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Amorçage de passives : apports pour le diagnostic différentiel TDL/TDAH et la clinique logopédique

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Amorçage de passives : apports pour le diagnostic différentiel TDL/TDAH et la clinique logopédique

DA SILVA, Lucile

Abstract

Ce travail de recherche vise à explorer le lien entre les processus attentionnels et les performances en production d'une structure syntaxique complexe : la forme passive. Nos populations d'intérêt sont les enfants francophones de 6 à 12 ans au développement typique (DT) et ceux présentant un trouble développemental du langage (TDL) ou un trouble d'attention avec/sans hyperactivité (TDAH). Ces deux populations au développement atypique présentent fréquemment, dans la clinique logopédique, un recouvrement phénotypique au niveau de leurs compétences langagières et de leurs difficultés attentionnelles. Une population adulte a été également étudiée pour obtenir des données comparatives. Nous avons évalué la capacité des enfants à produire des passives dans une tâche de production élicitée avec un amorçage attentionnel visuel et un amorçage linguistique progressif. La proportion de passives produites en fonction du groupe cognitif, du type d'amorçage et du référent amorcé a été analysée avec une ANOVA à mesures répétées...

DA SILVA, Lucile. Amorçage de passives : apports pour le diagnostic différentiel TDL/TDAH et la clinique logopédique. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:144427

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MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPÉDIE Section de Psychologie

Amorçage de passives : apports pour le diagnostic différentiel TDL/TDAH et la clinique logopédique.

Mémoire de recherche de Lucile Da Silva

Rédigé sous la direction de Emily Stanford et du Dr. Hélène Delage

Août 2020

Jury : Adriana Belletti, Dr. Hélène Delage et Emily Stanford

Nombre de mots : 19’412

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Ce travail a une saveur toute particulière… il est l’aboutissement non seulement de ces cinq années d’études pour devenir logopédiste, mais également des différents choix personnels et professionnels qui m’ont menée jusqu’ici.

Je souhaite remercier tous les enfants et familles qui ont participé à cette étude, ainsi que les professionnels qui nous ont permis de les rencontrer. C’est grâce à leur engagement que nous pouvons espérer tendre vers une meilleure compréhension et prise en charge des difficultés langagières des enfants.

Je remercie Emily Stanford et Hélène Delage qui m’ont accompagnée et conseillée avec beaucoup de disponibilité et de bienveillance dans la conception de cette recherche et la rédaction de ce travail. Je remercie également Adriana Belletti pour son intérêt et pour avoir accepté de faire partie de mon jury.

Un grand merci à Constance Terrail, Marie Perrin et Lou Baussand, nous nous sommes serré les coudes pour produire un travail qui nous ressemble, merci pour vos réflexions et encouragements !

Merci aussi à toutes les étudiantes de la volée pour ces moments de complicité et de soutien, ces deux années de Master n’auraient pas été les mêmes sans vous.

Merci à mes amis "de Suisse", rencontrés sur les bancs de l’Université : Marion, Julie, David, Louise ; mais aussi à tous mes amis du TEDx, une rencontre avec de belles personnes aux horizons académiques si différents. Merci à mes amis de toujours, d’ici et d’ailleurs, en particulier Flora, Louise, Christina, Mathys, Mathilde et Vita — votre soutien et amitié dépassent les frontières.

Merci à mes responsables de stages Séverine, Véronique, Élise et Marilyn qui ont su m’épauler tout au long de cette année et qui ont partagé avec moi leurs précieux savoirs et expériences.

Merci aux professeurs qui ont éveillé ma curiosité et défié mes connaissances.

Enfin, un énorme merci à mes relecteurs Julie & mon père, 3 paires d’yeux ce n’est pas de trop...

Je dédie ce mémoire,

à mes parents qui ont soutenu mes décisions et cru en moi inconditionnellement ; à mes sœurs, mon frère et ma famille que j’aime tant ;

à Christine qui m’a fait découvrir ce métier ainsi que sa passion, qui est devenue aussi la mienne ; à André qui ne lira ce mémoire que s’il est traduit… merci pour ta patience et ton amour !

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Ce travail de recherche vise à explorer le lien entre les processus attentionnels et les performances en production d’une structure syntaxique complexe : la forme passive. Nos populations d’intérêt sont les enfants francophones de 6 à 12 ans au développement typique (DT) et ceux présentant un trouble développemental du langage (TDL) ou un trouble d’attention avec/sans hyperactivité (TDAH). Ces deux populations au développement atypique présentent fréquemment, dans la clinique logopédique, un recouvrement phénotypique au niveau de leurs compétences langagières et de leurs difficultés attentionnelles. Une population adulte a été également étudiée pour obtenir des données comparatives.

Nous avons évalué la capacité des enfants à produire des passives dans une tâche de production élicitée avec un amorçage attentionnel visuel et un amorçage linguistique progressif. La proportion de passives produites en fonction du groupe cognitif, du type d’amorçage et du référent amorcé a été analysée avec une ANOVA à mesures répétées.

Nos résultats montrent l’effet positif de l’amorçage attentionnel sur la proportion de passives produites en comparaison à une condition contrôle, ainsi qu’un effet supérieur des amorces linguistiques par rapport aux amorces visuelles. Les bénéfices de l’amorçage linguistique ayant été plus importants pour les DT et TDAH que pour les TDL, tandis que l’amorçage visuel a moins profité aux TDAH. La condition d’amorçage linguistique apportant l’aide maximale, a permis de distinguer le profil de performances des populations cliniques.

En effet, cet amorçage a significativement soulagé la charge cognitive associée à la production d’une passive chez les TDAH, mais pas chez les TDL. Ce résultat constitue un élément clef pour des perspectives de diagnostics différentiels et de prise en charge en logopédie. Notre protocole peut être envisagé comme une évaluation dynamique prometteuse qui permettrait de mieux cibler le profil langagier des enfants.

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Introduction 1

I. Cadre théorique 2

1. Populations cliniques – disparités et similarités 2

1.1 TDL 2

1.2 TDAH 5

1.3 Recouvrement de ces deux profils cliniques a priori distincts 6

2. La voix passive 10

2.1 Entrée lexicale des verbes et grille thématique 10

2.2 Passage de la voix active à la voix passive 11

2.3 Les différentes formes et types des passives 12

2.4 Acquisition de la voix passive 13

3. Études d’amorçage en production 17

3.1 Modèle de production de la parole 17

3.2 Amorçage syntaxique 18

3.3 Amorçage attentionnel 22

4. Apport de notre étude et prédictions 26

II. Méthodologie 27

1. Population 27

1.1 Échantillon et répartition en groupes 27

1.2 Procédure de recrutement 27

1.3 Critères généraux d’inclusion et d’exclusion 28

2. Protocole expérimental et matériel 30

3. Procédure 31

3.1 Phase de familiarisation 31

3.2 Tâche de production d’énoncés 32

4. Variables expérimentales 37

5. Méthode d’analyses statistiques 38

5.1 Analyses descriptives 38

5.2 Analyses inférentielles 38

6. Hypothèses opérationnelles 39

H1 – Hypothèses préliminaires sur le type de phrases induites 39

H2 – Effet de l’amorçage sur la proportion de passives induites 39

H3 – Effet principal du type d’amorce sur la proportion de passives induites 39

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H3.2 – Contrastes : effet du type d’amorce linguistique 40 H4 – Effet principal du groupe cognitif sur la proportion de passives induites 40

