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Et si on enseignait l'incertitude pour construire une culture de l'information ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: sic_00803091

https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00803091

Submitted on 21 Mar 2013

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culture de l’information ?

Anne Cordier

To cite this version:

Anne Cordier. Et si on enseignait l’incertitude pour construire une culture de l’information ?. Colloque Spécialisé en Sciences de l’Information COSSI, Jun 2012, France. [12p.]. �sic_00803091�

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Et si on enseignait l’incertitude

pour construire une culture de l’information ?

Anne CORDIER

Université de Rouen _ Laboratoire GRHIS anne.cordier@univ-rouen.fr

Introduction

En 1989, l’American Library Association pose les fondements d’une pédagogie de la culture de l’information dans le système éducatif en définissant l’information literacy comme le fait d’être « compétent dans l’usage de l’information [signifiant que] l’on sait remarquer quand émerge un besoin d’information et que l’on est capable de trouver l’information adéquate, ainsi que de l’évaluer et de l’exploiter » (ALA, 1989). Une définition trop souvent instrumentalisée lors de l’appréhension de ce concept dans le système français, alors que l’information literacy est fondamentalement sous-tendue par une « conception humaniste et universaliste du droit à l’éducation » (Lehmans, 2007 : 26), dessinant les contours d’une éducation émancipatrice de l’individu confronté à l’information vue comme une source de pouvoir.

Ce cadrage invite à une conception plurielle de l’intelligence, considérée comme une faculté de résoudre des problèmes ou de produire des biens qui ont de la valeur dans une communauté (Gardner, 2004). L’urgence de faire accéder chacun à la compréhension des phénomènes informationnels par une connaissance et une réflexion sur les processus de traitement, de diffusion et de circulation des informations de tous types, et les enjeux politiques, économiques et culturels qui y sont liés, est aujourd’hui conscientisée par les acteurs du milieu scolaire.

Méthodologie

Dans le cadre d’une Thèse de Doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication (Cordier, 2011), nous avons porté notre attention notamment sur les formations documentaires mises en place par les professeurs documentalistes en collège. Pour ce faire, nous avons investi, durant deux années scolaires consécutives, trois établissements secondaires à profils sociologiques différenciés, et mené des entretiens semi-directifs avec 45 élèves de 6ème et 3

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professeurs documentalistes, ainsi que des observations distanciées. Ces observations ont concerné des situations de recherche librement menées au CDI par les élèves, et des séances d’enseignement-apprentissage en Information-documentation. Nous nous sommes attachée à comprendre comment les professeurs documentalistes élaboraient, tant intellectuellement que pratiquement, les formations documentaires dispensées aux élèves, et quels impacts ces formations révélaient, à court terme étant donné les contraintes de l’enquête, sur les représentations et les pratiques informationnelles des élèves pris pour étude.

Problématique

De cette étude est né chez nous un certain nombre de réflexions quant à l’enseignement de la culture de l’information en milieu scolaire, un enseignement dont il nous semble que la clé de voûte devrait être l’incertitude, vue comme un principe d’ordonnancement des pratiques pédagogiques visant à donner des clés de compréhension et d’action pour mener une recherche d’information dans un environnement complexe. Quels sont donc les enjeux liés à un enseignement de la culture de l’information reposant sur le principe d’incertitude ?

Nous proposons de décliner notre réponse selon trois points, correspondant à trois enjeux différenciés : un enjeu cognitif, un enjeu épistémologique, et un enjeu pédagogique.

1. Un enjeu cognitif

Trois niveaux progressifs de compétences sont identifiables au sein de la culture de l’information :

- La maîtrise de l’accès à l’information (accès technique et méthodologique) - La culture de l’accès à l’information (utilisation critique et créative de

l’information)

- La culture de l’information (connaissance des médias, considérations éthiques) (Juanals, 2003).

A nos yeux, l’éducation à l’information est avant tout un enjeu cognitif de taille en ce qu’elle conduit à affronter un environnement informationnel qui est en constante évolution.

