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«Ebola : une crise humanitaire ma-jeure qui va durer» (Pr Peter Piot)

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1892 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 8 octobre 2014

actualité, info

«Ebola : une crise humanitaire majeure qui va durer» (Pr Peter Piot)

«Nous avons perdu un temps considérable.

Les bons réflexes n’ont pas été mis en œuvre en temps et en heure. Désormais, la réponse à la situation épidémiologique ne doit plus être du seul ressort de la médecine. Il faut en urgence passer à une réponse d’une toute autre ampleur. Parallèlement à la militarisa- tion de l’action médicale, il faut élargir la mobilisation internationale et onusienne, in- clure le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM).» C’est l’analyse faite aujourd’hui par le Pr Peter Piot, codécouvreur du virus Ebola (en 1976 au Zaïre), ancien directeur d’Onu- sida (de 1995 à 2008) et aujourd’hui direc- teur de l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres.1

«Je pense avoir été dans les premiers à dire qu’il fallait déclarer l’état d’urgence et une forme de militarisation de la lutte. Et pour être efficace, cette lutte réclame la mo- bilisation de moyens qui dépassent de très loin ceux qui ont été jusqu’ici mis en œuvre.

Outre des forces armées sanitaires, seuls le PAM et le HCR sont à la hauteur de ce défi.

Eux seuls ont le savoir-faire et le matériel assurant la mise en place et l’intendance de camps de réfugiés pour plusieurs milliers de personnes. Il nous faut changer de pers- pective et le faire au plus vite. Ebola n’est

plus seulement une épidémie, c’est une crise humanitaire majeure. C’est à cette aune qu’il faut désormais agir. Et agir vite».

Pour le Pr Piot, le temps n’est plus où les mécanismes habituels de lutte contre les bouffées épidémiques d’Ebola pouvaient se révéler efficaces – comme les Congolais vien- nent de le démontrer dans la zone de santé de Boende (province de l’Equateur) où ils ont réussi, sans aide extérieure, à maîtriser une épidémie d’environ soixante-dix cas.

«Face à Ebola l’isolement des personnes suspectes, la quarantaine des personnes in- fectées, cela marche, mais uniquement pour des villages, des petites villes, souligne le Pr Piot. Mais rien ne va plus quand on passe à une autre échelle comme c’est le cas au Libe- ria, en Sierra Leone et en Guinée. Il y a, bien sûr, la prise en charge et la mise en quaran- taine des malades comme l’a fait et continue de le faire remarquablement MSF. Il faut plus de lits, plus de personnels, plus de matériel. Mais tout cela ne va pas stopper l’épidémie. Le plus grand défi est ailleurs : il est dans l’arrêt de la transmission du virus au sein des communautés, de la population.»

Et ce défi soulève la question de ce que peut être, ici, l’aide de l’extérieur. «Que peuvent, concrètement, faire des bandes de médecins et de soignants blancs pour agir

au sein de ces communautés, in- terroge ce médecin belge, grand connaisseur de l’Afri que noire.

C’est là une question d’autant plus redoutable qu’Internet et les ré- seaux sociaux fourmillent de théo- ries conspiration nistes. L’une des théories qui fait florès fait valoir que ce sont les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) amé- ricains qui sont à l’origine de cette épidémie, et ce pour empoisonner les populations africai nes. Ce qui permet à l’armée américaine d’in- tervenir dans les pays infectés…»

Sur un mode moins élaboré cela donne : «un virus inventé par les Blancs pour tuer les Noirs».

Ces théories reprennent sous de nouvelles formes, racistes, et via de nouveaux canaux de diffusion les invariants de l’origine, forcé- ment étrangère, de toutes les émergences de nouvelles épidémies. Elles compliqueront de manière considérable les prochains essais cliniques de médicaments expérimentaux et de candidats vaccins, pour l’essentiel déve- loppés aujourd’hui dans le monde anglo- saxon.

Dans l’attente, et en dépit des rencontres du Conseil de sécurité et des déclarations onusiennes toujours plus catastrophistes, l’approche «crise humanitaire» souhaitée par le Pr Piot ne semble toujours pas d’actualité.

Les seuls mouvements d’importance sont la mobilisation des armées américaine et bri- tannique ainsi que celle de plusieurs cen- taines de soignants annoncée par Cuba.

point de vue

lu pour vous

Coordination : Dr Jean Perdrix, PMU (Jean.Perdrix@hospvd.ch)

Triage téléphonique au cabinet médical : pas d’avantage économique !

Cette étude 1 prospective, conçue pour étudier l’impact d’un triage téléphonique, a randomisé 42 cabinets médicaux en analysant 16 211 patients désirant un rendez­

vous le jour même chez leur médecin de famille. Les patients présentant une urgence médicale, les non­anglophones ou les patients ne pouvant pas répondre au télé­

phone étaient exclus de l’étude.