H5 – Effets simples du type d’amorce pour chaque groupe cognitif 40

III. Résultats 42

Codage 42

1. Analyses quantitatives sur les passives induites 43

1.1 Effet de l’amorçage (contrôle vs amorces) 43

1.2 Effet du type d’amorce (Vis1 ; Vis2 ; Ling1 ; Ling2) 44

1.3 Effet du groupe cognitif (TDL ; TDAH ; DT ; Adultes) 45

1.4 Effets simples 46

1.5 Effet d’interaction du type d’amorce avec le groupe cognitif 47

2. Analyses descriptives sur les productions induites avec un amorçage du patient 50

2.1 Analyses sur la forme des passives induites 50

2.2 Analyses descriptives des réponses non attendues 50

2.3 Analyses sur la grammaticalité des productions induites 52

IV. Discussion 55

1. Interprétation des résultats 55

2. Limites et axes de réflexion 58

3. Conclusion 60

Bibliographie 62

Annexes 72

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Liste des abréviations

COD : complément d’objet direct COI : complément d’objet indirect ClitObj : pronom clitique objet

DCG : dislocation clitique de l’objet à gauche DCD : dislocation clitique de l’objet à droite DT : développement typique

ET : écart-type

FE : fonctions exécutives

LME : longueur moyenne d’énoncé PEC : prise en charge

TDAH : trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité TDL : trouble développemental du langage

TSA : trouble du spectre autistique TR : temps de réponse

MdT : mémoire de travail

N : effectif

Ntot : effectif total

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Introduction

Nous inscrivons notre recherche dans une perspective où les fonctions cognitives générales sont mobilisées dans le développement du langage et, spécifiquement, où les compétences tant en mémoire de travail (MdT) qu’attentionnelles jouent un rôle dans le traitement de la syntaxe complexe (Jakubowicz, 2005, 2011). Des études menées chez l’enfant typique francophone (Delage & Frauenfelder, 2019) démontrent la valeur prédictive des mesures de MdT sur l’acquisition de la syntaxe complexe et soutiennent l’hypothèse que les limitations des fonctions exécutives (FE), encore immatures chez les plus jeunes, ne leur permettent pas de maîtriser les structures syntaxiques plus complexes.La composante attentionnelle serait également à mettre en lien avec les compétences syntaxiques (Finney et al., 2014).

Ce mémoire de recherche fait partie d’une plus grande étude (Stanford & Delage, soumis) qui porte sur la relation entre la syntaxe complexe et l’attention chez les enfants au développement typique (DT) et ceux présentant un trouble développemental du langage (TDL) ou un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Notre analyse se restreindra à la tâche d’amorçage, qui vise à influencer la production de phrases passives, grâce à des amorces visuelles et linguistiques.

Notre intuition concernant la complexité de la structure passive, ainsi que notre usage réduit de celle-ci dans nos productions quotidiennes, se reflète dans cet axiome de Georges Orwell (1946).

“Never use the passive where you can use the active” (p.139).

Notre protocole expérimental s’inspire à la fois des études de priming attentionnel chez l’adulte sain (Myachykov et al., 2018) — qui démontrent que les choix syntaxiques sont fortement influencés par le focus attentionnel porté sur l’un ou l’autre référent — et des études de priming linguistique réalisées chez des adultes et enfants italophones (Belletti &

Manetti, 2019 ; Manetti, 2017). Ainsi, nous avons choisi d’observer les productions induites d’enfants francophones sains et de deux populations cliniques — l’une surtout connue pour ses difficultés morphosyntaxiques (TDL), l’autre pour ses difficultés attentionnelles (TDAH).

Le recouvrement des profils langagiers des enfants TDL et TDAH est un véritable enjeu pour la clinique logopédique, au niveau du diagnostic différentiel et les pistes de prise en charge.

Dans l’optique d’une évaluation dynamique, nous avons cherché à objectiver le potentiel des enfants et à différencier les populations cliniques, en fonction de leur profil de performances suite à l’indiçage.

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I. Cadre théorique

1. Populations cliniques – disparités et similarités 1.1 TDL

1.1.1 Définition et terminologie

Le TDL est un trouble neurodéveloppemental (i.e. qui apparaît précocement dans le développement) idiopathique persistant, touchant le langage oral. Ce trouble observé chez l’enfant au-delà de 4-5 ans (Bishop et al., 2017) peut toucher différentes sphères : la phonologie, la morphosyntaxe, la sémantique, le lexique, la pragmatique et le discours. Les difficultés sont objectivées en production et/ou en compréhension et engendrent un impact fonctionnel.

Les consensus interdisciplinaires internationaux CATALISE (Bishop et al., 2016 ; 2017) ont abouti à une clarification de la terminologie TDL, Developemental Language Disorder, adoptée par la version anglophone de la CIM-11 (2019). Ces experts ont encouragé et retenu le terme TDL pour la recherche et la clinique. Cette volonté de cohérence et de terminologie commune a mis fin à la multiplicité des termes utilisés auparavant : trouble spécifique du langage, dysphasie, trouble primaire du langage et retard de langage.

Ce changement terminologique s’accompagne également d’une clarification des critères diagnostiques, notamment avec l’abandon de la notion de spécificité1 et de sévérité2. En effet, le profil langagier est non seulement différent entre les individus, mais aussi variable dans le temps pour un même individu (Conti-Ramsden & Botting, 1999). Ainsi, la persistance3 et l’impact fonctionnel4 dans les apprentissages sont les éléments clefs pour la pose du diagnostic. Les critères d’exclusion ont été remplacés par des conditions de différenciation, des conditions cooccurrentes et des facteurs de risque qui doivent être documentés pour mieux prendre en compte les besoins du patient et cibler la PEC (cf. figure 1) :

1 Les difficultés linguistiques de ces enfants ne sont pas spécifiques à cette population et leurs difficultés ne sont pas circonscrites au langage. Des études récentes ont montré des déficits dans des tâches sollicitant l’attention, les FE : notamment la MdT et l’inhibition (Ebert & Kohnert, 2011 ; Kapa & Plante, 2015).

2 Un spectre de sévérité est admis avec l’inclusion d’une diversité des profils regroupés sous un même terme ; aucune valeur d’écart à la moyenne n’est indiquée.

3 Bishop et al. (2017) fournissent des prédicteurs de pronostics moins favorables en fonction de l’âge de l’enfant afin d’évaluer le risque de persistance du trouble e.g. présence de troubles de la compréhension ; le nombre de composantes langagières atteintes.

4 Ici, on touche à la notion de handicap et des impacts négatifs sur la scolarité, la socialisation, la santé mentale (Conti‐Ramsden & Botting, 2008).

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– Si le trouble du langage est associé à une condition biomédicale connue (conditions de différenciation) telles que les lésions cérébrales, les maladies neurodégénératives, les syndromes génétiques (e.g. Down), une déficience intellectuelle ou un TSA, on parlera d’un Trouble du Langage associé à X et pas d’un TDL. Un faible niveau d’habiletés non verbales n’exclut pas la pose d’un TDL, si l’enfant ne remplit pas les critères diagnostiques pour une déficience intellectuelle, il peut être inclus dans la catégorie TDL.

– Les troubles concomitants (conditions cooccurrentes) tels que les déficits cognitifs, sensorimoteurs ou comportementaux, dont la relation causale avec les troubles langagiers est incertaine, n’excluent pas la pose d’un TDL (e.g. comorbidité avec d’autres troubles neurodéveloppementaux : TDAH, troubles spécifiques des apprentissages...).

– Les facteurs de risque biologiques et environnementaux souvent associés aux troubles langagiers, n’excluent pas non plus la pose d’un TDL.

