Les
airs musicaux écoutés par lesujeten question étaient joués
au piano etquelques-uns chantés.
Les auteurs divisentles excitations ainsiobtenuesen : sen-
— 23 —
sorielles etémotionnelles. Les excitations
sensorielles sont
produites uniquement parl'intermédiaire du
sensde l'ouïe,
sans travail cérébral; les excitations
émotionnelles,
au con¬traire, comportent, en outre, des
associations d'idées, élé¬
ments accessoires dont ondoit tenir comptedans
l'interpré¬
tationdes résultats.
Ces résultats peuvent se résumer
ainsi
: —respiration
: simplementaccélérée
parles excitations sensorielles, rendue
irrégulièreparlesexcitations
émotionnelles;
—pouls radial :
accélération constante;—tracé
pléthysmographique
:« rape¬tissement de la pulsation ».
En Russie, F. Doguel (13) a publié dans ces
derniers temps
une étude sur l'influence de la musique sur
la circulation
observée chez l'hommeà l'aide du
pléthysmographe et chez
les animaux parl'intermédiaire du
manomètre kymographi-
que. L'étude
analytique
adémontré
quechacun des éléments
duson,sahauteur,son intensité etson
timbre,
a sapart dans
les modificationsque le son produit; les
éléments supérieurs
de la musique, l'harmonie
la mélodie auraient également
une influenceincontestable, mais cette
dernière est la résul¬
tantede phénomènes
multiples.Ici la nationalité, l'individua¬
lité, le niveau intellectuel,
interviennent
enprovoquant un
processuspsychique
plus complexe;
endernier lieu, ce der¬
nierretentit d'une façon appréciable sur
les fonctions ani¬
males : la circulation, la respiration. Comme
conclusion de
cettepartie de son étude,
l'auteur
sedéclare partisan de l'in¬
troduction de la musique dans la famille des
agents théra¬
peutiques, où elle doit occuper une
place importante.
Que ressort-il des divers travaux que nous
venons d'énu-
mérer ?
Les auteurs onttrouvé des réactions
circulatoires
etrespi¬
ratoiresdans un grand nombre de cas,
à l'audition de
sonsisolés ou de mélodies. Lessons simples
amènent
uneaccélé¬
ration pour les uns, et pour
les autres
unralentissement de
la pulsation et du
mécanisme respiratoire. Y a-t-il contra¬
dictionentre ces résultats,ou peut-on trouver
des deux côtés
une part devérité? Voilà cequ'il est intéressant de recher¬
cher.
Pourles morceaux de musique, les résultats ont été très
variables. Mentz a cru cependant pouvoir distinguer entre
les consonnances agréables qui produiraient un ralentisse¬
ment et les dissonances désagréables qui seraient accompa¬
gnées d'une accélération de la pulsation.
En somme,l'étude expérimentale de l'influence de la musi¬
que sur les fonctions de l'organisme remonte àun petitnom¬
bre d'années, et les travaux sur la question sont très peu nombreux, comme le remarque J. de Tarchanoff dans la phrase qui sertd'épigraphe à notre thèse. Nous avons voulu apporter notre contribution à cette étude.
CHAPITRE II
Application de la méthode pléthysmographique
à l'étude de l'influence dela musiquesurla circulation.
Nous n'avons pasl'intention de reprendre endétail l'exposé
de la méthode pléthysmographique, présenté déjà dans plu¬
sieurs ouvragesauxquels nous renvoyons le lecteur. On en trouvera l'énumération dans la thèse de M. L'Herminier (8),
où toute cette question detechnique estlonguementtraitée.
On sait que la méthodepléthysmographique a pour objet
l'étude des variationsvolumétriques des organes. Lesphéno¬
mènes vaso-moteurs, en influençant directement le calibre
desvaisseaux, peuvent se manifester et être appréciés par¬
les variations de volumedesorganes.
Les changements devolumed'un membre, et plus particu¬
lièrement des doigts d'une main, sont enregistrés à l'aide
d'un pléthysmographe qui communique avecun
tambour do
Marey muni d'un styloinscripteur. On obtient ainsi un tracé
semblable à ceux que nous donnons plus loin.
Ce tracéprésente dansson ensemble des
caractères d'hori¬
zontalité ou d'obliquité, suivant que le volume du membre
reste constant (ligne horizontale), diminue (ligne descen¬
dante), ou augmente (ligne
ascendante).
Il importe de se rappeler que les variations
pléthysmogra-
phiques( Vp) sont fonction non
seulement des phénomènes
vaso-moteurs ÇVm), mais encore d'autres causes : rythme
cardiaque (Rc), valeur de l'ondée systolique
ventriculaire
(Ov), modificationsdans la
circulation veineuse (Cv). C'est ce
qu'on peutexprimer schématiquement
parla formule (Pa-
chon):
Vp =f(Vm, Rc, Ov,
Cv).
| I. Interprétation des tracés
pléthysmographiques. Appré¬
ciation des phénomènes vaso-moteurs
périphériques chez
l'homme.
\
Etant donnée une variation pléthysmographique, on peut,
dans la pratique, arrivera savoirsi
l'élément
nerveux vaso-moteurestintervenu pour la déterminer.
