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Détermination des variations isotopiques inter et intra-coloniales chez Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies, deux espèces de coraux noirs (Hexacorallia : Antipatharia) de Madagascar

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Détermination des variations isotopiques inter et intra-coloniales chez

Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies, deux espèces de coraux noirs (Hexacorallia : Antipatharia) de Madagascar

Auteur : Wattecamps, Maureen Promoteur(s) : Lepoint, Gilles; 11647 Faculté : Faculté des Sciences

Diplôme : Master en océanographie, à finalité approfondie Année académique : 2019-2020

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/9912

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L’Université de Liège Faculté des sciences Département d’Océanologie

En partenariat avec l’Université de Mons Faculté des sciences

Laboratoire de Biologie des Organismes Marins et Biomimétisme

Mémoire de fin d’études présenté en vue de l’obtention du grade de MASTER en OCEANOGRAPHIE, à finalité approfondie

Présenté par : Encadré par :

WATTECAMPS Maureen

Dr. TERRANA Lucas (Promoteur) Dr. LEPOINT Gilles (Co-Promoteur)

Année académique 2019-2020

Détermination des variations

isotopiques inter et intra-coloniales chez Cirrhipathes anguina et Cupressopathes

abies, deux espèces de coraux noirs (Hexacorallia : Antipatharia) de

Madagascar

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"Conformément aux règles imposées à la rédaction,

ce mémoire ne doit pas dépasser 50 pages, rédigées en Times 12 ou équivalent"

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Table des matières

Table des matières ... i

Note liée à la crise sanitaire Covid-19 ... iii

Résumé ... iv

Abstract ...v

Avant-propos ... vi

I. Introduction ... 1

1. Description taxonomique des Antipathaires ... 1

2. Description morphologique ... 1

2.1. Colonies ... 1

2.2. Polypes ... 3

2.3. Organismes associés ... 4

3. Ecologie ... 5

3.1. Distribution géographique ... 5

3.2. Profondeur ... 5

3.3. Type de substrat ... 5

3.4. Zooxanthelles symbiotiques ... 6

3.5. Reproduction ... 6

4. Menaces et conservation ... 6

5. Espèces cibles de ce mémoire : Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies ... 7

5.1. Cirrhipathes anguina ... 7

5.2. Cupressopathes abies ... 9

6. Ecologie trophique ... 10

7. Variabilités intraspécifiques ... 10

8. Isotopes ... 12

9. Objectifs de ce mémoire ... 13

II. Matériel et Méthode ... 14

1. Aire d’étude ... 14

2. Echantillonnage ... 15

3. Analyses isotopiques du carbone, de l’azote et du soufre ... 17

3.1. Préparation des échantillons ... 17

3.2. Analyse au spectromètre de masse ... 18

4. Traitement des données – Analyse statistique ... 18

III. Résultats ... 20

1. Les variations interspécifiques ... 20

(5)

2. Les variations intraspécifiques ... 23

2.1. Cirrhipathes anguina ... 23

2.1.1. Analyse des tissus ... 23

2.1.2. Analyse des squelettes ... 25

2.2 Cupressopathes abies ... 26

3. Les variations intra-coloniales ... 28

3.1. Cirrhipathes anguina ... 28

3.2. Cupressopathes abies ... 30

IV. Discussion ... 33

1. Les variations interspécifiques ... 34

2. Les variations intercoloniales ... 37

2.1. Cirrhipathes anguina ... 37

2.2. Cupressopathes abies ... 39

3. Les variations intra-coloniales ... 39

3.1. Comparaison du squelette et des polypes chez Cirrhipathes anguina ... 40

3.2. Cirrhipathes anguina ... 41

3.2.1. Le carbone ... 41

3.2.2. L’azote ... 41

3.2.3. Le soufre ... 42

3.2.4. Comparaison entre l’apex et la base ... 42

3.3. Cupressopathes abies ... 43

3.3.1. Le carbone ... 43

3.3.2. L’azote ... 43

3.3.3. Le soufre ... 43

V. Conclusion ... 44

VI. Perspectives ... 44

Remerciements ... vii

Références bibliographiques ... viii

Annexes ... xiv

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Note liée à la crise sanitaire Covid-19

Ce mémoire fut réalisé pendant la crise sanitaire liée au virus Covid-19.

L’année 2020 n’a pas commencé comme elle était attendue, une pandémie est apparue et a chamboulé le quotidien de l’ensemble de la planète. Au niveau universitaire, de nombreux mémoires ont dû être modifiés car il était désormais impossible pour quiconque de se rendre à l’étranger. Ce fût le cas pour moi notamment. De plus, les circonstances exceptionnelles de confinement ont rendu les installations universitaires inaccessibles durant plusieurs mois.

