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Article pp.136-137 du Vol.1 n°2 (2011)

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CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Intubation difficile préhospitalière compliquée d ’ une rupture trachéale

Difficult prehospital intubation complicated with tracheal rupture

M. Danguy des Déserts · D. Commandeur · D. Fourel

Reçu le 14 octobre 2010 ; accepté le 22 janvier 2011

© SFMU et Springer-Verlag France 2011

Introduction

Les complications de l’intubation trachéale réalisée en urgence hors de l’hôpital sont connues et parfois graves [1]. Nous rapportons un cas de rupture trachéale survenue au décours d’une intubation préhospitalière difficile durant laquelle un mandrin long béquillé (aussi appelé mandrin d’Eschmann) a été utilisé.

Description du cas

Une patiente de 74 ans, pesant 71 kg pour 1,45 m, était prise en charge à domicile par le Smur pour intoxication médica- menteuse volontaire. Ses antécédents comprenaient un syndrome anxiodépressif et une hypertension artérielle. Son traitement médical ne comportait pas de corticothérapie au long cours. Elle était découverte inconsciente à domicile avec un score de Glasgow à 3, une fréquence cardiaque à 100/minute, une tension artérielle à 85/50 mmHg, une satu- ration pulsée en oxygène (SpO2) à 85 % en air ambiant, bradypnéique. Deux boîtes vides de méprobamate jonchaient le sol (dose possible ingérée de 24 g de méprobamate).

L’intubation de la trachée se justifiait par la nécessité de protéger les voies aériennes d’une régurgitation, le besoin de ventilation et l’éloignement d’un service d’accueil des urgences. Après oxygénation et ventilation au masque, mise en place d’un abord veineux, les manœuvres d’intubation trachéale débutaient par l’injection intraveineuse de 20 mg d’étomidate et 70 mg de succinylcholine. L’exposition glot- tique était difficile, plusieurs laryngoscopies montraient un grade IV de Cormack. Trois tentatives d’introduction d’une sonde d’intubation de diamètre no7 étaient vaines, sans intu- bationœsophagienne. Entre chaque tentative, oxygénation et ventilation étaient poursuivies pour maintenir une SpO2

toujours supérieure à 92 %. La trachée était intubée à l’aide d’un mandrin long béquillé avec succès au premier essai, sans sensations anormales lors de son cheminement ni de mouve- ments brusques. La sonde trachéale était dirigée sans diffi- culté sur le mandrin que l’on retirait, puis le ballonnet de la sonde était gonflé à l’air, sans contrôle de la pression générée.

L’auscultation pulmonaire était symétrique. La durée de la procédure était estimée entre 15 et 20 minutes. Il n’y a pas eu de seconde injection d’étomidate ni de succinylcholine, mais une sédation intraveineuse associant midazolam et sufentanil qui était poursuivie pendant le transport. Durant cette période d’environ une heure, il n’était pas observé de signes de réveil, de mouvements intempestifs, de toux ni d’épisodes de désaturation. À l’admission en réanimation, l’examen clinique montrait une distance thyromentonnière à 55 mm, une raideur de nuque et la présence d’un emphysème sous-cutané sus-claviculaire et cervical. L’auscultation pul- monaire était asymétrique. Une radiographie thoracique révé- lait une atélectasie du poumon gauche et la position sélective de la sonde d’intubation dans la bronche souche droite, repla- cée sous contrôle endoscopique. Dans les heures suivantes apparaissait un emphysème sous-cutané cervical, thoracique et abdominal. Une tomodensitométrie montrait un pneumo- médiastin, un pneumothorax droit et un emphysème sous- cutané (Fig. 1). Une nouvelle fibroscopie bronchique confir- mait une plaie postérolatérale droite de la membraneuse tra- chéale. La plaie trachéale située à 5 mm au-dessus de la carène et s’étendant sur 3 cm était suturée lors d’une thora- cotomie droite. L’évolution était favorable, avec une sortie du service de réanimation deux mois plus tard. La patiente était réadmise trois semaines après pour insuffisance respiratoire aiguë. L’intubation trachéale était réalisée sans difficulté.

Discussion

L’intubation en urgence est à haut risque de complications, survenant dans 20 à 35 % des cas [1]. Chaque structure d’intervention doit disposer, en 2010, d’un algorithme de prise en charge de l’intubation difficile construit à la lueur des recommandations actualisées. L’analyse de ce cas

M. Danguy des Déserts (*) · D. Commandeur · D. Fourel Fédération anesthésie–réanimation, urgences,

hôpital d’instruction des Armées, Clermont-Tonnerre, F-29200 Brest, France

e-mail : marc.danguy@gmail.com Ann. Fr. Med. Urgence (2011) 1:136-137 DOI 10.1007/s13341-011-0040-5

