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L’Europe des «espérances de vie sans incapacité»

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962 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 2 mai 2012

actualité, info

L’Europe des «espérances de vie sans incapacité»

La statistique médicale et l’épidémiologie peuvent parfois rejoindre la politique, voire la philosophie. Résumons-nous. Il y a, bien connue, l’espérance de vie. Et il y a l’espérance de vie sans incapacité (EVSI) qui, elle, l’est net-

tement moins. Enquêter sur ces deux fronts, colliger des données, comparer les résultats pays par pays, c’est incontestablement sinon faire de la politique du moins fournir des pa- ramètres qui devraient entrer dans le débat du même nom ; pour le nourrir. L’aspect co- casse de la situation contemporaine veut que ces données existent mais qu’elles ne sont pas directement utilisées dans la gestion des affaires de la cité. Du moins pas encore.

L’EVSI fait l’objet de savants calculs dans tous les pays de l’Union européenne depuis – déjà – 2005. Les dernières données chif- frées1 sur ce thème viennent d’être rendues publiques à Paris dans le cadre de la pre- mière réunion annuelle de l’Action conjointe européenne sur les espérances de vie en bonne santé (ou EHLEIS pour European Joint Action on Healthy Life Years). Cette action conjointe européenne a été dirigée par la France, sa coordination ayant été confiée à l’Institut national (français) de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ainsi qu’à l’Institut national (français) d’études démo- graphiques (Ined).

L’EVSI devrait être un indicateur impor- tant des politiques européennes. Cette notion – ce concept – s’inscrit dans le cadre de la stratégie dite de Lisbonne (2000-2010) pour

«apprécier la qualité de la vie et l’état de santé fonctionnel des Européens». Elle fait ainsi théoriquement partie des indicateurs de santé de la Communauté européenne et

a, en outre, été sélectionnée pour fixer «l’ob- jectif fondamental du premier partenariat de l’Union de l’innovation (composante recher- che et développement de la nouvelle straté- gie Europe 2020). On n’a d’autre solution,

ici, que d’avoir recours au jargon de l’Union.

Dans le cadre du «parte- nariat Vieillissement ac- tif et en bonne santé» il s’agit d’augmenter de deux le nombre des an- nées vécues sans incapa- cité (HLY) dans l’ensem- ble de l’Union ; et ce d’ici à 2020.

De quoi parlons-nous ? L’EVSI est obtenue en dé- composant l’espéran ce de vie en deux «espérances de santé», l’une avec et l’autre sans incapacités. Il suffit, pour cela, d’introduire dans le calcul de l’espérance de vie la prévalence de l’incapacité telle qu’elle est observée en population générale. Dans le cas de l’indicateur européen, la prévalence de l’incapacité provient d’une enquête an- nuelle (dite EU-SILC) dont la réalisation est coordonnée par Eurostat. La prévalence de l’incapacité est mesurée au travers des ré- ponses à une question générale sur les limi- tations d’activité (connue sous le nom de Gali) : «Dans quelle mesure avez-vous été limité(e) depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans vos activités habituelles ?»

Ensuite Eurostat calcule et diffuse l’EVSI comme il le fait pour tous les indicateurs des politiques européennes. L’objectif est ici de fournir durant l’année t (i.e., 2012) l’EVSI de l’année t – 2 (i.e., 2010). EHLEIS effectue des calculs en parallèle et confronte ses résultats à ceux d’Eurostat. L’Action con jointe euro- péenne, soutenue et supervisée par la Com- mission européenne, diffuse alors les résultats obtenus («country» reports, sites web dédiés, Wikipédia, etc.), encourage une bonne inter- prétation des EVSI («training ma terial» et

«interpretation guide»), promeut leur utilisa- tion dans les politiques socio-éco nomiques et surtout produit des analyses scientifiques sur les tendances et les écarts observés : dé- terminants, causes et mécanis mes. Pour quels résultats ? C’est ce qui reste à évaluer.

Mais, pour l’heure, quid des derniers ré- sultats ? En 2009, dans les 27 pays de l’Union européenne, l’EVSI s’est établie en moyenne à 61,3 ans pour les hommes ; ce qui repré- sente près de 80% de leur espérance de vie à la naissance (76,7 ans). Chez les femmes, cette espérance de vie en bonne santé a atteint 62 ans, ce qui correspond aux trois quarts de leur espérance de vie à la naissance (82,6 ans).