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1.1. Du paradigme de la simplification…

Pour enseigner la recherche d’information, l’on peut considérer qu’il existe deux types d’approches : l’approche dite « méthodique », et l’approche appelée « stratégique ». L’approche méthodique consiste à proposer à l’élève une démarche préalablement légitimée par des experts, qui correspond à un ensemble d’étapes à suivre dans un ordre déterminé. Le respect scrupuleux de la norme établie est censé garantir la réussite de la recherche, et tout échec s’explique par le non respect de la procédure. Cette méthode témoigne d’une conception très normative et systématique de la démarche de recherche, laquelle serait composée d’invariants inconditionnels, transférables quelle que soit la tâche à effectuer. Au contraire, l’approche stratégique confère à l’élève une grande force d’initiative, puisque la démarche de recherche est vue comme un ensemble de choix tenant compte des interrelations entre les procédures a priori disponibles, le domaine de connaissances concerné, et la particularité de la tâche à effectuer. Dans ce cas, l’avancement de la recherche dépend de facultés d’adaptation mais aussi de planification qui sont sans cesse en cours de ré-élaboration (Duplessis, 2007).

Les professeurs documentalistes observés lors de notre étude, soucieux d’une planification rigoureuse de l’activité de formation, érigeant le support papier en support de référence pour mener à bien une recherche d’information, exprimant de nombreuses appréhensions à l’idée d’une formation à la recherche sur Internet, adoptent davantage une approche méthodique. Ils tentent de fournir aux élèves un ensemble de règles et de procédures immuables, donnant dès lors l’image d’une recherche d’information particulièrement normée.

L’activité de recherche d’information fait ainsi l’objet par les professeurs documentalistes d’une modélisation forte, voire rigide. L’activité informationnelle est définie selon des étapes linéaires à respecter pour adopter une pratique modèle.

Les professeurs documentalistes observés élaborent face aux élèves une véritable grammaire documentaire, destinée à donner une stabilité à l’objet d’enseignement-apprentissage qu’est la recherche d’information sur Internet. Rappelons avec l’historien de la langue Alain Rey que le terme grammaire désigne « l’ensemble des structures et des règles qui permettent de produire tous les énoncés d’une langue »1

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Lors des formations à Internet, les professeurs documentalistes créent devant les élèves un monde où la recherche numérique répond à des règles établies de manière très formelle, apparaissant presque gravées dans le marbre. Un monde où la recherche d’information sur Internet est assimilée à une langue particulière, dotée de structures et de règles infaillibles. Cette grammaire documentaire, ignorant notamment l’interrogation en langage naturel, est assortie de l’imposition d’un corpus de recherche, établi en amont par l’enseignant, de sorte que l’élève ne peut en principe être confronté à un résultat autre que celui planifié à l’avance par le professeur ayant rigoureusement balisé la démarche de recherche.

1.2. … A celui de la complexité

L’on peut dès lors s’interroger sur la compatibilité existant entre cet enseignement normatif de la recherche d’information sur Internet, et donc d’une culture de l’information extrêmement formalisée, et le modèle d’apprentissage allostérique, attaché à la prise en compte des conceptions de l’apprenant précédant l’apprentissage (Giordan, Guichard, Guichard, 1997) et à l’émergence de situations-problèmes (Piaget, 1994).

Il nous semble en effet que cette volonté de modéliser les pratiques informationnelles en rigidifiant l’activité de recherche d’information ne permet pas de donner aux élèves les moyens cognitifs de progresser au sein de la « société de l’information » (Tricot, 2006). Les situations de travail proposées ne constituent pas ici une formation à l’autonomie, définie comme la capacité de l’individu à apprendre par soi-même d’un environnement, à s’adapter à cet environnement (Liquète, Maury, 2007).

Il s’agit pourtant de conférer à l’individu une culture de l’information, l’encourageant à se positionner de manière efficiente face à l’instabilité des contextes.

Pour que soit enseignée la complexité, le dépassement du « paradigme de simplification » (Morin, 1990 : 103) s’impose, préparant l’esprit à comprendre l’information dans ses enjeux sociaux et culturels. Il s’agit de former les esprits à cette dimension de l’imprévu, de l’imprévisible, non comme un élément susceptible d’être dangereux mais simplement comme un élément intrinsèque de l’utilisation de l’outil numérique. C’est la notion de prise de risque dans l’activité d’information, et donc de nécessité d’un regard critique permanent, qui est finalement prise en charge dans ce cas. L’émancipation de l’individu, confronté à un environnement informationnel complexe, passe par une centration sur les processus cognitifs

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mis en œuvre lors d’une recherche d’information, permettant à l’individu de conscientiser sa démarche et ses produits cognitifs. Car : « Savoir s’informer aujourd’hui, c’est être capable d’émettre ses propres demandes, sortir des chemins convenus et des offres de prêt à penser » (Simonnot, 2008 : 38).