A l’origine, mon mémoire s’inscrivait dans un projet de recherche FNRS lié à la biologie de la conservation des coraux noirs et impliquant le laboratoire d’Océanologie de l’ULiège, le laboratoire de Biologie des Organismes Marins et Biomimétisme de l’UMONS et le laboratoire de Biologie Marine de l’ULB. Les objectifs initiaux de ce mémoire étaient de déterminer le fractionnement isotopique et le turnover de deux espèces de coraux noirs en fouet : Cirrhipathes anguina et Stichopathes maldivensis, ainsi que de déterminer parmi deux sources de nourriture laquelle était la plus adaptée pour la mise en place d’une aquaculture durable à Tuléar. Des expériences en laboratoire et aquariums auraient donc dû être réalisées sur le terrain à Madagascar entre avril et juin 2020.

Malgré la difficulté de la situation, mes promoteurs ont pu trouver une solution pour me permettre de réaliser un mémoire toujours basé sur l’analyse de la composition isotopique des coraux noirs. Le présent travail fut réalisé sur base d’un jeu de données acquis lors de précédents prélèvements de coraux noirs réalisés au niveau du Grand Récif de Tuléar.

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Résumé

Les antipathaires (Cnidaria : Anthozoa : Hexacorallia : Antipatharia) sont des organismes sessiles coloniaux possédant une grande plasticité morphologique. Celle-ci est liée à leur environnement marin hétérogène. Cette adaptation morphologique peut être liée à une différence de régime alimentaire, notamment contrôlée par la taille des polypes et de leur bouche. Puisque la composition isotopique d’un individu va dépendre de son alimentation mais également de son métabolisme et de son fractionnement isotopique, la morphologie aura une grande importance sur celle-ci.

Au niveau des eaux peu profondes du Grand Récif de Tuléar se situe une grande population de coraux noirs représentée par 22 espèces. Des études précédentes ont démontré que ces espèces occupaient des niches isotopiques différentes correspondant à des régimes alimentaires différents.

Ce travail vise à déterminer les variations isotopiques intra et interspécifiques entre deux espèces dominantes du champ d’antipathaires : Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies. A ces fins, cinq colonies de chaque espèce ont été prélevées et analysées. Ensuite, des analyses statistiques ont été réalisées grâce au package SIBER sur le logiciel Rstudio. L’analyse tente également de déterminer la composante principale de cette différence intraspécifique. La variation isotopique intercoloniale a-t-elle plus d’impact sur la niche que la variabilité intra-coloniale ?

Les résultats démontrent que l’espèce en fouet Ci. anguina possède des valeurs de δ15N plus élevées et est donc positionnée à un niveau trophique supérieur par rapport à Cu. abies. Une alimentation différente entre les deux espèces est suggérée avec des valeurs de δ13C significativement plus négatives pour Ci. anguina. Cette dernière possède également une niche isotopique plus grande.

Cela peut être expliqué par une variation intercoloniale plus importante. Etant donné la niche plus réduite de Cu. abies, les variabilités isotopiques inter et intra-coloniales sont plus faibles.

Par ailleurs, la différence isotopique entre les tissus et le squelette de Ci. anguina a été analysée. Le squelette de Ci. anguina a été subdivisé en une partie externe, plus jeune, et une partie interne. Les résultats ont montré que le squelette interne et externe ne sont pas significativement différents, ce qui suggère une constance temporelle dans la composition isotopique de l’environnement. Ceux-ci possèdent des valeurs de δ13C et de δ15N plus basses que le tissu, impliquant de ce fait l’existence d’un fractionnement isotopique entre les tissus et le squelette lors de la synthèse de ce dernier.

En général, au niveau de la variabilité intra-coloniale, le δ13C est moins négatif vers la base avec une différence significative entre la base et l’apex pour Cu. abies ; le δ15N est plus grand vers la base ; et le δ34S est croissant vers l’apex de la colonie. Cependant, en moyenne, l’intervalle des valeurs isotopiques est faible et les écart-types importants. Il se pourrait que la variabilité des données soit plus corrélée avec une variabilité analytique qu’à une véritable variabilité biologique.

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Abstract

Antipatharians (Cnidaria : Anthozoa : Hexacorallia : Antipatharia) are colonial and sessiles organisms which have an important morphologic plasticity linked with the heterogenous environment. This adaptation could influence the diet wich is nottably controlled by the polyps and their mouth size.

