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Diligence du banquier en matière d'investissement et droit de rétention sur les avoirs du client

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Diligence du banquier en matière d'investissement et droit de rétention sur les avoirs du client

LIEGEOIS, Fabien

Abstract

La relation juridique entre le client et sa banque est dite "complexe", car elle implique la conclusion de plusieurs contrats. La pratique bancaire distingue en outre trois contrats caractéristiques de la situation d'investissement (ou de placement). Nous argumentons dans cette contribution que les devoirs de diligence du banquier fonctionnent sur le principe de la gradation. Cette logique se dégage de la jurisprudence du Tribunal fédéral. La diligence requise est en effet fonction de l'implication du banquier dans les affaires patrimoniales du client. Sur cette échelle, le contrat de dépôt (Execution Only; blosse Konto-/Depot-Beziehung) se situe en bas (1.). Le contrat de conseil en placement (Advisory Agreement;

Anlageberatungsvertrag ) se place à un niveau intermédiaire supérieur (2.). Enfin, le mandat de gestion (Asset Management Agreement; Vermögensverwaltungsvertrag) figure au sommet. Pour illustrer cet argument, nous examinons trois situations tirées de la pratique, lesquelles ont donné lieu à autant d'arrêts du TF. Notre proposition trouve précisément un point d'appui dans les affaires "Madoff". [...]

LIEGEOIS, Fabien. Diligence du banquier en matière d'investissement et droit de rétention sur les avoirs du client. In: La pratique contractuelle 5 . Genève : Schulthess éd. romandes, 2016. p. 131-156

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:107215

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(2)

F

ABIEN

L

IÉGEOIS*

Diligence du banquier en matière d’investissement et droit de rétention sur les avoirs du client

Introduction 132

I. Relation contractuelle et diligence du banquier 133

A. Contrats applicables en matière d’investissement 133

1. Gradation des devoirs ... 134

a) Niveau 1 : contrat de commission ou de vente (Execution Only) ... 134

b) Niveau 2 : contrat de conseil en placement (Advisory Agreement) ... 135

c) Niveau 3 : contrat de gestion de fortune (Asset Management) ... 137

2. Outil de délimitation : le pouvoir décisionnel ... 138

a) Le banquier exécute la décision ... 138

b) Le banquier influence la décision ... 139

c) Le banquier prend la décision ... 139

B. Mises en situation 140 1. Banquier-commissionnaire ... 140

a) Eléments factuels ... 140

b) Eléments d’appréciation ... 141

2. Banquier-conseil ... 142

a) Eléments factuels ... 142

b) Eléments d’appréciation ... 142

3. Banquier-gérant ... 143

a) Eléments factuels ... 143

b) Eléments d’appréciation ... 144

II. Double peine pour l’investisseur victime d’une fraude à la Madoff (Système pyramidal ou Schneeballsystem) 145 A. Droit de bloquer les avoirs du client 145 1. La Cour de justice genevoise dit non ... 145

a) Les faits du litige ... 145

b) Les motifs de l’arrêt ... 146

2. Le Tribunal fédéral dit oui ... 148

* Doctorant à la Faculté de droit de l’Université de Genève, avocat au barreau de Genève, LL.M.

(Chicago Law School). Je remercie CYNTHIA WINKELMANN, titulaire du brevet d’avocat, pour les conseils qu’elle m’a prodigués lors de l’élaboration et de la mise au point de ce texte.

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a) La reprise des faits du litige ... 148 b) Les motifs de l’arrêt ... 148 3. Eléments d’appréciation ... 150 B. Ex cursus : le caractère particulièrement incertain de la créance sous l’angle fiscal 151 1. Le problème posé ... 151 2. La solution de principe ... 152 3. La solution d’exception ... 153

Conclusions 153

Bibliographie 155

Introduction

Le droit bancaire est-il affaire d’initiés ? On y trouve, il est vrai, des contrats propres au domaine. On y trouve aussi des créations sophistiquées d’ingénieurs financiers.

Concédons d’emblée que cette contribution ne prétend pas apporter de réponses savantes à des questions d’experts. L’objectif consiste plutôt à suggérer des clés d’entrée dans la jurisprudence sur la responsabilité du banquier en matière d’investissement.

Peut-on s’approcher du droit autrement que par les décisions ? Il semble que non. La loi comporte en effet des notions relativement indéterminées. Avec ce procédé, le sens de la règle est déterminé ex post à partir d’une appréciation de l’ensemble des circonstances concrètes. Le législateur procède à une délégation horizontale de compétence vers le juge. C’est le cas par exemple des obligations de « diligence » et de « loyauté » dont découlent les devoirs du mandataire (CO 398 II)1. L’interprétation de la loi passe ainsi par des inférences non-déductives2.

Faut-il pour autant renoncer à établir des correspondances a priori entre l’étendue de la relation contractuelle et les devoirs de diligence du banquier ? Il semble que non. Nous nous y efforcerons en commençant par un rappel des éléments caractéristiques des trois relations principales (I.). Ensuite, nous discuterons du problème particulier de l’existence d’un droit de rétention des banques sur les avoirs de leurs clients (II). Après un bref excursus, nous conclurons avec une représentation schématique des résultats. Le lecteur

1 Cf., not. arrêt du TF, 4C.205/2006 du 21 février 2007 consid. 3.2 où le Tribunal fédéral souligne que

« [l]es devoirs d'information et de conseil de la banque sont des notions à géométrie variable dont [il] a été appelé à préciser les contours à diverses reprises ces dernières années » et dont « l'objet exact et l'étendue […] dépendent de la nature des prestations fournies par la banque et des circonstances du cas » ; pour des précisions sur les notions de devoirs et obligations, en particulier dans le contexte précontractuel, cf. KUONEN, p. 390-393.

2 Au sujet des inférences non-déductives dans l’interprétation de la loi, cf. TORRIONE, p. 290-296.

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pourra entrevoir une ligne de continuité dans les devoirs du banquier par rapport au type de relation.

Par commodité, le terme de « banquier » sera utilisé pour désigner indistinctement toute personne physique ou morale qui fournit des services financiers au sein d’un établissement autorisé3. Le contexte dans lequel le banquier exerce son activité sera précisé à l’aide d’un trait d’union : banquier-commissionnaire, banquier-conseil et banquier-gérant. Nous ne traiterons pas de manière spécifique la problématique de la responsabilité des gérants de fortune indépendants ou de la banque dépositaire en cas de gestion externe.

I. Relation contractuelle et diligence du banquier

L’exposé rappellera d’abord les caractéristiques essentielles des trois relations les plus communes en situation d’investissement (A.). A partir de cas concrets, l’analyse portera ensuite sur l’accroissement des devoirs du banquier en fonction du type de relation qui le lie à son client (B.).

A. Contrats applicables en matière d’investissement

Le client qui ouvre un compte bancaire pour effectuer des virements ou réaliser des placements noue plusieurs contrats avec sa banque4 :

i. Compte-courant pour le décompte des opérations (CO 117) ; ii. Dépôt irrégulier pour les valeurs patrimoniales apportées (CO 481) ; iii. Mandat pour la gestion administrative des titres (CO 394 ss) ; iv. Commission pour l'achat ou la vente des titres (CO 425 ss), et ;

v. Dépôt régulier pour les titres placés en portefeuille5.

