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Le droit d'exposition des œuvres graphiques et plastiques

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Academic year: 2021

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Le droit d’exposition des œuvres graphiques et plastiques

Philippe Mouron

To cite this version:

Philippe Mouron. Le droit d’exposition des œuvres graphiques et plastiques. Droit. Aix-Marseille Université (AMU), 2011. Français. �tel-01482093�

(2)

UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE – AIX-MARSEILLE III

ÉCOLE DOCTORALE DE SCIENCES JURIDIQUE ET POLITIQUE FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D

AIX

-

MARSEILLE

LE DROIT D’EXPOSITION DES ŒUVRES

GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

Thèse pour le doctorat en droit privé présentée et soutenue par P HILIPPE MOURON

J

URY

M. J

EAN

-M

ICHEL

BRUGUIÈRE

Professeur à l’Université Pierre Mendès France - Grenoble II M. F

RÉDÉRIC

POLLAUD-DULIAN

Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne - Paris I M. A

NTOINE

LATREILLE

Professeur à l’Université Paris-Sud XI M. E

MMANUEL

PUTMAN

Professeur à l’Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III M. H

ERVÉ

ISAR

Professeur à l’Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Directeur de recherches

Aix-en-Provence – 10 décembre 2011

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UNIVERSITÉ PAUL CÉZANNE – AIX-MARSEILLE III

ÉCOLE DOCTORALE DE SCIENCES JURIDIQUE ET POLITIQUE FACULTÉ DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D

AIX

-

MARSEILLE

LE DROIT D’EXPOSITION DES ŒUVRES

GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

Thèse pour le doctorat en droit privé présentée et soutenue par P HILIPPE MOURON

J

URY

M. J

EAN

-M

ICHEL

BRUGUIÈRE

Professeur à l’Université Pierre Mendès France - Grenoble II M. F

RÉDÉRIC

POLLAUD-DULIAN

Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne - Paris I M. A

NTOINE

LATREILLE

Professeur à l’Université Paris-Sud XI M. E

MMANUEL

PUTMAN

Professeur à l’Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III M. H

ERVÉ

ISAR

Professeur à l’Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, Directeur de recherches

Aix-en-Provence – 10 décembre 2011

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(8)

L’université n’entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans cette thèse.

Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

(9)
(10)

à mon grand-père, Armand François.

(11)
(12)

R EMERCIEMENTS

J’exprime ma plus profonde gratitude envers celles et ceux qui m’ont aidé à accomplir ce travail, que ce soit par leurs avis et conseils, par leur soutien renouvelé ou par leur amour sincère.

Je tiens à remercier en premier lieu Monsieur le Professeur Hervé Isar, qui a dirigé cette thèse. En assurant un suivi régulier de l’avancement des travaux, il m’a obligé à tenir les échéances que nous nous étions fixées tout en assurant une présence bienveillante pendant leur déroulement. En m’imposant de sérieuses exigences, il m’a aidé à présenter plus clairement mon raisonnement. En me laissant exprimer ma pensée librement, il m’a permis d’œuvrer en totale indépendance.

Ces remerciements sont aussi adressés à mes parents, mon frère et ma belle-sœur, pour leurs encouragements constamment renouvelés. Je remercie Olga pour sa patience et sa présence pendant ces longs moments. Un salut va à mes chers amis Cédric, Paul et Pierrick, pour l’attention qu’ils m’ont portée pendant cette épreuve.

Je remercie vivement Monsieur le Professeur Emmanuel Putman, pour ses nombreux conseils, son soutien et son écoute, ainsi que les membres de l’équipe pédagogique du LID2MS, plus particulièrement Messieurs les Professeurs Jacques Audier et Jean Frayssinet, ainsi que Madame Alexandra Touboul, maître de conférences, pour nos fructueuses discussions. Je ne saurais être complet sans remercier Madame Catherine Bouchet, secrétaire du LID2MS, pour sa disponibilité et son efficacité, ainsi que mes prédécesseurs, Monsieur Boris Khalvadjian, avocat et maître de conférences, et Monsieur Marcel Moritz, maître de conférences à l’Université de Lille II. Leurs conseils de docteurs en droit m’ont aidé à avancer plus sereinement dans ce travail en évitant certains écueils. Enfin, je salue tous les docteurs et doctorants du laboratoire, spécialement Ann-Maël, Isabelle, Nicoletta, Benjamin, Jean et Willy, et leur souhaite le meilleur pour la suite.

Je remercie également Monsieur le Professeur Michel Vivant d’avoir bien voulu

m’accorder un entretien. J’adresse mes ultimes remerciements aux professionnels avec

lesquels j’ai pu échanger sur le sujet ici traité. Sans être exhaustif, je salue particulièrement

Madame Rodia Bayginot, artiste, Madame Marie-Françoise Borel, chargée de mission à la

direction du patrimoine de la commune d’Aix-en-Provence, Madame Agnès Defaux, juriste à

la SAIF, Madame Marie-Anne Ferry-Fall, directrice du service juridique de l’ADAGP,

Madame Delphine Paul, coordinatrice de la FRAAP, Monsieur Bruno Ely, conservateur du

Musée Granet – Aix-en-Provence, Monsieur Jérôme Glicenstein, Maître de conférences en

Arts plastiques à l’Université de Paris VIII, Monsieur Serge Kancel, Inspecteur général au

Ministère de la Culture et de la Communication, Monsieur Guillaume Lanneau, graphiste et

président du SNAP, Monsieur Christophe Le François, artiste et directeur du CAAP.

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(14)

« La vie est rapide, l’art lent, l’occasion farouche, la pratique trompeuse et le jugement partial »

Johann Heinrich Füssli,

Aphorismes, principalement relatifs aux beaux arts

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(16)

T ABLE DES ABRÉVIATIONS

ADAGP société des Auteurs Dans les Arts Graphiques et Plastiques

AFDI Annuaire Français de Droit International

AJDA Actualité Juridique - Droit Administratif

AJPI Actualité Juridique - Propriété Immobilière

Ann. Annales de la propriété industrielle, littéraire et artistique Arch. Phil. Droit Archives de Philosophie du Droit

Bull. Civ. Bulletin des Chambres Civiles de la Cour de Cassation Bull. Droit d’auteur Bulletin du Droit d’auteur

CA Cour d’Appel

CAA Cour Administrative d’Appel

CARCC Canadian Artists Representation Copyright Collective

CARFAC Canadian Artists’ Representation / Front des Artistes Canadiens

C. Cass. Cour de Cassation

Cardozo Arts & Ent. L. J. Cardozo Arts & Entertainment Law Journal

CDA Cahiers du Droit d’Auteur

CE Conseil d’Etat

CE Ass. Conseil d’Etat – Assemblée

CEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme

CJUE Cour de Justice de l’Union Européenne

Ch. Chambre

Ch. Civ. Chambre Civile

Ch. Com. Chambre Commerciale

Ch. Corr. Chambre Correctionnelle

CCE Communication Commerce Electronique

Copyright L. Symp. Copyright Law Symposium Cornell L. Rev. Cornell Law Review

CPI Cahiers de Propriété Intellectuelle

CPI Code de la Propriété Intellectuelle

D. Recueil Dalloz

DA Droit Administratif

DH Dalloz Hebdomadaire

DP Dalloz Périodique

Droit et Pat. Droit et Patrimoine

Ent. & Sports L.J. Entertainment & Sports Law Journal

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Geo. Wash. L. Rev. George Washington Law Review

