CHAPITRE VIII
Modélisation du séchage de PVC et de levure
Les chapitres VI et VII sont consacrés au développement de modèles à l’échelle du milieu poreux. Nous appliquons maintenant ces différents modèles à des problèmes d’intérêt industriel : le séchage de PVC et de levure.
La modélisation de réacteurs pilotes ou industriels peut s’avérer difficile de par la complexité intrinsèque d’installations de ces tailles et des phénomènes qui s’y déroulent. Si nous cherchons à modéliser le réacteur c’est pour permettre, d’une part, une modélisation de procédés réels et, d’autre part, une validation de nos modèles à l’échelle du milieu poreux. En effet, nous n’avons pas présenté de validation spécifique à l’échelle du grain. Les deux dispositifs étudiés ici, la thermogravimétrie analytique et le lit fluidisé pilote de laboratoire, permettent l’application de modèles simples à l’échelle du réacteur.
Nous commençons donc ce chapitre en présentant les bilans globaux permettant de modéli- ser ces réacteurs. Ils font intervenir le taux d’évaporation J . Celui-ci est obtenu via les modèles des deux chapitres précédents pour étudier le séchage de PVC et de levure. Nous explicitons ensuite les raisons qui nous amènent à tester des modèles différents selon le solide.
Dans le cas du PVC, le nombre de pores compris dans un grain rend prohibitif l’usage d’un modèle par réseau de pores. Nous nous limitons donc à un modèle continu : le modèle à surface d’échange variable, qui s’avère être le plus adapté des modèles que nous avons présentés.
Dans le cas de la levure, nous pouvons envisager la modélisation d’une section de grain à l’aide du modèle par réseau de pores. Nous utilisons les données de la structure interne du grain obtenues par microtomographie au chapitre IV. Le modèle est appliqué pour simuler des essais de thermogravimétrie et en lit fluidisé. Ensuite, nous comparons les résultats du modèle à ceux obtenus par le modèle continu à front pénétrant. Nous évaluons finalement l’impact du rétrécissement des grains et des types d’eau sur le séchage de levure.
VIII.1 Modèle de réacteur
Les essais en lit fluidisé et par T.G.A. offrent des conditions expérimentales très différentes.
De ce fait, nous développons des modèles différents pour les décrire. Toutefois, les deux modèles
sont basés sur l’application de bilans de quantité de matière et d’énergie sur le réacteur.
Fig. VIII.1 – Schéma du couplage entre les bilans globaux et les modèles de grains.
(humidité de l’air entrant Y
in, débit d’air entrant Q, température de l’air entrant T
in) et du taux d’évaporation J calculé par le modèle de grain, de connaître les conditions dans le réacteur (humidité de l’air Y , température de l’air T , quantité d’eau comprises dans le solide X ). Ces grandeurs permettent le calcul des informations nécessaires au modèle de grain (pression de vapeur saturant p
sat, pression de vapeur en sortie du milieu p
vext) pour le calcul du taux d’évaporation.
VIII.1.1 Bilans sur un lit fluidisé
L’excellente homogénéité des conditions en lit fluidisé offre à ce titre un avantage : nous pouvons appliquer des modèles de réacteur assez simplifiés. En particulier, nous considérons que la phase gazeuse traversant le réacteur se comporte comme si elle traversait un réacteur parfaitement mélangé. Les conditions en tout point du réacteur sont donc identiques et égales aux conditions de sortie. Du point de vue du solide, nous sommes en réacteur discontinu.
Dans ces conditions, nous pouvons écrire différents bilans :
sur la quantité d’eau Y contenue dans l’air (exprimée en kilogramme d’eau par kilogramme d’air sec)
m
gd Y
dt = Q(Y
inY ) + J (VIII.1) sur la quantité d’eau contenue dans le solide X (exprimée en kilogramme d’eau par ki-
logramme de solide sec)
m
sdX
dt = J (VIII.2)
sur l’énergie totale du réacteur
Q (Y
inY ) H
vap+ Qc
pg(T
inT ) =
m
sc
ps+ c
plX dT
dt c
plJ C
ext(T T
ext) (VIII.3) où :
– m
g, m
ssont les masses de gaz et de solide sec dans le réacteur, – H
vapest la chaleur latente de vaporisation,
– c
pg, c
pset c
plsont les capacités calorifiques massiques du gaz, du solide et du liquide, – C
extest un coefficient de transfert de chaleur représentant les pertes de chaleur vers
l’extérieur,
– T
extest la température ambiante en dehors de l’installation.
Notons que nous négligeons la chaleur spécifique du gaz contenu dans le réacteur dans le terme de variation de l’enthalpie totale du système. En effet, pour de faibles variations de températures comme celles présentes dans nos applications, ce terme est négligeable devant d’autres, comme le terme puits lié à l’évaporation ou l’apport de chaleur lié à l’entrée du gaz.