Parce qu’elle emprunte des caractéristiques à plusieurs de ces contrats, la relation est dite

« composée » ou « complexe »6. En appliquant les deux facteurs que sont la durée de la

3 Sur l’assimilation de l'exploitation d'une banque, dont l’activité est soumise à autorisation selon l’art.

3 LB, à l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité au sens de l’art. 100 al. 2 CO, cf. ATF 112 II 450 consid. 3a p. 455 (arrêt de principe).

4 ATF 131 III 377 consid. 4 p. 380 ; ég. not. arrêts du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1 et 4C.387/2000 du 15 mars 2001 consid. 2a, SJ 2001 I p. 525.

5 A ce sujet, cf. Loi fédérale sur les titres intermédiés (RS 957.1 ; LTI).

6 Arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1.

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relation contractuelle et le niveau d’implication du banquier dans les affaires patrimoniales du client, on distingue trois relations contractuelles (Vertragsbeziehungen) principales7. A ces relations correspondent autant de niveaux de « diligence commandée par les circonstances »8. Les devoirs du banquier fonctionnent ainsi sur le principe de la gradation.

1. Gradation des devoirs

a) Niveau 1 : contrat de commission ou de vente (Execution Only) La relation où la banque dépositaire agit comme commissionnaire (Execution Only) occupe le premier niveau dans la gradation des devoirs. Dans ce cadre, l’obligation principale du banquier consiste à exécuter l’ordre conformément aux instructions du client9. Celui-ci peut placer un ordre avec une limite de prix maximum à l’achat ou minimum à la vente (ordre avec limite de cours)10. Le client peut aussi communiquer à l’avance un ordre de vente qui se déclenche automatiquement si le cours du titre baisse jusqu’à un certain montant (stop loss order). Sans instructions, le banquier ne peut pas prendre de décision pour le compte de son client. La banque devra ainsi répondre du dommage causé au client lorsque celui-ci peut établir qu’un ordre automatique a été déclenché à la suite d’une manipulation de cours de l’un des employés de la banque11. En tant que commissionnaire, la banque est tenue à une obligation de moyen, non de résultats12. Sans indication spécifique, le banquier exécute par conséquent la transaction dans les meilleures conditions possibles (ordre au mieux)13.

Chargé de réaliser une transaction, le banquier-commissionnaire peut livrer lui-même les titres comme vendeur ou les acheter (CO 436). Lorsque la banque effectue un placement sur le marché primaire ou exerce une activité de teneur de marché, les parties concluent précisément un contrat de vente (CO 184 ss)14. Sauf empêchement imputable au client, le banquier ne peut réclamer sa provision (ou « commission de courtage ») que dans la mesure où l’opération dont il s’est chargé « a reçu son exécution » (CO 432 II). Le client ne peut pas invoquer les montants élevés de commission de courtage qu’a perçus sa

7 Sur les trois relations principales, cf. ATF 133 III 97 consid. 7.1, JdT 2008 I p. 84.

8 La formule procède des dispositions sur la responsabilité de l’employeur (CO 55) ou du détenteur d’animaux (CO 56). L’employer pour déterminer la responsabilité d’un expert-fiscal confirme que le mandant peut objectivement s’attendre à certaines connaissances d’un mandataire particulièrement qualifié, cf. ATF 128 III 22 consid. 2c p. 24 ; pour des exemples d’exécution non diligente, cf.

CHAPPUIS, p. 179 et s.

9 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 418.

10 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 725.

11 Au sujet de ce type de comportements, cf. FINMA, Rapport 2015 sur l’Enforcement, cas 21 p. 16.

12 Pour un exemple où l’ordre du client est annulé, ATF 133 221, JdT 2008 I 12.

13 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 419.

14 THÉVENOZ, p. 41.

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banque pour chercher à obtenir un transfert du risque économique de l’opération à sa banque15.

Parmi ses obligations accessoires, le banquier doit informer le client des conditions de traitement de son ordre. L’art. 426 al. 1 CO prescrit en effet au commissionnaire de tenir le commettant au courant de ses actes et, notamment, de l'informer sans délai de l'exécution de la commission. L’avis de la banque doit ainsi contenir au moins la date, le lieu, le prix et les frais relatifs à l’exécution.

En sa qualité de négociant de titres, le banquier-commissionnaire est soumis à un autre devoir d’information. Celui-ci découle de l’art. 11 LBVM. Cette disposition, de droit public, impose un devoir d’information minimum qui porte sur les risques généraux de l’opération envisagée. Elle peut servir de fondement à une action en dommages-intérêts du client à l’encontre du banquier16.

De la défaillance de contrepartie à l’effet de levier, en passant par la fluctuation conjoncturelle ou sectorielle, chaque instrument financier comporte sa propre structure de risques. C’est à celle-ci que le client doit être rendu attentif17. Le client peut notamment investir dans des obligations, des actions, des placements collectifs de capitaux, des produits dérivés ou structurés18. Dans ce contexte, le banquier- commissionnaire peut se contenter de remettre une documentation « standardisée » à son client19. L’information doit porter sur le risque associé à chaque instrument financier. Il n’est en revanche pas tenu de vérifier si une opération déterminée est adaptée aux besoins et à la situation patrimoniale de son client20.

La relation de dépôt avec contrat de commission suppose le plus faible niveau d’implication du banquier dans la gestion des affaires de son client. Elle se situe au bas de l’échelle de la responsabilité en matière d’investissement.

b) Niveau 2 : contrat de conseil en placement (Advisory Agreement) Le conseil en placement occupe un deuxième niveau de responsabilité. Le contrat peut être conclu par écrit (Advisory Agreement) ou être inféré des circonstances (actes

15 Au sujet de l’acquisition d’options, cf. arrêt du TF, 4C.265/2001 du 15 janvier 2002 consid. 2 dd.

16 ATF 133 III 97 consid. 5.2 p. 99 et s. ; pour la doctrine, cf. THALMANN, Informationspflicht des Effektenhändlers,p.982 et s. ;THÉVENOZ, p. 30 ; LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 766 ; GOMEZ RICHA, p. 191 ;GUGGENHEIM/GUGGENHEIM (p.43)mettent en garde sur l’absence de « coïncidence automatique entre une obligation contractuelle et un devoir ressortant du droit public ».

17 Arrêts du TF, 4C.205/2006 du 21 février 2007 consid. 3.3 et 4C.270/2006 du 4 janvier 2007 consid.

5.3.

18 Pour une typologie des produits structurés, cf. GOMEZ RICHA, p. 28-45.

19 Arrêt du TF, 4A_498/2013 du 19 mars 2014 consid. 4, SJ 2014 I p. 357.

20 ATF 133 II 97 p. 102.

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concluants)21. Le principe de la confiance s’applique dans ce dernier cas22. Les dispositions du mandat règlent la responsabilité du banquier-conseil23.