Hastings Comm. & Ent. L.J. Hastings Communication & Entertainment Law Journal

JCP Semaine Juridique

JCP-E Semaine Juridique – Edition Entreprise et Affaires

JCP-G Semaine Juridique – Edition Générale

JCP-N Semaine Juridique – Edition Notariale

(17)

JDI Journal du Droit International J. Legal Stud. Journal of Legal Studies

JORF Journal Officiel de la République Française

RLDI Revue Lamy Droit de l’Immatériel

LDA Le Droit d’Auteur

LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

LP Légipresse

Marq. Intell. Prop. L. Rev. Marquette Intellectual Property Law Review

PA Petites Affiches

PI Propriétés Intellectuelles

PUAM Presses Universitaires d’Aix-Marseille

PUF Presses Universitaires de France

RA Revue Administrative

RAAV Regroupement des Artistes en Arts Visuels

RDI Revue de Droit Immobilier

RDP Revue de Droit Public

RDPI Revue de Droit de la Propriété Intellectuelle Rev. Crit. Lég. Jur. Revue Critique de Législation et de Jurisprudence Rev. Droit. Int. Revue de Droit Intellectuel

RFDA Revue Française de Droit Administratif

RIDA Revue Internationale du Droit d’Auteur

RJFP Revue Juridique Personnes et Familles

RLCT Revue Lamy des Collectivités Territoriales

RRJ Revue de la Recherche Juridique – Droit Prospectif RTD-Civ. Revue Trimestrielle de Droit Civil

RTD-Com. Revue Trimestrielle de Droit Commercial SAIF Société des Arts visuels et de l’Image Fixe SODART Société de Droits d’Auteur en Arts Visuels

T. Tome

TA Tribunal Administratif

T. Civ. Tribunal Civil

T. Comm. Tribunal de Commerce

T. Corr. Tribunal Correctionnel

TGI Tribunal de Grande Instance

T. Paix Tribunal de Paix

(18)

SOMMAIRE

I

NTRODUCTION

P

REMIÈRE PARTIE

LA CONSTRUCTION DU DROIT D’EXPOSITION DES ŒUVRES

GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

T

ITRE

P

REMIER

- L

E DROIT D

'

EXPOSITION

,

ÉLÉMENT ORIGINEL DE LA PROPRIÉTÉ CORPORELLE DES ŒUVRES GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

T

ITRE SECOND

- L

E DROIT D

'

EXPOSITION

,

ÉLÉMENT NOUVEAU DE LA PROPRIÉTÉ INCORPORELLE DES AUTEURS D

'

ŒUVRES GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

D

EUXIÈME PARTIE

LA QUALIFICATION DU DROIT D'EXPOSITION DES ŒUVRES

GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

T

ITRE PREMIER

- L

A NATURE CORPORELLE DES ŒUVRES GRAPHIQUES ET PLASTIQUES

,

SOURCE DE LA DIFFICILE QUALIFICATION DU DROIT D

EXPOSITION

T

ITRE SECOND

- L

E DROIT D

EXPOSITION

,

UN BIEN OBJET DE LA PROPRIÉTÉ

INCORPORELLE DE L

AUTEUR

C

ONCLUSION GÉNÉRALE

A

NNEXES

B

IBLIOGRAPHIE

T

ABLE DES MATIÈRES

(19)
(20)

1

INTRODUCTION

« Hartmann bouillonne, comme bouillonnait Boris : les sons et les idées planent dans l’air – je les gobe et je m’en goinfre, et c’est à peine si j’ai le temps de les griffonner sur le papier. »

1

Ainsi s’exprimait Moussorgski pour décrire la composition des Tableaux d’une exposition, œuvre par laquelle il brossa en 1874, sous une forme musicale, l’exposition organisée en hommage au peintre et ami Victor Hartmann. Chaque morceau des Tableaux représente une œuvre exposée et un intermède musical permet de faire la transition entre chaque partie du cycle, symbolisant le déplacement du visiteur de l’exposition d’une œuvre à une autre. De plus, l’intermède fait lui-même l’objet de variations, selon le sentiment que l’œuvre laisse au visiteur, transmutant ainsi l’émotion visuelle en émotion musicale. Ce faisant, ce célèbre cycle de pièces pour piano démontre, d’une façon magistrale, combien une exposition est toujours plus qu’une simple collection d’œuvres d’art.

Mais plus extraordinaire encore, l’exposition d’œuvres graphiques et plastiques est aussi une réalité juridique. Récemment consacrée comme un objet du Droit, elle s’impose aujourd’hui comme l’objet d’un droit. Et c’est à ce droit d’exposition des œuvres graphiques et plastiques que sera consacrée la présente étude.

Quelques précisions s’imposent toutefois lorsque l’on aborde juridiquement le « droit d’exposition des œuvres graphiques et plastiques ». Il ne peut, en effet, s’agir que d’un droit subjectif, entendu comme un pouvoir conféré à un sujet d’obtenir un avantage particulier.

Cette qualification a l’avantage de donner une idée exacte de la structure du droit d’exposition en ce que le subjectif y tient une place éminente du fait de sa relation forte avec volonté du sujet de droit. En tant que norme, un droit est, « par nature », nécessairement doté d’une « présupposition » et d’un « effet juridique »

2

. Ce dernier ne pourra être mobilisé par le sujet de droit que si la présupposition de la norme l’y autorise, lui en donne la capacité. Le pouvoir d’obtenir l’effet juridique souhaité constitue donc l’essence du droit subjectif ; il s’agit avant tout d’un pouvoir de volonté

3

. Par extension, la dénomination de ce droit subjectif inclura l’avantage qu’il est en mesure d’obtenir

4

. Mais cette dénomination ne rend pas

1 MOUSSORGSKI M., « À Vladimir Stassov (Saint-Pétersbourg, 12 ou 19 juin 1874) », Correspondance – traduite, présentée et annotée par Francis Bayer et Nicolas Zourabichvili, Fayard, Paris, 2001, p. 330 ;

2 MOTULSKY H., Principes d’une réalisation méthodique du droit privé – La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, Dalloz, Paris, 2002 (réédition), 183p. (décrivant une méthode d’analyse des plus claires et des plus simples pour comprendre la réalisation du droit ; cette méthode sera très largement employée dans la présente étude) ;

3 MICHAELIDES-NOUAROS G., « L’évolution récente de la notion de droit subjectif », RTD-Civ., 1966, p. 223 ;

4 ROUBIER P., Droits subjectifs et situations juridiques, Dalloz, Paris, 2005 (réédition), pp. 67-73 (qui fournit une liste non exhaustive, mais considérée comme limitée, incluant « le droit de propriété, le droit d’usufruit,

(21)

2

totalement compte des multiples significations du pouvoir ainsi conféré par la norme que constitue le « droit de... »

5

. La définition même du droit subjectif ayant donné lieu à d’importantes discussions, entre ceux qui y voient un intérêt juridiquement protégé ou un pouvoir de volonté

6

, des divergences et débats se sont fait jour, au-delà de cette présupposition, sur ses effets juridiques, sa nature et/ou son régime.