En 2010 et pour les hommes, c’est en Suède que l’on observe l’espérance de vie la plus longue (79,6 ans) et en Lituanie qu’elle est la plus courte (68 ans) : près de douze an- nées d’espérance de vie (EV) à la naissance.

Et c’est toujours les Suédois qui, cette année- là, ont eu l’EVSI la plus lon gue (71,7 ans) ; la plus courte est, pour les hommes de la Ré- publique slovaque (52,3 ans) : un écart de près de vingt ans… Et c’est encore en Suède que la proportion des années vécues sans incapacité (EVSI/EV) a atteint son maxi- mum en 2010 : 90% de l’espérance de vie y est vécue sans limitation dans les activités usuelles. A l’opposé, c’est en République slo- vaque que cette proportion atteint son mini- mum (73%). Ce constat, effectué chez les hommes, suggère que plus l’espérance de avancée thérapeutique

CC BY Andres Rueda

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1 Les rapports élaborés pays par pays sont disponibles à l’adresse suivante : www.eurohex.eu/index.php?option=

countryreports

vie est longue plus la proportion vécue sans incapacité est grande.

Pour les femmes (en 2010), c’est en France et en Espagne que l’espérance de vie a été la plus longue (85,3 ans) et en Bulgarie qu’elle a été la plus courte (77,4 ans) ; un écart de près de huit ans. Les femmes de Malte ont eu l’EVSI la plus longue (71,6 ans) et celles de la République slovaque la plus courte (52,1 ans) : là encore près de vingt ans d’écart…

C’est toutefois en Bulgarie que la proportion des années vécues sans incapacité (EVSI/

EV) atteint son maximum pour les femmes en 2010 : 87%. A l’opposé, c’est en Républi que slovaque (comme pour les hommes) que cette proportion atteint son minimum (66%) : un écart de 21 points. La Bulgarie montre ainsi qu’une faible espérance de vie à la naissance peut (du moins si elle est combinée à une faible déclaration de limitations dans les ac- tivités usuelles) conduire à une grande pro- portion de l’espérance de vie sans incapacité.

Sur la très courte période 2008-2010, c’est la Lituanie qui voit, chez les femmes, l’espé- rance de vie sans incapacité augmenter le plus (2,4 années), confirmant l’observation faite chez les hommes, alors que c’est la Fin-

lande qui affiche la plus forte baisse (- 1,7 année).

Les différences entre les hommes et les femmes ? Elles sont bien loin d’être sans in- térêt. Alors que l’écart de l’EV a atteint 5,9

ans en 2009, celui de l’EVSI n’est que de 0,7 an. C’est ainsi que la proportion des années vécues sans incapacité est inférieure de près de cinq points chez les femmes par rapport aux hommes (75 vs 80%). C’est en Lituanie que cet écart est le plus important (10,9 an- nées) et en Suède qu’il est le plus faible (quatre années).

Ainsi donc dans tous les cas de figure ob- servés, les femmes européennes vivent cer tes plus longtemps que les hommes mais pas- sent une plus grande proportion de leur vie avec des incapacités réduisant leur autono- mie. Un constat qui vient immanquablement nourrir cette question de plus en plus fré-

quemment soulevée de la valeur de la vie vé- cue. Observons en outre que, dans sept pays sur 27, les hommes ont une EVSI légèrement supérieure à celle des femmes : la Belgique, le Danemark, l’Italie, les Pays-Bas, le Portu- gal, l’Espagne et la Suède, soit un nombre si- gnificatif de pays de l’Europe de l’Ouest.

Les Françaises, enfin, affichent l’espérance de vie la plus longue (en 2010 comme en 2009) mais occupent seulement la dixième place en termes d’EVSI. Les Français se classent quant à eux respectivement à la huitième et à la onzième place. Vivre longtemps et vivre autonome sans maladie chronique handicapante, il faut choisir. Où l’épidémiologie rejoint la philosophie. Sauf semble-t-il en Suisse qui, par définition, manque à l’appel européen.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

La prévalence de l’incapacité est mesurée au travers des réponses à une question générale sur les limitations d’activité

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