Désordre et créativité :
l’innovation technique et artistique
Vincent Bontems (Larsim – CEA)
Fleurance - 6 juin 2016
Qu’est-ce que « créativité » ?
La créativité est la capacité à imaginer une idée inédite, un objet nouveau ou une solution originale à un problème.
Ethologie : chez l’homme et l’animal, c’est la flexibilité de l’intelligence instrumentale faisant jouer le rôle d’outillage à des objets ou des matériaux inhabituels.
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« Marathon des sciences » Fleurance - 6 juin 2016
« Physical Order Produces Healthy Choices, Generosity, and Conventionality, Whereas Disorder Produces Creativity »
Kathleen D. Vohs
Décomposition en unités élémentaires dénombrables et progrès linéaire
(géométrie, machine simple, armée…)
Rencontre fortuite d’éléments non hiérarchisés et exploration intuitive (poésie, humour, jazz, design…)
Une alternance entre ordre et désordre
Capacités imaginatives et stratégiques.
Une démarche purement analytique peut aboutir à une impasse et ne pas avoir les moyens de réviser ses hypothèses.
Une démarche purement aléatoire, par essais et erreurs, a peu de chance d’être assez cumulative pour être féconde.
La créativité exige une ouverture à des
réflexions divergentes, mais elle est aussi la capacité à rétablir une convergence pour aboutir à une résolution satisfaisante.
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« Marathon des sciences » Fleurance - 6 juin 2016
La méthode la plus connue : le « remue-méninge »
(Alex Osborn, L’Imagination constructive, principes et processus de la pensée créative et du brain storming, 1959)
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« Marathon des sciences » Fleurance - 6 juin 2016
Phases alternées de divergence et de convergence :
1. Levée des inhibitions et encouragement de la
communication volubile et horizontale
2. Retour du sens critique et passage au crible des idées produites
Les règles : ne pas critiquer, se laisser aller, rebondir, viser la quantité
Deux critiques du brain storming
Le brain storming permet de « défixer » ; il stimule la création d’idées ; il améliore la synergie dans un groupe. En revanche, il est peu adapté à l’innovation complexe dans les domaines déjà très structuré :
Genrich Altschuller (1926-1998) :
Le brain storming augmente l’incertitude et constitue un frein pour s’orienter dans le champ des possibles.
Gilbert Simondon (1924-1989) :
Le brain storming est utile quand la solution passe par la sélection d’un cas particulier, pas pour inventer un objet générique radicalement nouveau.
www.explornova.fr
Pour Altshuller, le remue-méninge est une variante de l’essai-erreur qui est très loin d’être optimale
« Marathon des sciences »
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Genrich Altshuller, The Algorythm of Innovation, p. 58 :
« L’absurdité du remue-méninge comme méthode de recherche est en partie compensée par le facteur quantitatif – les problèmes sont attaqués par une équipe importante. Le remue-méninge paraît efficace vu de l’extérieur parce que les problèmes sont résolus en une journée. En fait, 50 personnes ont passé autant de temps qu’une personne en 50 jours. (…) Le procédé du remue-méninge produit des effets positifs quand il est utilisé pour créer de la nouveauté dans le marketing. En revanche, il ne produit pas de résultat significatif face à des problèmes complexes qui exige des solutions inventives de plus haut niveau. (…)
Il y a des failles conceptuelles dans le remue-méninge. La principale est la perte de contrôle. Cela aide à surmonter l’inertie en sortant des impasses mais cela freine à parvenir à la solution. 10 fois de suite une personne formulera l’idée qui oriente vers la solution et 10 fois l’enchaînement qui y mène sera interrompu par une autre idée. (…)
Durant le remue-méninge la critique est censée être interdite. En réalité, la critique est cachée mais permanente à travers l’expression de nouvelles idées qui supprime le développement d’idées antérieures »
La TRIZ (théorie de la résolution inventive des problèmes) se veut une technologie combinatoire de la créativité
8 La méthode TRIZ consiste à
identifier la « contradiction principale » qui pose problème, puis à consulter la « table des contradictions », une matrice dans laquelle Altshuller a consigner les principes des solutions inventives qui ont déjà été utilisées pour dépasser cette contradiction (l’identification de ces solutions ayant été réalisée à travers le dépouillement de
plusieurs milliers de brevets). Exemple : en augmentant la vitesse (ligne 9) on détériore la stabilité (colonne 13).
La matrice recommande les principes 28, 33, 1 et 18, c’est-à-dire remplacer le système mécanique, homogénéiser les matériaux, segmenter l’objet et travailler sur les vibrations mécaniques.
Pour Simondon, la créativité tout azimut n’est pas suffisante, mais les leçons combinatoires du passé non plus, il faut inventer un futur
« Marathon des sciences »
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Gilbert Simondon, Imagination et Invention.
1965-1966, p. 140 :
« L’anticipation et la prévision ne suffisent pas : il faut qu’apparaisse une virtualité qui ne fait pas partie du champ initial des possibles et que son anticipation revienne vers le présent en modifiant la structure et les conditions de l’opération actuelle (…) L’invention établit un certain type d’action en retour, d’alimentation récurrente (feed-back) qui va du régime du résultat complet à l’organisation des moyens et des sous-ensembles selon un mode de compatibité »
Du mode
d’existence des objets techniques :
Métastable Virtualité Optatif (?)
Comment formaliser les rapports du virtuel avec l’actuel ? La théorie C-K (Concepts – Knowledge)
Conditions : Distinguer les concepts des connaissances Reconnaître « l’indécidabilité » des concepts Mener une recherche dialectique entre C et K Admettre la redéfinition de l’identité du projet Armand Hatchuel
Solar Impulse 2
La créativité est-elle facteur d’ordre ou de désordre ?
Joseph Alois Schumpeter :
« L’innovation est de la destruction créatrice »
La créativité sur commande ? La méthode de la DARPA :
non linéarité, temps limité (2 ans), recherche fondamentale orientée
Regina Duncan,
Google Program Manager
« Nous produirons des matériaux si léger que deux personnes pourront la soulever mais si solide qu’elle aura la résistance d’un SUV »
« Depuis que nous avons conquis le ciel, nous avons voulu voler plus vite et plus loin; et pour ce faire, nous avons du croire en des choses impossibles et nous avons surtout du refuser la crainte de l’échec »
Alors, peut-on mesurer la créativité ? Peut-on l’améliorer ?
Management by objectives : « What gets mesured gets improved »
Peter Drucker, The Practice of Management, 1954.
Connaissance analytique du processus de transformation
Parfaite Imparfaite
Possibilité
d’une mesure pertinente des résultats
Fiable Industrie Éducation
Non fiable Police Recherche
(Science &
Art)
La création inspirée demande du temps
(et pas n’importe lequel)
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« L’inspiration existe mais elle doit te rencontrer quand tu es en train de travailler » Pablo Picasso
« Ésope, ce grand homme, vit son maître qui pissait en se promenant :
"Quoi donc, fit-il, nous faudra-t-il chier en courant ?". Ménageons le temps ; encore nous en reste-t-il beaucoup d’oisif et de mal employé » Montaigne
« Allez de l’avant, aussi imparfait que vous soyez, entamez les tâches que vous voulez avoir accompli avant de mourir » Shoma Morita