Le droit d’exposition des œuvres graphiques et plastiques ne fait évidemment pas exception à cette disputatio. Aussi, considérerons-nous, à titre d’hypothèse de travail, qu’il s’agit du pouvoir qu’a l’auteur d’autoriser ou d’interdire l’exposition d’une œuvre graphique ou plastique qu’il a créée. Dans l’absolu, il permet aussi d’obtenir l’avantage que représente cette exposition pour l’auteur, à savoir une rémunération. En cela, il s’agit d’un droit patrimonial. Enfin, il lui permet de faire respecter l’empreinte de sa personnalité dans l’œuvre lorsque celle-ci est exposée. Ce droit vaut donc pour l’exposition des œuvres graphiques et plastiques, que nous entendrons dans un sens large, incluant notamment la photographie ou l’architecture. D’autres catégories d’œuvres ne seraient certes pas à exclure, mais c’est principalement à l’égard des œuvres graphiques et plastiques (peintures, dessins, gravures, sculptures, etc.) que l’exposition constitue un mode de communication, ce qui, en conséquence, est susceptible d’en faire l’objet d’un droit subjectif. Enfin, il s’agira de toute exposition de l’œuvre effectuée en un lieu donné, quelles que soient sa durée et sa finalité. On pense surtout aux expositions effectuées dans les musées et galeries, où les œuvres sont appréciées pour leur valeur esthétique. Mais l’on ne saurait réduire l’objet du droit d’exposition à ce seul cadre et exclure, par exemple, les expositions « décoratives ».

L’étude de ce droit se heurte cependant à un grand nombre de contradictions, accrues par le fait que le droit d’exposition est un droit subjectif « nouveau ». Dégagé par la Cour d’appel de Paris, consacré par la Cour de cassation, sa validité dans le droit positif n’a été confirmée que depuis 2002, ce qui en fait une innovation très récente. Toutes les spéculations seraient d’ailleurs permises sur l’intérêt de cette reconnaissance et deux types d’attitudes peuvent alors apparaître à l’égard de ce nouveau droit : la défiance ou la confiance.

1 - La défiance envers le droit d’exposition - D’une part, la défiance amène à condamner l’inflation juridique qui s’exprime par la création de « droits nouveaux », sans se préoccuper de leur nature et leur régime juridiques.

L’abus du terme « droit » trouverait là son origine, constituant la plus grave source de difficultés

7

. Dans le domaine de la technique juridique pure, on relève effectivement une tendance à la reconnaissance de « nouveaux droits », entendus comme des prérogatives permettant d’obtenir, d’une façon ou d’une autre, un avantage particulier. Le fondement de

le droit de créance, le droit de succession et le droit d’auteur », lequel retiendra particulièrement notre attention) ;

5 KELSEN H., Théorie générale des normes, PUF, coll. Léviathan, Paris, 1996 (réédition), pp. 179-180 ;

6 Sur ces débats, voir notamment : DABIN J., Le droit subjectif, Dalloz, Paris, 1952, pp. 55-105 ; ROUBIER P., ibid. ;

7 ROUBIER P., op. cit., pp. 48-49 ;

(22)

3

leur consécration serait des plus abstraits, détaché de tout pragmatisme

8

. Le modèle classique, qui aurait l’avantage de la simplicité, serait ainsi dévoyé.

La défiance s’explique aussi par certaines spécificités liées au droit de la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle connaît, en effet, une « irrésistible ascension »

9

, tant sur le plan géographique que sur le plan matériel, en investissant de nombreux domaines (droit d’auteur, droits voisins, brevets, marques, obtentions végétales, topographie des semi- conducteurs,…). Il lui est souvent reproché d’occuper une place trop importante

10

, de limiter les droits du public

11

, de brider l’accès à l’information en multipliant les « bastilles » et les

« péages »

12

. La « frénésie législative » à l’œuvre développe une multiplicité de modèles de propriété, dont il devient parfois difficile de découvrir l’unité conceptuelle

13

. La critique vaut particulièrement pour un modèle des plus emblématiques, à savoir la propriété littéraire et artistique

14

. Opposés au droit du public à l’information, accusés d’empiéter toujours plus sur le domaine public, le droit d’auteur et les droits voisins sont observés avec méfiance, étant de plus en plus perçus comme les droits des exploitants et non ceux des auteurs et artistes- interprètes

15

. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a renouvelé les assauts contre le droit d’auteur, alors que des espaces virtuels de partage des œuvres ont fait leur apparition.

Dans ce contexte, la légitimité du droit d’exposition risque d’être mise à mal. En tant que tel, il s’agit d’une nouvelle extension du champ du droit d’auteur. Jusqu’à présent

« ignorée » par la propriété littéraire et artistique, l’exposition est apparue comme une nouvelle valeur dont l’utilité ne pouvait être pleinement exploitée que par l’érection d’un droit exclusif. La réaction du droit s’est faite en deux temps : d’abord, par la qualification de l’exposition comme œuvre de l’esprit, ce qui confère un droit à son auteur

16

; ensuite, par la

8 ROUBIER P., op. cit., p. 50 (qui critique ouvertement le prétendu « droit à la vie », pour le double motif qu’on ne peut disposer de la vie, ou y renoncer, par un acte juridique, et qu’elle ne peut être restituée à celui qui en a été privé) ;

9 VIVANT M., « L’irrésistible ascension des propriétés intellectuelles ? », Mélanges C. Mouly, Litec, Paris, 1998, pp. 441-455 ; voir également : BRUGUIÈRE J.-M., « L’immatériel à la trappe ? », D., 2006, pp. 2804- 2805 ;

10 BERGÉ J.-S., « Entre autres droits, la propriété intellectuelle », PI, n° 4, juillet 2002, p. 9 ;

11 BOUCHET-LE MAPPIAN E., « Propriété intellectuelle et droit de propriété en droit anglais, allemand et français », RIDA, n° 227, janvier 2011, p. 133 ;

12 VIVANT M., op. cit., p. 452 ;

13 RAYNARD J., « Propriétés incorporelles : un pluriel bien singulier », in Mélanges offerts à Jean-Jacques Burst, Litec, Paris, 1997, pp. 527-540 ;

14 HUET J., « un bien qui répand la terreur : le droit d’auteur – et ses avatars (ou : quand il faut interdire d’interdire) », RLDI, n° 73, juillet 2011, pp. 73-76 ;

15 LATREILLE A., « L’avènement d’un droit d’auteur sans auteur », Droit et Pat., septembre 2007, pp. 28-39 ;

16 CA Paris, 1ère Ch., 2 octobre 1997, Association Henri Langlois et a. c./ Cinémathèque Française, D., 1998, Jurisprudence, pp. 312-314, note B. EDELMAN ; RIDA, n° 176, avril 1998, pp. 422-428 ; voir également : BERENBOOM A., « La protection des expositions », in Liber Amicorum Bernard Glansdorff, Bruylant, Bruxelles, 2008, pp. 13-28 ; DUFOUR B., « Des expositions comme œuvres de l’esprit », RIDA, n° 180, avril 1999, pp. 3-85 ;

(23)

4

reconnaissance de l’exposition comme mode de communication des œuvres au public, ce qui en fait un objet du droit de représentation

17

.

D’aucuns affirmeraient que l’appropriation de l’exposition constitue une nouvelle limite aux droits du public, en plus de brider l’encouragement à la création. Moussorgski n’aurait peut-être jamais composé les Tableaux d’une exposition si l’accès à l’évènement n’avait pas été libre. Vladimir Stassov n’aurait peut-être pas pu l’organiser s’il avait du demander l’autorisation des auteurs en cause et les rémunérer. Il serait donc tentant d’affirmer que le droit d’exposition vient limiter certaines libertés, en s’emparant d’une valeur qui échappait jusqu’à présent à la propriété littéraire et artistique. L’argument aurait d’autant plus de valeur si l’on ajoute au droit du public à l’information un droit du public à la culture, avec, en toile de fond, les intérêts du service public culturel.