Therefore, the morphology will impact their general isotopic composition of the tissues. Indeed, the isotopic composition of an organism is linked with its diet but also with its metabolism and isotopic fractionnation.

A dense population of black corals is located in the shallow waters of the Great Reef of Toliara is represented by 22 species. Previous studies have demonstrated that these species had different isotopic niches and were using different food sources.

The purpose of this study is to determine the isotopic variation between two species of the black coral bed : Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies. Five colonies of both species were analysed. Thanks to SIBER package in R software, statistical analyses were performed. The study also aims to determine the main drivers of the intraspecific difference. Will the intercolonial isotopic variation have more impact on the niche than the intracolonial one?

Results show that the whip black coral, Ci. anguina, have higher values in δ15N and so have a higher trophic level. These two species have a different diet. In fact, Ci. anguina have more negatives δ13C values and a bigger isotopic niche than Cu. abies. It might be due to a bigger intercolonial variability.

So, Cu. abies who have a restricted niche area, have also smaller isotopic inter and intracolonial variations.

Furthermore, isotopic differences between tissues and skeleton of Ci. anguina were analysed. The skeleton was divided in two parts representing the inner part (i.e. the oldest part) and the outer part (i.e. the younger part). Theoretically, these parts may present temporal variations in their isotopic composition as they represent the composition of the environment over time, considering a possible fractionation. Here, the inner and outer part of the skeleton were not significantly different, suggesting a temporal consistency in the isotopic composition of the food sources consumed.

Compared to the tissues, the skeleton isotopic values of δ13C and δ15N are lower, meaning that there is an isotopic fractionation when the skeleton is synthesised.

About the intra-colonial variability, in general, δ13C is less negative around the base which is significantly different compared to the apex in Cu. abies ; δ15N is higher close to the base of the mean black coral ; and δ34S increases toward the apex. However, the range of isotope values is small and standard deviations are large. The result’s variations could be more related to analytical variation than to a real biological variation.

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Avant-propos

Ce mémoire s’inscrit dans le projet de recherche COBICO (Conservation biology of black corals, Madagascar) qui a été financé par le FNRS pour une durée de 4 ans entre 2018 et 2021. Celui-ci est réalisé par trois universités et est coordonné par trois promoteurs dans chacune de celles-ci : Gilles Lepoint à l’ULiège, Igor Eeckhaut à l’UMONS et Philippe Dubois à l’Université Libre de Bruxelles.

Le but de ce projet est de comprendre les communautés qui structurent les champs d’antipathaires du Sud-Ouest de Madagascar, notamment menacées par la pêche illégale. Le projet vise entre autres à déterminer ces communautés et leurs relations trophiques dans l’écosystème, comprendre les impacts du changement global sur ce groupe, et étudier la faisabilité du bouturage pour l’aquaculture durable.

COBICO apportera dès lors des connaissances scientifiques pour la conservation, la protection et la culture durable des coraux noirs au niveau de la côte de l’Océan Indien. Le terrain de recherche se situe à Madagascar, plus précisément à Tuléar, à l’Institut Halieutique et des Sciences Marines (IHSM).

Les différents sujets seront divisés en quatre groupes (WP) :

WP1 : La description des forêts de coraux noirs et les organismes associés ainsi que l’évaluation des stocks et la génétique des populations,

WP2 : L’évaluation du fonctionnement des écosystèmes formés par les coraux noirs par une approche isotopique,

WP3 : La détermination de l’effet du dérèglement climatique ainsi que celui de l’acidification des océans sur le métabolisme, la croissance et les propriétés mécaniques des coraux noirs,

WP4 : L’évaluation de la faisabilité pratique et socio-économique de la culture des coraux noirs selon le modèle de l’aquaculture villageoise.

Mon mémoire s’inscrit dans le WP2 dans lequel la variabilité inter et intra-coloniale isotopique sera déterminée au sein de deux espèces les plus abondantes du champ d’antipathaires situé au niveau du Grand Récif de Tuléar.

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I. Introduction

1. Description taxonomique des Antipathaires

Les Antipatharia (ou coraux noirs) sont un ordre de l’embranchement des cnidaires, ils possèdent donc des cnidocystes. Ils font partie de la classe des Anthozoaires et n’ont pas de forme « méduse » ; ils appartiennent à la sous-classe des Hexacoralliaires et les polypes sont constitués de 6 ou d’un multiple de 6 tentacules. L’origine de la taxonomie des Antipathaires remonte au 18e siècle lorsque ceux-ci ont été séparés des gorgones (Cnidaire, Octocoralliaires) par Pallas (1766).

