Article
Reference
Un squelette lacustre de l'âge du bronze (lac de Neuchâtel):
possibilités d'une immigration préhistorique des Dinariques
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Un squelette lacustre de l'âge du bronze (lac de Neuchâtel): possibilités d'une immigration préhistorique des Dinariques. Archives suisses d'anthropologie générale , 1934, vol. 7, no. 1, p. 1-7
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:109107
Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.
1 / 1
Tome
VII Nol
(re34)Archives suisses
d'Anthropologie générale
L
PUBLIEES PAR
suISSE D'ANTHROPOLOcIE cÉNÉRnrE
(Anrunororoctn,
AncuÉot,oclE, EtrtNocnlrHrr)Extrait
: Eugène PITTARDFrotesseur d'Ânthropologio à I'Université de Genève
Un squelette lacustre de l'âge du bronze (tac de Neuchâtel).
Possibilité d?une immigration préhistorique des Dinariques.
cBNÈvp
ALBERT KUNDIG,
Éorr"u*Io, RUE DU vtEux-collÈcB, ro r934
Extrait des Archiyes srisses d'Anthropoloeie cénérale.
Tome
VIL
N"r,
r934.Un squelette lacustre de l'âge du bronze (lac de Neuchâtel).
Possibilités d'une immigration préhistorique des Dinariques.
Par Eugène Plrrano.
Les parties d'un
squelette(it faut regretter vivement qu'il
soit pareillement incomplet) dont Ia description va suivre, m'ont été envoyées par M. le pasteur Rollier, alors qu'il habitait à Boudry (Canton deNeuchâtel) .Elle ont
été trouvées.dansla
station préhistorique de St.Aubin
(lac de Neuchâtel) en enlevant un ar-bre immergé depuis longtemps. Ce squelette très probablement enseveli snr terre ferme avait, à côté de lui, une hache debronze.
Ce
dernier renseignementm'a été
aimablement communiqué, depuis la mort de Rollier, par M. le Dr Beau, d'Areuse.Ce squelette
est
malheureusementen
très mauvaisétat. Il
manquebeaucoup d'os et ceux qui ont été recueillis sont presque tous cassés.
fl
a cependant été possible de reconstituer les deux fémurs, un tibia et un humérus, presqueen entier. Et
ces reconstitutionsont
permis les mensurations nécessaires pour connaître la taille du sujet.Toutes les parties creuses des os,
et le
crâne égalenient, avaient été envahis par des racines de plantes aquatiques.Il
en est résulté en certains points, parle
contact des poils absorbants, une forte détérioration de la matière osseuse.Le crâne.
Il
s'agit de la tête osseuse cl'un adulte. Elle a certainement appartenu à un individu de sexe masculin, car les aspérités pour les attaches musculairessont très
accentuées. Ce crâneest très
nettement asymétrique; dévié fortementdu
côtédroit. En
vue latér'aleil
présenteune
belle courbe antéro-postérieure, harmonieuse,. sarls ( chignonr
véritabie.Les sutures sont
bien
conservéês. Ellessont
normalemerrt dentelées.La suture sagittale commence à être oblitérée dans sa région moyenne.
EUGÈNE PITTARD
Cet hômme pouvait être âgé d'environ 40 ans.
La
crête occipitale moyennefait
une forte saillie; confirmation d.e laFrc. r.
- Crâne.de l'âge du bronze trouvé à St Aubin (Lac de Neuchatel)
détermination sexuelle. Certaines parties de ce crâne, notamment la région des sinus frontaux, présentent ile fortes excoriations. Toute la face manque.
Quel,qu,es nlesotles:
Diamètre antéro-postérieur Diamètre métopique Diamètre transversal Diamètre basio-bregmatique.
Diamètre frontal minimum Diamètre frontal maximum . Occipital maximum
Longueur du trou occipital Largeur du trou occipital . - Courbe sous-cérébrale
Courbe frontale Courbe pariétale .