2 - La confiance dans le droit d’exposition - D’autre part, la confiance amène à examiner de plus près l’origine de ce droit nouveau, à décrire sa nature et son régime juridiques, avant d’en confirmer ou d’en rejeter la légitimité.

L’inflation juridique, dénoncée par certains, ne serait qu’un phénomène logique, répondant aux aspirations et au rôle social de chaque individu dans la société démocratique moderne

18

. Le droit d’exposition ne serait alors que le produit de forces créatrices à l’œuvre dans la société, et donnerait à certains de ses acteurs le moyen d’assumer leur rôle social.

« Cette situation s’inscrit dans le mouvement né avec la libération de l’énergie créatrice de l’homme consécutive au retournement fondamental qui est à la base de la modernité »

19

. Un bref regard sur le statut des artistes dans la société contemporaine atteste de l’intérêt que représente le droit d’exposition. Certes, il s’agit au moins d’un droit à rémunération et, tout au plus, d’un droit de contrôle sur toute exposition d’une œuvre graphique et plastique. Mais ce droit subjectif correspond exactement à la définition originelle du droit d’auteur. En effet, c’est l’auteur et lui seul qui décide de l’exposition de son œuvre et peut en tirer des revenus. Il ne s’agit donc pas du droit d’un exploitant, ou d’une nouvelle extension dont la légitimité serait douteuse. Dans la pratique, le droit d’exposition est présenté comme un élément essentiel du statut des artistes contemporains

20

; il est une source de rémunération adaptée aux canons de la création artistique de notre époque. L’exposition est un mode de communication

17 CA Paris, 4ème Chambre, 20 septembre 2000, Leloir c/ Paris-Bibliothèque anciennement dénommée Agence Culturelle de Paris, inédit, n° 1999/2270, et Dudognon c./ Paris-Bibliothèque anciennement dénommée Agence Culturelle de Paris, CCE, novembre 2000, pp. 17-18, note C. CARON ; C. Cass., 1ère Ch. Civ., 6 novembre 2002, Association Paris Bibliothèques, anciennement dénommée Agence culturelle de Paris c./

Dudognon, CCE, janvier 2003, p. 25, note C. CARON ; JCP-E, 8 avril 2004, n° 15, p. 615, note K. ALLIOU, et Association Paris Bibliothèques, anciennement dénommée Agence culturelle de Paris c./ J. P. Leloir, LP, n° 201, mai 2003, pp. 66-70, note A. DEFAUX ;

18 MICHAELIDES-NOUAROS G., « L’évolution récente de la notion de droit subjectif », op. cit., p. 220 ;

19 REVET T., « Rapport français – Les nouveaux biens », La propriété, Travaux de l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Tome LIII, Paris, 2006, p. 271 ;

20 MOUREAU N., « Marché de l’art : les enjeux économiques du droit de suite et du droit d’exposition », Légicom, n° 36, 2006/2, pp. 108-113 ;

(24)

5

publique des œuvres, la « communication publique » de l’œuvre étant l’objet même du droit d’auteur.

La consécration de ce droit dans le contexte actuel est donc tout à fait logique. D’une certaine façon, l’art peut être considéré comme une « histoire d’expositions »

21

. Celles-ci sont en effet pratiquées depuis l’Antiquité. Mais elles ont connu un développement exponentiel ces cinquante dernières années, tant au niveau de la production des œuvres que de leur médiation.

En attirant des publics toujours plus nombreux

22

, les expositions sont devenues des instants essentiels de la vie culturelle et artistique. Au-delà de leur dimension financière, elles génèrent de nouvelles spécialisations, de nouvelles professions, de nouvelles responsabilités.

Des affaires récentes attestent de l’importance des problématiques qu’elles posent pour le juriste. On pense bien sûr à l’interdiction de l’exposition anatomique Our Body, à corps ouverts

23

, qui a posé la question essentielle de l’emploi de cadavres dans un cadre médiatique.

Dans un registre plus artistique, les dégradations commises sur l’œuvre Piss Christ d’Andes Serrano

24

, les énigmatiques traces de feutre retrouvées sur Cadillac Moon 1981 lors de la rétrospective consacrée à Basquiat au musée d’art moderne de la Ville de Paris

25

, ou encore le baiser apposé sur un monochrome à la fondation Lambert en Avignon

26

mettent en cause la nécessité de préserver l’intégrité des œuvres lors de leur présentation publique.

C’est là l’une des conséquences du droit de l’auteur que de pouvoir contrôler les conditions d’exposition de son œuvre. Qu’elle soit achevée ou non, « on ne peut rien y ajouter, ni en retrancher sans l’accord préalable de l’auteur »

27

. Il est également essentiel qu’il puisse être associé aux bénéfices que procure la présentation de ses œuvres au public.

Le droit d’exposition constitue donc bien un élément du droit d’auteur, entendu au sens noble du terme. Sans parer à toutes les critiques, cette considération invite à en examiner plus précisément la nature juridique de ce droit.

3 - Le droit d’exposition, le droit d’auteur et le droit de propriété - Droit subjectif, droit nouveau, la nature et le régime du droit d’exposition restent en grande partie indéterminés. Il

21 GLICENSTEIN J., L’art : une histoire d’expositions, PUF, Paris, 2009, 257p. ;

22 Voir notamment : Fréquentation des sites culturels parisiens en 2009, Observatoire économique du tourisme parisien – Office du tourisme et des congrès, août 2010, 36p. : pour la seule année 2009, on recense 15 millions de visiteurs pour 89 expositions temporaires réparties entre 23 sites culturels parisiens ;

23 Voir l’affaire SARL Encore Events c./ Assoc. Ensemble contre la peine de mort et a. : TGI Paris, ord., 21 avril 2009, CA Paris, Pôle 1, 3ème Ch., 30 avril 2009, C. Cass., 1ère Ch. Civ., 16 septembre 2010, D., 25 novembre 2010, pp. 2750-2754, note G. LOISEAU, et pp. 2754-2757, note B. EDELMAN ; JCP-G, 13 décembre 2010, pp. 2333-2335, note B. MARRION ;

24 BEKMEZIAN H., « Et Dieu créa la polémique », Le Monde, 22 avril 2011, http://www.lemonde.fr/ ;

25 RILLON P., « Basquiat, gribouilleur gribouillé au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris », Art contemporain : la peau de l’ours, 15 novembre 2010, http://rillon.blog.lemonde.fr/ ;

26 TGI Avignon, 16 novembre 2007, Procureur de la République près TGI Avignon c./ Mademoiselle Sam, D., 2008, pp. 588-593, note B. EDELMAN ; voir également : RONDEAU C. et MÉZIL É. (dir.), Dommage(s) – A propos de l’histoire d’un baiser, Actes Sud, Arles, 2009, 200p. ;

27 POLLAUD-DULIAN F., « L’esprit de l’œuvre et le droit moral de l’auteur », RIDA, n° 215, janvier 2008, p. 103 ;

(25)

6

importe pourtant de comprendre quelle est l’origine de ce droit et son fondement. Autrement dit, il est nécessaire de savoir s’il s’agit d’un faux droit subjectif, le fruit d’une « inflation juridique » critiquable, ou s’il s’agit d’un droit subjectif bien réel, dont le caractère novateur n’est que le reflet d’une évolution sociale, corrélée à une évolution du droit positif. Pour cela, il est nécessaire de revisiter les fondements du droit d’auteur, et les notions auxquelles celui- ci est rattaché.