Les études récentes ont estimé la prévalence du TDL chez les enfants de 4 à 5 ans à 7.6%, auxquels se rajoutent 2.3% d’enfants avec un trouble du langage associé à X (Norbury et al., 2016).

1.1.2 Caractéristiques langagières des TDL

Les profils langagiers des TDL sont très hétérogènes et ce, d’autant plus, avec l’acceptation du continuum de sévérité inhérent à la nouvelle terminologie. Les différents niveaux peuvent être atteints, aussi bien sur les versants réceptif que productif. Les productions langagières

Figure 1. Diagramme adapté de l’article de Bishop et al. (2017), illustrant la place du TDL au sein des divers types de troubles nécessitant une prise en charge logopédique.

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des TDL ne sont pas déviantes, elles sont comparables à celles produites par les enfants typiques plus jeunes (Leclercq & Leroy, 2012), le rythme d’acquisition étant décalé. Les études cross-pathologies montrent que les TDL ont souvent un pattern de difficultés plus marqué en phonologie et en morphosyntaxe (Jakubowicz & Tuller, 2008).

Phonologie

Les observations de Tallal (2003) mettent au centre le déficit de traitement phonologique comme théorie explicative du TDL, tandis que pour Bishop et Snowling (2004), c’est le déficit phonologique sous-jacent associé à un déficit dans un autre domaine langagier qui explique leurs difficultés. L’acquisition des différents phonèmes de la langue serait retardée alors que les phonèmes plus tardifs et complexes resteraient une source de difficultés ; de plus leurs représentations phonémiques seraient imprécises et sous-spécifiées (Maillart et al., 2004).

Les études révèlent aussi des performances déficitaires en conscience phonologique et en répétition de mots et de pseudo-mots (Briscoe et al., 2001). Dans les productions spontanées de TDL de 7 ans, Parisse et Maillart (2006) observent des erreurs phonologiques plus fréquentes que dans les productions des DT appariés en longueur moyenne d’énoncé (LME).

Lexique et sémantique

Les compétences lexico-sémantiques — à commencer par les premières productions — sont souvent retardées. La plupart des TDL ont été des Late talkers5, avec une émergence tardive des premiers mots et un stock lexical plus réduit (Bishop, 2006 ; Parisse & Maillart, 2006).

Les enfants TDL ont des représentations sémantiques moins étoffées et moins bien organisées, un vocabulaire moins riche et moins diversifié (Leclercq & Leroy, 2012). Ils peuvent également avoir des difficultés d’accès lexical (Bragard & Schelstraete, 2006) et auront tendance à utiliser des pantonymes (e.g. machin, chose, etc.) ou à donner des définitions par l’usage ou des périphrases (Leclercq & Leroy, 2012). Enfin, les TDL ont des difficultés d’acquisition lexicale plus marquées pour les verbes (Conti-Ramsden & Jones, 1997) et ont besoin d’être plus exposés à un même item que leurs pairs pour apprendre de nouveaux mots.

Morphosyntaxe

Comme nous l’avons mentionné, les difficultés en morphosyntaxe sont au centre de la sémiologie des TDL, dès l’entrée dans la combinatoire qui est fortement retardée (±1;6 ans) (Parisse & Maillart, 2004). Leurs difficultés en morphologie concernent principalement

5 Selon Bishop et al. (2016), les Late talkers sont les enfants avec un stock lexical en production limité à 18-24 mois. Parmi ces enfants, près de la moitié rattraperont leur retard alors que d’autres vont évoluer vers un tableau plus persistant. Une bonne compréhension, un milieu socio-économique stable et l’absence d’historique familial de troubles langagiers sont de bons prédicteurs pour un retour à la norme.

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l’affixation avec les morphèmes grammaticaux de flexion (i.e. l’accord en genre et en nombre, la flexion verbale) et l’omission de mots de classe fermée (Jakubowicz & Tuller, 2008). Les difficultés concernant le pronom clitique objet chez les francophones se révèlent être un marqueur spécifique (Tuller et al., 2011). Les enfants avec TDL ont des déficits marqués en compréhension et en production de structures complexes, qui impliquent des opérations de mouvements syntaxiques ou d’enchâssements. Ils ont également des difficultés à abstraire des structures syntaxiques — surtout pour les constructions complexes (Leroy et al., 2014).

Nous reviendrons sur ces difficultés en syntaxe complexe, car elles sont au centre de notre réflexion.

Discursif et pragmatique

Finalement, les difficultés formelles des TDL sur le plan de la structure du langage ont des répercussions sur leurs compétences discursives et pragmatiques. Notamment, la macro et la microstructure de leur discours seront moins riches, avec des informations spatiotemporelles omises et auront moins de cohésion et de connecteurs (Schelstraete et al., 2011). Les TDL ont une utilisation plus ambigüe des pronoms et produisent des anaphores sans antécédent (de Weck, 2004).

1.2 TDAH

1.2.1 Définition

Le TDAH est un trouble neurodéveloppemental idiopathique qui se caractérise par trois symptômes principaux : l’inattention, l’hyperactivité motrice et l’impulsivité — symptômes dont l’intensité et les présentations sont variables dans le temps et d’un individu à l’autre. En effet, le DSM-5 (2013) retient trois spécifications de présentation : combinaison de symptômes d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité ; prédominance de symptômes d’inattention ; prédominance de symptômes d’hyperactivité-impulsivité. Les critères de persistance des symptômes et l’impact fonctionnel sur les interactions sociales et les milieux scolaire et socioprofessionnel sont centraux pour la pose de diagnostic. Les hétéro- évaluations des comportements de l’enfant, telles que le questionnaire de Conners (2010) peuvent étayer la prise de décision du clinicien (Catale et al., 2014 ; Collett et al., 2003).

Les perturbations sur le plan des FE, notamment de l’inhibition et de la MdT sont soulignées dans la revue de littérature de Wehmeier et al. (2010) où les auteurs rapportent une prévalence du TDAH entre 3 et 7% des enfants en âge scolaire.

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1.2.2 Caractéristiques des difficultés attentionnelles des TDAH

Les symptômes observés durant l’enfance peuvent changer au cours de l’adolescence et à l’âge adulte. Wehmeier et al. (2010) rapportent que les symptômes d’hyperactivité ont tendance à devenir moins saillants au cours du développement, tandis que l’inattention et le dysfonctionnement des FE sont plus à même de persister et d’aggraver le handicap. Dans leur étude, Mirsky et al. (1999) montrent que les enfants TDAH ont des performances déficitaires, comparativement aux DT, lors de l’exécution de tâches évaluant ces différentes composantes.

Les résultats de l’étude de Tsal et al. (2005) soulignent que les TDAH ne constituent pas un groupe homogène ; les fonctions attentionnelles ne seraient pas impactées de la même manière chez tous les enfants. En effet, les enfants rencontrent des difficultés dans l’ensemble des tâches, mais à des degrés différents. Le déficit le plus prononcé pour la majorité de leur échantillon (n = 27) est l’attention soutenue, tandis que les performances mesurant les autres composantes (l’orientation de l’attention, l’attention exécutive et sélective) varient en fonction des enfants.

1.3 Recouvrement de ces deux profils cliniques a priori distincts 1.3.1 Comorbidité

Les deux populations que nous venons de décrire ont a priori des phénotypes comportementaux distincts : les TDAH ont une prédominance de symptômes liés à leurs déficits attentionnels, alors que chez les TDL, les déficits sur différents niveaux linguistiques sont au premier plan.