De plus nous supposons que le contenu du grain présente une température uniforme, égale à celle de l’air dans le réacteur. Cette hypothèse est confirmée par l’évaluation du temps de pénétration t
pende la chaleur dans les grains. Il s’agit du temps nécessaire à ce qu’un saut de température appliqué à l’interface d’une sphère se soit répercuté à 95 % au centre de la sphère en considérant un transport de chaleur conductif. Sa valeur est donnée par : [47]
t
pen= 0; 4 L
2grainb
s(VIII.4)
où
– L
grainest le rayon d’un grain, – b
sest la conductibilité du solide.
Pour le PVC, nous obtenons 0; 1 seconde tandis que pour la levure il vaut 0; 4 seconde. Ces temps restent bien faibles par rapport aux temps caractéristiques des deux étapes de séchage, qui est de quelques dizaines de minutes. Ce calcul suppose que les grains sont des sphères pleines du matériaux solide constitutif. Nous devrions prendre en compte la structure poreuse réelle et appliquer une conductibilité effective tenant compte de la présence des différentes phases. Le PVC et la levure présentent cependant des conductibilités inférieures ou égales à celles de l’eau. De ce fait, lorsque est saturé en eau, le temps de pénétration est plus court que ce que nous venons d’évaluer. Une fois le grain sec, il est plus difficile d’évaluer sa conductibilité effective.
VIII.1.2 Modèle pour les essais de T.G.A.
En marge de l’étude du séchage en lit fluidisé, nous nous intéressons également à la mo- délisation de l’évaporation lors des essais de thermogravimétrie présentés au point III.3.1. Cela nous permet de confronter nos modèles à des conditions très différentes de celles rencontrées dans le lit fluidisé. Pour ces essais, nous considérons un modèle de réacteur différent.
Le débit de gaz passant à proximité de l’échantillon est tel que la variation d’humidité de l’air est négligeable. Nous supposons donc Y = Y
indans l’ensemble du dispositif. De même la température du gaz est constante. Cependant, la surface spécifique de contact entre le solide et le gaz est trop faible pour que nous ne puissions assimiler la température du solide à celle du gaz.
Nous considérons donc que l’ensemble de l’échantillon est à une température T que nous cherchons à déterminer. Nous supposons que la quantité d’énergie comprise de l’échantillon ne varie que par :
– l’apport de chaleur par le flux de gaz passant à une température T
in, – la sortie matière de vapeur.
Le bilan s’écrit alors :
m
sc
ps+ c
plX dT
dt = S
T GAgc
pg(T
inT ) H
vapJ (VIII.5) où
– est le coefficient de transfert de chaleur,
– S
T GAest l’aire interfaciale de l’échantillon de T.G.A.,
Dans ce bilan, nous négligeons la chaleur comprise dans le gaz présent dans l’échantillon poreux par rapport à celui du solide. En fin de séchage, cette énergie est maximale. Elle représente toujours moins d’un dixième de pourcent de la chaleur comprise dans le solide. Le bilan de la quantité d’eau comprise dans le solide (VIII.2) reste, lui, d’application.
VIII.1.3 Valeur des coefficients de transfert externe
Un des paramètres clé, commun à tous les modèles que nous présentons, est le coefficient
de transfert de matière externe au milieu poreux k . Selon les modèles nous l’exprimons sous
cette forme ou sous la forme d’une épaisseur de couche de diffusion L
D. Le lien entre les deux
est donné par l’équation (VII.9).
De très nombreuses corrélations empiriques existent pour évaluer le coefficient de transfert de matière en lit fluidisé [159]. Ces différentes corrélations mènent à des coefficient de transfert pouvant varier de plusieurs ordres de grandeurs. Cela est du principalement à des conditions expérimentales très différentes ainsi qu’aux difficultés inhérentes à la détermination de la surface d’échange. Nous nous servons plutôt de corrélations obtenues sur des bases théoriques dans des situations simplifiées. En particulier nous utilisons deux corrélations :
Ranz et Marshall basée sur le calcul du flux de matière issu d’une particule sphérique rigide isolée située dans un écoulement potentiel [160] :
Sh = 2 + 0; 6Re
1=2Sc
1=3(VIII.6) où
– Sh est le nombre de Sherwood, comparant le coefficient de transfert de matière k au coefficient de diffusion D
Sh = 2L
graink
D (VIII.7)
– Re est le nombre de Reynolds de l’écoulement, comparant les forces d’inertie aux forces visqueuses
Re = 2L
grainv
gg g(VIII.8)
avec v
gla vitesse du gaz,
gla masse volumique du gaz et
gsa viscosité dynamique – Sc est le nombre de Schmidt comparant diffusion et viscosité
Sc =
g gD (VIII.9)
Nelson et Galloway basée sur le calcul du flux de matière issu d’une particule sphérique rigide entourée d’autres particules [161] :
Sh =
2C
ng+
2Cng2(1 lit)1=31 (1 lit)1=32
2
!
tanh C
ng C2ng1 (1 lit)1=3