D’emblée, cette référence nous place au sein d’une notion fondamentale du droit : la propriété. Définie par l’article 544 du Code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue », la propriété constitue la matrice du pouvoir dont dispose la personne sur les biens. Elle a pu être mobilisée par une importante partie de la doctrine afin de qualifier le droit d’auteur. Mais, rapidement sont apparues des controverses.

En effet, la qualification du droit d’auteur comme droit de propriété ne fait pas l’unanimité, et continue d’alimenter de vives discussions qui se focalisent souvent sur l’objet et le contenu du droit d’auteur. Or, l’irruption du droit d’exposition dans le droit positif intéresse ces controverses et les éclaire d’un jour nouveau. Il nous faudra donc précisément les examiner pour en cerner la véritable nature et les possibles conséquences.

L’une des principales pierres d’achoppement tient à la nature de l’objet du droit de propriété et celui du droit d’auteur. Ainsi, la conception classique considère-t-elle que les choses visées par l’article 544 du Code civil ne peuvent être que corporelles. Le droit de propriété constituerait alors le droit le plus complet qu’une personne puisse avoir sur une telle chose

28

. De là en tire-t-on traditionnellement la définition du « bien » corporel, considéré comme toute chose qui fait l’objet d’un droit de propriété

29

. C’est ce qui explique la confusion courante entre le droit et l’objet ; ainsi dit-on bien souvent qu’une chose est « la propriété » d’une personne

30

. À l’inverse, la propriété intellectuelle est conçue comme un droit sur

« l’immatériel », ce terme tentant de rassembler un vaste ensemble d’objets hétéroclites dont le seul point commun est d’être, à des degrés variables, le produit d’une création de l’esprit humain

31

. Tel est le cas du droit d’auteur, qui serait un droit sur une œuvre de l’esprit, entendue comme une chose immatérielle distincte des choses corporelles qui permettent de la communiquer

32

. Cette différence serait donc de nature à dénier le rattachement du droit

28 BERGEL J.-L., BRUSCHI M. et CIMAMONTI S., Traité de droit civil – Les biens, 2ème éd., LGDJ, Paris, 2010, p. 45 ;

29 MALAURIE P. et AYNÈS L., Les biens, 4ème éd., Defrénois, Paris, 2010, p. 6 ;

30 ZÉNATI-CASTAING F., « La propriété, mécanisme fondamental du droit », RTD-Civ., 2006, p. 448 ;

31 RAYNARD J., « Propriétés incorporelles : un pluriel bien singulier », op cit., pp. 527-540 ; voir également : ALLEAUME C., Propriété intellectuelle – Cours et travaux dirigés, Montchrestien, Paris, 2010, pp. 5-42 ; BERNAULT C. et CLAVIER J.-P., Dictionnaire de droit de la propriété intellectuelle, Ellipses, Paris, 2008, p. 348 ; BINCTIN N., Droit de la propriété intellectuelle, LGDJ, Paris, 2010, pp. 15-19 ; BRUGUIÈRE J.- M., Droit des propriétés intellectuelles, 2ème éd., Ellipses, Paris, 2011, pp. 28-29 ; POLLAUD-DULIAN F., Le droit d’auteur, Economica, Paris, 2005, pp. 32-35 ; TAFFOREAU P., Droit de la propriété intellectuelle, 1ère éd., Gualino Éditeur, Paris, 2004, pp. 21-29 ;

32 TOURNIER A., « Peut-on acquérir la propriété d’une œuvre de l’esprit au sens de la loi du 11 mars 1957 ? », RIDA, n° 20, juillet 1958, p. 3 ;

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7

d’auteur au droit de propriété. Du moins, celui-ci ne serait possible qu’au prix de certains ajustements, qui auraient pour effet de dévoyer le modèle du droit de propriété

33

.

Le droit d’exposition vient justement inverser cette problématique. En effet, pour la première fois, le droit d’auteur se voit doté d’une prérogative ayant pour objet une chose nécessairement corporelle. On ne doute pas, en effet, que l’exposition d’une œuvre graphique ou plastique va nécessiter de mobiliser un ou plusieurs exemplaires de celle-ci, qui ne peuvent prendre la forme que d’objets corporels. Il s’agira le plus souvent de l’exemplaire original de l’œuvre en cause ; mais il peut aussi s’agir de toute copie. Cette « nécessaire corporalité » est ainsi une spécificité des œuvres graphiques et plastiques au regard du droit d’auteur et elle a déjà justifié d’abondantes recherches sur leur statut juridique

34

. Ce faisant, la question se pose de savoir si ce statut ne permettrait pas à la corporalité d’être finalement « redécouverte » là où on ne l’attendait pas, pour ainsi constituer la preuve du rattachement du droit d’auteur au droit de propriété.

Cela impliquerait évidemment de repenser entièrement tous les fondements du droit de propriété littéraire et artistique, à commencer par la distinction entre l’œuvre de l’esprit et le support matériel.

4 - Le droit d’exposition et la distinction entre l’œuvre de l’esprit et le support matériel - La distinction entre l’œuvre de l’esprit et le support matériel serait consacrée par l’article L 111-3 du Code

35

, précisément son alinéa premier, selon lequel : « La propriété incorporelle définie par l'article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l'objet matériel ».

Pour la doctrine classique, la « propriété de l’objet matériel » serait la propriété de droit commun, et la « propriété incorporelle » serait constituée du droit d’auteur, le caractère incorporel provenant de l’œuvre. La distinction aurait des conséquences bien simples : le droit d’auteur serait attaché à la personne et non à la chose ; dès lors, l’aliénation de l’objet matériel n’emporterait pas celle du droit d’auteur. Cette distinction fondamentale expliquerait la dualité des droits de propriété, qui se fonderait elle-même sur la dualité des objets.

L’acquéreur de l’objet matériel ne serait propriétaire que d’une chose corporelle ; l’auteur serait propriétaire de l’œuvre de l’esprit, chose incorporelle. La dualité des objets participerait ainsi de l’affirmation du droit d’auteur comme droit de propriété. Il est, en effet, plus facile

33 ALMA-DELETTRE, « La nature juridique des droits de propriété intellectuelle », in BRUGUIÈRE J.-M., MALLET-POUJOL N. et ROBIN A. (dir.), Propriété intellectuelle et droit commun, PUAM, 2007, pp. 26- 27 ; GUTMANN D., « Du matériel à l’immatériel dans le droit des biens – Les ressources du langage juridique », Arch. Phil. Droit, T. 43, 1999, pp. 65-78 ;

34 Voir notamment : BREDIF E., Étude théorique et pratique sur la protection des œuvres graphiques et plastiques, Arthur Rousseau – Librairie Nouvelle de Droit et de Jurisprudence, Paris, 1894, 133p. ; COMTE J.-E., La protection des œuvres graphiques et plastiques dans l’art et l’industrie, Thèse Paris, 1947, 155p. ; DESURMONT T., L’incidence des droits d’auteur sur la propriété corporelle des œuvres d’art en droit interne français, Thèse Paris II, 1972, 495p. ; PIERROUX E., La propriété des œuvres d’art corporelles - Éléments pour une propriété spéciale, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Aix en Provence, 2003, 686p. ;

35 Voir notamment : CARON C., Droit d’auteur et droits voisins, 2ème éd., Litec, Paris, 2009, pp. 251-252 ; VIVANT M. et BRUGUIÈRE J.-M., Droit d’auteur, 1ère éd., Dalloz, Paris, 2009, pp. 265-266 ;

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8

d’admettre que chacun de ces droits s’exprime pleinement sur des objets différents, le

« cumul » de droits de propriété sur un même objet étant par définition impossible

36

. Le droit d’auteur serait donc un droit de propriété ayant pour objet une chose immatérielle, incorporelle, si l’on reprend encore la doctrine classique.

