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Mon quartz est plus beau que ton silex. Y a t-il une spécialisation dans les choix des matières minérales pour la confection de l'outillage lithique au Paléolithique supérieur ?

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Academic year: 2021

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Jean Pierre Bracco

Mon quartz est plus beau que ton silex

Y a t-il une spécialisation

dans les choix des matières minérales pour la confection de l'outillage lithique

au Paléolithique supérieur ?

Jean-Pierre Bracco (ESEP - UMR 6636, MMSH, Aix-en-Provence)

A b o rd e r la possibilité d e l'existence de sites spécialisés dans l'acquisition d e la m atière première minérale dans sa transform ation ou son utilisation nécessite en premier lieu d e réfléchir sur la gestion d e c e tte m atière au Paléolithique supérieur. Nous prendrons ici l'exemple du coeur de l'Auvergne, dans les hautes vallées d e la Loire e t d e l'Ailier (la région du Velay). Plusieurs caractéristique s arch é o lo g iq u e s e t environnementales fo n t en e ffe t de ce t espace une zone d 'é tu d e intéressante pour c e tte analyse :

- sur une faible superficie de 2500 km2 sont concentrés d e nom breux sites d o n t la caractérisation culturelle s'échelonne du G ravettien supérieur au M agdalénien ; il y a d o n c là la possibilité d'une réflexion diachronique ;

- le contexte g éolog ique local, granitique et volcanique, n'est pas favorable à la présence d e silex. Les rares gîtes connus sont des galets alluviaux d e silex tertiaire, quelques pointem ents d'o p a le hydrotherm ale e t quelques gîtes primaires d 'â g e tertiaire. La discrimination d e ces m atériaux a v e c des silex allochtones est aisée.

Le quartz filonien est par contre très abondant, sous form e d e filons et d e galets alluviaux ;

- plusieurs travaux récents ont permis de caractériser une gra n d e partie des silex allochtones présents dans les gisements étudiés e t d'en retrouver les origines géologiques e t géographiques (cf. en particulier Surmely e t al. 1997).

Un premier constat : la circulation des matières premières lithiques

Il n'est pas utile d e s'étendre longuem ent sur c e t aspect. Au Paléolithique supérieur, le transport d e silex est chose com m une (Fig. 1-3). Deux points sont à souligner :

- les distances de transport peuvent être importantes, au-delà d e 100 km. C e fait, longtem ps débattu , voire com battu, est m aintenan t admis ;

- certaines sources sont parfois régulièrement utilisées dans le tem ps co m m e dans l'espace.

En revanche, il ne semble pas exister une relation linéaire stricte entre distance e t quantité transportée, selon le m odèle de Pareto souvent invoqué pour les périodes antérieures. C ette disjonction est à notre sens un des points majeurs qui discrimine le Paléolithique supérieur dans l'utilisation des matières premières minérales.

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1. A lsd orf 12. H ohler Fels

2. A nd e rna ch 13. B rillenhbhle

3 . G ô n n o rsd o rl 14. H elga Abri

4. W ild sch e u e r, c .V 15. P ete rsfels

5. W ildw eiberlei 16. S chw eize rb ild

6. M u n zing e n 17. K esslerloch

7. N a po le o nsko pf 18. B üttenloch

8. B u rk h a rd ts h ô h le 19. Erem itage

9. K a u fo rts b e rg 20. M onruz

10. Barbing 21. C h am préve yre s

11. Fe lsstâlle 22. M oo sbü hl

a: S w e ikh u ise n -G ro e n e Pal (In ven taires 69 et 70) --- : trajets possibles >

(

P A Y S - B A S

B E L G I Q U E . V

2

R h é n a n ie L U X .

Bavière F R A N C E

n / n r i6

A U T R I C H E

> 5 0 0 m

Fig. I. Exemple d e circulation de matériaux lithiques au Paléolithique supérieur (d'après Féblot-Augustins 1997)

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Jean Pierre Bracco

P O L O G N E

Heméd Slovaquie

B Ü K K

A U T R I C H E

M o ravie

1. Vedrovice II

2. Strànské Skâla Ilia, c.3 3. Podstrânské 4. Matomênce-Obciny 5. Kohoutovice 6. Brno-Jundrov 7. MalomSrice-Borky II 8. Tvaroznâ 9. Krepice 10. Divaky 11. Klobouky 12. Novâ Dedina I 13. Zlutava I 14. Kvasice I 15. Milovice 16. Gottwaldov-Louky 17. Lhotka

18. Vésky I o : stations de plein air de Silésie (utilisation exclusive du silex

erratique balte) : trajets possibles 19. Brodek I 20. Ondratice II 21. Urcice-Golstyn 22. Slatinice I 23. Lhota 24. Pavlovice 25. Barca I et II 26. Kechnec I 27. Tibava 28. Istéllôskô

29. Krakôw-Zwierzyniec I, c.12 30. Krakôw-Sowiniec 31. Gôra Pulawska 32. Krems-Hundssteig 33. Senftenberg

Fig. 2. Exemple d e circulation de m atériaux tithiques au Paléolithique supérieur (d'après Fébiot-Augustins 1997)

