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Quelques nouveaux crânes préhistoriques (âge du Bronze) provenant des stations lacustres de la Suisse (Lac de Neuchâtel)
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Quelques nouveaux crânes préhistoriques (âge du Bronze) provenant des stations lacustres de la Suisse (Lac de Neuchâtel). Revue anthropologique , 1935, vol. 45, no.
1-3, p. 5-12
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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:107479
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LIBRAIRTE NMTIN NOURRY
62, Rue ues Écoles, l)entg-Ve
QUELQUES NOUVEAUX CRANES PBÉHISTORIQUES
(nce ou
enoNze)PBOVENANT DES STATIONS LACUSTRES
DE LA SUISSE (uc oe
rvEucnnreu) Par EucÈnn PITTARD,Vice-Président de IT. L A.
M.
Paul Vouga, direoteur du Musée archéologique de Neuchâtel, m'alait
remettre, pour'les étudier, par I'aimable entremise de M. IeDr
Beau, d'Areuse,trois
crânes de Lacustres, datant de l'âge du bronze. Un seul est encore en bonétat;
les deux autres sont réduits :I'un à la calotte, I'autre seulement à la partie moyenne et postérieure de celle-ci (pariétaux
et
occipital). Malgré le mauvaisétat
de deux dc oes restes squelettiques, oes débris représentantla
morphologie d'une antique population dela
Suisse, méritent un examen quelque peu débailléCes
trois
crânes-
intéressantsà
divers points de vue-
pro-viennent de
la
station de l'âge du bronze de Cortaillod, située sur la rive gauche du lac de Neuohâtel, au sud-ouest de la ville du même nom. A une petite distanae de la looalité de Cortaillod,il
existe deuxstations lacustres, I'une appartient à
la
période néolithique, l'autre, plus en avant dans le lao, date de l'âge du bronze.Cette dernière station, actuellement $ous deux mètres d'eau, me
dit M. Ie Dr Beau, -."- que je tiens à remercier très vivement
-
appar-tient à la subdivision
IV
de l'âge du bronze.Nos connaissances au sujet des populations qui vécurent en Suisse,
à l'âge du bronze, sont encore tellement fragmentaires qu'on peut dire qu'elles sont presquc inexistantes. C'est dono une bonne fortune, ohaque fois qu'un Musée peut, mettre sous les yeux des anthropolo- gistes,
et
de ceux qui sont chargés d'éorire l'histoire ethnique de laSuisse, des documents de cette valeur. Notre pays semble avoir connu,
6
REVUE ANTFIROPOLOGIQUËdans les temps qui s'échelonnèrent du début du Néolithique à
la
fin de l'âge du fer, des arrivées successives de contingents humains qui n'étaient pas tous de la même origine.Et
ce n'est gue par un inven- taire détaillé et précis de toutes les trouvailles de squelettes apparte- nant à ces diverses épdques, que nous pourrons avoir une idée, à la fois sur les avancées de oes populations au travers duterritoire
de la Suisse, et sur les lieuxd'où
nous pouYons supposer qu'elles sont parties.Cn.n
nr
No I.(Collection du Musée de Neuchâtel).
Crâne masculin.
La
déterminationdu
sexeparalt
bien certaine malgré que les attaches musoulaires ne soient pas accentuées. Cette tête osseusen'a
pas d'inion proprementdit.
Les crêtes occipitales forment cependant un relief bien marqué. Les apophyses mastoidesne
sont pas grandement développées. Les rebords sourciliers sont bien visibles, et mêrrrè, vus de trois quarts, montrent de fortes saillies.Ce crâne porte la patine brùne caraotéristique des oss'ements qui ont séjourné dans le
t
fumier lacustre >. Lofsqtr'il était encore dans la vase ce crâne était couché sur le côté gauche. La presque totalité de I'occipital, toutela
partie inférieuredu
côtédroit et
dela
faie ont été envahies par les algues perforanbes qui ont détérioré la matière 'oisséuse, plincipalernent le nraxillaire et le jugal.Ce orâne
est
d'une belle oonstruction, harmonieuse.En
norma Verticalisil
présente .une légère plagiocéphalie à gauche'tes
srltures,QUELQUES NOUVEAUX CRANES
PREHISTORIQUES
7d'une complication moyenne, sont toutes bien visibles.
