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a) Niveau 1 : contrat de commission ou de vente (Execution Only) La relation où la banque dépositaire agit comme commissionnaire (Execution Only) occupe le premier niveau dans la gradation des devoirs. Dans ce cadre, l’obligation principale du banquier consiste à exécuter l’ordre conformément aux instructions du client9. Celui-ci peut placer un ordre avec une limite de prix maximum à l’achat ou minimum à la vente (ordre avec limite de cours)10. Le client peut aussi communiquer à l’avance un ordre de vente qui se déclenche automatiquement si le cours du titre baisse jusqu’à un certain montant (stop loss order). Sans instructions, le banquier ne peut pas prendre de décision pour le compte de son client. La banque devra ainsi répondre du dommage causé au client lorsque celui-ci peut établir qu’un ordre automatique a été déclenché à la suite d’une manipulation de cours de l’un des employés de la banque11. En tant que commissionnaire, la banque est tenue à une obligation de moyen, non de résultats12. Sans indication spécifique, le banquier exécute par conséquent la transaction dans les meilleures conditions possibles (ordre au mieux)13.

Chargé de réaliser une transaction, le banquier-commissionnaire peut livrer lui-même les titres comme vendeur ou les acheter (CO 436). Lorsque la banque effectue un placement sur le marché primaire ou exerce une activité de teneur de marché, les parties concluent précisément un contrat de vente (CO 184 ss)14. Sauf empêchement imputable au client, le banquier ne peut réclamer sa provision (ou « commission de courtage ») que dans la mesure où l’opération dont il s’est chargé « a reçu son exécution » (CO 432 II). Le client ne peut pas invoquer les montants élevés de commission de courtage qu’a perçus sa

7 Sur les trois relations principales, cf. ATF 133 III 97 consid. 7.1, JdT 2008 I p. 84.

8 La formule procède des dispositions sur la responsabilité de l’employeur (CO 55) ou du détenteur d’animaux (CO 56). L’employer pour déterminer la responsabilité d’un expert-fiscal confirme que le mandant peut objectivement s’attendre à certaines connaissances d’un mandataire particulièrement qualifié, cf. ATF 128 III 22 consid. 2c p. 24 ; pour des exemples d’exécution non diligente, cf.

CHAPPUIS, p. 179 et s.

9 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 418.

10 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 725.

11 Au sujet de ce type de comportements, cf. FINMA, Rapport 2015 sur l’Enforcement, cas 21 p. 16.

12 Pour un exemple où l’ordre du client est annulé, ATF 133 221, JdT 2008 I 12.

13 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 419.

14 THÉVENOZ, p. 41.

banque pour chercher à obtenir un transfert du risque économique de l’opération à sa banque15.

Parmi ses obligations accessoires, le banquier doit informer le client des conditions de traitement de son ordre. L’art. 426 al. 1 CO prescrit en effet au commissionnaire de tenir le commettant au courant de ses actes et, notamment, de l'informer sans délai de l'exécution de la commission. L’avis de la banque doit ainsi contenir au moins la date, le lieu, le prix et les frais relatifs à l’exécution.

En sa qualité de négociant de titres, le banquier-commissionnaire est soumis à un autre devoir d’information. Celui-ci découle de l’art. 11 LBVM. Cette disposition, de droit public, impose un devoir d’information minimum qui porte sur les risques généraux de l’opération envisagée. Elle peut servir de fondement à une action en dommages-intérêts du client à l’encontre du banquier16.

De la défaillance de contrepartie à l’effet de levier, en passant par la fluctuation conjoncturelle ou sectorielle, chaque instrument financier comporte sa propre structure de risques. C’est à celle-ci que le client doit être rendu attentif17. Le client peut notamment investir dans des obligations, des actions, des placements collectifs de capitaux, des produits dérivés ou structurés18. Dans ce contexte, le banquier-commissionnaire peut se contenter de remettre une documentation « standardisée » à son client19. L’information doit porter sur le risque associé à chaque instrument financier. Il n’est en revanche pas tenu de vérifier si une opération déterminée est adaptée aux besoins et à la situation patrimoniale de son client20.