Pour ce, concomitamment à l'observation
des variations
volumétriques de l'organe, on tient compte
du
sensde varia¬
tion de la pression artérielle, dans le
même temps. Les
carac¬tères différents du pouls à faible tension et
du pouls à forte
tension permettent d'apprécierce sens
de variation,
aucoursd'une expérience.
Le sens de variation de la tension artérielle, rapproché du
sensde la variation volumétriquede l'organe, autorise alors
à affirmerla natureactive(phénomènenerveux
vaso-moteur)
oupassive (phénomène
mécanique
sousla dépendance de
variationsdans le débitventriculaire, la circulation veineuse, etc.) de cette variation
volumétrique.
Supposons par exemple qu'il se
produise
unechute du
tracé, traduisant une diminution de volume
du membre.
Deux cas sont à considérer :
1°Phénomèned'ordre passif. — Les vaisseaux
artériels
sont alors dans un état de plus grand relâchement
(faible
tension), de tellesorte qu'ils opposeront une
moins grande
résistance à se laisserdistendrepar l'ondée
sanguine. Notre
tracé accusera une plusgrande amplitude de la
pulsation,
caractèredu pouls à faible tension
(Marey).
2° Phénomèned'ordreactif'. — Les vaisseaux sont
alors
resserrés parla miseen jeu des
éléments vaso-constricteurs.
— 27 -
Dans cetétat de plus grande tension, ils se laisseront plus
difficilement soulever par l'ondée sanguine. La diminution
de l'amplitude de la pulsation caractérisera cet état du pouls
àforte tension (Marey). Il est clair que dans ce cas, et seu¬
lement dans ce cas,nouspourrons affirmer qu'il y a euvaso¬
constriction proprement dite, c'est-à-dire diminution volu- métrique de l'organe d'origine nerveuse.
Le même raisonnement, appliqué à la discussion d'une
élévation de tracé, nous amènerait à conclure que seuls les
éléments du poulsà faible tension, s'ils se manifestent en même temps, caractérisent la production d'une vaso-dilata-
tion d'origine nerveuse.
En résumé, nous nous conformerons,pour interpréternos tracés, aux règles suivies dansle laboratoire de notre maî¬
tre, M. Pachon (7) :
Vaso-constriction. — L'intervention du système nerveux vaso-moteur dans les cas de diminution devolume d'organe
sera affirmée— et seulement affirmée —lorsqu'à la chute du
tracé pléthysmographique correspondra en
même temps,
pour la pulsation, un caractère de
pouls à forte tension
par rapport auxpulsationsantérieures.Vaso-dilatation. — L'intervention du système nerveux vaso-moteur dansles casd'augmentationdevolume d'organe
sera affirmée — etseulement affirmée — lorsqu'à Yascension
du tracé correspondra en même temps, pourla
pulsation,
un caractère de pouls àfaible tensionpar rapportauxpulsations
antérieures.
| II. Choix destracés.
Il nous resteà énumérer quelques-unesdes conditions qui peuvent influersur la netteté de nos
tracés.
Signalons la nécessité de se servir
toujours du même ins¬
trument, de donner chaque fois au membreexploré
la même
position, de régleraussi uniformément que
possible le frot¬
tement de la plume sur le cylindre enregistreur,
d'opérer à
- 28 -
une température sensiblement
constante et
auxmêmes heu¬
res de la journée. L'observation
de
cesdivers détails est né¬
cessaire pour avoir des tracés
comparables entre eux. Nous
avons vu que Dogiel (12) insistait sur
la nécessité d'expéri¬
menter à la même température. D'autre
part, Binet et Cour¬
tier(I) ont étudié les
variations du pouls aux différentes
heuresdela journée, et leursrésultats
conduisent aux mê¬
mes conclusions.
Une autre condition que doit remplir le
sujet est,
non seu¬lementde rester absolument immobile — car
de brusques
écartsdu style inscripteurseraient
la conséquence du moin¬
dremouvement, — mais encored'être,
cérébralement, avant
l'expérience, dans un état
d'indifférence aussi complet que
possible. Cette absence
d'émotion est difficile, il est vrai, à
obtenir. Aussi faudra-t-il éliminer les tracés
où le sujet,
aumoment de l'expérience, serait nettement sous
l'influence
d'impressions nerveuses
émotionnelles telles que l'attente,
là surprise, l'inquiétude, etc.
Il faut aussi éliminer ceux où,
par suite dela
constitution du sujet
oude son état actuel,
les détails de la pulsation nesontpas assez
marqués
pouren
permettre l'analyse.
Enfin, il faut savoirque les
phénomènes respiratoires
nor¬maux produisent des.changements
de volume dans les mem¬
bres : augmentation à l'inspiration,
diminution à l'expira¬
tion (Hallion et Comte, Binet et
Courtier, Pachon et L'IIermi-
nier). Cette notion devra bien rester
présente à l'esprit pour
l'interprétationsainedestracés
pléthysmographiques, etpour
éviter de rapporter à un
phénomène émotif
cequi, dans la
réaction vasculaire, ne traduit qu'uneinfluence
directe de la
respiration.
Toutes cesconsidérations montrent quel soin
minutieux
doitêtre apporté autantau choix
des tracés qu'à leur inter¬
prétation et mettent bien en
évidence
sur cepoint particulier
la difficulté, la longueur et la complexité