La patientèle était divisée en trois groupes : prise en charge habituelle par une assistante médicale, triage téléphonique par une infirmière spécialement formée, assistée par un logiciel informatique et triage

effectué par le médecin généra­

liste. Le tri effectué par téléphone était associé à une augmentation du nombre de contacts totaux dans les 28 jours avec le cabinet médical par rapport à la prise en charge habituelle. Dans le cas du tri par le généraliste, cette augmen­

tation était de 33% (2,65 versus 1,91, IC 95% : 1,30­1,36) et de 48% lors du tri infirmier (2,81 versus 1,68 ; IC 95% : 1,44­1,52).

Cette augmentation des contacts après triage correspondait à une augmentation des prises en charge téléphoniques (10 fois pour les médecins et 100 fois pour les infir­

mières) couplée à une diminution importante des consultations en tête à tête avec le médecin (­39%

si tri médical et ­20% si tri infirmier) ; l’effet sur les consultations infir­

mières en tête à tête était moins important. Les coûts estimés des trois types de prise en charge étaient similaires. L’étude n’était pas conçue pour pouvoir déterminer si la sécurité de la prise en charge était similaire dans les trois appro­

ches, mais le nombre de consulta­

tions dans les services d’urgences dans les 28 jours était similaire dans les trois groupes.

Commentaire : Les résultats de cette étude sont intéressants même si le système de médecine de famille anglais diffère fortement du nôtre, en particulier par l’impor­

tance de la prise en charge directe par les infirmières. De nombreu ses données ne sont pas communi­

quées, en particulier le pourcentage de patients déjà connus du cabinet.

Dans cette étude, le triage télépho­

nique (4 minutes pour le médecin et un peu moins de 7 minutes pour l’infirmière) n’a pas apporté de

diminution de la charge de travail globale pour la médecine de pre­

mier recours mais a diminué les contacts directs au profit des con­

tacts indirects. Quand on sait que la durée moyenne de la consulta­

tion d’un généraliste au Royaume Uni est de 13 minutes,2 on est en droit de se demander s’il s’agit d’un progrès de diminuer encore ce temps au profit d’un tri télépho­

nique au détriment du contact direct entre le médecin et son patient.

Dr Nicolas Blondel HFR Fribourg 1 Campbell JL, et al. Telephone triage for management of same­day consulta­

tion requests in general practice (the ESTEEM trial) : A cluster­randomised con trolled trial and cost­consequence analysis. Lancet 2014,epub ahead of print.

2 Donelly L. New GP deal could mean

«quickies consultations». The Telegraph, 15 nov 2013.

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 8 octobre 2014 1893

«Quelques éléments laissent aujourd’hui espérer que le mécanisme onusien va pro- chainement se déclencher avec mobilisation du HCR et du PAM, confie le Pr Piot. Je précise que contrairement à ce qu’ont rap- porté de nombreux médias, ce n’est pas la première fois que le Conseil de sécurité se saisit d’une question sanitaire. La première fois, c’était en janvier 2000 et il s’agissait du sida. Il y a d’autre part déjà des casques bleus au Liberia et en Sierra Leone, deux pays qui sortent à peine de terribles guerres civiles. Ils sont là, présents sur le terrain et à mon sens il faut au plus vite les former à la gestion de cette problématique sanitaire et élargir leur mandat en ce sens.»

Comment, citoyen belge, analyse-t-on l’at- ti tude de l’Union européenne et de la France depuis la direction de la London School of Hygiene & Tropical Medicine ?

«C’est le grand sommeil. La priorité est donnée à la constitution de la nouvelle Com- mission. C’est extrêmement décevant quand on sait qu’il existe des personnels, des struc- tures et des fonds européens dédiés aux Affaires étrangères, à la coopération et à l’humanitaire. Et cela l’est d’autant plus quand on observe la mobilisation et la coor- dination des Etats-Unis et du Royaume-Uni vis-à-vis du Liberia et de la Sierra Leone.

Tout le monde attend que la France fasse la même chose en Guinée. On pourrait égale- ment mobiliser les forces de l’Allemagne dont l’armée n’est pas offensive mais dis- pose de moyens sanitaires.»

A moyen terme, le Pr Piot et les spécia- listes londoniens ne partagent pas les pré- visions des CDC américains qui prévoient jusqu’à 1,4 million de cas d’Ebola en janvier prochain.2 Ils les jugent péchant par catastro- phisme et sont plus proches des estimations de l’OMS, publiées dans The New England Journal of Medicine, daté du 23 septembre et qui tablent sur 20 000 cas, début novembre.3

Il lui semble toutefois inévitable que les

mesures indispensables de confinement et de mise en quarantaine d’un nombre crois- sant de personnes soulèvent et soulèveront immanquablement des questions relatives à la privation de libertés civiques. «Cela n’a rien de véritablement nouveau et l’histoire de la lutte contre de nombreuses maladies infectieuses montre qu’il faut parfois en passer par là, déclare-t-il. La priorité doit être donnée à l’intérêt de la collectivité et à la sauvegarde de la nation.»