Courbe occipitale cérébrale Courbe occipitale cérébelleuse Courbe bi-auriculaire . Courbe horizontale totale .
1 154mn ga 1..*1 compte de la plagiocéphalie.
Yârmm 172y I53mm
r39--
96rlrl I2Ilnln rr5mù 35-m
)omIA 3omm ro5mm r20mm 66mm
$omm .ocmm
JAJ
$rsmm
UN SSUELETTE LACUSTRE DE L'AGE DU BRONZE
L'indice céphalique
est
88.44. C'estun
chiffretrès
élevé. fl',indique l'hyperbrachycéphalie.Un tel
caractère, pareillement prononcé, est rare dans nos régions.(j'ai
trouvé(in
Cran'in helueticu) cet indice 49 fois sut' 795 crânes valaisans). 1L'indice frontal est 79.34.
L'indice du trou occipital: 9r.43.
La capacité cranienne, obtenue selon la méthode de Broca, est de r65occ.
ce qui est également un chifire très élevé.
L'extrême brachycéphalie de ce crâne mérite, à cause même de la position chronologique
qu'il
occupe, de nous retenir un instant.11 faut se rappeler que, jusqu'à présent,
il
nous est apparu, lorsque nous avons essayé de reconstituer les peuplements successifs dela
Suisse, que les premiers édificateurs des palafittes suisses avaient été desBrachycéphales(Brachycéphales néolithiques).
Leur
origine précise est encore inconnue.Ils
sont venus probablement d'Asie apportant avec eux les céréales.Ce que nous savons des périodes postérieures semble indiquer que le milieu
drr
Néolithiquea vu
apparaître les premiers individus dolichocéphales' Mais, à la fin de l'âge du branze,les types brachycéphales, par suite d'une nouvelle arrivée d'individus appartenant à leur < race > paraissent redevenir prépondérants.La capacité cranienne, de ce crâne de St. Aubin est avons-nous
dit,
très grairde. Les hommes appartenant à l'âge de Ia pierre polie en France ont donné, comme moyenne de la capacité, r55rcc. La movenne des Européens actuels (le terme est loin d'être une indication précise) peut être comprise aux environs de r565cc 2. C'est à peu près le chiffre (r546cc.) quej'ai
trouvé autrefois en étudiant les grandes séries de crânes brachycéphales valaisans dontil
vient d'être parlé.Le
squelette découvertpar
feule
pasteurRollier
dépassede
roocc.les chifires ci-dessus. C'est qu'alors
l'individu
en question devait être de haute stature.Que va nous montrer sur ce point l'analyse des os longs ?
Os langs.
Nous avons
dit tout
à l'heurele
mauvaisétat
de ce squelette. Cette analyse sera donc, malheureusement, très courte.1 llug. Pittard, Crania hel,oetica, les crôtrcs oalaisans de lu Vsllêe tht Rhône, Genève et Paris, rqro.
2 llté noyenw êutopéenne n'a auôrur sens puisqu'elle est obterrue avec des docum€nis absolument hétérogènes.
La capacité cranienne des Norvégiens et des llcossais du GalloNay est incomparablement plus élevée que celle des Sardes et des Portugais.
J
4 EUGÈNE PITTARD
Les principales mensurations des deux fémurs sont les suivantes
Longueur en position
Diamètre antéro-postérieur de la diaphyse.
Diamètre transverse de la diaphyse Région platymère antéro-postérieure Région platymère transverse
Tête d'articulation, diamètre vertical .
Têre d'articulation, diamètre horizontal.
Diarnètre vertical du col Diamètre bicondylien maximum Taiile reconstituée .
Indice de Platymérie Indice de la diaphyse.
Le tibia gauche seul a pu être mesuré:
Longueur en position (la malléole manque) Diamètre transversal du plateau tibial Dinrrrètre antéro-postérieur de la diaphyse.
Diamètre transversa.l de la diaphyse Taille reconstituée .
Indice de platycnémie
gauche
{86mm 26mrn.5 28mm rÉmm . rmm J+
49*.