Cependant, les TDL ont aussi des difficultés dans des domaines non langagiers tels que l’attention et, plus particulièrement, l’attention soutenue (Ebert & Kohnert, 2011 ; Finneran et al., 2009), la MdT (Kapa & Plante, 2015), mais aussi les autres FE (Im‐Bolter et al., 2006) et la vitesse de traitement (Montgomery, 2006). Montgomery et al. (2009) soulignent l’association des déficits en attention soutenue auditive avec les faiblesses en compréhension orale de phrases complexes.

Parallèlement, les enfants TDAH constituent un groupe très hétérogène dont une proportion notable a des difficultés langagières en production orale, en langage écrit et dans les apprentissages. Ils peuvent ainsi présenter un retard dans l’émergence des premiers mots et de la combinatoire (Redmond et al., 2011), ainsi que de moins bonnes performances que leurs pairs sur des tests langagiers standardisés et des difficultés pragmatiques (Geurts et al., 2004 ; Redmond, 2004 ; Redmond et al., 2011). Une méta-analyse récente (Korrel et al., 2017) souligne des déficits langagiers diffus sur les deux versants réceptifs et expressifs.

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Le rôle des différentes composantes de l’attention (Mirsky et al., 1991) dans l’acquisition du langage est souligné dans une méta-analyse d’Ebert et Kohnert (2011). En effet, le focus attentionnel est requis pour sélectionner et différencier les stimuli pertinents et non pertinents de l’input linguistique ; l’attention soutenue est nécessaire pour achever le traitement de cet input ; le shift attentionnel est essentiel pour s’adapter notamment aux alternances d’interlocuteurs ; la fonction encode permet de rendre disponible les informations linguistiques pour un usage ultérieur. Le modèle développemental et intégratif de Garon et al. (2008) place l’attention sélective soutenue comme le fondement sur lequel s’échafaudent la MdT, l’inhibition et la flexibilité. L’attention jouerait un rôle central dans le processus de maturation hiérarchique des FE. Jusqu’à 3 ans les compétences "socles"

nécessaires à l’émergence des FE se développent ; après cette période et jusqu’aux 5-6 ans de l’enfant, la maturation des compétences attentionnelles permet la coordination avec les fonctions supérieures.

Les pourcentages de comorbidité rapportés par Cardy et al. (2010) sont les suivants : 20 à 40% des TDL ont un double diagnostic de TDAH, 40-60% des TDAH ont des déficits langagiers (cf. figure 2). Plusieurs théories explicatives sont retenues pour rendre compte de ce recouvrement entre les profils cliniques, notamment dans le courant neuroconstructiviste, les deux symptomatologies étant le fait de retards neurodéveloppementaux généraux. En effet, des mécanismes de traitement non spécifiques au langage seraient déficitaires (e.g.

temporels, attentionnels, MdT) et seraient la cause sous-jacente aux symptômes linguistiques de différentes pathologies (Bates, 2004). Kapa et Plante (2015) considèrent que les difficultés attentionnelles pourraient être premières et les déficits langagiers une conséquence directe ou encore des symptômes co-occurrents. Il se pourrait également qu’il y ait une interaction réciproque entre les processus langagiers et les processus attentionnels et compétences en MdT. La relation bidirectionnelle attention-langage reste encore à explorer et documenter, nous nous attarderons ci-après aux difficultés morphologiques retrouvées

Figure 2. Diagrammes schématisant : à gauche les deux profils cliniques (TDAH ; TDL), à droite le recouvrement partiel de ces deux populations.

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1.3.2 Difficultés en morphosyntaxe retrouvées chez ces deux populations

Chez les TDAH

La littérature portant sur les compétences en syntaxe des TDAH est assez restreinte. Geurts et al. (2004) ont évalué leurs compétences syntaxiques, grâce aux sous-échelles de syntaxe du questionnaire de Bishop Children’s Communication Checklist CCC (Bishop, 1998). Les auteurs rapportent qu’il n’y a pas de différence quantitative entre les difficultés syntaxiques des enfants TDAH de 5 à 14 ans et celles des DT.

Dans sa thèse, Parigger (2012) utilise la version plus récente du questionnaire CCC–2 (Bishop, 2003) et défend l’idée selon laquelle, chez les enfants de 7-8 ans, les DT ont de meilleures compétences syntaxiques que les TDAH qui sont eux-mêmes meilleurs que les TDL aux sous-échelles de syntaxe.

Redmond (2005) met en avant les difficultés des TDAH (TDL < TDAH < DT) dans les tâches de répétition de phrases actives et passives, mais ces résultats ne sont ensuite pas répliqués (Redmond et al., 2011), les TDAH ayant des performances comparables aux DT (TDL < TDAH = DT). Il en est de même pour leur mesure en morphologie verbale (régulière et irrégulière au passé) où les TDAH se distinguent des TDL, mais ils ont des performances comparables aux DT (TDL < TDAH = DT) (en anglais, (Redmond et al., 2011) ; en néerlandais Parigger (2012)).

Chez les TDL

Comme nous avons pu le mentionner, les TDL ont d’importantes difficultés en morphologie et en syntaxe. Nous nous attarderons ici sur les difficultés en syntaxe complexe chez les TDL.

En effet, diverses études soulignent les difficultés de cette population à traiter les phrases passives [2] (Marinis & Saddy, 2013 ; Montgomery & Evans, 2009), les relatives objet [3]

(Friedmann & Novogrodsky, 2007 ; Novogrodsky & Friedmann, 2006), les phrases avec un pronom clitique objet [4] (Delage & Durrleman, 2018 ; Tuller et al., 2011) et les questions objets antéposées [6 ; 7 ; 8] (Tuller et al., 2013). Ces structures ont toutes en commun le fait qu’elles ne respectent pas l’ordre canonique (SVO) du français et impliquent un ou plusieurs déplacements des constituants, contrairement aux phrases actives [1] ou aux questions objets in situ [5].

[4] Julie la mange <t O>.

S ClitObj V [3] La poire que Julie mange <t O> .

O S V [1] Julie mange une poire.

SAGENT V OTHÈME

[2] La poire est mangée par Julie.

STHÈME V OAGENT

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Dans cette première partie, nous avons présenté nos populations d’intérêt et explicité leurs difficultés, notamment dans le domaine de la morphosyntaxe et de la syntaxe complexe.

Ci-après, nous allons nous focaliser sur une structure spécifique non canonique : la voix passive, qui implique des mouvements syntaxiques complexes et engendre un certain coût cognitif.

[6] *Qui elle pousse <t O> ? antéposition O S V

[7] Qui est-ce qu’elle pousse <t O> ? antéposition + est-ce-que O S V

[8] Qui pousse-t-elle <t v><t O> ? antéposition + inversion sujet-verbe O V S

[5] Audrey pousse qui ? S V O

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[9] mordre (AGENT, PATIENT) 2. La voix passive

Le passage de la voix active à la voix passive présente divers enjeux ; l’un d’eux est le changement au niveau de la correspondance habituelle entre syntaxe et sémantique. Pour la voix active, le Sujet correspond à l’AGENT6 et l’Objet au PATIENT7 ; pour la passive, le Sujet correspond au PATIENT et l’Objet à l’AGENT. C’est donc l’ordre des rôles thématiques qui n’est pas canonique dans la voix passive et non l’ordre des fonctions syntaxiques — qui, quant à lui, reste inchangé (SVO). On peut parler d’un mapping non canonique des rôles thématiques (Bowerman, 1990).