Or, le droit d’exposition remet en cause cette distinction. En effet, les œuvres graphiques et plastiques sont par nature incorporées à un objet matériel. L’idée ne pourrait donc plus tenir en présence du droit d’exposition, car son objet ne peut être que corporel, qu’il s’agisse de l’exemplaire original de l’œuvre ou d’une copie. Par renvoi, cela implique pour nous d’examiner une autre difficulté, qui surgit au niveau de la propriété de l’objet matériel.

Peut-on, en effet, affirmer qu’il s’agisse d’un droit de propriété alors que nombre d’utilités de la chose en sont amputées et réservées à l’auteur ? Le droit d’exposition ne nous prouve-t-il pas que le propriétaire de l’objet ne peut jouir et disposer pleinement de celui-ci. Il ne pourra exposer l’œuvre sans demander l’autorisation de l’auteur ; de façon logique, une telle exposition serait considérée comme un acte de contrefaçon ; enfin, l’auteur devrait pouvoir contraindre ce propriétaire à lui remettre l’œuvre en vue d’une exposition, si l’on assimile celle-ci à la divulgation.

Ces aspects révèlent ainsi une problématique fondamentale qui touche à la portée même de la propriété.

5 - Le droit d’exposition et le contenu du droit de propriété - Cette nouvelle problématique est elle-même reliée à une autre objection opposée au droit d’auteur, concernant son contenu.

Son attache personnelle, ses prérogatives déterminées par la loi, dont certaines sont extrapatrimoniales, et sa durée limitée interdiraient de le qualifier de droit de propriété. Les pouvoirs du propriétaire sur la chose sont en principe indéfinis et perpétuels

37

; la cession de la chose emporte avec elle toutes les utilités qu’elle peut produire. Autant d’éléments qui n’ont rien à voir avec le droit d’auteur, dont les « attributs », d’ordre « patrimonial » et d’ordre

« intellectuel et moral », sont délimités par la loi, tant dans leur contenu que dans leur cession.

Ajoutons encore que la dimension personnelle du droit d’auteur s’avère peu compatible, selon certains, avec une telle qualification

38

. Seule l’exclusivité, caractère du droit de propriété, semble vraiment vérifiée pour le droit d’auteur. C’est ce qui légitimerait les ajustements que subit le modèle initial de la propriété pour être adapté au domaine de la création littéraire et artistique. Enfin, si l’on admet que le droit d’auteur puisse avoir pour objet une chose corporelle, on ne voit pas comment ce droit resterait un droit de propriété au-delà de la

36 MÉLÉDO-BRIAND D., « Les multiples utilités économiques des biens : Approche de la propriété simultanée », in Le droit de l’entreprise dans ses relations externes à la fin du XXème siècle – Mélanges en l’honneur de Claude Champaud, Dalloz, Paris, 1997, p. 479 ;

37 DE VAREILLES-SOMMIÈRES G. d. L., « La définition et la notion juridique de la propriété », RTD-Civ., 1905, p. 478 ;

38 MOUSSERON J.-M., RAYNARD J. et REVET T., « De la propriété comme modèle », in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, Paris, 1993, p. 290 ; RECHT P., Le Droit d’Auteur, une nouvelle forme de propriété, LGDJ, Paris, 1969, pp. 272-327 ;

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cession de celle-ci. Même si l’auteur dispose de façon exclusive du droit de communiquer l’œuvre, il n’a plus d’emprise sur la substance même de la chose. Son nouveau propriétaire peut de plus lui en refuser l’accès, sauf la réserve de l’abus de droit.

Le droit d’exposition vient renforcer ces problématiques. Il a été dégagé comme un mode de communication relevant du droit de représentation. Celui-ci est lui-même distinct du droit de reproduction, qui constitue l’un des principaux attributs patrimoniaux de l’auteur. De ce fait, le droit d’exposition ne donne qu’un pouvoir limité à l’auteur : celui d’autoriser ou d’interdire l’exposition de l’œuvre. De façon plus générale, il s’agit du droit de contrôler cette exposition

39

. Ce pouvoir est, de plus, limité dans le temps, puisqu’il ne s’étend qu’aux soixante-dix années qui suivent la mort de l’auteur. Enfin, bien qu’ayant, a priori, une chose corporelle pour objet, le droit d’exposition ne constitue pas, en soi, l’expression d’un droit sur la substance de la chose, puisqu’il reste attaché à la personne de l’auteur.

Toutes ces considérations obligent à vérifier la signification des termes et expressions qui sont employés par le Code, le droit d’exposition apparaissant comme une nouvelle pierre apportée à un édifice dont l’équilibre est instable. Son insertion dans l’architecture du droit d’auteur, et plus généralement de la propriété, implique d’en mesurer l’impact sur les principaux éléments. In fine, l’examen de ces notions doit nous permettre de répondre à une interrogation principale : Le droit d’exposition serait-il l’expression d’un droit de propriété sur l’œuvre ?

6 - Problématique : la nature du droit d’exposition - Le cœur de notre démarche résidera dans une révélation de la nature profonde du droit d’exposition et de sa qualification. Celle-ci ne pourra être déterminée que par référence à la notion de propriété.

La formule énigmatique de « propriété incorporelle », énoncée par l’alinéa premier de l’article L 111-3, en constitue le centre de gravité et occupera une grande partie de nos développements. Deux interprétations peuvent être tirées de cette disposition. Une distinction entre la substance et les utilités de la chose pourrait apparaître à travers l’opposition établie par cet article. On peut également y voir la distinction de deux objets, le terme « propriété » étant alors entendu dans un sens objectif comme la qualité d’une chose d’être propre. Mais cela nous ramène à la distinction entre l’œuvre de l’esprit et le support corporel, qui semble moins aisée à admettre en matière d’œuvres graphiques et plastiques. C’est bien là qu’il importera de comprendre comment le droit d’exposition constitue un élément déstabilisateur.

Dans tous les cas, il y a bien distinction entre un bien corporel et un bien incorporel. Mais si l’analyse de la « propriété de l’objet matériel » ne pose aucune difficulté d’appréciation, tel n’est pas le cas de la « propriété incorporelle ».