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

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clinique amène plusieurs commentaires sur la prise en charge qui s’est écartée des règles de bonne pratique : pas d’évalua- tion, anesthésie probablement insuffisante, nombre de laryn- goscopies trop important. Le geste d’intubation doit être parfaitement maîtrisé dans une séquence organisée en trois temps [2,3]. Le temps précédant l’intubation comprend une préparation et une vérification du matériel recommandé, en particulier la lame du laryngoscope qui doit être en métal [4], la mise en place d’un accès veineux et d’un monitorage, une évaluation des critères d’intubation difficile et une pré- oxygénation [2]. Le médecin doit impérativement connaître et rechercher ces critères avant de réaliser le geste. Certes, il est reconnu qu’en urgence les critères prédictifs classiques sont difficiles à retrouver, mais s’ils sont présents, ceux-ci doivent attirer l’attention. Puisque l’intubation n’a pas été détectée comme difficile dans l’observation décrite, alors qu’elle l’était réellement, on peut concevoir que les critères prédictifs utilisés dans l’algorithme ne sont pas assez sensibles et qu’il faudrait les modifier. Dans le cas présent, il est possible que l’algorithme n’ait pas été suivi par les opérateurs, cet écart devenant en partie responsable des complications observées par la suite (pourquoi réaliser trois laryngoscopies avant de recourir au long mandrin béquillé ?). Il est possible enfin qu’il n’y ait pas eu de procédure écrite dans la structure d’inter- vention préhospitalière, et dans ce cas, l’événement doit deve- nir l’occasion d’en mettre une en place. Le temps de l’intubation comprend une sédation et une curarisation utilisant des substances recommandées, le maintien d’une pression cricoïdienne en l’absence de contre-indication, la réalisation de l’intubation, la vérification de la position de la sonde d’intubation par auscultation et capnographie et la véri- fication de la pression du ballonnet [2,3]. Si des signes de réveil apparaissent au cours de laryngoscopies qui se prolon- gent, il faut approfondir l’anesthésie, car les stimulations dou-

loureuses ont pour effet d’altérer les conditions d’exposition glottique. Le temps qui suit l’intubation comprend également un impératif de sédation intraveineuse afin d’éviter les phéno- mènes de toux et de mobilisation de la sonde [3]. Il faut véri- fier par auscultation la position de la sonde d’intubation à chaque changement de position du patient. L’observation que nous rapportons est une complication rare mais grave dont les facteurs favorisants ont pu être le caractère difficile de l’intubation, l’absence de monitorage de la pression du ballonnet, le caractère sélectif de la sonde d’intubation. Un autre facteur de risque important est le sexe féminin (80 % des cas rapportés) [5]. Même si un lien de cause à effet est impossible à établir de manière formelle entre la rupture tra- chéale observée et le manquement à certaines bonnes prati- ques cliniques, l’analyse de notre observation doit inciter à suivre les recommandations concernant l’intubation trachéale en situation d’urgence. L’imputabilité du mandrin long béquillé est peu probable ici de par l’absence de difficulté d’utilisation et la localisation de la lésion. Le mandrin long béquillé a des caractéristiques mécaniques peu traumatisantes [6,7], est facile d’utilisation avec un taux de succès variant de 75 à 94 % selon la présence de critères d’intubation difficile [6]. Il fait partie des algorithmes de l’intubation difficile pré- hospitalière [2]. La rupture trachéale est une complication rare de l’intubation en urgence. L’observation d’un emphysème sous-cutané cervical ou thoracique dans les suites d’une intu- bation doit faire suspecter cette complication. Les facteurs favorisants de cette complication se doivent d’être contrôlés lors d’une intubation en situation d’urgence.

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

Références

1. Jung B, Chanques G, Sebbane M, et al (2008) Les modalités de l’intubation en urgence et ses complications. Réanimation 18:753–60 2. Langeron O, Bourgain JL, Laccoureye O, et al (2008) Stratégies et algorithmes de prise en charge d’une difficulté de contrôle des voies aériennes. Conférence d’experts de la Société française d’anesthésie et de réanimation. Ann Fr Anesth Reanim 27:41–5 3. Vivien B, Adnet F, Bounes V, et al (2010) Recommandations for-

malisées d’experts. Sédation et analgésie en structure d’urgence.

Société française d’anesthésie et de réanimation. Société française de médecine d’urgence. Ann Fr Anesth Reanim 29:934–49 4. Amour J, Marmion F, Birenbaum A, et al (2006) Comparison of

plastic single-use and metal reusable laryngoscope blades for oro- tracheal intubation during rapid sequence induction of anesthesia.

Anesthesiology 104:60–4

5. Chen EH, Logman ZM, Glass PS, et al (2001) A case of tracheal injury after emergent endotracheal intubation: a review of the lite- rature and causalities. Anesth Analg 93:1270–1

6. Jabre P, Combes X, Leroux B, et al (2005) Use of gum elastic bou- gie for prehospital difficult intubation. Am J Emerg Med 23:552–5 7. Detave M, Shiniara M, Leborgne JM (2008) Utilisation d’un man- drin dEischmann dans lintubation orotrachéale difficile. Évalua- tion d’une pratique professionnelle sur huit ans. Ann Fr Anesth Reanim 27:154–7

Fig. 1 Tomodensitométrie thoracique montrant un pneumothorax droit (*), un pneumomédiastin (#), un emphysème sous-cutané (¤)

Ann. Fr. Med. Urgence (2011) 1:136-137 137

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