2.1 Entrée lexicale des verbes et grille thématique

Comme nous l’avons mentionné, dans les langues romanes et notamment en français, l’ordre canonique, autrement dit l’ordre de base des fonctions syntaxiques d’une phrase, est SujetAGENT-Verbe-ObjetPATIENT (SVO). La structure syntaxique est projetée du lexique : dans l’entrée lexicale de chaque lexème, il y a des informations qui sont utilisées en syntaxe pour constituer la phrase. Concernant l’entrée lexicale des verbes, la sous-catégorisation du complément nous indique quel complément suivra ou non : dans le cas d’un verbe transitif, un groupe nominal ou prépositionnel ; dans le cas d’un verbe intransitif, aucun complément.

L’entrée lexicale des verbes donne également une information sur les rôles thématiques assignés par le verbe (i.e. prédicat) aux arguments. Un verbe transitif est un prédicat qui a deux arguments : un argument externe (i.e. le sujet) et un argument interne (i.e. le complément). Par exemple, on peut formaliser l’entrée lexicale du verbe mordre [9], qui nous indique que le rôle thématique d’agent sera attribué au sujet et celui de patient au complément.

D’autres rôles thématiques tels que thème, expérimentateur, bénéficiaire ou destinataire existent. Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéresserons aux verbes transitifs actionnels (e.g. pousser, laver, embrasser, peigner…) et aux rôles thématiques agent/patient.

Dans le cas des verbes transitifs actionnels, le rôle thématique de l’argument interne du verbe est généralement PATIENT et celui de l’argument externe AGENT. L’attribution des rôles thématiques par le verbe aux arguments se fait avant tout mouvement syntaxique.

6 AGENT : rôle thématique attribué à un argument, désignant l’auteur d’une action.

7 PATIENT : rôle thématique assigné à un argument au caractère [+ humain] sur lequel porte l’action dénotée par le verbe. THÈME : [– humain].

(22)

[11] [NP1 La maman] [VP peigne [NP2 la petite fille]]

[NP2 La petite fille] est

[

VP peignée <t NP2>

]

par [NP1 la maman] <t VP>

2.2 Passage de la voix active à la voix passive 2.2.1 En production

Principes et paramètres de la Grammaire Universelle

Dans cette théorie développée par Chomsky (1993), il y a deux niveaux de représentation : la structure profonde, où les rôles thématiques sont attribués et la structure de surface qui est la forme résultante après les mouvements syntaxiques. La transformation de la passive est déclenchée par un défaut d’assignation du cas accusatif (Laenzlinger, 2003). Ceci implique le mouvement du syntagme nominalNP28 complément d’objet direct (COD) dans la position de sujet qui est libre, où il reçoit le cas nominatif [10]. Optionnellement, le syntagme nominalNP1

sujet va vers la position d’objet en complément d’agent où il reçoit le cas oblique grâce à la préposition par. Il s’ensuit un changement de l’auxiliaire avoir, au profit de l’auxiliaire être, et des changements morphosyntaxiques au niveau du verbe. L’auxiliaire doit être conjugué au même temps que le verbe de la voix active, le verbe change de mode au profit du participe passé ce qui entraîne un changement du suffixe flexionnel.

Smuggling

Dans les théories plus contemporaines, la construction syntaxique de la phrase s’échafaude petit à petit, en commençant directement au niveau du VP9. Pour certains auteurs (Collins, 2005 ; Snyder & Hyams, 2015), la construction passive est dérivée via un processus appelé Smuggling [11].

Ce processus éviterait la violation de la Minimalité relativisée (Rizzi, 2005) qui indique l’impossibilité pour un argumentNP2 de dépasser un autre argumentNP1 partageant les mêmes caractéristiques [+NP]. L’argumentNP2 monte en sa position haute de sujet, grâce au verbe qui

8 NP : Noun Phrase ou Syntagme Nominal

9 VP : Verbal Phrase ou Syntagme Verbal

[10] [NP1 La maman] [peigne [NP2 la petite fille]]

SujetAGENT V ObjetPATIENT

[NP2 La petite fille] est peignée <t NP2> par [NP1 la maman]

SujetPATIENT V ObjetAGENT

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[12] La fille est poussée par la maman. [13] La fille est poussée.

le transporte "clandestinement". Le déplacement du syntagme verbalVP comme une seule unité — contenant le verbe et son complémentNP2 — permet de contourner l’obstacle que représente le syntagme nominalNP1. Puis, le NP2 se sépare du VP et prend la position de sujet.

Les traces t (ou copies effacées) permettent alors de retrouver le sujet logique (la maman) et l’objet logique (la petite fille) de l’action.

2.2.2 En compréhension

Lorsqu’il s’agit de traiter une phrase de type actionnelle, le premier NP perçu se verra attribué la fonction de Sujet et sera assigné temporairement au rôle d’AGENT. La morphologie du verbe lui indiquera ensuite si cette assignation est adéquate (si c’est une active) ou non (si c’est une passive). Dans le cas d’une active, il suffit de finir le traitement de la phrase en attribuant le rôle de PATIENT au deuxième NP. Dans le cas d’une passive, l’interprétation doit être recommencée et le rôle thématique du Sujet changé en PATIENT. Il faut également créer une trace pour que le lien avec le Sujet soit établi ; enfin, il faut attribuer le rôle d’AGENT au complément.

Marinis et Saddy (2013) décrivent la compréhension on-line en trois étapes : 1) traitement des indices morphosyntaxiques ; 2) seconde analyse du NP ; 3) attribution du rôle thématique au complément — que l’on peut mesurer en temps réel par les temps de réponse (TR). L’interprétation, quant à elle, peut être évaluée par l’exactitude des réponses dans une tâche d’appariement entre une phrase et une image congruente/non congruente et serait ainsi dépendante des compétences en MdT.

2.3 Les différentes formes et types des passives 2.3.1 Passives en être

La forme canonique de la voix passive correspond à être + participe passé. La construction se décline en deux types : la passive "longue" [12], qui comporte un complément d’agent introduit par la préposition par, et la passive "courte" [13], sans complément d’agent.

Pour Desclés et Guentcheva (1993), la passive courte serait la construction de base. Les auteurs s’appuient sur le fait qu’un nombre très important de langues ne comportent pas de passives longues. A contrario, seule une langue austronésienne : l’achinais possède uniquement le type long. De plus, lorsque les deux constructions coexistent, la construction courte serait plus fréquente. La passive longue serait ainsi une expansion de la passive courte,

(24)

[14] Le voleur se fait arrêter (par la police).

où l’on spécifie ou restitue l’agent. Pour Collins (2005), bien que le complément d’agent ne soit pas toujours manifesté sur le plan phonétique, l’agent, le sujet logique de l’action, est bien présent sur le plan syntaxique et sémantique. En d’autres termes, bien que l’agent ne soit pas prononcé, le syntagme nominal est présent dans la structure syntaxique.

2.3.2 Passives en se faire

Il existe une deuxième tournure en se faire + v. infinitif, dite "passive causative réfléchie" [14], qui a une interprétation passive et où l’on peut également spécifier ou non l’agent.

Cette construction, à laquelle on attribue une lecture passive, est le résultat d’un changement au niveau syntaxique (fusion du verbe faire avec la particule se) et d’une réinterprétation sémantique — la particule se n’a plus son rôle réflexif et le verbe faire n’est plus causatif (Le Bellec, 2014). Ces deux éléments ont fusionné et sont devenus transparents sémantiquement — l’ensemble admet une valeur passive qui dérive de la valeur causative initiale10. En anglais, nous retrouvons les be-passives et les get-passives. En italien, les structures sont très semblables au français avec des passives avec essere/venire + p. passé ou si fare + infinitif. À la différence près que la structure en si fare est très peu usitée par les adultes italophones, contrairement aux get-passives utilisées à la fois par les jeunes enfants et les adultes en anglais courant (Guasti, 2016).