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Utilisation des matières premières lithiques dans les hautes vallées de la Loire et de l'Ailier

Pour l'ensemble des m atériaux allochtones, les zones de collecte sont similaires dans l'ensemble des gisements régionaux. Les silex proviennent des formations crétacées du Centre d e la France (Turonien et Sénonien essentiellement). C ette constante dans les zones d'approvisionnem ent a é té mise en relation avec des schémas d 'o c c u p a tio n du sol constitués par des remontées saisonnières le long des vallées principales, soit selon un axe nord-sud. C ette pénétration du massif est fortem ent e n cadrée par le co ntexte géograp hique qui rend difficile des déplacem ents selon d'autres directions (Bracco 1997).

30 km

Fig. 3. Exemple de circulation d e matériaux lithiques au Paléolithique supérieur (d'après Floss 1994)

Si des silex allochtones sont systém atiquem ent présents dans les séries archéologiques, on observe de grandes différences quantitatives. Au G raveffien et au M agdalénien, ces m atériaux représentent l'essentiel des séries. Dans les sites badegouliens au contraire, les silex d'origine lointaine sont peu nom breux (Fig. 4).

Il est clair que les objectifs du d é b ita g e sont une des raisons, à notre avis la principale, de c e tte différence. L'analyse des schémas opératoires mis en oeuvre e t l'examen d e l'outillage indique explicitem ent que les séries industrielles des hautes vallées d e la Loire e t d e l'Ailier participent des mêmes grandes traditions techniques que les régions avoisinantes. Ainsi, s'il n'y pas sur p la ce d e matériaux disponibles pour la réalisation par exem ple d e longues lames, on assiste à des com portem ents d'apports selon des m odalités de transport qui privilégient l'introduction d e nucléus préformés, voire déjà en cours d'exploitation. En c e qui concerne le Badegoulien, dans lequel le d é b ita g e d 'é c la t est toujours abondant, l'opinion co m m uném ent admise est que l'aspect « archaïque » des séries est dû à l'utilisation essentiellement du quartz (sauf au Rond-du-Barry) pour la co n fe ctio n des supports. Là encore, le diagnostic est à nuancer. Des travaux récents sur les schémas opératoires d e production d'éclats au Badegoulien suggèrent que les éclats en quartz des séries du Velay sont obtenus par les mêmes schémas que les éclats en silex du Badegoulien des régions adjacen tes e t possèdent des propriétés similaires (Bracco e t al. sous presse) (Fig. 5). Ce n'est do n t pas parce qu'ils sont en quartz que les éclats ont c e t aspect mais le quartz a é té utilisé parce qu'il perm et de produire les supports nécessaires, confectionnés dans d'autres m atériaux dans les régions plus riches en silex. Notons au passage que ces éclats o n t pu servir dans des travaux d e boucherie (Fig. 6). Si c e tte hypothèse s'avère exacte, c e qui reste encore à dém ontrer d e manière définitive, cela signifierait qu'il n'y a pas non plus d e relation univoque entre matière première e t activités ; différents m atériaux peuvent être em ployés pour les mêmes gestes techniques, c e qui est en a c c o rd a ve c les données ethnographiques.

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Jean Pierre Bracco

GRAVETTIEN ET MAGDALENIEN 100 %

silex quartz

_ 1 0 0%

I

silex quartz BADEGOULIEN

Fig. 4. Proportion m oyenne en NR des artefacts en quartz e t en silex dans les gisements paléolithique supérieur du Velay e t indication de la zone d e co lle cte des m atériaux allochtones

d e r n i è r e s é r ' 6

Production d'éclats norm alisés, 1ère et 2e série M ise en forme et entretien

A ncienne production d'éclats norm alisés, 1ère série Surface initiale

Fig. 5. Schéma opératoire du d é b ita g e d'éclats courts au Badegoulien (d'après Bracco e t al. sous presse, dessin A. Morala)

(6)

C e dernier point est aussi à discuter pour les lamelles à dos du M agdalénien régional. On observe dans plusieurs sites une production d e lamelles sur silex locaux e t allochtones mais seules les lamelles en silex « blond » du Centre d e la France sont transformées en armatures à dos. Les raisons n'en sont pas encore explicites. Peut- être est-ce la qualité de la m atière première qui est là en jeu. Peut-être aussi peut-on évoquer d'autres raisons, d'ordre plus social (rem arque d e Nicole Pigeot lors d e la présentation orale de c e tte com m unication).

Fig. 6. D é co u pe expérim entale d'un m outon p a r P. Morel a v e c des éclats d e quartz

Quelques réflexions pour conclure

La gestion d e la m atière prem ière o b é it d o n c à des com portem ents com plexes d o n t seuls quelques aspects o n t é té ici évoqués. C o m m ent alors discriminer éventuellem ent des sites spécialisés ?