La
suture lambdoide est parsemée d'gs wormigns, aussi bienà
gauche qu'à droite. Dansla
régiondq
lambda 4ê{ne, plusieurs wormiens sont intercalés dans I'angie des pariétau*, qoi fottf dévier la direction de la suture sagittale versla
droite.En vue latérale, ce. crâpe présg.4te une courbe régulière, jqsqu'up peu au-dessous du lambda.
En
cet endroitil
forme un léger ressapt postérieur donnant I'aspect d'un très faible chignon.Il
semble qu'il existe une relationentre cette
dispositionet
I'abondance des oswormiens dans la suture lambdoide. Les apophyses mastoides sont de faibles dimensions ; celle de droite a subi une abrasion presque totale.
En vue inférieure, ce crâne ne montre pas
{'in!on
véritable, mais une crête occipitale bien marquée à ia base du léger ressaut dontil vient
d'être questiontout
à I'heure. L'aire dutrou
occipital paraît très grande. Les trous déchirés antérieurs présentent de larges ouver- tures. Les trous jugulaires sont très développés, notamment celui de droite.A
cet égard,il y a
dissymétrie très nette entre les deux côtés du crâne. Les condyles occipitaux sont en forte saillie. L'abra- sion a usé de telle façon Ia voûte palatine que les mesures, dans cette région, ne pourront être qu'approximatives. Aucune dentn'a
été conservéeet
les rebords alvéolaireË sonttrès
détériorés.Le
trou palatin est de très grande dimension.l,t
I
Vu
de face ce orâne porte, surle
côtédroit
dufront,
à 32 mm.environ de distance du sommet de
la
cavité orbitaire, une trace cir- culaire dont le rebord présenté une légère exostose : blessure prove- nant vraisemblablement d'un instrument contondant.8
RE\ruE ANTHROPOLOGIQUELes os nasaux sont très saillants, ce qui sous-entend une forme du nez, sur le vivant, d'un tvpe un peu exceptionnel.
L,a partie antérieure de la suture écailleuse droite montre, dans la région du ptérion, deux os wormiens bien développés.
Malgré les quelques déficits morphologiques
qui
viennent d'être signalés,la
presquetotalité
des mesures utilisées en anthropologie systématique peuvent être faites.Mnsunns C&aNIENNEs ET FÂcrALDs.
Diamètro antéro-postériour métopique transverse basio-bregmatique naso-basilaire .. . frontal minimum frontal maximum occipital maximum Longueur du trou occipital
...
Largt ur du trou occipital . . . . .
de l'orbite Hauteur de I'orbite Espace interoculaire.
Diamètre naso-alvéolaire. .1 . . .
Largeur de I'ouverture nasale Haubeur du nez
Diamètro bizygomatique
...
1.basio-alvéolaire Largeur de la voûte palatine .
Longuour de I,a voûte palatine Counnps Courbesous-cérébrqlo
...
frontalo pariétalo
occipitale cérébrale
..
occipitale cérébelleuse biauriculaire
horizontale totale
....
Capacité cranienne
Irco rcns Inilice céphalique
vertical delonguour
116
1.75
t tt0 ,t32 93 93
1t9 {13
38 32 36 31oo
67 mm.
mm.
mm.
mm, mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm. (?)
(?r (?) (?) 24 mm.
50 mm.
124 mm.
86 mm.
31 mm.
47 mm.
1.495 cc
79,55 75,00
19 mm.
100 mm"
133 mm.
70 mm.
45 mm.
295 mm.
218 mm.
500 mm.
Indice verticql de largeur nasal .
QUELQUES NOUVEAUX CRANES
PRÉHISTORIQUES
9frontal
94,29 48,00 '18,75
84,21 86,11 du trou occipital.