2.3.3 Passives réversibles et non réversibles

Il convient de distinguer les passives réversibles des non réversibles. L’interprétation des passives réversibles ne peut pas être guidée par notre expérience du monde, les rôles thématiques étant complétement interchangeables (e.g. La voiture rouge est dépassée par la voiture bleue). Par opposition, pour les passives non réversibles (e.g. La fille est écrasée par le tramway), nos connaissances lexico-sémantiques guident notre interprétation sans qu’une analyse grammaticale soit nécessaire.

2.4 Acquisition de la voix passive

Comme nous l’avons souligné, les passives sont des structures complexes et peu fréquentes dans l’input naturel des enfants anglophones. Des paradigmes de regard préférentiel

10 La valeur causative et la valeur passive coexistent pour les verbes transitifs ; tandis que pour les verbes intransitifs, seule la lecture causative est possible puisqu’il n’y a pas de second actant (ex. Elle se fait bronzer).

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intermodal chez de très jeunes enfants montrent que, dès 17 mois, ils préfèrent regarder l’image congruente correspondant à la phrase active entendue, ce qui n’est pas le cas pour les passives (Franck et al., 2013 ; Hirsh-Pasek & Golinkoff, 1996). Les études classiques (De Villiers et al., 1978 ; Maratsos et al., 1985) suggèrent que ce n’est qu’à partir de 5 ou 6 ans que les enfants ont une maîtrise des passives équivalente à celle de l’adulte.

2.4.1 Dans le développement typique

Des études plus récentes mettent en avant des compétences de compréhension et de production différentes en fonction du type de passives11. Il y a notamment une dissociation au niveau de la maîtrise des passives, en fonction du type de verbe. Dans une tâche d’appariement de passives réversibles avec l’image congruente (choix entre deux images où les rôles thématiques sont inversés), Hirsch et Wexler (2006) mettent en avant une meilleure compréhension des passives actionnelles (e.g. pousser, embrasser) par rapport aux passives psychologiques (e.g. aimer, regarder) chez des enfants de 3 à 5 ans. Ce décalage n’est pas observé entre les actives actionnelles et psychologiques où les enfants plafonnent. Cette étude souligne également une différence entre les passives courtes et les longues. Ainsi, les passives courtes actionnelles seraient maîtrisées avant les longues, dès l’âge de 3 ans, tandis que les passives longues le sont plus tardivement.

Horgan (1978) rapporte une compréhension équivalente des passives courtes et longues à 5 ans. La production des phrases passives longues est également déterminée par le contexte pragmatique. Ainsi, lorsque cela est pragmatiquement adapté (e.g. dans un contexte de production élicitée, ou s’il est pertinent de mettre en emphase le rôle du patient), les enfants sont plus à même de produire des passives longues. Guasti (2016) rapporte que des enfants entre 3-4 ans produisent déjà des passives longues. De plus, en anglais, les enfants préfèrent les get-passives aux be-passives et les produisent plus souvent.

2.4.2 Dans le développement atypique

L’étude de Montgomery et Evans (2009) met en avant les difficultés des TDL anglophones de 6 à 12 ans à comprendre les phrases complexes en comparaison avec des DT appariés en âge, et plus spécifiquement avec les be-passives réversibles longues. Les performances de TDL ne sont pas meilleures que celles des enfants typiques qui sont 4 ans plus jeunes. Les auteurs rapportent des corrélations entre les tâches en MdT et les épreuves de syntaxe complexe. Ils

11 À noter : les résultats issus de la recherche sont également conditionnés par les paradigmes expérimentaux utilisés, certains résultats pourraient être fortement impactés par le type de tâche.

(26)

privilégient l’hypothèse selon laquelle les compétences en MdT sont sous-jacentes à celles en syntaxe. Les auteurs rapportent que dans d’autres études, les enfants TDL n’ont pas de difficultés à comprendre les passives non réversibles ; ils utiliseraient l’indiçage pragmatique. Ils auraient également moins de difficultés à comprendre les passives courtes, bien que les passives courtes soient également non canoniques, les TDL adopteraient alors une compréhension adjectivale. Ainsi, dans la phrase “La fille est coiffée”, le participe passé coiffée peut avoir une valeur adjectivale et être compris comme une description de l’état dans lequel se trouve la fille (Van der Lely, 1996).

Marinis et Saddy (2013) comparent les performances de TDL anglophones entre 6 et 7 ans avec des DT appariés en âge bilingues et monolingues. Ils montrent la difficulté des TDL à effectuer l’analyse des rôles thématiques lors de tâches on-line avec un impact sur les TR, pour les passives réversibles et en partie pour les actives réversibles. Les TDL ont une vitesse de traitement plus lente que les DT. Les auteurs montrent également la difficulté des TDL à interpréter correctement les passives longues, possiblement à cause de leurs limitations en MdT.

Quelques études se sont intéressées aux compétences de TSA francophones en syntaxe complexe (Durrleman & Delage, 2016), et notamment à leur compréhension des passives psychologiques qui n’admettent pas une interprétation adjectivale (e.g. La fille est adorée) (Durrleman et al., 2017). Les auteures montrent que les TSA ont plus de difficultés avec les passives psychologiques qu’avec les passives actionnelles et ont des performances moins bonnes que les DT appariés en âge.

2.4.3 Hypothèses explicatives pour le retard d’acquisition des passives

Les études en italien de Belletti et Manetti (2019) montrent une préférence pour l’usage de la structure en si fare chez les jeunes enfants contrairement à l’input adulte qu’ils reçoivent

— les adultes italophones produisant majoritairement des passives en essere/venire, ce qui dénote une certaine créativité dans les productions des enfants (Belletti, 2017a). Les auteures avancent que les opérations syntaxiques nécessaires pour générer la passive en se faire en italien seraient plus facilement accessibles pour des enfants au système grammatical en développement.

Pour Snyder et Hyams (2015), il y aurait deux étapes dans le développement pour la maturation de la maîtrise des passives, une première étape autour des 4 ans qui concerne les passives actionnelles, longues ou courtes ; une deuxième étape autour des 6-7 ans où les

(27)

passives non actionnelles sont également maîtrisées. Guasti (2016) suppose que la chronologie dans les langues romanes, dont le français, est équivalente.

L’hypothèse de Snyder et Hyams (2015) est que l’absence de maîtrise des passives avant 4 ans serait due à l’incapacité de réaliser les mouvements syntaxiques par Smuggling.

L’immaturité des processus syntaxiques des jeunes enfants les empêche de contourner le Freezing Principle : ils ne parviennent pas à extraire le NP2 qui a été déplacé avec le VP, lors de l’ascension du COD en position de sujet. Ils ne peuvent dès lors pas utiliser la même stratégie que les adultes. Les auteurs parlent d’un Universal Freezing Hipothesis. Les observations concernant l’émergence plus précoce des get-passives en anglais et des passives en si fare en italien laissent penser que ces structures ne requièrent pas de Smuggling pour l’ascension du NP2 en position de sujet (Belletti, 2017b ; Borga & Snyder, 2018), raison pour laquelle la structure en se faire serait maitrisée plus précocement. Nous pouvons nous interroger sur la nature du changement qui permet aux enfants de passer d’une application restrictive et immature du Freezing Principle, bloquant la production des passives en être, à l’application mature et équivalente des adultes. Borga et Snyder (2018) évoquent la possibilité que la dérivation de structures par Smuggling serait une exigence trop importante sur les ressources computationnelles de l’enfant.