{6nm
. À llllll J1 83mut r73omm 73.55 96;55
droit
485--
2gÛ.m 28mm 2$mm J1r/mm
49*-
47^
33rnm 82mm r730mm 7s.53 96.55 Les deux fémurs ci-dessus peuvent être regardés comme platymériques. La stature qui vient d'être,indiquée peut ôtre considérée comme très élevée par rapport, bien entendu, à celle, qu'à priori, nous pourrions envisager comme
la taille
des populations dela
Suissèà
cette époquelà,
baséesur
les documents ostéologiques.4a.7mm B2mm 33ùrnr 24mm r/6omm
Le tibia,
quoiqueun peu aplati
latéralement,n'est
pas vraiment platycnémique.L'humérus gauche, seul,
a été
suffisamment conservépour
pouvoirêtre
mesuré.Mais cette
mesuren'est
qu'approximativecar la
tête d'articulation manque.Cet humérus contraste, par sa gracilité générale, car
il
est arrondi sur presque toute la longueur de sa diaphyse, avec I'aspect du fémur qui indique une réelle puissance musculaire. 'L'empreinte deltoïdienne,
si
bien marquée chez les humérus robustes, est ici à peine indiquée.UN S9UELETTE LACUSTRE DE L,AGE DU BRONZE
Longueur en
position 355-.
(?)Taille reconstituée
. r75o-*
f
argeur maximumde
l'épicondyleà
I'épi-trochlée
6zmmComme comparaison, deux humérus de l'âge du fer que j'ai sous la main, ont, respectivement, 6omm et 6omm.3.
Les
péronés, complètementbrisés, montrent des
cannelures très acceutuées. IJne rnêrne <-rbservation peut être faite au sujet des cubitus dontil
subsiste quelques morceaux.Résumé.
L'individu dont le
squelettea
été retrouvé était,en
toute certitude, de haute stature. Sataille
devait atteindreau
moinsr m.
74. Encoreune fois cette
taille
est très au-dessus dela
moyenne de celle(r m.
65environ) des Suisses contemporains, très au-dessus de la taille moyenne de
I'Europe en général; très au-dessus de la stature des hommes appartenant au type de l'Homo alpinus.
Brachycéphalie très accentuée. Si
l'on
avait tenu comptg dela
plagio- céphalie dans la mesure du diamètre transverse cranien, l'inclice céphalique eut été encore plus élevé.La.capacité
cranienne, avons-nousdit, est
considérable.Le
poidsencéphalique peut être évalué à environ 1395 grammes,
Cet homme de lfâge du bronze recueilli par feu le pasleqr Rollier devait être, d'une façon générale, un individu robuste, avec de prrissantes attaches musculaires (réserves pour ce
qui
concernele
bras, probablement moins puissamment constitué que les membres inférieurs).Les tibias,
quoique comprimés latéralement, n'étaient pas vraiment platycnémiques, mais les fémurs étaient atteints de platymérie,L'examen
de ce
squelette,dont les
caractéristiques morphologiques ne sont pas celles que nous avons jusqu'alors retrouvées en étudiant les squelettes des populations lacustres, appelle quelques observations.Il faut tout
d'abord se souvenir que ce sont, probablement, des popu- lations appartenant au type humaindit
de l'Homo alpinws qui ont édifié, en Suisse, les habitations lacustres. I1 semble-
peut-être cette construction 5*
{<
5 EUGÈNE. PITTARD
ethnogénique ne durera-t-elle pas toujours ?
--
que, vers lafin
du Néoli- thique, notre pays subit, nous I'avons dit, une invasion de Dolichocéphales.A la ûn de l'âge du bronze le type trrachycéphale paraît toutefois redevenir prépondérant.