La relation de dépôt avec contrat de commission suppose le plus faible niveau d’implication du banquier dans la gestion des affaires de son client. Elle se situe au bas de l’échelle de la responsabilité en matière d’investissement.

b) Niveau 2 : contrat de conseil en placement (Advisory Agreement) Le conseil en placement occupe un deuxième niveau de responsabilité. Le contrat peut être conclu par écrit (Advisory Agreement) ou être inféré des circonstances (actes

15 Au sujet de l’acquisition d’options, cf. arrêt du TF, 4C.265/2001 du 15 janvier 2002 consid. 2 dd.

16 ATF 133 III 97 consid. 5.2 p. 99 et s. ; pour la doctrine, cf. THALMANN, Informationspflicht des Effektenhändlers,p.982 et s. ;THÉVENOZ, p. 30 ; LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 766 ; GOMEZ RICHA, p. 191 ;GUGGENHEIM/GUGGENHEIM (p.43)mettent en garde sur l’absence de « coïncidence automatique entre une obligation contractuelle et un devoir ressortant du droit public ».

17 Arrêts du TF, 4C.205/2006 du 21 février 2007 consid. 3.3 et 4C.270/2006 du 4 janvier 2007 consid.

5.3.

18 Pour une typologie des produits structurés, cf. GOMEZ RICHA, p. 28-45.

19 Arrêt du TF, 4A_498/2013 du 19 mars 2014 consid. 4, SJ 2014 I p. 357.

20 ATF 133 II 97 p. 102.

concluants)21. Le principe de la confiance s’applique dans ce dernier cas22. Les dispositions du mandat règlent la responsabilité du banquier-conseil23.

La doctrine distingue deux types de conseil en placement. Le premier est dit « ponctuel » (i.), le second « durable » (ii.)24.

i. La banque encourage son client à effectuer une transaction ou délivre son appréciation sur l’opportunité d’une transaction envisagée par le client ; ii. La banque contacte régulièrement son client pour lui suggérer des transactions

qu’elle estime opportunes25.

La communication d’une information ne vaut pas encore conseil26. Il faut également exclure l’avis général, les échanges non circonstanciés en dehors du cadre professionnel ou les opinions sans rattachement avec une opération particulière27. Le conseil se compose ainsi de deux éléments : une information et une appréciation relative à cette information28. L’appréciation peut prendre la forme d’une simple suggestion ou d’un signe de confirmation. La recommandation constitue une forme accentuée ou soutenue de conseil29. Celle-ci ne doit pas être confondue avec les recommandations générales destinées au public30.

Toute communication supposant elle-même un émetteur, un message et un récepteur, le conseil doit être intelligible en soi et relativement à son destinataire. L’expérience du client en matière d’investissement (ou de manière générale en affaires) constitue ainsi une circonstance de poids dans l’appréciation de la diligence du banquier31.

En cas de conseils ponctuels, il y a épuisement instantané des effets du contrat : la relation n’implique ni suivi de la transaction ni, a fortiori, de l’évolution du

21 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 792.

22 ATF 133 III 97 consid. 7.2, JdT 2008 I p. 84 ; pour d’autres exemples, cf. arrêts du TF, 4C.410/1997 du 23 juin 1998 consid. 3b, SJ 1999 p. 205 ; 4C.45/2001 du 31 août 2001 consid. 4a, SJ 2002 I p.

274 ; 4C.166/2000 du 8 décembre 2000 consid. 5b/dd ; cf. THÉVENOZ, p. 25 et s. ; pour juger de la conclusion du contrat, GUGGENHEIM/GUGGENHEIM (p.259et s.)insistent sur le critère de « l’intérêt économique » qu’ils préfèrent à celui, plus étroit, de la rémunération.

23 Arrêt du TF, 4C. 27/2003 du 26 mai 2003 consid. 3.2.2, SJ 2003 I p. 597.

24 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 258et s. ;LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 791.

25 BIZZOZERO, p. 17.

26 THÉVENOZ (p. 21) précise : « l’information est [dans ce cadre] la communication objective de certains faits qui peuvent se rapporter à une transaction ou à une catégorie de transactions. »

27 En ce sens, GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 255 et s.

28 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 257.