L'exemple le plus souvent c ité est celui des ateliers, espace im planté sur les gîtes mêmes e t dans lesquels seules l'acquisition, le dégrossissage e t éventuellem ent la mise en form e seraient effectués. Les données archéologiques disponibles ne sont pas très claires. Les quelques exemples d e travaux récents, les mieux docum entés, co m m e les gisements d e Barbas 3 (O rtega 1998) e t des Maîtreaux (Aubry 2000) suggèrent que ces faciès dits « d'atelier » sont en réalité com plexes e t tém oignent, à c o té d'activités d'acquisition, d e la présence d'autres activités po u va n t parfois être importantes, c'est-à-dire non liées strictement aux activités domestiques nécessaires p e n d a n t le temps d e l'occupation.

Dans les sites dits « d e consom m ation », la situation n'est pas nécessairement b e a u co u p plus claire.

Reprenons l'exemple des sites du Velay, mais il pourrait être étendu à bien d'autres... ! Par définition, les matériaux allochtones sont collectés ailleurs. Mais il y a toujours une fraction d e la série qui est confectionnée sur matériaux locaux, parfois collectés dans l'espace très proche du ca m p e m e n t (cas du quartz par exem ple pour les gisements badegouliens du Blot et la Roche à Tavernat). Dans c e cas, c e sont aussi des sites d'acquisition, pro parte.

Et il reste, lancinante et récurrente question des études paléolithiques, la question des palimpsestes (cf. par exem ple Binford 1980). La fonction des sites a pu varier au cours des temps e t dém êler l'écheveau ap paraît aujourd'hui souvent hors d e portée d e nos techniques d'investigation.

Mais c e tte question des palimpsestes n'est peut-être pas la plus acérée. Dans nos tentatives, peut-être parfois un peu dérisoire, pour m ettre d e l'ordre dans des données archéologiques parcellaires et circonstancielles, la recherche d e catégories e t d e leurs récurrences m asquent éventuellem ent la com plexité des com portem ents. S'il est difficile d e discuter de la fonction d'un site paléolithique, c'est peut-être parce que nos catégories sont trop... catégoriques... e t univoques e t que la spécialisation que nous recherchons ne correspond pas à la réalité des o ccupatio ns si c e n'est pour les extrêmes (halte d'un jour ?) ou pour d e grands d écoup ages typologiques : cam ps d e base versus o c c u p a tio n courte, do n t la valeur heuristique n'est que médiocre.

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Jean Pierre Bracco

Références bibliographiques

Aubry T., Walter B., A lm eida M „ Liard M. et Neves M.-J. 2000. A pp ro ch e fonctionnelle des sites dits d'atelier : l'exemple des occupations solutréennes e t badegouliennes des Maitreaux (Indre-et-Loire, France), /n : 25e Congrès préhistorique de France « A pproches fonctionnelles en Préhistoire » : p ro g ra m m e e t résumés des com m unications, Nanterre, novem bre 2000. Société préhistorique française, Paris, p. 45.

Binford L.R. 1980. Willow smoke a n d dog's tails : hunter-gatherer settlem ent systems and archaeological site form ation, A m erican Antiquity, t. 45, p. 4-20.

Bracco J.-P., Morala A., Cazals N „ Crétin C., Ferullo O., Fourloubey C. et Lenoir M. (sous presse). Peut-on parler d e d é b ita g e discoïde au M agdalénien a ncien / Badegoulien ? Présentation d'un schém a opératoire d e production d'éclats courts normalisés. In : M. Peresani (éd.), The Discoïde prod u ctio n a n d its interpretations, British A rchaeological reports.

Bracco J.-P, 1997. Du site au territoire, l'occupation du sol dans les hautes vallées d e la Loire e t d e l'Ailier au Paléolithique supérieur (Massif Central), G allia Préhistoire, t. 38, p. 43-67.

Feblot-Augustins J. 1997. La circulation des matières premières au Paléolithique. Synthèse des données. Perspectives com portem entales. ERAUL 75. Liège : Université 275 p.

Floss H. 1994. Rohmaterialversorgung im Palâolithikum des Mittelrheingebietes. Romisch Germanisches zentralmuseum. Bonn, 407 p.

O rtega I Cordellat I. 1998. Explotaciôn d e los recursos lïticos en funciôn d e una c o n c e p ciô n de d é b ita g e laminar aurinaciense : el yacim iento arqueolôgico d e Barbas. In : A ctes de la 2a Reuniô d e Treball sobre aprovisionam ent de recursos iîtics a la Prehistôria, Barcelona - Gavà, 26, 27 i 28 d e novem bre d e 1997, Rubricatum, 2. Edited by J. Bosch, X. Terradas, and T. Orozco, G avà, Museu, p. 105-114.

Surmely F., Barrier P., B racco J.-P., Charly N. e t Liabeuf R. 1998. Caractérisation des silex pa r l'analyse des m icrofaciès et a p p lica tio n au p e u p le m e n t préhistorique d e l'Auvergne (France), Comptes-Rendus d e IA c a d é m ie des Sciences, série lia, 326, p. 595-601.

Références

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