Si nous laissons de côté le type dolichocéphale préhistorique qui, en ce moment même, ne nous intéresse pas directement,
et
que nous réservions notre attention au type brachycéphale dont un représentant a été retrouvé à St. Aubin, nous devons essayer de distinguer à laquelle des deux racesactuelles, possédant
un
crânearroltdi,
peul-être
rattaché I'individu étudié.L'Europe connaît deux groupes humains brachycéphales, celui
qui
est dénommé Homo Alpin rs, communément représenté en Suisse depuis la période néolithique, et celui auquel on a donné le nom d'Homo Dinaricws.Le
premier de ces types brachycéphales est caractérisépar
une stature moyenne, le second par une haute taille. Ceux qui connaissent les Albanaisdu
nord, les Monténégrins, Ies Bosniaques-Herzégoviniens, les Dalmates se représentent facilement l'habitus général de cette belle race humaine.Or, la grandeur du crâne est forction du développement général du corps.
La capacité cranienne du type Homo Alpinas est naturellement inférieure
à
celle du type dinarique, puisquele
développement généralde
celui-ci est plus considérable.Or, le squelette que nous étudions présentement montre, à
la
fois, une grande capacité cranienne et une taille élevée, atteignant très certainement, peut être dépassantr
^,
74.€es deux caractères concomitants ne s<lnt pasceux afférant
au
type ,fe |'Humo Alpir'tws. Qu'est-ceà dire?
Sinon quel'indivirlu
retrouvéà St. Aubin a
beaucoup plusde
chances d'être un représentant du type dinarique qu'un représentant du type alpin. Je rappelle que la taille moyenne des Bosniaques-Herzégoviniens doit atteindrer
m' 72i celle des Dalmatiens dépasser
m. 7r.On voit l'immense intérêt d'une pareille constatation qui, pogr le moment,
a le
grand malheur d'être isolée. IJne avant-garcle dinarique se serait présentée en Suisse à l'âge du bronze ?Un tel fait est parfaitement possible. A plusieurs reprises, et depuis déjà bien des années,
j'ai
attiré l'attention sur.la possibilité d'une telle immigra- tion 1. En des régions très distantes les unes des autres, nous rencontrons dans des milieux humains dontIa
caractéristique morphologique est la dolichocéphalie, des îlots d'individus brachycéphaleset
de haute stature'1 liugène Prrreno; I-es ruces el l'hisloitc, inttodtrction ethnologi(lue à l'histoire. Paris, 1924.
UN SSUELETTE LACUSTRE DE L,AGE DU BRONZE 7
On a trouvé de tels îlots dans le sud-est de la Norvège, dans l'extrême-nord écossais, dans les îles Féroër.
J'ai la
croyance que les crânesà
grandes capacités (jadis, à défaut d'un autre terme, je les ai appelés macrobrachy- céphales) que nous avons signalésen
Suisse, particulièrement dans le Canton des Grisons, représentent des occupationsde
Dinariques. Leur chronologie reste à fixer. Les mouvements humains au travers de I'Europe datent de loin.Rappelons-nous à quel point florissait
la
civilisation du bronze dans la région dinarique. La magnifique station de Butmir, en Bosnie, devait être une importante cité. Quelques indications provenant del'Italie
septentrio- nale et clela
France méridionale semblent nous mettre en présence d'une intervention dinarique dans ces lieuxà Ia fin
dela
période néolithique,au
début de l'âgedu
bronze.Faut-il
rappeler, commeun
exemple, la découverte,par MM. Julian et
Férand,à
Beaucaire, dansun
ossuaire énéolithique, de restes de squelettes humains, représentant un type brachy- céphale de haute stature ? T e professeurH.
Vallois, en étudiant les osse-ments énéolithiques découverts dans
un
ossuaire pyrénéen <cla
Grotte del'Ombriver (Ariège), a émis la même supposition.
Longtemps
les
descendants des Magdaléniens français résistèrent àI'invasion humaine proprement dite,
-
non à l'invasion de la civilisation, de la culture-
qui leur venait de I'Est. Ils finirent cependant par se laisserpénétrer.
Je ne veux pas allonger, car ce squelette ne peut représenter à