Pour certains auteurs (Friedmann & Novogrodsky, 2007 ; Novogrodsky & Friedmann, 2006), les difficultés en syntaxe des TDL se situeraient au niveau de l’attribution des rôles sémantiques. Leurs assignations seraient purement linéaires et figées, ce qui n’est pas compatible avec les phrases à ordre non canonique. Il en va de même pour les plus jeunes enfants typiques, qui assignent le rôle de "celui qui fait" au syntagme nominal précédant le verbe (i.e. le sujet) et de "celui qui subit" au syntagme nominal suivant le verbe (i.e. l’objet) (Deen, 2011). Ce serait également pour cela que le traitement des passives courtes serait plus simple, il n’y aurait pas la difficulté supplémentaire d’attribuer le rôle d’agent au complément.

Enfin, les difficultés de traitement des phrases passives chez les jeunes DT et chez les populations cliniques peuvent se comprendre dans le cadre théorique proposé par Jakubowicz (2003, 2005, 2011). Les limitations d’une MdT immature ne permettraient pas aux enfants de réaliser les opérations computationnelles nécessaires à la production des passives.

Dans la section suivante, nous présenterons les études d’amorçage syntaxique et attentionnel visant la production de passives. En effet, dans la mesure où les passives sont non seulement rares dans l’input des enfants, mais aussi dans leurs productions spontanées, il est pertinent d’étudier la production de ces structures dans un contexte élicité.

(28)

3. Études d’amorçage en production

3.1 Modèle de production de la parole

L’étude des mécanismes cognitifs recrutés pour la production de la parole a donné lieu à des modèles divergents, notamment au niveau du décours temporel des processus et en ce qui a trait à la sérialité ou l’interactivité entre les niveaux. Nous nous baserons sur le modèle classique de Bock et Levelt (1994) composé d’étapes successives unidirectionnelles (cf.

figure 3) : la préparation conceptuelle du message non linguistique ; la formulation du message via la sélection lexicale avec 1) l’encodage grammatical et 2) l’encodage phonologique ; suivi de l’encodage phonétique qui permet l’articulation du message (non représenté dans le schéma).

Il convient de préciser que l’encodage grammatical peut être envisagé à deux niveaux (Garrett, 1975 ; Levelt, 1993). Premièrement le niveau fonctionnel où les mots lexicaux (noms, adjectifs, verbes) sont sélectionnés pour exprimer le contenu conceptuel et où les fonctions grammaticales sont attribuées. Deuxièmement, le niveau positionnel qui génère la structure syntaxique avec les mots fonctionnels déjà inclus (articles, prépositions, pronoms) ainsi que les morphèmes grammaticaux, suivi d’une linéarisation des mots lexicaux qui sont insérés dans ce cadre.

Les études sur les erreurs de productions syntaxiques chez des adultes sains (Bock &

Levelt, 1994) valident l’existence de ces deux niveaux avec, d’un côté, des substitutions

Figure 3. Schéma adapté et traduit librement du modèle de production de phrases de Bock et Levelt (1994).

(29)

sémantiques ou des inversions au niveau des fonctions grammaticales et, de l’autre, des erreurs de "standing" où l’ordre des mots n’est pas en adéquation avec les morphèmes flexionnels déjà en place.

Chez des sujets cérébrolésés, des dissociations sont observées avec un niveau qui est préservé et l’autre atteint, il est intéressant de souligner les troubles de "mapping" (Saffran et al., 1980) dans lesquels il y a une mauvaise attribution des rôles thématiques dans les phrases réversibles ou non canoniques. L’origine du trouble se situerait au niveau fonctionnel où l’assignation des rôles aux éléments de syntaxe serait atteinte.

Enfin, l’effet d’un amorçage syntaxique sur la production de phrases se situerait au niveau de l’encodage grammatical (Poletti et al., 2012) ; certaines études le placent plutôt au niveau positionnel (Hartsuiker & Westernberg, 2000 ; Fouilloux et al., 2007, cité par Poletti et al., 2012), tandis que d’autres études de Bock, Loebell, & Morey (1992, cité par Poletti et al., 2012) envisagent un effet additif sur les deux niveaux.

3.2 Amorçage syntaxique

L’amorçage syntaxique ou priming structurel est un type de tâche qui vise à inciter le participant à produire une structure syntaxique donnée. Lors de l’encodage grammatical, le locuteur doit faire un choix entre différentes structures possibles. La présentation d’une structure précise (i.e. donner un modèle) influencerait les productions ultérieures des locuteurs ; de cette manière, la production de structures cibles peu fréquentes est facilitée.

3.2.1. Études chez les adultes

Les études princeps effectuées chez des adultes sains (Bock et al., 1992) ont mis en avant l’effet de l’amorçage syntaxique avec une augmentation de la probabilité de produire une certaine structure lors d’une description d’image, si le participant l’a entendue et répétée lors de la phase d’entraînement préalable. Des travaux ultérieurs, notamment ceux de Branigan et al. (2000), ont démontré que la répétition de la structure amorcée n’était pas nécessaire pour observer un effet de priming. Les adultes ont, bien entendu, des représentations syntaxiques déjà élaborées qui guident leurs productions. Ainsi, reproduire l’effet d’amorçage syntaxique chez des enfants permettrait de savoir à quel moment de leur développement ils parviennent à abstraire des structures syntaxiques.

(30)

3.2.2. Études chez les enfants typiques

Huttenlocher et al. (2004) ont mené trois études chez des enfants DT anglophones de 4 à 5 ans ; les tâches consistaient à décrire une image après un amorçage préalable. Les auteurs ont contrôlé tout d’abord la fréquence des structures cibles (notamment les be-passives) dans le discours spontané de ces enfants où les formes passives étaient peu présentes.

Dans leur première étude, ils ont démontré la possibilité d’augmenter la production ultérieure de la structure amorcée grâce à la répétition de l’amorce. Dans leur deuxième étude, ils mettent en avant l’effet de l’amorçage syntaxique sans répétition. Ils démontrent ainsi que l’effet est équivalent avec ou sans la répétition et il apparaît que le fait de

"préactiver" une structure, en donnant simplement un modèle, est suffisant pour éliciter la production de la structure cible. Dans leur troisième étude, les expérimentateurs amorcent une structure en décrivant 10 images, puis font passer un bloc de 10 items aux enfants, sans réamorcer la structure entre les items. Les auteurs observent que l’effet ne diminue pas et persiste jusqu’à la fin du bloc. Dans l’ensemble des épreuves, le chevauchement lexical entre l’amorce et la cible est faible, ce qui met en évidence une capacité d’abstraction de la structure syntaxique avec différents items lexicaux chez de jeunes enfants.

Pour Messenger et al. (2012), un effet de priming syntaxique est observé dès 3-4 ans.

Tandis que dans une autre étude (Savage et al., 2003), des enfants du même âge sont sensibles à l’amorçage uniquement s’il y a un recouvrement lexical important entre l’amorce et la cible.

À la lumière de ces études, il convient de souligner, premièrement, que l’effet de priming syntaxique ne dépend pas de la répétition d’une structure, mais de sa compréhension et, deuxièmement, que cette compréhension active une représentation abstraite qui facilite la production dès 3-4 ans. Les travaux susmentionnés se sont focalisés sur des amorçages syntaxiques de type "modelage" avec ou sans répétition de l’amorce.