Toutefois si la centration sur la démarche de recherche, liée au développement d’un esprit critique, est importante, il convient de ne pas négliger, comme cela est encore trop souvent le cas, la dimension des relations sociales (identification des contextes de production, cerner les intentions de communication qui sont à l’origine d’un document, voir en quoi un document relève d’un modèle culturel, etc.). Ce sont ainsi les enjeux sociaux et culturels de l’enseignement de l’information qui sont posés, nécessitant un travail sur les logiques sociales de la production documentaire.

2. Un enjeu épistémologique

La prise en compte de l’incertitude et de la complexité dans le développement d’une culture de l’information est également un enjeu épistémologique, dans le sens où la question des savoirs à enseigner se pose avec acuité.

2.1. Des savoirs à enseigner

La formation à l’évaluation de l’information apparaît comme une préoccupation majeure, et ce également dans les discours tenus par les professeurs documentalistes. Elle est toutefois une problématique difficile à appréhender, échappant aux règles habituelles de l’univers familier des professionnels de l’information (Serres, 2005). Les formations documentaires interrogent encore peu le statut d’auteur de l’information dans toute sa complexité, la notion d’autorité informationnelle, qui revêt de multiples facettes, pouvant être le fil conducteur d’une appréhension du processus informationnel et communicationnel (Broudoux, 2007).

Au vu de nos observations, il nous paraît indispensable de penser, au sein d’une démarche compréhensive de l’activité informationnelle, l’enseignement d’une culture technique. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de faire des élèves des experts de la technique Internet, mais d’être en mesure de comprendre. Comprendre les résultats de leurs recherches, autrement dit comprendre pourquoi ce sont ces résultats précis qui apparaissent,

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quelles procédures internes au fonctionnement programmé de la machine donnent lieu à tel ou tel résultat. C’est seulement en acquérant cette compréhension que les élèves pourront véritablement interpréter et traiter les résultats de leurs recherches.

Au-delà de cette culture technique fondamentale, nous sommes convaincue – et notre étude de terrain le démontre – qu’une attention aux concepts doit être portée de manière beaucoup plus importante lors des formations info-documentaires. Cela suppose de s’éloigner des formations méthodologiques, à visée procédurale, et d’avoir le temps nécessaire à l’expression des représentations des apprenants et à l’établissement de situations-problèmes pour favoriser une restructuration cognitive, intégrant les concepts visés.

Pour résumer les principes régissant selon lui une éducation à l’information optimale, Alexandre Serres propose un triptyque de formation : « réaliser, réfléchir, résister ». « Réaliser » consiste en une formation technique, procédurale aux outils numériques, mais en se gardant bien d’en donner une vision réductrice. « Réfléchir » est possible grâce à une formation théorique apportant des clés de compréhension des outils, et des connaissances sur l’information. Quant à « Résister », il implique une distance critique : avoir conscience des limites et des effets des outils d’information, lutter contre les mythes liés à l’information numérique (Serres, 2006). En d’autres termes, pour Françoise Chapron et Éric Delamotte, posant la distinction comme fondement de toute culture, de tout savoir, de tout apprentissage, il s’agit de « voir clair » (Chapron, Delamotte, 2010).

Précisément, en tirant les enseignements des pratiques de formation observées lors de notre investigation, il convient selon nous que les professeurs documentalistes admettent avant toute chose que la recherche d’information sur Internet comporte une part d’imprévu déterminante, et que le développement d’une culture de l’information passe par une appréhension conscientisée, rationalisée des environnements informationnels, mais aussi par une indépendance cognitive vis-à-vis des outils de recherche. Une indépendance favorisée par une manipulation conceptuelle de l’outil. S’affranchir de la technique passe par la rationalisation du fonctionnement de cette dernière.