Par extension, cela impliquera pour nous de cerner le sens de cette expression si l’on veut déterminer la nature du droit d’exposition. Un choix s’imposera quant à l’acception de cette notion. Ce choix sera lui-même éclairé par les différentes qualifications du droit d’auteur qui ont été proposées par la doctrine. Le mélange d’éléments personnels et patrimoniaux est à

39 BERNAULT C. et CLAVIER J.-P., op. cit., p. 169 ;

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la base des querelles doctrinales qui ont agité et ne cessent d’agiter la qualification du droit d’auteur. Ces deux ensembles reflètent la véritable nature du droit d’auteur et, par extension, celle du droit d’exposition. Nous ne saurions donc en faire abstraction, même si nous assumons d’emblée un raisonnement en termes de propriété. Tous les courants de la doctrine consacrée au droit d’auteur convergent, peu ou prou, vers ces deux ensembles . Notre démonstration tentera donc d’en faire la synthèse à l’aune du droit d’exposition, afin de clarifier la nature de celui-ci

40

.

Cette analyse se révélera riche en enseignements, tant pour la propriété littéraire et artistique que pour le droit des biens.

7 - L’intérêt du droit d’exposition au regard de la propriété littéraire et artistique - L’apparition du droit d’exposition marque une nouvelle étape dans l’harmonisation des droits patrimoniaux.

En effet, ceux-ci disposaient d’un droit de représentation « incomplet », puisqu’il ne comprenait pas l’exposition. Pour certains, le droit d’exposition ne serait pas une nouvelle prérogative des auteurs, le droit de représentation étant déjà consacré dans la loi du 11 mars 1957

41

. Mais ce serait oublier que la portée de ce droit a fait débat dans la doctrine. La notion de représentation a de plus fait l’objet d’une évolution interne jusqu’à inclure l’exposition, qui n’avait pu être perçue en ce sens lors du vote de ladite loi. Dans la pratique, on peut donc affirmer qu’il s’agit d’une nouvelle prérogative au profit des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques. Il importera de comprendre comment une telle évolution a pu avoir lieu. La consécration du droit d’exposition correspond à la satisfaction d’un intérêt réclamé par les auteurs d’œuvres graphiques et plastiques. Mais cet intérêt n’a lui-même pu naître que suite à une évolution des modes de création et de diffusion des œuvres. À ce titre, le recours à l’histoire, la sociologie et l’économie de l’art offriront un éclairage édifiant sur ce phénomène

42

.

La conjonction de ces éléments explique l’apparition du droit d’exposition entendu comme droit d’auteur et justifie d’en rechercher la nature juridique. Comme l’affirmait Saleilles, « ce sont les nécessités sociales qui font surgir les institutions ; celles-ci se créent et se développent en vue des résultats pratiques qu’on attend d’elles, sans que l’on songe, à ce point initial, à demander compte à la théorie de leur légitimité et de leur justification ». Mais c’est pour ajouter aussitôt que « c’est plus tard, souvent bien plus tard, lorsqu’on veut étendre ou restreindre les effets d’une institution juridique qu’on en recherche la nature fondamentale et le caractère rationnel, en vue précisément de tirer de cette construction abstraite un motif d’extension ou de restriction, suivant les points de vue »

43

.

40 Cf. deuxième partie ;

41 BERNAULT C. et CLAVIER J.-P., ibid. ;

42 Voir notamment pp. 225-247 ;

43 SALEILLES R., De la personnalité juridique – Histoire et théories – Vingt-cinq leçons d’introduction à un cours de droit civil comparé sur les personnes juridiques, Ed. La Mémoire du Droit, Paris, 2003 (réimpression de l’édition de 1910), p. 45 ;

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11

Il est indéniable que le droit d’exposition soulève d’importantes questions pratiques, d’autant plus que ce droit a fait l’objet d’une revendication des artistes. Si les nécessités sociales sont donc à l’origine de ce droit subjectif, la détermination de son régime juridique nécessite au préalable celle de sa nature. Celle-ci est d’autant plus essentielle à connaître que le droit d’exposition, comme on l’a vu, est potentiellement porteur de bouleversements au niveau des fondements du droit d’auteur. Ces changements intéresseront directement le droit des biens, à travers certaines notions auxquelles le droit d’auteur peut être rattaché.

8 - L’intérêt du droit d’exposition au regard du droit des biens - Pour comprendre l’impact de la consécration du droit d’exposition, notre réflexion se fondera sur certains éléments classiques du droit des biens.

Ce sont principalement les notions de propriété, de bien, de bien corporel et de bien incorporel qu’il nous faudra examiner. C’est à ces notions que pourra être assimilé le droit d’auteur, de même que l’œuvre. La spécificité même de l’objet du droit d’exposition nous obligera à déterminer le statut des œuvres graphiques et plastiques en termes de biens. C’est de ce statut que l’on pourra déduire la place qu’occupe le droit d’exposition au sein de ces grandes notions. Le caractère corporel de ces œuvres reflète lui-même la nature de l’acte d’exposition. Il s’agit du procédé de communication le plus élémentaire qui soit, puisqu’il consiste à « extraire » l’œuvre de la sphère privée pour l’offrir aux regards du public. L’œuvre ne pourra être que l’objet auquel elle s’incorpore, ou toute autre copie de même nature. La nécessité de repenser ainsi l’architecture du droit d’auteur s’explique par cet objet

« nouveau », induit par le droit d’exposition. Quelle que soit la fonction du support de l’œuvre, littéraire, artistique, dramatique ou musicale, le droit d’auteur a pour objet l’une de ses utilités matérielles

44

. La nature technique des utilités reconnues jusqu’à présent pouvait permettre de distinguer l’œuvre et le support. Mais le droit d’exposition, en étendant le droit d’auteur à l’utilité la plus primitive des choses, vient bouleverser le statut du support au regard de la propriété littéraire et artistique.

Par extension, la distinction entre les biens corporels et les biens incorporels est touchée par ce bouleversement, ce qui se répercute sur la propriété corporelle et la propriété incorporelle. Ces notions anciennes font elles-mêmes l’objet d’évolutions, auxquelles participe le droit d’exposition. Ce droit marque en effet un renforcement de la distinction entre les propriétés corporelle et incorporelle des œuvres graphiques et plastiques. Par là même, il s’insère dans la conception moderne des biens, davantage fondé sur la valeur immatérielle que sur la corporalité

45

. Comme nous le verrons, cette conception est également confortée par le droit européen, ce qui intéressera au premier chef le droit d’auteur. Elle nous permettra de vérifier si l’objet de la propriété incorporelle de l’auteur peut bien être l’œuvre

44 BINCTIN N., « Les biens intellectuels : contribution à l’etude des choses », CCE, juin 2008, p. 10 (« Les biens intellectuels ont incontestablement une existence concrète, forgée par les faits. ») ; GAUDRAT P.,

« Réflexions sur la forme des œuvres de l’esprit », in Propriétés intellectuelles - Mélanges en l’honneur de André Françon, Dalloz, Paris, 1990, p. 207 (« la saisie réelle est exercée directement sur le corpus du support. ») ;

45 Sur la notion de bien, voir : BERLIOZ P., La notion de bien, LGDJ, Paris, 2007, 596p.

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de l’esprit, ou s’il ne s’agit pas d’un objet d’une nature différente. Cette autre solution nous obligera à nous tourner vers un modèle de « propriété des droits ». En ce cas, le droit d’exposition serait lui-même un objet de propriété.

Ces réflexions démontreront encore que certaines notions, que l’on a pu juger dépassées, n’ont rien perdu de leur actualité. Ainsi en est-il de la notion de propriété artistique, distincte de la propriété littéraire. L’impact du droit d’exposition atteint également ces deux ensembles et atteste d’une certaine inégalité dans les fondements du droit d’auteur.