La doctrine distingue deux types de conseil en placement. Le premier est dit « ponctuel » (i.), le second « durable » (ii.)24.

i. La banque encourage son client à effectuer une transaction ou délivre son appréciation sur l’opportunité d’une transaction envisagée par le client ; ii. La banque contacte régulièrement son client pour lui suggérer des transactions

qu’elle estime opportunes25.

La communication d’une information ne vaut pas encore conseil26. Il faut également exclure l’avis général, les échanges non circonstanciés en dehors du cadre professionnel ou les opinions sans rattachement avec une opération particulière27. Le conseil se compose ainsi de deux éléments : une information et une appréciation relative à cette information28. L’appréciation peut prendre la forme d’une simple suggestion ou d’un signe de confirmation. La recommandation constitue une forme accentuée ou soutenue de conseil29. Celle-ci ne doit pas être confondue avec les recommandations générales destinées au public30.

Toute communication supposant elle-même un émetteur, un message et un récepteur, le conseil doit être intelligible en soi et relativement à son destinataire. L’expérience du client en matière d’investissement (ou de manière générale en affaires) constitue ainsi une circonstance de poids dans l’appréciation de la diligence du banquier31.

En cas de conseils ponctuels, il y a épuisement instantané des effets du contrat : la relation n’implique ni suivi de la transaction ni, a fortiori, de l’évolution du

21 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 792.

22 ATF 133 III 97 consid. 7.2, JdT 2008 I p. 84 ; pour d’autres exemples, cf. arrêts du TF, 4C.410/1997 du 23 juin 1998 consid. 3b, SJ 1999 p. 205 ; 4C.45/2001 du 31 août 2001 consid. 4a, SJ 2002 I p.

274 ; 4C.166/2000 du 8 décembre 2000 consid. 5b/dd ; cf. THÉVENOZ, p. 25 et s. ; pour juger de la conclusion du contrat, GUGGENHEIM/GUGGENHEIM (p.259et s.)insistent sur le critère de « l’intérêt économique » qu’ils préfèrent à celui, plus étroit, de la rémunération.

23 Arrêt du TF, 4C. 27/2003 du 26 mai 2003 consid. 3.2.2, SJ 2003 I p. 597.

24 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 258et s. ;LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 791.

25 BIZZOZERO, p. 17.

26 THÉVENOZ (p. 21) précise : « l’information est [dans ce cadre] la communication objective de certains faits qui peuvent se rapporter à une transaction ou à une catégorie de transactions. »

27 En ce sens, GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 255 et s.

28 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 257.

29 BERTSCHINGER,p.3.

30 Sur la question, cf. THÉVENOZ, p. 43 ; GUGGENHEIM/GUGGENHEIM, p. 257 ; LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 430.

31 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 264.

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portefeuille32. Si l’information est objectivement fausse, le banquier doit néanmoins la rectifier aussitôt qu’il est en mesure de le faire33.

Contrairement au conseil ponctuel, le conseil en placement durable implique des propositions régulières. Le banquier accompagne les transactions et veille à l’évolution du portefeuille dans son ensemble. Un conseil approprié suppose que le banquier connaisse la situation personnelle et économique de son client et sa propension aux risques. Il faut en conséquence distinguer deux niveaux de diligence en matière de conseil en placement. En cas de conseils durables, l’implication du banquier dans les affaires patrimoniales du client se rapproche de celle du banquier-gérant34.

c) Niveau 3 : contrat de gestion de fortune (Asset Management)

Le mandat de gestion de fortune s’installe au troisième niveau de cette courbe ascendante de responsabilité. Le contrat est conclu en la forme écrite ou « sous une autre forme qui permette la preuve par texte »35. Dès la conclusion, le banquier-gérant établit le profil de risques du client en fonction de sa capacité économique et de ses attentes (aspects objectifs et subjectifs)36. Il prend notamment en compte l’expérience et les connaissances du client37. Il répartit les risques de manière adéquate (diversification). Une fois le profil de risques consigné, le banquier respecte sans discontinuer la stratégie de placement.

Lorsque le client utilise de l’argent prêté par le banquier pour son investissement, l’effet de levier qui en résulte peut devoir faire l’objet d’une mise en garde particulière38. Lorsque la banque liquide une position, la demande de réparation du client peut être subordonnée à sa capacité à répondre à l’appel de marge39.

Le mandataire renseigne régulièrement le mandant sur son activité pour lui permettre d’être toujours en mesure de s’assurer de la bonne et fidèle exécution du mandat40. L’art.

400 al. 1 CO met en outre à la charge du mandataire l'obligation de rendre compte au mandant de sa gestion (Rechenschaftspflicht) et de lui restituer tout ce qu'il a reçu en

32 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 791.

33 Ibidem.

34 Comparer ATF 133 III 97 et ATF 101 II 121.

35 Cf. FINMA, Circulaire 2009/1, Règles-cadres pour la gestion de fortune : règles-cadres pour la reconnaissance de l’autorégulation en matière de gestion de fortune comme standard minimal, n. 8.

36 Cf. arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 où le Tribunal fédéral écarte la responsabilité du banquier-gérant malgré son omission d’établir un profil de risques.

37 Pour le gérant de fortune, cf. TEDJANI,p. 1264 et s.

38 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 421 ; dans le sens d’un devoir d’information accru, cf.

TEDJANI, p.1265et la jurisprudence citée.

39 En ce sens (sans trancher la question), cf. arrêt du TF, 4C.257/2005 du 7 mars 2006 consid. 3.2.

40 Sur la distinction entre obligation générale du mandataire de renseigner (398 CO) et obligation particulière de rendre compte (CO 400), cf. WERRO,CRCO,n. 4 ad art. 400 CO ; ég. BIZZOZERO, p. 144 et s.

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raison de cette relation (Herausgabepflicht)41. Le banquier peut notamment devoir renseigner le client sur la teneur de documents internes ; celui-ci doit néanmoins montrer en quoi les notes de celui-là sont pertinentes pour former sa demande42. La « reddition de compte » est de nature matérielle, non procédurale43.

La rémunération du banquier-gérant doit enfin être exposée de façon transparente. Il en va ainsi du calcul des frais de gestion et de leur composition. La banque a le droit de conserver les avantages qu’elle perçoit de tiers (rétrocession) à condition d’en avoir informé son client « de manière complète et conforme à la vérité »44.

2. Outil de délimitation : le pouvoir décisionnel

La distinction entre les trois principaux contrats de la pratique bancaire en matière d’investissement repose sur une appréciation de l’ensemble des circonstances concrètes.

Comme pour les contrats nommés du Code des obligations, le juge ne s’arrête pas aux expressions ou dénominations inexactes (CO 18 I). Le déroulement du processus décisionnel relatif à l’investissement occupe une place prioritaire dans la recherche de l’intention des parties45.