«Au-delà de la nécessité de l’intensifica- tion de la lutte contre Ebola, notre grande crainte est que cette maladie infectieuse devienne endémique dans les pays où le virus est en train de s’implanter. Que l’on ne parvienne plus à l’éradiquer, conclut-il. On évoque parfois le risque de mutations qui le rendraient transmissible par voie respiratoire.

C’est fort peu vraisemblable. Des mutations peuvent certes survenir mais elles pourraient aussi le rendre moins virulent, avec des taux de mortalité inférieurs à ceux, très élevés, que l’on observe aujourd’hui. Mais quelle que soit l’hypothèse qui prévaudra, la ques-

tion qui nous est posée aujourd’hui est re- doutable. Faute d’avoir pris les bonnes me- sures suffisamment tôt, des millions de per- sonnes sont désormais exposées au risque de contamination. Aussi devons-nous ré- inventer les stratégies classiques de lutte, mises au point quand elles n’étaient que quelques centaines ou quelques milliers.

Réinventer dans l’urgence les modalités de la lutte – et ce jusqu’à ce qu’un vaccin effi- cace et sans danger soit, enfin, disponible et qu’il puisse être utilisé à grande échelle. »

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com Le texte de cet entretien est initialement paru sur le site

francophone Slate.fr Bibliographie

1 Le Pr Peter Piot est l’auteur d’un ouvrage autobiogra­

phique «No Time To Lose – A life in pursuit of deadly viruses». Publié chez Norton & Company, l’ouvrage n’est pas disponible en langue française.

2 www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/su6303a1.

htm?s_cid=su6303a1_w

3 www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1411100?

query=featured_home#t=articleTop

La varénicline est un agoniste partiel de l’α4β2­acétylcholine nicotinique approuvé pour l’abstinence au tabac. Des études pré­

cliniques ont suggéré une diminution de la consommation d’alcool dans le contexte d’un traitement de varénicline ; une étude de la­

boratoire, impliquant des sujets humains, a suggéré une diminution de la consommation d’alcool, des signes de sevrage et un renfor­

cement des effets d’une consommation d’alcool chez des individus connus pour un tabagisme et une consommation d’alcool à haut risque. Une étude préliminaire, incluant des fumeurs avec une consommation nocive d’alcool qui ont reçu de la varénicline pen­

dant trois semaines, montre moins de signes de sevrage et moins de jours de consomma­

tion excessive comparés au groupe placebo.

Il s’agit d’une première étude multicentrique avec la varénicline chez les fumeurs et non­

fumeurs avec une dépendance à l’alcool. 200 patients avec un syndrome de dépendance à l’alcool ont été randomisés pour recevoir en double­aveugle de la varénicline ou un placebo pendant treize semaines, en addi­

tion à une intervention brève par ordinateur.

• Les patients recevant la varénicline ont dé­

crit moins de jours (en %) de consommation nocive d’alcool que ceux dans le groupe place­

bo (38% versus 48%). Le statut de tabagisme n’avait pas d’influence sur l’issue primaire.

• Le groupe avec varénicline consommait moins d’unités d’alcool (6 versus 7) et pré­

sentait moins de jours (en %) de consomma­

tion excessive d’alcool que le groupe placebo (18% versus 26%).

• Il n’y avait pas de différence d’abstinence dans les deux groupes.

• Les effets indésirables ne différaient pas de ceux déjà décrits pour le traitement, qui était bien toléré dans les deux groupes.

Commentaires : le traitement de varéni cline a réduit la consommation d’alcool dans cette étude, chez les fumeurs et non­fumeurs, com­

paré à un placebo. Des études plus grandes et longitudinales sont nécessaires pour repro­

duire les données de cet essai de démons­

tration de faisabilité.

Dr Sonja Ebert (traduction française) Jeanette M. Tetrault MD (version originale anglaise) Litten RZ, Ryan ML, Fertig JB, et al. A double­blind, pla­

cebo­controlled trial assessing the efficacy of varenicline tartrate for alcohol dependence. J Addict Med 2013;7:

277­86.

Lien vers la version intégrale de la lettre d’information : www.alcoologie.ch/alc_home/alc_documents/alc­

lettreinformation­2.htm

dépendances en bref

Varénicline, un traitement potentiel à option pour le syndrome de dépendance à l’alcool chez les fumeurs et non-fumeurs

Service d’alcoologie, CHUV, Lausanne

42_45.indd 4 06.10.14 12:01

Références

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