9 - L’intérêt du droit d’exposition au regard de la propriété artistique - Comme nous le verrons, le droit d’exposition est venu harmoniser les prérogatives des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques.

Cette harmonisation s’explique du fait que les prérogatives reconnues aux auteurs d’œuvres de l’esprit n’étaient guère adaptées aux créations graphiques et plastiques. Dès lors, si le droit d’exposition participe d’une harmonisation générale de la propriété littéraire et artistique, l’emploi de cette expression acquiert maintenant une plus grande signification, ce qui n’était pas le cas auparavant. Sa consécration marque un rapprochement entre deux ensembles qui étaient de facto distincts : la propriété littéraire, conçue comme « la propriété des écrits en tous genres »

46

d’une part, et de la propriété artistique, conçue comme la

« propriété des compositions musicales, des ouvrages dramatiques, des œuvres d’art et du dessin »

47

d’autre part. Ces deux notions étaient jadis employées par la doctrine pour distinguer les catégories d’œuvres, mais aussi les droits qui s’y attachaient. De plus, l’opposition traduisait la prééminence de la propriété littéraire, tous les autres types d’œuvres ayant été rangées dans la propriété artistique. Cela s’explique par le fait que les combats pour le droit d’auteur les plus « médiatisés » ont été menés pour les œuvres littéraires.

Cette distinction doit désormais être « corrigée », car les critères sur lesquels elle fut fondée sont devenus quelque peu obsolètes. Selon nous, les compositions musicales et les ouvrages dramatiques sont, en effet, d’une nature différente des œuvres graphiques et plastiques ; c’est pourquoi nous les rangerons dans le champ de la propriété littéraire. Nous entendons nous rapprocher d’une conception bien connue des historiens et sociologues de

46 COUHIN C, La propriété industrielle, artistique et littéraire, T. I, Librairie de la Société du recueil des lois et arrêts, Paris, 1894, introduction, p. XX ; voir également : BATBIE A. P., Traité théorique et pratique de droit public et administratif, T. I, Cotillon – Librairie du Conseil d’Etat, Paris, 1862, pp. 465-470 ; MASSÉ G., Le droit commercial dans ses rapports avec le droit des gens et le droit civil, T. II, 2ème éd., Guillaumin et Cie, Paris, 1861, p. 564 ; RENDU A. et DELORME J., Traité pratique de droit industriel, ou exposé de la législation et de la jurisprudence sur les établissements industriels, les brevets d’invention, la propriété industrielle, artistique et littéraire, les obligations particulières à l’industrie, Imprimerie et Librairie Générale de Jurisprudence, Paris, 1855, p. 359 ;

47 COUHIN C, ibid. ; DEMANGE R., La propriété artistique dans les arts du dessin, Imprimerie Kreis, Nancy, 1898, pp. 26-61 ; JOLY B., Étude sur la protection légale de la propriété artistique (peinture, sculpture, gravure) – Essai d’une théorie générale, Sirey, Paris, 1913, p. 17 ; PHILIPPE H., De la propriété artistique en général et spécialement en matière de photographie, Thèse Lille, 1901, pp. 34-108 ; VAUNOIS A., De la propriété artistique en droit français, Thèse, Paris, 1884, p. 90 ; voir également : BATBIE A. P., op. cit., p.

471 ; MASSÉ G., ibid. ; RENDU A. et DELORME J., op. cit., p. 442 ;

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13

l’art, et qui consiste à opposer les œuvres « allographiques » aux œuvres « autographiques »

48

. Les premières sont les œuvres qui se prêtent à « une série infinie de performances, représentations et publications » ; leur support n’est qu’un « médium, indéfiniment multipliable sans perte d’authenticité »

49

. Il s’agira naturellement des œuvres littéraires, dramatiques et musicales. Les secondes résident dans « un objet matériel unique »

50

, incorporant l’œuvre et se suffisant à lui-même pour en assurer la communication. Les œuvres graphiques, plastiques, photographiques et d’architecture font partie de cette catégorie.

L’ampleur de l’incorporation est naturellement variable en fonction du procédé de création.

L’art contemporain ainsi que les créations numériques remettent en cause cette exigence, et se caractérisent par une certaine « dématérialisation ». Mais l’idée nous semble pouvoir être maintenue, à condition d’adopter une conception large de la corporalité.

Transposons cette distinction au domaine du droit : les œuvres allographiques relèvent de la propriété littéraire ; les œuvres autographiques relèvent de la propriété artistique. C’est donc pourquoi, à l’inverse des auteurs classiques, nous rangeons les compositions musicales et les œuvres dramatiques dans la première catégorie. La propriété artistique ne désigne donc que la propriété des œuvres graphiques et plastiques, caractérisées par un statut distinct

51

. Cette redéfinition des notions nous semble plus conforme à l’état du droit, qui a traité différemment ces deux types de propriété. L’unification du vocable de propriété littéraire et artistique, bien que fondée pour certains

52

, est pourtant discutable car la distinction était, en pratique, bien réelle

53

.

Comme nous le démontrerons, cette distinction remettrait en cause le fondement du droit d’auteur. Malgré la législation révolutionnaire, les droits des artistes peinèrent à s’affirmer, tant les dispositions et l’esprit qui les gouverne semblaient inadaptés

54

. Vaunois disait en 1892 que « le travail a été fait pour la propriété littéraire ; mais il reste à tenter pour la propriété artistique »

55

. À l’heure actuelle, alors que l’extension du droit d’auteur amène à appréhender sans cesse de nouvelles formes, il convient de réintégrer en son champ

48 Sur cette distinction : GOODMAN N., Langages de l’art : une approche de la théorie des symboles, Librairie Arthème Fayard, Paris, 2011, (1ère éd. en français en 1990), 312p. ;

49 CHAUDENSON F., A qui appartient l’œuvre d’art ?, Armand Colin, Paris, 2007, pp. 211-213 ;

50 CHAUDENSON F., op. cit., pp. 210-211 ; HEINICH N., Faire voir – L’art à l’épreuve de ses médiations, Les impressions nouvelles, Bruxelles, 2009, p. 11 ;

51 LINANT DE BELLEFONDS X., Droit d’auteur et droits voisins, 2ème éd., Dalloz, Collection Cours – série Droit Privé, Paris, 2004, pp. 5-6 ;

52 POINSARD L., La propriété littéraire et artistique – Répertoire alphabétique rédigé d’après la Législation, les Traités, les Usages et la jurisprudence des divers Pays, LGDJ, Paris, 1910, p. 227 ; POUILLET E., MARTIN SAINT-LEON E. et PATAILLE H., Dictionnaire de la propriété industrielle, artistique et littéraire, Tome II, Librairie Nouvelle de Droit et de Jurisprudence, paris, 1887, pp. 321-325 ;

53 GAIRAL E., Les œuvres d’art et le droit, Imprimerie Paul Legendre et Cie, Lyon, 1900, pp. 11-13 (estimant que la confusion s’est faite à l’avantage de la propriété littéraire, dont les problématiques étaient bien différentes de celles de la propriété artistique) ;

54 DEMANGE R., La propriété artistique dans les arts du dessin, Imprimerie Kreis, Nancy, 1898, p. 6 ;

55 VAUNOIS A., « La condition et les droits d’auteur des artistes jusqu’à la Révolution », Bulletin de la société des études historiques, 1892, pp. 152 ;

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