La classification des coraux noirs est traditionnellement basée sur les caractéristiques morphologiques du squelette tels que l’arrangement des épines squelettiques, le branchement, la pinnulation (i.e. type de ramifications). La classification des antipathaires est réévaluée depuis 1970 grâce aux moyens techniques modernes de microscopie (par exemple : Opresko 1972, 1974, 2001;

Lapian et al. 2007; Brugler et al. 2013; Terrana et al. 2020). Cependant, les techniques génétiques restent difficilement applicables à cet ordre. Cette difficulté, associée à la très grande plasticité phénotypique de ce groupe, explique en partie les nombreuses incertitudes taxonomiques persistantes (e.g. Terrana et al. 2020).

Cet ordre est divisé en sept familles (Antipathidae, Aphanipathidea, Cladopathidae, Leiopathidae, Myriopathidae, Stylopathidae, et Schizopathide), environ 46 genres et approximativement 270 espèces (Brugler et al. 2013; Opresko 2019). Les colonies d’une même espèce présentent une grande plasticité phénotypique et se différencient en fonction des conditions environnementales par la couleur, la forme, et la taille ce qui est une cause de confusion taxonomique (Warner 1981; Tazioli et al. 2007). Cette plasticité entraine une surestimation du nombre d’espèces (Lapian et al. 2007).

2. Description morphologique 2.1. Colonies

Les coraux noirs présentent une grande diversité morphologique (Fig. 1). Ils peuvent être branchus, en buisson, en plume, en fouet, ect. (Wagner et al. 2012; Terrana et al. 2020). Ils peuvent aussi atteindre toutes sortes de tailles : de quelques centimètres pour le genre Antipathes à plusieurs mètres tels que les genres Cirrhipathes et Stichopathes (Terrana et al. 2020). Ce sont des organismes uniquement coloniaux dont les polypes possèdent 6 mésentères primaires (Wagner 2015b).

Leur morphologie et leur taille seront partiellement dépendantes de l’hydrodynamisme. En effet, l’augmentation de la vitesse du courant permettra un apport plus élevé de nourriture (présente en suspension dans le milieu) et une maximisation de la dispersion larvaire mais provoquera également

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un stress de friction. La grande plasticité de ces organismes leur permettra d’adopter une morphologie qui représentera un compromis répondant à ces différentes conditions (Grigg 1965;

Vogel 1981; Warner 1981; Ryaland et Warner 1986; Wagner et al. 2012). Lorsque la colonie est fortement exposée, elle adapte sa forme générale pour minimiser les stress hydrodynamiques tout en profitant du courant pour trouver suffisamment de nourriture. Ces colonies s’étendent dès lors en hauteur, et non plus en largeur, et atteignent rapidement de grandes tailles ; cette croissance permet aussi d’éviter la compétition avec d’autres organismes planctonivores (Tazioli et al. 2007).

Les coraux exposés auront également un axe principal plus épais (Warner 1981).

Figure 1 : Différentes morphologies des antipathaires. (A) Rhipidipathes reticulata, (B) Antipathes elegans, (C) Antipathes sp. 1, (D) Antipathes sp. 2, (E) Antipathes? sp. 3, (F) Cirrhipathes spiralis, (G) Cirrhipathes sp., (H) Stichopathes sp., (I) Antipathella subpinnata, (J) Myriopathes myriophylla, (K) Myriopathes sp., (L) Cupressopathes abies, (M) Cupressopathes pumila, (N) Cupressopathes sp. 1, (O) Cupressopathes sp. 2. Issus de Lapian et al. 2007.

Les antipathaires sont caractérisés par un squelette organique et couvert d’épines. Cette matière organique est appelée l’antipathine. Elle est composée de fibres de chitine qui possèdent une

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élasticité non négligeable, et de scléroprotéines non fibreuses (Kim et al. 1992). Le squelette des antipathaires qui est à la fois flexible et extrêmement solide, croît de manière verticale et radiale avec des stries de croissance qui s’apposent autour d’un canal central. L’ensemble de ces stries permet d’estimer l’âge de la colonie ainsi que le taux de croissance (Grange 1985; Goldberg 1991;

Kim et al. 1992). Ces organismes sont considérés comme des animaux à croissance lente, avec une longue espérance de vie, pouvant aller au-delà de 2000 ans pour certaines espèces profondes, et une maturité tardive (Love et al. 2007; Bo et al. 2009b; Wagner et al. 2012). Ces caractéristiques varient fortement entre les espèces et la localisation bathymétrique.