Dès lors, l’outil utilisé pour l’activité de recherche d’information, qu’il soit numérique ou non, doit être situé dans une histoire sociale des techniques, telle que la préconise Jacques Perriault, qui alerte déjà en 1989 l’institution scolaire, appelée selon lui à conférer à ses apprenants une culture élargie à l’histoire des techniques, et ce au nom d’une préservation de la mémoire collective (Perriault, 1989).

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2.2. Des référents théoriques à affirmer

Pour que ces savoirs en évolution constante puissent être appropriés par les enseignants au premier abord, la condition préalable est l’affirmation de référents théoriques, épistémologiques, en Sciences de l’Information et de la Communication. Pour que soit développée chez les élèves une « culture de l’information », les conditions favorables à l’élaboration d’une « culture informationnelle » chez les enseignants documentalistes doivent être réunies. Cette « culture informationnelle » est « référée à des théories, insérée dans une discipline scientifique qui reconnaît et que l’on reconnaît » (Couzinet, 2008 : 185).

Viviane Couzinet opère ainsi une distinction entre la culture de l’information, qui serait la culture commune à tous, et la culture informationnelle, détenue par un professionnel information literate, qui transmettrait les savoirs informationnels. Cette distinction nous semble extrêmement pertinente à penser, car elle va au-delà de la définition de la culture de l’information en paliers progressifs effectuée par Brigitte Juanals (Juanals, 2003), en ajoutant en quelque sorte un niveau supplémentaire, celui atteint par le professionnel de l’information-documentation. Cet ajout n’est pas négligeable : il place en effet ces professionnels dans une position d’experts, et leur confère une légitimité épistémologique.

C’est en inscrivant les formations documentaires dans une perspective épistémologique issue des Sciences de l’Information et de la Communication que les professeurs documentalistes peuvent optimiser leurs actions d’enseignement-apprentissage. Cette affiliation aux SIC est d’ailleurs revendiquée par les professeurs documentalistes certifiés, particulièrement ceux qui ont passé le CAPES de Documentation après la session de 2001, exigeant des aspirants au métier une spécialisation scientifique importante en Sciences de l’Information et de la Communication (Cordier, 2012).

3. Un enjeu pédagogique

Corollaires à la modification des contenus info-documentaires dispensés, les pratiques de formation documentaire évoluent grandement, et sont appelées à évoluer encore pour que soit développée une culture de l’information permettant aux individus de conquérir une autonomie au sein des environnements informationnels complexes.

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3.1. Des pratiques de formation modélisantes

Lors des observations de séances de formation documentaire à Internet que nous avons menées, nous avons remarqué une planification extrêmement rigoureuse du dispositif pédagogique de la part des professeurs documentalistes. Ceux-ci s’efforcent de donner aux élèves la vision d’une pratique modèle, la recherche d’information étant présentée comme une activité reposant sur des règles fixes, immuables, et transférables. Plus encore, cette modélisation des pratiques s’explique par l’appréhension de la formation aux outils de recherche numériques, une formation décrite par les professeurs documentalistes interrogés comme déstabilisante. Non seulement, ils se trouvent confrontés à l’enseignement d’un objet documentaire en constante évolution mais en plus le positionnement pédagogique s’avère difficile pour eux à trouver.

La question de la maîtrise de la situation et de l’objet d’enseignement est centrale dans les propos des professionnels interrogés. Une volonté de planification forte domine chez les professeurs documentalistes, une planification qui régit à la fois le dispositif pédagogique instauré, le cadrage des activités des apprenants, et le déroulement-même de l’action de formation. Un cadrage qui opère notamment via des instruments de modélisation, comme la fiche d’instructions et le logiciel de contrôle des connexions, qui occupent dans l’acte d’enseignement-apprentissage une place primordiale.

Ce cadrage modélisant de la situation d’enseignement-apprentissage conduit les professionnels à adopter un comportement pédagogique plus rigide lorsque sont abordés les outils de recherche numériques. Le discours enseignant s’affirme, au détriment de la prise en compte des pratiques non formelles de recherche et des représentations des élèves. La situation communicationnelle s’en trouve relativement appauvrie.