On peut ainsi distinguer (a) le banquier qui exécute la décision, (b) celui qui l’influence et (c) celui qui, dans le cadre fixé, se substitue à son client pour la prendre.

a) Le banquier exécute la décision

Le banquier-commissionnaire n’influe pas sur la décision du client d’investir. Il attend l’ordre et procède selon les instructions du client. Lorsque le client transmet un ordre avec une limite à l’achat ou à la vente, la banque doit s’y tenir sous peine d’être

41 WEBER, n. 2 ad art. 400 CO.

42 ATF 139 III 49 consid. 4.1.3 p. 56.

43 Arrêt du TF, 5A_768/2012 du 17 mai 2013 consid. 4.1 ; cf. ég. ATF 141 III 564 consid. 4.2.2 où le Tribunal fédéral exclut la voie de la preuve à futur (CPC 158 I cum CPC 160) dès lors que le mandant exerce en réalité une prétention en reddition de compte (CO 400 I).

44 WERRO,CRCO,n. 12 ad art. 400 CO ; au sujet des rétrocessions de la banque au gérant de fortune indépendant, cf. ATF 132 III 460, SJ 2006 I p. 407 ; cf. ég. la remarque critique au sujet des éléments de la décision relatifs à la rémunération des apporteurs d’affaires (finder’s fee) de GUGGENHEIM/FAÏS, p. 236.

45 Le Tribunal fédéral se réfère au « pouvoir décisionnel », cf. arrêts du TF, 4A_444/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.2 ; 4A_168/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.1, SJ 2009 I 13 ; 4A_525/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1, PJA 2012 1317 ; pour la doctrine, cf. BERTSCHINGER, p. 5 ; BIZZOZERO, p. 18 ; pour le gérant de fortune indépendant, cf. BRETTON-CHEVALLIER (p.73)précise :

« indépendance d’action et de décision ».

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recherchée pour la différence entre le prix d’exécution et le prix pour lequel elle a été instruite46.

Même si l’activité de commissionnaire s’accompagne d’un contrat de mandat ou de dépôt, l’examen de la diligence du banquier suppose une appréciation distincte et indépendante de chaque ordre. Le banquier ne répond pas des choix de son client même lorsqu’ils apparaissent très risqués, voire incompréhensibles47. Le suivi de l’évolution du portefeuille ne fait pas partie de ses devoirs48. A titre exceptionnel, une relation de confiance accrue, une situation de dépendance du client envers le banquier ou l’inexpérience manifeste de celui-là peut impliquer un devoir de mise en garde du banquier49.

b) Le banquier influence la décision

Le banquier-conseil exerce un rôle plus actif que le banquier-commissionnaire. Sans être en charge de la décision finale, il participe au processus décisionnel. L’information qu’il transmet ponctuellement peut avoir pour objet, ou effet, d’inciter le client à réaliser une opération particulière.

Lorsque le conseil en placement s’établit dans la durée, il devient difficile d’ignorer l’influence du banquier dans les décisions du client. En fonction de la qualité du rapport qui s’installe, le banquier éclaire la décision, y participe ou y veille.

Qu’il soit ponctuel ou durable, le conseil en placement suppose que le client décide en dernier lieu d’investir ou d’y renoncer50.

c) Le banquier prend la décision

Le banquier-gérant prend la décision d’effectuer une opération particulière pour le compte de son client. En présence d’un mandat discrétionnaire, c’est lui en effet qui est titulaire du pouvoir de disposition sur les valeurs patrimoniales du client. La procuration dont dispose le banquier-gérant lui permet d’engager les valeurs patrimoniales du client vis-à-vis des tiers (effets civils). Seul le patrimoine du client évolue ainsi en fonction des cours de la bourse et des rendements des titres qui ont été acquis pour son compte. Tant que le banquier-gérant respecte la stratégie définie avec son client, ce dernier encourt seul les risques de l’opération. Il peut décider de liquider ses positions ou de résilier le

46 Pour un exemple, cf. arrêt du TF, 4C.471/2004 du 24 juin 2005 (en particulier consid. 3.2.) ; cf., ég.

LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 419.

47 Selon la formule consacrée : « le banquier n'est pas le tuteur de son client », cf. arrêts du TF, 4A_369/2015 du 25 avril 2016 consid. 2.3 ; 4C.108/2002 du 23 juillet 2002 consid. 2b ; 4C.24/1993 du 14 décembre 1993 consid. 3b.

48 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 418.

49 ATF 133 III 97 consid. 7.1.2, JdT 2008 I p. 84 et les références citées.

50 Arrêt du TF, 4A_168/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.1, SJ 2009 I 13.

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mandat en tout temps (CO 404). En tant qu’ayant droit économique, le client dispose du pouvoir effectif de dénouer toute relation, opération ou structure afin d’obtenir la restitution des valeurs patrimoniales qui lui appartiennent51.

B. Mises en situation

On a vu que l’étendue de l’implication du banquier dans les affaires patrimoniales du client détermine l’ampleur des devoirs qui incombent au mandataire. Plus la relation contractuelle s’intensifie et plus le client peut s’attendre à recevoir des informations appropriées à ses besoins et des conseils adaptés à sa situation particulière. Pour illustrer la gradation des devoirs, nous observerons trois situations concrètes à partir de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

1. Banquier-commissionnaire a) Eléments factuels

Pierre Dupont est domicilié à l’étranger. Depuis l’année N, il détient un compte auprès de la « BSA Banque » en Suisse. Le solde de son compte s’élève à CHF 1'000'000. Au cours de l’année N+5, il acquiert 100 parts du placement collectif de capitaux

«Unfairfield Ltd »52. Son investissement s’élève au total à CHF 200'000.

Au cours de l’année N+10, M. Dupont décide de vendre la moitié de ses parts « de sa propre initiative ».

Au cours de l’année N+11, les dirigeants de la BSA Banque rencontrent le gérant du placement collectif de capitaux « Unfairfield Ltd ». A la suite de cette réunion, « BSA Banque » décide de renoncer à investir dans les placements collectifs du gérant. Elle n’informe pas son client.

M. Dupont suit régulièrement l’état de son compte. La « BSA Banque » établit des relevés mensuels qu’elle adresse à son client. Des collaborateurs de la banque communiquent aussi par téléphone avec lui et se rendent deux fois par an chez lui, à l’étranger.

Le reste de l’investissement de Pierre Dupont continue de prendre de la valeur jusqu’à l’année N+15 où il s’effondre subitement lorsque le monde entier apprend l’existence

51 Les art. 2a al. 3 LBA, 2 let. f OBA-FINMA et 56 OBA-FINMA précisent la notion d’ayant droit économique dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent en imposant en particulier l’identification des personnes physiques qui détiennent le contrôle de personnes morales.

52 Quoiqu’inspiré de la réalité, ce nom est fictif.

(12)

d’une escroquerie de grande envergure dont le responsable n’est autre que le gérant qu’avait rencontré BSA Banque quelques années plus tôt.

M. Dupont actionne sa banque en dommages-intérêts et réclame le paiement d’une somme correspondant au montant de ses parts au cours de l’année N+11, savoir lorsque la banque a décidé d’arrêter d’investir dans le fonds.

b) Eléments d’appréciation

Lorsque le client charge sa banque d’effectuer une opération en bourse, la banque dépositaire agit comme commissionnaire au sens de l’art. 425 al. 1 CO. Dans cette configuration, la banque s’engage uniquement à mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’exécution de ses instructions avec la diligence requise. L’art. 11 LBVM est applicable à la banque qui négocie, pour le compte de son client, des valeurs mobilières comme des parts dans un placement collectif de capitaux53.