Dans leurs études en italien, (Belletti & Manetti, 2019 ; Manetti, 2017), des auteures ont recours à un type d’amorçage syntaxique différent, dans la mesure où elles amorcent expérimentalement un contexte facilitant la production d’une structure cible, en posant une question (soit neutre, soit dirigée sur l’agent, soit sur le patient). Ainsi, en posant une question ciblée sur l’agent de type « Que fait XAGENT? » ou sur le patient « Qu’est-ce qui arrive à XPATIENT ? », les auteures créent un contexte de production élicité (cf. figure 4).

(31)

La réponse attendue, suite à la question-amorce dans la condition XAGENT, est une phrase active de type (SAGENT)-V-OPATIENT12. Les résultats de Manetti (2017) chez des adultes et des enfants italophones (âgés de 4 à 9 ans) vont en effet dans ce sens : les enfants produisent des actives V-OPATIENT où le sujet est omis [15]. Certains jeunes enfants ont produit des réponses où l’objet était sous forme de pronom clitique (e.g. le lèche), ce qui est peu informatif et apragmatique puisque le référent ciblé est l’agent.

[15] XAGENT ? Q : “Che cosa fa la mucca ?” Que fait la vache ? R : "(La mucca) lecca il re." pro lèche le roi.

À la suite d’une question-amorce de la condition XPATIENT,plusieurs productions sont attendues : une phrase passive de type (SPATIENT)VOAGENT ou une phrase active avec un pronom clitiqueObjet, soit avec l’objet exprimé lexicalement OPATIENT-SAGENT-ClitObj-V (Clitic left Dislocation en anglais, et en français DCG), soit sans SAGENT-ClitObj-V. [16].

[16] XPATIENT ? Q : “Che cosa succede al rei ?” Qu’est-ce qui arrive au roi ? R : "(Il re) è leccato dalla mucca." pro est léché par la vache.

ou R : "Il re, la mucca lo lecca." Le roi, la vache le lèche.

ou R : "La mucca lo lecca." La vache le lèche.

Le choix de la structure est différent en fonction du groupe. Les enfants italophones vont privilégier massivement les formes avec un pronom clitique objet (la forme SAGENT-ClitObj-V), mais aussi quelques DCG et DCD où l’objet est exprimé lexicalement. A contrario, les adultes vont adopter la voix passive avec un sujet nul. Dans des analyses plus fines, l’auteure met en avant une dimension développementale avec un usage progressif de la voix passive. En effet, le groupe d’enfants de 9 ans (groupe le plus âgé) produit significativement plus de phrases passives que le groupe préscolaire avec des enfants âgés de 4;2 à 5;11. Toutefois, les enfants

12L’italien étant une langue sujet nul, nous avons mis le S entre parenthèses. En effet, la réitération du sujet est possible, mais l’option la plus appropriée sur le plan pragmatique en italien serait d’omettre le sujet lors de la réponse aux questions dirigées (Manetti, 2017 ; Rizzi, 2005), sans quoi la réponse serait redondante. A contrario, le français exige l’expression lexicale du sujet soit par un groupe nominal (ce qui est redondant), soit préférentiellement par un pronom personnel sujet.

Figure 4. Item expérimental issu du protocole utilisé par (Manetti, 2017)

(32)

(même les plus âgés) produisent moins de passives que les adultes. Les auteures relèvent l’émergence de la structure passive dès l’âge de 5 ans, mais soulignent l’évitement de cette structure au profit d’une autre également appropriée dans le même contexte.

Enfin, dans les conclusions des différentes études de l’article de Belletti et Manetti (2019), le type de passives produites est analysé. Ainsi, lors des rares fois où les enfants produisent des passives (à l’exception d’une occurrence), il s’agit exclusivement de passives en si fare — contrairement aux adultes qui produisent essentiellement des passives en essere/venire.

Pour Snyder et Hyams (2015), le contexte discursif attribue une propriété spécifique au référent amorcé [+Topic]. Cela peut permettre aux jeunes enfants, trop immatures pour utiliser le Smuggling, de déplacer l’objet [NP2] dans une position de sujet et de générer une passive sans violer la Minimalité relativisée. Le [NP2]possède ainsi une caractéristique qui le différencie du [NP1], ce qui lui permet de contourner le [NP1] et de monter en position de sujet.

3.2.3 Études chez les enfants atypiques

Garraffa et al. (2018) reprennent le matériel expérimental de Manetti (2017) et amorcent soit une structure active, soit une structure passive en décrivant une image et donnant le modèle aux enfants. Il y a deux conditions : soit la cible suit immédiatement l’amorce, soit elle est différée avec deux items distracteurs entre l’amorce et la cible. Leurs résultats mettent en avant un effet d’amorçage avec une proportion de passives augmentée après un amorçage d’une passive (par rapport à un amorçage d’actives) chez leurs trois groupes expérimentaux TDL, DTappariés en âge,DT appariés sur le niveau de grammaire réceptive. Cependant, les TDL de 5-6 ans montrent un effet d’amorçage réduit (i.e. ils sont moins à même de produire une passive après un amorçage de cette structure) que les DT//âge. En comparant la condition amorce-cible immédiate vs différée, les auteurs interprètent que les TDL sont moins sensibles aux caractéristiques syntaxiques de l’input que leurs pairs du même âge. Ils auraient un apprentissage implicite initial réduit qui a un impact sur l’effet d’amorçage après deux items distracteurs, et non pas une vitesse de dégradation plus importante que les DT.

C’est parce que l’amorçage initial est peu robuste que l’effet d’amorçage s’est désintégré après les distracteurs. A contrario, les DT ont davantage tiré parti de l’effet d’amorçage initial, qui a ainsi perduré après les distracteurs. Les TDL ne diffèrent pas significativement du groupe DT//g. réceptive, ni sur le plan de leur sensibilité à l’amorce, ni sur la vitesse de dégradation de l’effet d’amorçage. Enfin, il n’y a pas d’effet cumulatif de l’amorçage : les

(33)

enfants (ni les DT, ni les TDL) n’ont pas davantage produit de passives avec l’augmentation d’expositions aux amorces tout au long de l’expérience.

En résumé, l’amorçage syntaxique permet effectivement d’influencer le choix de la structure syntaxique produite ultérieurement par les enfants. Les enfants sont plus à même de produire des passives dans un contexte élicité. Les TDL seraient moins sensibles à l’amorçage que leurs pairs du même âge. Nous n’avons pas trouvé d’études comparables avec la population TDAH.

3.3 Amorçage attentionnel

L’amorçage attentionnel est un type de paradigme qui vise à manipuler l’accès aux informations à traiter. Plus spécifiquement, dans une tâche de description d’image, un indiçage peut attirer le focus attentionnel visuel sur un des référents et avoir un effet sur l’accès au lemma correspondant et sur la sélection de la structure syntaxique. Le référent le plus accessible se verrait assigné à la fonction grammaticale de Sujet. Ainsi, selon l’hypothèse dite du point de départ (Tomlin, 1995), un amorçage de l’agent d’une action favoriserait le choix d’une phrase active et un amorçage du patient celui d’une passive (cf. figure 5).

3.3.1 Études chez les adultes

L’étude de Tomlin (1995) utilisant Le film du poisson a confirmé cette hypothèse :les participants vont produire plus d’actives, lorsque l’agent est amorcé, et plus de passives, lorsque le patient est amorcé. Cependant, la méthodologie de cette étude a été fortement critiquée. Gleitman et al. (2007) ont cherché à répliquer ces résultats, de manière plus fiable, avec une tâche de description d’images précédée d’un indiçage subliminal (60-75 ms) et

Figure 5. Schéma de la relation entre le focus attentionnel et le choix structurel en fonction du référent amorcé issu de Ibbotson et al. (2013).

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