orbitaire
Par
son indice céphalique ce crâne est mésaticéphale;par
son indice nasalil
est mésorrhinien, juste àIa limite
dela
leptorrhinie.Par son indice frontal
il
est mégasème et,par
son indice orbitaire mésosème.Cnarn No
2.a
Il
appartient au Musée de Boudry.Il
n'est plus représenté que par la partie gauche de la vorite, sauf I'occipital qui manque totalement.Il
s'agit aussi, très certainement,d'un
crâne masculin. Les rebords sourciliers sont très apparents.Et
malgré que I'apophyse mastoïde est brisée, on ne peut hésiter sur la quali{ication sexuelle de ce orâne.La ligne temporale très apparente et très développée en arrière, l'épais' seur très grande de la voûte, notamment des pariétaux, confirment en
toute
sécuritéle
diagnostic.Cette pièce porte également
la
patine indiquée ci-dessus à propos du premier crâne décrit. La suture coronale et la suture sagittale dans son premier tie'ifs, sont très fortement dentelées. Cette calotte a été briséo, probablement à l'époque même où le crâne a été enfoui dansla vase du lao de Neuohâtel. La moitié gauche de lâ suture lambdoïde porte
la
même patine que I'ensemble.La
portion droite, brisée sur toute Ia longueur du pariétal et du frontal, jusqu'au bord orbitaire, montre un diploé usé par l'érosion lacustre et dont la patine est aussi absolument semblable à celle du reste du crâne. Le coup, extrême- ment violent, qui a brisé cette tête osseuse a fissuré, dans sa partie postérieure, oe qui reste du pariétal. La fente s'est arrêtée à la suture sagittale. Une autre ITssure, plus longue encore,a
intéresséle
côtédroit du frontal. Nous ne pouvons rapprocher, pour en tenter I'expli- cation, ce violent traumatisme de celui
-
beaucoup plus modeste-
indiqué à.propos du crâne no
I,
car si ce dernier a reçu un coup alors que I'homme était encore vivant,il
est très vraisemblable que le coupqui a brisé le arâne no 2 a été donné sur Ie crâne à l'état sec (1).
1.. Sur une tête séparêe du tronc
- ou même y attenant
- il semble qu'un très violent traumatismc, causé par uue lourde pielrc par cxemple, serait susceptible de brisel les os de la façon qu'ils le sont dans le crâne
que nous décrivons,
10
REVUE ANTHROPOLOGIQUELe
sillon temporo-pariétal externe gaucheest
particulièrement marqué. Au-dessus de l'écailleil
se divise en deux branches diver- gentes incisant nettement la table et se prolongeant près de la ligne temporale.A
gauohe,le
sillon sus-olbil,air.e esL aussi Lrès nettement marqué.Sur cette pièce incomplète nous ne pourrons e{Tectuer que quelques mesures :
Frontal minimum Frontal maximum Courbe sous-cérébrale Courbe frontale Courbe sagittale ..
Ce crâne parait avoir été dolichocéphale.
Il
donne cette impression morphologique lorsqu'on I'examine en norma verticalis,Il
est plus gllor-rgé que le précédent, ce qu'indiquent déjà les longueurs diversesde
la
courbe cranienne antéro-postérieurequ'il a
é1é possible demesurer.
CnlNr
No 3Il
est réduit aux deux pariétaux et à I'occipital.Et
encore ce der- njer est-il incomplet, brisé dans toute sa partie infÉrieure, partiou- lière{nen! sur le côté droit.Au premier abord
il
est difficile de se représenter à quel sexe appar- tient oe crâne. Mais, d'un côté, la région iniaque dont les reliefs sont assez nettement acpusés, I'aspect-
de cequi
cxistc--
de la lignetemporale, les dimenqions mêmes du crâne, dont on peut se repré- senter
lq
grandeur généralepar
cequ'il
en subsiste, plaident enfaveur du sexe masculin. D'autre
part
les paroio craniennes relati- vement minces, notamment celles des régions postérieures des parié- taux et de I'occipital, plaideraient en faveur du sexe féminin.Ce crâne porte, sur le pariétal gauche, une redoutable blessure faite par un instrument gontondant
qui
a brisélq
paroitout
entière sur une longueur d'environ2
cm.Il2. La
table externe est enfoncée.La
table interne, soulevée parla
violencedu
choc, s'cst brisée en deux écaillesqui
font saillie à I'jnLérieur dela
voûte etqui
ont dû singulièrement intéresser I'encéphale.Une autre blessure, qu'on n'aperçoit pas
tout
d'abord en exami-nant
I'extérieurde
cette boîte cranienne, se montreà
I'intérieurtlu
urâue. Elle siège sur, le oôté gauche de I'occipital, vers le milieu93 mm.
{r7
mm. (?) 20 mm.tt3
mm- taO mm. (?)QUBLQUES NOUVEAUX CRANES
PRÉHISTORIQUËS
11à peu près de cet os. La table interne a été soulevée en quatre petits lambeaux par suite d'un coup violent porté par un instrument dont I'extrémité était amincie et mousse
;
si I'arme avait été pointue, elleauraib sûrement inbéressé
la table
externe.Or, sur
celle-cion
netrouve qu'une petite blessure presque invisible à
l'æil. A la
loupe, oependant, on distingue un faible étoilement autour du point de chàc.Les limites des bords pariébaux sonb conservées sauf en un endroit.