La banque qui recommande un investissement n’en garantit pas l’évolution dans le futur54. L’information doit être factuellement exacte et l’appréciation compréhensible au moment de sa transmission55. En l’absence de contrat dans la durée, la banque ne prend pas l’engagement de tenir le client informé au sujet d’événements postérieurs à son conseil et susceptibles de donner lieu à un réexamen de son investissement56.

On peut se demander si la banque aurait dû conseiller à M. Dupont de vendre ses parts au moment où les dirigeants de l’établissement ont eux-mêmes décidé de ne plus investir dans le fonds.

En l’espèce, M. Dupont n’a pas confié de mandat de gestion à la « BSA Banque ». Les deux parties ne sont pas non plus convenues, de manière expresse ou tacite, d’un contrat de conseil en placement durable. La situation aurait pu être différente si M. Dupont avait reçu des recommandations spontanées et répétées de la banque57. Dans le contexte d’une activité de type execution only ou de conseils ponctuels, la banque n’avait pas le devoir de communiquer à M. Dupont sa décision de sortir du fonds ni les raisons qui y ont présidé. Le devoir d’information de l’art. 11 LBVM imposait uniquement à la banque de rendre le client attentif à la structure des risques au moment où il a investi dans le fonds, non après58. Pour ces deux raisons, le Tribunal fédéral confirme la décision des instances inférieures de rejeter la demande de M. Dupont.

53 Au sujet des devoirs d’information qui en découlent, cf. supra p. 135.

54 Arrêt du TF, 4A_498/2013 du 19 mars 2014 consid. 3, SJ 2014 I p. 357.

55 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM (p. 264) précisent que si le client ne donne pas suite au conseil « dans un délai raisonnable, le conseil perd toute valeur ».

56 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 791.

57 Arrêt du TF, 4A_498/2013 du 19 mars 2014 consid. 3, SJ 2014 I p. 357.

58 Arrêt du TF, 4A_498/2013 du 19 mars 2014 consid. 4, SJ 2014 I p. 357.

(13)

2. Banquier-conseil a) Eléments factuels

« X Corp. » est une société incorporée au Panama. « A » en est l’ayant droit économique. Au cours de l’année N, la société ouvre un compte auprès de la banque

« B ». Ses représentants signent plusieurs documents, dont (i.) un mandat de conseil en placement, (ii.) un acte de nantissement et cession, (iii.) une demande de crédit et (iv.) une directive de placement.

La société opte pour un profil de risques intitulé « accroissement du capital » et déclare accepter un « risque de perte substantiel dans son portefeuille ». Les documents relatifs à la demande de crédit indiquent que le client a connaissance des risques encourus, en particulier celui d’une « perte totale de ses actifs à la suite d’un appel de marge et de la vente, du remboursement et de la liquidation desdits actifs »59.

Au cours de l’année N, le portefeuille de la société s’apprécie d’environ 13 %. L’année suivante, l’actionnaire de la société fait savoir à la banque qu’il entend augmenter les risques pour chercher à accroître le rendement du portefeuille. L’actionnaire, ayant droit économique du compte, déclare vouloir investir dans un titre d’une banque étrangère dont le rendement s’élève à 8.5 %. Le banquier lui propose de souscrire des obligations de « V » et précise que la prime de risque correspond à un défaut de « V » à cinq ans. En tant que titulaire du compte, la société fait ainsi l’acquisition d’un montant important de ces obligations à risque accru. Elle les finance à l’aide d’un crédit lombard octroyé par la banque.

Quelques mois après l’opération, le portefeuille de titres de la société se déprécie. La banque entretient des contacts réguliers avec la société « X Corp. » avant d’effectuer un appel de marge. La demande de couverture intervient au moment où les actifs du portefeuille sont inférieurs à la dette de la société envers la banque. L’ordre de vendre la totalité des obligations est finalement donné avant la fin de l’année. La perte s’élève à environ CHF 1'100'000.

La société demande réparation à la banque.

b) Eléments d’appréciation

La banque et la société « X Corp. » sont liées par un contrat de conseil en placement.

Cette relation relève du mandat (CO 394 ss). Les devoirs de la banque de renseigner, de conseiller et d’avertir son client correspondent à l’étendue de la relation contractuelle60.

59 Arrêt du TF, 4A_444/2012 du 10 décembre 2012.

60 Arrêt du TF, 4A_444/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.2.

(14)

En tant que mandataire « professionnellement qualifié », la banque doit en particulier fournir à son client une information véridique et complète61. L’information est complète lorsqu’elle renseigne le client sur tous les éléments nécessaires à la formation de sa volonté62. En cas de recommandation, le Tribunal fédéral considère que la banque doit connaître « la situation financière de la société émettrice et ses perspectives d'avenir, ainsi que les avis exprimés par la presse économique et les agences de cotation »63. En l’occurrence, la banque a renseigné la société, par l’intermédiaire de son ayant droit économique, sur la situation de l’émetteur de l’obligation et la signification de la prime de risque qui lui était associée. Par ailleurs, la demande de crédit qu’a remise la banque à la société comportait une mention expresse des risques supplémentaires que faisait peser le crédit lombard sur l’investissement. Ces documents satisfont au devoir d’information accru lorsque « le mandant ne spécule pas seulement avec sa fortune, mais avec les crédits de la banque »64. Elle s’est enfin entretenue régulièrement avec la société avant d’effectuer son appel de marge. Le client ayant persisté dans sa stratégie en dépit des mises en garde de la banque doit en supporter les conséquences économiques. Pour cette raison, le Tribunal fédéral donne raison à la banque contre la société qui demandait réparation65.

3. Banquier-gérant a) Eléments factuels

Monsieur Durand est de nationalité française et domicilié dans le canton du Valais. Il dispose d’une fortune très importante. A l’occasion d’une rencontre sur un terrain de golf, il décide d’ouvrir un compte bancaire auprès de la banque « B » où Monsieur « G » occupe la fonction de « responsable client » dans la division clientèle privée. Monsieur

« G » se voit octroyer la responsabilité de placer les fonds de M. Durand. « G » prend l’essentiel des décisions de placement. La banque « B » envoie régulièrement au client des relevés faisant état de ses dépôts auprès d’elle. Tous les trois mois, la banque informe en outre M. Durand de l’évolution de ses placements.

Entre l’année N et l’année N+4, son portefeuille s’apprécie. Le client témoigne alors de sa satisfaction oralement et par actes concluants. Il transfère en effet de nouveaux titres d’une autre banque à la banque « B ».

61 Arrêts du TF, 4C.410/1997 du 23 juin 1998 consid. 3b, SJ 1999 I p. 205 ; 4C.20/2005 du 21 février 2006 consid. 4.2.3.

62 ATF 115 II 62 consid. 3a p. 65.

63 Arrêt du TF, 4A_444/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.2 et la doctrine citée.

64 Ibidem.

65 Pour plus de détails au sujet de la concentration excessive des fonds, comparer les arrêts du TF, 4A_444/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.3 et 4C.385/2006 du 2 avril 2007 consid. 5, SJ 2007 I 499.