Pour étudier cette dernière, nous nous sommes appuyée sur la typologie dressée par Marguerite Altet, qui adopte le terme « épisode » pour caractériser la situation de communication révélée par les échanges et types d’interactions verbales constatés en classe. Elle identifie trois types d’épisodes caractérisant le mode de communication mis en œuvre : les épisodes inducteurs sont orientés et menés par l’enseignant ; les épisodes médiateurs sont composés de plusieurs échanges suivis venant des initiatives et contributions des élèves ; les épisodes adaptateurs, minoritaires dans l’enseignement français, participent à un processus de compréhension-adaptation en étant centrés sur l’apprenant et personnalisés (Altet, 1994).

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L’observation des formations à Internet, en ce qu’elles confrontent l’enseignant et les élèves à un objet socialement partagé qu’ils s’approprient en tant qu’objet d’enseignement-apprentissage, dévoile l’instauration d’interactions enseignant-enseignés très marquées affectivement, particulièrement complexifiées. Au sein de la classe, les échanges apparaissent fortement cadrés par les professeurs documentalistes observés, qui semblent vouloir absolument maîtriser la situation à la fois didactique, mais aussi communicationnelle (Cordier, 2010). Les épisodes inducteurs sont largement majoritaires lors des séances pédagogiques, orchestrées par des enseignants qui sollicitent essentiellement les élèves pour que soit entériné le contenu prévu en amont. Le souci de réduire l’incertitude est tel chez les professeurs documentalistes de notre étude que les cadres de référence ne font que peu l’objet d’un rapprochement lors des formations pour que soit créé ensemble un espace commun de création de sens.

3.2. Un positionnement à trouver

Pourtant l’incertitude fait partie du processus d’enseignement (Perrenoud, 1999). Nous appelons alors à un nouveau positionnement de l’enseignant documentaliste, ce qui suppose pour celui-ci d’accepter de ne pas avoir une maîtrise absolue des pratiques informationnelles des élèves lors de leurs explorations documentaires.

Contrairement à ce que beaucoup de professeurs documentalistes semblent penser lorsqu’est envisagée la formation à la recherche d’information sur Internet, les professionnels ont toute leur place dans cette activité, et ce notamment en raison de leur expertise en Sciences de l’Information et de la Communication. La nécessité d’une médiation par les professeurs documentalistes installe leur rôle d’experts, chargés de faire sens, de créer du lien, pour qu’une culture de l’information soit construite de manière efficiente. Le rôle du formateur est ainsi d’assister l’apprenant dans « la détection et l’utilisation des propriétés de son environnement animé et inanimé, et de leur fonctionnement dans un milieu culturel particulier » (Bril, 2002 : 256). La construction d’affordances – au sens de connaissance de ce que le contexte offre comme potentialités d’action – dépend fondamentalement de la manière dont le professionnel va éduquer la capacité d’attention de l’élève.

Cela passe par une pédagogie plus libérée, délaissant les aspects strictement procéduraux ou méthodologiques, pour effectuer des entrées par concepts lors des formations documentaires.

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Car la culture de l’information est une culture des concepts info-documentaires, lesquels ont un caractère à la fois immuable et évolutif, et doivent être mis en perspective, dans une logique sociale, confrontés aux représentations mentales et sociales des apprenants.

Perspectives

La prise en compte de l’incertitude et de la complexité dans le développement d’une culture de l’information s’impose ainsi comme un questionnement à la fois cognitif, épistémologique, et pédagogique. Les positionnements évoluent en ce sens, comme en témoignent les nombreux échanges sur les listes de discussions et blogs où s’expriment les professeurs documentalistes. Néanmoins les professionnels se sentent eux-mêmes démunis face à une situation qui semble toujours avoir un temps d’avance par rapport à leur mise en action. Nombreux sont ceux qui réclament une formalisation des contenus d’enseignement info-documentaire, afin qu’une culture de l’information puisse être construite tout au long de la scolarité, et au-delà.

Au-delà, en effet. Car si l’incertitude domine, c’est bien parce que ce principe gouverne nos environnements informationnels, mais aussi économiques, sociaux, culturels. Dès lors nous revient-il de penser urgemment pour chacun le développement du potentiel informationnel (information potential), c’est-à-dire la capacité de l’individu à augmenter ses compétences, quantitativement ou qualitativement (Yoon, 2008). Cette compétence s’avère d’autant plus fondamentale pour la construction d’une culture de l’information qu’elle se situe dans une vision proactive de l’apprentissage, déterminant la capacité de l’individu à s’adapter aux futurs environnements informationnels et numériques.

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