29 BERTSCHINGER,p.3.

30 Sur la question, cf. THÉVENOZ, p. 43 ; GUGGENHEIM/GUGGENHEIM, p. 257 ; LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 430.

31 GUGGENHEIM/GUGGENHEIM,p. 264.

portefeuille32. Si l’information est objectivement fausse, le banquier doit néanmoins la rectifier aussitôt qu’il est en mesure de le faire33.

Contrairement au conseil ponctuel, le conseil en placement durable implique des propositions régulières. Le banquier accompagne les transactions et veille à l’évolution du portefeuille dans son ensemble. Un conseil approprié suppose que le banquier connaisse la situation personnelle et économique de son client et sa propension aux risques. Il faut en conséquence distinguer deux niveaux de diligence en matière de conseil en placement. En cas de conseils durables, l’implication du banquier dans les affaires patrimoniales du client se rapproche de celle du banquier-gérant34.

c) Niveau 3 : contrat de gestion de fortune (Asset Management)

Le mandat de gestion de fortune s’installe au troisième niveau de cette courbe ascendante de responsabilité. Le contrat est conclu en la forme écrite ou « sous une autre forme qui permette la preuve par texte »35. Dès la conclusion, le banquier-gérant établit le profil de risques du client en fonction de sa capacité économique et de ses attentes (aspects objectifs et subjectifs)36. Il prend notamment en compte l’expérience et les connaissances du client37. Il répartit les risques de manière adéquate (diversification). Une fois le profil de risques consigné, le banquier respecte sans discontinuer la stratégie de placement.

Lorsque le client utilise de l’argent prêté par le banquier pour son investissement, l’effet de levier qui en résulte peut devoir faire l’objet d’une mise en garde particulière38. Lorsque la banque liquide une position, la demande de réparation du client peut être subordonnée à sa capacité à répondre à l’appel de marge39.

Le mandataire renseigne régulièrement le mandant sur son activité pour lui permettre d’être toujours en mesure de s’assurer de la bonne et fidèle exécution du mandat40. L’art.

400 al. 1 CO met en outre à la charge du mandataire l'obligation de rendre compte au mandant de sa gestion (Rechenschaftspflicht) et de lui restituer tout ce qu'il a reçu en

32 LOMBARDINI, Droit bancaire, p. 791.

33 Ibidem.

34 Comparer ATF 133 III 97 et ATF 101 II 121.

35 Cf. FINMA, Circulaire 2009/1, Règles-cadres pour la gestion de fortune : règles-cadres pour la reconnaissance de l’autorégulation en matière de gestion de fortune comme standard minimal, n. 8.

36 Cf. arrêt du TF, 4A_90/2011 du 22 juin 2011 où le Tribunal fédéral écarte la responsabilité du banquier-gérant malgré son omission d’établir un profil de risques.

37 Pour le gérant de fortune, cf. TEDJANI,p. 1264 et s.

38 LOMBARDINI, Responsabilité de la banque, p. 421 ; dans le sens d’un devoir d’information accru, cf.

TEDJANI, p.1265et la jurisprudence citée.

39 En ce sens (sans trancher la question), cf. arrêt du TF, 4C.257/2005 du 7 mars 2006 consid. 3.2.

40 Sur la distinction entre obligation générale du mandataire de renseigner (398 CO) et obligation particulière de rendre compte (CO 400), cf. WERRO,CRCO,n. 4 ad art. 400 CO ; ég. BIZZOZERO, p. 144 et s.

raison de cette relation (Herausgabepflicht)41. Le banquier peut notamment devoir renseigner le client sur la teneur de documents internes ; celui-ci doit néanmoins montrer en quoi les notes de celui-là sont pertinentes pour former sa demande42. La « reddition de compte » est de nature matérielle, non procédurale43.

La rémunération du banquier-gérant doit enfin être exposée de façon transparente. Il en va ainsi du calcul des frais de gestion et de leur composition. La banque a le droit de conserver les avantages qu’elle perçoit de tiers (rétrocession) à condition d’en avoir informé son client « de manière complète et conforme à la vérité »44.

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