(15)

A partir de l’année N+5, le portefeuille de M. Durand baisse régulièrement en raison, d’une part, d’une trop forte exposition au secteur des nouvelles technologies et, d’autre part, de positions risquées en options66. Devant l’ampleur de la perte, il finit par ouvrir action contre la banque « B ».

b) Eléments d’appréciation

En présence d’un mandat de gestion, le banquier-gérant s’oblige à gérer, dans les termes du contrat, tout ou partie de la fortune du mandant, en déterminant lui-même les opérations boursières à effectuer dans les limites que fixe le client67. Cette relation relève du mandat (CO 394 ss). Le fait que le banquier-gérant reçoive de temps à autre des instructions du client qu’il exécute ne modifie pas la qualification de la relation68. Son devoir de diligence se détermine de manière objective69. Comme dans le cadre d’un contrat de commission ou de conseil en placement, le mandataire ne garantit pas le résultat70.

Dans le cas présent, M. Durand n’a pas donné d’indication précise sur la manière de gérer ses avoirs. Par exemple, il n’a pas interdit certaines opérations ou imposé des règles de répartition. A défaut d’instructions, le banquier-gérant peut réaliser toutes les opérations dites ordinaires71. Lorsque le mandat est défini de manière large, le banquier- gérant répond des pertes résultant d’opérations qu’un professionnel n’aurait raisonnablement et objectivement pas entreprises72. Si une concentration excessive sur un seul titre n’est pas admissible, le Tribunal fédéral relève in casu que les titres étaient concentrés dans un même secteur économique73. Compte tenu du caractère dynamique de la gestion du portefeuille et du fait que les nouvelles technologies étaient « à la mode », ce mode de gestion n’a pas été jugé déraisonnable. Le banquier-gérant n’a pas non plus manqué à son devoir de surveiller les cours et a régulièrement renseigné son mandant au sujet de son activité.

66 Arrêts du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 ; 4A_168/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.1, SJ 2009 I p.

67 Arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.1. 13.

68 Arrêts du TF, 4C.171/2000 du 6 décembre 2000 consid. 2b ; 4C.116/1995 du 9 août 1995 consid. 2c, SJ 1996 I p. 193.

69 Arrêts du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.2 ; 4C.158/2006 du 10 novembre 2006 consid.

3.1 ; 4C.126/2004 du 15 septembre 2004 consid. 2.2.

70 Arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.2 ; cf. ég. WERRO,CRCO,n. 7 ad art. 394 ; BIZZOZERO,p.130.

71 L’art. 8 des Directives de l’ASB concernant le mandat de gestion de fortune (version 2013) liste les opérations bancaires ordinaires suivantes : placements à terme fixe et placements fiduciaires, opérations sur métaux précieux, placements en valeurs mobilières du marché monétaire et du marché des capitaux sous la forme de papiers-valeurs et de droits-valeurs (p. ex. actions, obligations, notes, créances comptables), les instruments financiers qui en sont dérivés et leurs combinaisons (dérivés, produits structurés, etc.) et les placements collectifs ; ég. BIZZOZERO,p.10.

72 Arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.3 et l’arrêt cité.

73 Ibidem.

(16)

En revanche, le client aurait dû être informé des opérations sur options avant que le banquier-gérant n’y recoure. Ce défaut d’information ex ante constitue une violation du devoir de diligence74. Le Tribunal fédéral rejette néanmoins le recours de M. Durand qui n’a pas su prouver son dommage.

II. Double peine pour l’investisseur victime d’une fraude à la Madoff (système pyramidal ou Schneeballsystem)

Deux situations particulières ont retenu notre attention en relation avec le problème de clients victimes d’investissements malheureux à la suite d’une fraude de type

« Schneeballsystem ».

Dans la première situation, la banque exerce un droit de rétention sur les avoirs de son client. Le litige se termine par un arrêt du Tribunal fédéral qui déjuge la Cour de justice genevoise. Il est intéressant de mettre ces deux décisions en perspective (A.).

Dans la deuxième situation, nous effectuerons un ex cursus en droit fiscal. Le Tribunal fédéral considère que la créance de l’investisseur doit être particulièrement incertaine pour que ce dernier échappe à l’imputation d’un revenu alors même que l’opération se solde par une perte intégrale (B.).

A. Droit de bloquer les avoirs du client

1. La Cour de justice genevoise dit non a) Les faits du litige

« B » est un ressortissant vénézuélien. Il y exerce des fonctions dans les domaines politique et financier. Au cours de l’année N, il ouvre un compte auprès de la banque suisse « A ». Le client signe les documents qu’on lui présente alors dans sa langue.

Parmi ces documents, il y a (i.) les conditions générales de la banque, (ii.) une formule

« banque restante » et (iii.) un acte de nantissement et déclaration de cession.

L’acte de nantissement prévoit en particulier que la banque dispose d’un droit de gage général sur tous les biens et droits déposés ou à déposer auprès d’elle, ce en garantie de toutes créances actuelles ou futures envers son client.

74 Arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 consid. 2.2.4 et l’arrêt cité.

(17)

Les conditions générales de la banque prévoient en outre un droit de gage et de compensation sur les avoirs et valeurs qu’elle garde et octroient à la banque un droit de compenser en tout temps les différents comptes du client.

Au cours de l’année N+2, « B » acquiert des parts dans divers placements collectifs de capitaux. Les opérations s’élèvent au total à CHF 450'000. Cette somme comprend en particulier un investissement de CHF 100'000 dans le fonds « Unfairfield Ltd ».

Au cours de l’année N+8, « B » vend l’essentiel de ses parts dans le fonds « Unfairfield Ltd ». La banque crédite son compte d’un montant de CHF 75'000.

Au cours de l’année N+10, les parts du fonds «Unfairfield Ltd » perdent toute valeur à la suite de la découverte de la fraude MADOFF. Le liquidateur du fonds réclame alors la restitution des remboursements effectués en relation avec les parts du fonds «Unfairfield Ltd ». L’action est dirigée contre la banque et les ayants droit économiques des comptes concernés. La banque bloque celui de « B ».

En tant que mandataire, elle invoque un droit de gage sur les avoirs du client en garantie de la dette qu’elle pourrait avoir contractée vis-à-vis d’un tiers (le fonds) au moment où elle a encaissé le remboursement des parts pour le compte de « B ». Elle soutient en outre que si elle faisait l’objet d’une condamnation en paiement dans la procédure initiée par le liquidateur du fonds, il y aurait enrichissement illégitime du client75.

Le client conteste le blocage de ses avoirs et en demande la libération.

b) Les motifs de l’arrêt

La Cour de justice genevoise donne raison au client de la banque.