Le pariétal drôit a été brisé sur les deux tiers à peu près de sa partie inférieure. On peut se demander
si
cette cassure date.de l'âge du bronze, car, en plusieurs endroits, les bords brisés sont restés piirs ou moins tranchants etla
région du diploé n,a pas été rendue mousse, comme ohézle
orâne précédemr4ent décrit.Il
estvrai
qùe cette région aurait pu se trouver enfouie dans la vasè, à I'abri des phénô- mènes d'érosion. Quoiqu'il
en soit,il
faut reconnaître quela
patine dela
cassure est exactement celle du reste du crâneI
cette cassurepourrait donc être ancienne.
Une seule mesure est possible
:
celle dela
suture sagittale. Cette longueur est de 130 mm.Il
est diflicile de se rendre corhpte de ce que devait être la foime du crâne lorsque celui-ci était dans son enbiàr. peut-être, au premier coup d'æil, devraib-il figurer, commeIc
crâne not,
dansle
grôupedes mésatioéphales ? Porrr une telle détermination, la longueur de sa courbe sagittale peut approximativement nous renseigner. Sa valeur est plus petite que celle du crâne no 2. Elle est même un peu infé- rieure à celle du crâne no 1.
Il
estvrai
que Ia largeur de cette tête est relativement faible. Elle peut être évaluéb aux environs det3l
mm.Or,
le
crâne not, qui
est mésaticéphale, aun
diamètre trânsverse de 140 mm. Si nous admetbions que le diamètre antéro-postérieur.du crâne no 3 devait être semblable à celui du crâne no
t,
c'est-à-direqu'il ait
eu environ 176 mm.; l'indice céphalique seraitde
74,43.Cette valeur placerait ce crâne no
3
non parmi les mésaticéphales, mais parmi les dolichocéphales vrais. Mais nous ne somriréslà
quedevant des suppositions !...
*,F
Il
est un premier point sur lequelil faut
attirer l,attention:
lespopulations dolichocéphales
du
Néolithiqueet
de l'âgedu
bronze en Suisse sont-elles les descendants des populationsqui
occupaientle sol
de I'Europe oocidentale-
particulièrement dela
France,territoire favorisé
- à la
périocle magdalénienne ? Ou leur prove.12 REVUE ANTHROPOLOGIQUE
nance doit-elle être cherchée ailleurs ? Encore une fois, ce n'est que par la comparaison des inventaires réclamés ci-dessus, et, qu'il faudra abondants et détaillés, que nous pourrons, un
jour,
tenter d'établir des liens généalogiqueg entre ces diverses populations des périodes préhistoriqueset
protohistoriques.Au
surplus,il
parait inutile, à I'aide des seuls documents décrits ci-dessus,de tenter
des rapproehementsde
généalogie ethnique entre ce crâne, ces calottes, et les autres crânes de l'âge du bronze, aux dilTérentes subdivisions chronologiques de cette période, trouvés en SuisseI
ces matériaux sont,trop
insuffisants.Mais nous voulons retenir de cette étude un second point.
Les blessures que portent deux des crânes présentement étudiés peuvent-elles orienter nos idées aû sujet de l'origine même
-
démo-graphique pounait-on dire
-
de ces objets ?Ces orânes ont été trouvés dans des anciennes demeures lacustres.
Ont-ils appartenu aux membres mêmes de la communauté qui habi- taient les palafittes or) on les
a
découverts ?Et
alors quelle expli- cation donner au sujet des blessures que deux d'entre eux-
surtrois
-
portent ? Résultat de rixes looales sur les esplanades lacustres mêmes ? résultat de rixes familiales ? Ce serait supposer, à ces popu- lations, des mæurs singulièrement-brutales ! Ou bien ces palafitteursde l'âge du bronze ont-ils été les victimes d'une attaque venue
d'ail'
leurs ?On peut faire encore une autre supposition. Ces crânes pourraient être envisagés comme des trophées rapportés
par
les Lacustres de leurs combats. On a déjà émis de telles suppositions, autrefois, pour expliquerla
présence, au sein d'une population brachycéphale la- custre, de quelques crânes de types dolichocéphales. L'habitude derapporter des têtes humaines oomme trophées, nous