Les parties reconnaissent la relation complexe de contrats qui les lient. La Cour les qualifie de « compte courant/dépôt et conseil en placement ponctuel »76. La banque- dépositaire sait que le client a le droit d’exiger en tout temps la restitution de la somme confiée en dépôt (CO 475 II). Deux questions sont examinées :

i. La banque pouvait-elle bloquer les avoirs de son client au motif que le mandant doit libérer le mandataire des obligations contractées dans le cadre de l’exécution de son mandat ?

ii. La banque pouvait-elle bloquer les avoirs de son client en invoquant l’existence d’un droit de gage qui comprend des créances futures et conditionnelles ? La banque invoque en effet l'art. 402 al. 1 CO. Cette disposition concerne les obligations du mandant. La loi l’oblige à rembourser au mandataire les avances que ce dernier a

75 THÉVENOZ/EMMENEGGER, p. 223.

76 ACJC/972/2015 du 28 août 2015 consid. 4.1 p. 7. Pour plus de détails, cf. arrêts cités supra note 4.

(18)

effectuées dans l’exécution du mandat, mais aussi à le libérer des obligations par lui (le mandataire) contractées. Le dommage que subit le mandataire du fait de l’exécution du mandat doit aussi être pris en charge (CO 402 II).

En bonne logique, le mandant ne doit rembourser le mandataire que lorsque ce dernier a contracté des obligations en son nom. C’est le cas en l’espèce puisque la banque détenait les parts du placement collectif en son nom et pour le compte de son client. Outre son caractère volontaire, la doctrine précise que la diminution du patrimoine doit procéder d’une exécution régulière du mandat77.

En l’espèce, la banque a agi volontairement et risque de devoir restituer au liquidateur du fonds la somme qu’elle a créditée à son client.

Les obligations résultant d’actes illicites ou d’enrichissements illégitimes sont-elles comprises dans les obligations que contracte le mandataire dans l’exécution de son mandat ? La doctrine est partagée sur cette question78. Dans une affaire zurichoise aux circonstances similaires, le Tribunal fédéral a évité d’y répondre79. Quoi qu’il en soit, la Cour de justice fait une distinction explicite avec cet arrêt, car, à Zurich, le remboursement des parts avait eu lieu quelques jours avant la découverte de la fraude, tandis qu’à Genève il a été obtenu deux ans plus tôt. Peut-on en déduire que des obstacles plus importants se présenteront au liquidateur du fonds dans le cas de « B » en raison de la période de deux ans qui sépare le rachat des parts et la découverte de la fraude ? La Cour semble en faire l’hypothèse80.

C’est néanmoins un autre argument qui emporte sa conviction :

Le droit du mandataire d’obtenir la libération d’une dette suppose qu’elle soit fixée et inconditionnelle. Or l’action intentée contre la banque aux Etats-Unis est « inconnue et pour le moins incertaine »81. Il est donc trop tôt pour se prévaloir de l’art. 402 al. 1 CO.

Après avoir constaté l’existence d’un droit de gage, la Cour observe que les parties ne pouvaient pas s’imaginer que l’investissement « se révélerait être une escroquerie » au moment de constituer l’acte de nantissement. L’action du liquidateur contre la banque et les investisseurs du fonds, en tant qu’ayants droit économiques, était imprévisible. C’est la raison pour laquelle la Cour rejette l’argument de la banque qui se prévaut de ses conditions générales et de la signature de l’acte de nantissement pour bloquer les avoirs du client.

77 WERRO,CRCO,n. 7 ad art. 402.

78 WERRO (Le mandat et ses effets, p. 233) exclut les obligations résultant d’actions illicites ou d’un enrichissement illégitime en se référant au texte de loi qui comporte les termes : « obligations contractées » ; WEBER, n. 8 et 9 ad art. 402 CO ; pour un autre avis, cf. FELLMANN,n. 89 ad art. 402.

79 Arrêt du TF, 4A_443/2011 du 22 février 2012 consid. 2.1.

80 ACJC/972/2015 du 28 août 2015 consid. 4.2.1 p. 8.

81 Idem, consid. 4.2.3 p. 8.

(19)

2. Le Tribunal fédéral dit oui

Dans un arrêt 4A_540/2015 du 1er avril 2016, le Tribunal fédéral admet le recours de la banque. Il confirme le droit de rétention de la banque sur les avoirs de son client dès lors que celle-ci est susceptible de faire l’objet d’une condamnation en paiement à un tiers à la suite du remboursement des parts dans le fonds, lequel a été obtenu pour le compte de son client.

a) La reprise des faits du litige

A la différence de la Cour de justice genevoise, le Tribunal fédéral met l’accent sur l’art. 1 de l’acte de nantissement que la banque fait signer au client. Il y déclare « en espagnol » :

« [C]onférer à la banque un droit de gage sur tous ses biens et droit[s] qui se trouvent actuellement ou qui pourraient être déposés ultérieurement auprès de la banque ou se trouver en sa possession, y compris sur les valeurs non incorporées dans un titre, ainsi que sur des droits et créances à l’égard de la banque ».

Pour le reste, le Tribunal fédéral reprend les faits exposés plus haut.

b) Les motifs de l’arrêt

Le Tribunal fédéral traite dans l’ordre inverse les arguments soulevés devant la Cour de justice :

i. Les parties pouvaient-elles envisager une créance comme celle qu’invoque le liquidateur au moment de signer le contrat de gage ?

ii. Le cas échéant, la relation contractuelle entre la banque et son client autorise-t- elle cette dernière à réclamer le remboursement de la somme qui pourrait être payée au liquidateur ?

Les parties ont souhaité in casu constituer un gage mobilier (CC 884 ss)82. Lorsque le droit mis en gage est une créance qui n’est pas incorporée dans un papier-valeur ou un droit-valeur, la forme écrite conditionne la validité de l’accord83. Le client a en outre signé un acte de nantissement dans sa langue. Par conséquent, le contrat est valable à la forme.

82 Arrêt du TF, 4A_540/2015 du 1er avril 2016 consid. 2.2.

83 STEINAUER,p. 507 n. 3208.

(20)

Du point de vue matériel, il faut encore que l’objet du gage et la créance garantie soient déterminables84. Qu’en est-il de l’objet du gage ? Il est large, certes. L’objet reste néanmoins déterminable : il concerne en effet toutes les créances du client contre la banque. Ces créances incluent le droit au remboursement du solde de son compte- courant85. Qu’en est-il de la créance garantie ? Celle-ci doit être suffisamment déterminée. L’interdiction des engagements excessifs a pour effet que le client de la banque ne peut pas s’engager à garantir toutes les créances futures que la banque pourrait avoir contre lui (CC 27 II). Dans une jurisprudence de 1927, le Tribunal fédéral avait déjà jugé que le gage est admissible à condition que :

« [U]nter noch erlaufenden Verbindlichkeiten solche verstanden werden, an deren Begründung in der Zukunft die Kontrahenten bei Abschluss des Pfandvertrages vernünftigerweise hatten denken können und müssen, m. a. W. solche Verbindlichkeiten, deren Eingehung in den Bereich der bereits bestehenden oder doch in Aussicht genommenen geschäftlichen Beziehungen zwischen den Kontrahenten fielen. »86

Les parties pouvaient-elles raisonnablement penser à la faillite du fonds et à une action subséquente du liquidateur contre la banque ? Le Tribunal fédéral juge que cette prétention s’inscrit en effet « dans des relations d’affaires prévisibles »87. Que la clause fasse mention de toutes les créances actuelles ou futures envers le constituant n’implique pas forcément un engagement excessif. L’art. 20 al. 2 CO vient en effet limiter l’application de cette clause contractuelle aux relations d’affaires entre la banque et son client88. Le Tribunal fédéral admet ainsi la validité formelle et matérielle de la clause litigieuse.

La validité du gage ne signifie pas encore que la banque dispose d’un fondement juridique pour sa créance. La banque invoque à nouveau l’art. 402 CO. Comme dans son arrêt de principe sur la question89, le Tribunal fédéral renonce à trancher la controverse doctrinale au sujet de la portée de cette disposition90. L’art. 402 CO étant de droit dispositif, les parties sont libres d’y déroger91. Or dans les deux affaires, le client devait assumer seul les profits et les risques de l’opération en vertu des contrats le liant à sa

84 Pour la créance garantie, cf. STEINAUER,p. 449 n. 3133 et pour l’objet du gage, cf. STEINAUER, p. 449 n. 3135.

85 FOËX, Sûretés bancaires et droits réels,p.137et s.

86 ATF 51 II 273 consid. 4 p. 282.

87 Arrêt du TF, 4A_540/2015 du 1er avril 2016 consid. 2.3.3.

88 Ibidem.

89 Arrêt du TF, 4A_429/2014 du 20 juillet 2015.

90 A ce sujet, cf. supra note 78.

91 WEBER, n. 16 ad art. 402 CO.

(21)

banque et de ses conditions générales92. Celle-ci agissait en effet comme commissionnaire (Execution Only) ou, tout au plus, comme conseil ponctuel93.

Enfin, le Tribunal fédéral rappelle que le gage mobilier peut porter sur une créance conditionnelle94. In casu, les conditions générales de la banque ne limitent pas son gage aux créances existantes. Par conséquent, l’ouverture de l’action du liquidateur suffit à autoriser le blocage des avoirs du client.

3. Eléments d’appréciation

La décision du Tribunal fédéral a ceci de particulier que le client se trouve

« prisonnier » du fait qu’il conserve des avoirs auprès de sa banque dépositaire à la suite du remboursement de ses parts dans le fonds. Le blocage des avoirs est en effet possible parce que la banque est titulaire d’un droit de gage sur une créance qu’il détient contre elle95. La banque est ainsi créancière du gage et débitrice de la « créance-gagée », tandis que le client est créancier dans la relation principale (le dépôt ou le prêt) et débiteur dans la relation accessoire (le gage). L’identité des parties à la relation donne un avantage à la banque qui garde la maîtrise des fonds dans l’attente de l’issue de l’action révocatoire.

Cet avantage est-il justifié ?

L’objet du gage est certes particulièrement large96. Contre la Cour cantonale97, le Tribunal fédéral juge cependant que : « [l]a créance dont se prévaut la banque est étroitement liée à une opération d’investissement s’inscrivant dans des affaires prévisibles »98. L’instance inférieure souligne certes à juste titre que ni l’ampleur de la fraude ni le risque de devoir restituer l’argent n’étaient présents à l’esprit des parties au moment de signer l’acte de nantissement. L’investisseur n’est d’ailleurs pas le seul à avoir été pris de court par la tournure des événements. Il reste que l’éventuelle dette en remboursement de la banque procède d’un investissement effectué pour le compte de son client dans le cadre de l’exécution régulière de son mandat. Le mandant doit ainsi

92 Arrêts du TF, 4A_540/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.3.3 et 4A_429/2014 du 20 juillet 2015 consid. 6.3.

93 Ibidem.

94 Cf. arrêt du TF, 4A_540/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.4.2 ;cf.ég.FOËX, Le contrat de gage mobilier, p. 222.

95 A noter que le Tribunal fédéral admet de longue date que le client constitue un gage sur une créance qu’il détient contre le créancier gagiste, cf. ATF 116 III 82 consid. 3, JdT 1992 II 114 ; la doctrine partage cet avis, cf. FOËX, Sûretés bancaires et droits réels,p.137et s.

96 Pour une critique de l’utilisation de deux institutions juridiques dans la clause sur le droit de gage des conditions générales des banques qui peut avoir pour effet de nuire à la compréhension du client, cf.

AEPLI,p.170et s.

97 ACJC/972/2015 du 28 août 2015 consid. 4.3.2 p. 9 ; ég. de l’avis « qu’il est difficile d’admettre » que

« les parties pouvaient et devaient raisonnablement penser » à une telle séquence d’événements lors de la conclusion du gage,GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 203 et s. n. 588-591.

98 Arrêt du TF, 4A_540/2015 du 1er avril 2016 consid. 2.2.

(22)

profiter du gain ou encourir la perte résultant de l’opération. Par conséquent, un transfert des risques à la banque serait injustifié.

Au-delà de la complexité juridique de la situation, la solution du litige repose avant tout sur des considérations économiques : la banque devrait-elle supporter le risque de recouvrement ? Doit-elle courir le risque de ne jamais récupérer les fonds à l’issue de l’action dont elle fait l’objet ? Faute de pouvoir obtenir un « blocage à titre préventif », celle-ci pourrait assister à la disparition définitive des actifs nécessaires à son désintéressement. Le domicile du client (fortuné) au Venezuela a-t-il pesé dans la balance ? Une chose est sûre : le débiteur du client (la banque) est « fixe » et solvable.

L’inverse n’est pas vrai.

Par obiter dictum, le Tribunal fédéral semble enfin suggérer aux plaideurs d’invoquer le caractère excessif d’un blocage portant sur l’essentiel des avoirs. Cela pourrait permettre de limiter les fonds faisant l’objet du blocage. L’argument n’est toutefois pas examiné, car il n’a pas été exposé dans le mémoire de recours.

Pour les raisons évoquées plus haut, on peut se demander si l’issue du litige aurait été différente en présence d’un contrat de conseil en placement durable ou d’un mandat de gestion de fortune99.

B. Ex cursus : le caractère particulièrement incertain de la créance sous l’angle fiscal

Il est intéressant de comparer la solution retenue en droit privé avec le traitement fiscal de la situation d’un investisseur victime d’une fraude « à la MADOFF ».

1. Le problème posé

Dans une fraude « à la MADOFF », les montants que crédite la société de gestion à l’investisseur proviennent des apports subséquents de nouveaux investisseurs. Les avis de crédit que reçoit l’investisseur ne correspondent pas à des rendements réellement réalisés sur le marché. Le système a en conséquence une durée de vie limitée. Il ne fonctionne qu’aussi longtemps que le gérant trouve de nouveaux investisseurs dont les apports rendent possibles la rémunération des anciens.

Le gérant promet des plus-values sensiblement supérieures à celles du marché pour attirer de nouveaux investisseurs. Les plus avertis demandent le remboursement de leurs parts avant les autres. Les plus tardifs perdent tout. Les investisseurs qui obtiennent un

99 A ce sujet, cf. arrêt du TF, 4A_540/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.3.3.

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