Les épines squelettiques renforcent la résistance de celui-ci, en plus de protéger les polypes (Kim et al. 1992). C’est la couleur du squelette qui est à l’origine du nom des coraux noirs (Montgomery 2002; Wagner et al. 2012).

Ce squelette est recouvert d’un tissu, le coenenchyme, constituant principal du polype à proprement dit. Ce tissu ne contient pas de structures minéralisées et peut être de diverses couleurs (rouge, orange, vert, brun, blanc, …) (Wagner et al. 2012; Terrana et al. 2020).

2.2. Polypes

Les polypes d’antipathaires peuvent mesurer de quelques millimètres à un centimètre de large (Wagner et al. 2012; Brugler et al. 2013).

Ils possèdent 6 tentacules non branchus et non rétractiles (mais contractables) dont les formes peuvent différer en fonction des espèces (Tazioli et al. 2007). Ceux-ci ont une longueur deux à trois fois supérieure à la largeur du polype lui-même et peuvent s’allonger jusqu’à 10 fois leur taille au repos, en fonction des espèces. Les polypes ont une symétrie bilatérale et possèdent une paire de tentacules sagittaux et deux paires de tentacules latéraux (une distale et une proximale) (Warner 1981).

L’aspect externe des polypes varie généralement selon un rythme circadien. En effet, selon les espèces, ils sont contractés pendant la journée et totalement étendus pendant la nuit ou inversement. La capture de proie s’effectue lorsque les polypes sont étendus. Cependant, certaines espèces gardent continuellement leurs polypes étendus (Lewis 1978; Tazioli et al. 2007).

Les antipathaires se nourrissent du plancton transporté par le courant jusqu’aux polypes. Epanouir ses tentacules lorsque le courant est important permet d’économiser de l’énergie et d’optimiser la capture de proies. Lorsque le courant est faible, les polypes resteront ouverts à tout moment, en particulier si le plancton est peu abondant et que le renouvellement d’eau est faible. Si le courant est unidirectionnel, les polypes auront tous la même orientation (Tazioli et al. 2007).

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Les coraux antipathaires sont ahermatypiques c’est-à-dire qu’ils ne fixent pas le carbonate de calcium pour construire leur squelette et, en conséquence, ils ne forment pas de récifs contrairement aux coraux appartenant aux scléractiniaires (Warner 1981; Wagner et al. 2012). Cependant, dans certaines zones, leur densité en fait des espèces clés de voute pour les communautés associées.

2.3. Organismes associés

Les populations de coraux noirs abritent une grande diversité d’organismes dont certains sont symbiotiques (y compris symbioses obligatoires et quasi exclusives) (Montgomery 2002; Molodtsova et al. 2007; Tazioli et al. 2007; Wagner et al. 2012 ; De Assis et al. 2019; Kumar et al. 2019; Terrana et al. 2019). Cette diversité d’organismes associés s’exprime d’autant plus dans les coraux noirs ramifiés de grande taille, tels que rencontrés dans les zones plus profondes (mésophotique et aphotique)(Tazioli et al. 2007).

Les coraux noirs sont des espèces clés car ils prodiguent un habitat hétérogène et complexe très important. Ils servent aussi de zone de reproduction et de nurseries pour certains poissons. Ils permettent de maintenir un haut niveau de biodiversité (Bo et al. 2019). Ces « forêts d’organismes » augmentent également l’échange de nutriments ainsi que le couplage entre le benthos et le pélagos.

En effet, les coraux noirs sont des organismes benthiques qui se nourrissent de proies ou de particules en suspension et donc pélagiques. Par ailleurs, ils ajoutent à ce compartiment du mucus et des nutriments excrétés (Coppari et al. 2020).

Parmi les organismes associés, on peut retrouver, le plus fréquemment, des polychètes, des gastéropodes et des cirripèdes. Mais on peut également rencontrer des échinodermes, des éponges, d’autres cnidaires, des bivalves , des décapodes, des bryozoaires, ect ( Warner 1981; Molodtsova et al. 2007; Tazioli et al. 2007; Wagner et al. 2012).

Certaines espèces symbiotiques parasites se nourrissent directement des tissus de leur hôte. C’est le cas, par exemple, de nombreuses espèces de gastéropodes qui imitent la forme et la couleur des polypes (Gaino et al. 2013) ou de l’étoile de mer Peltaster placenta qui se meut à la surface des antipathaires en se nourrissant de leur coenenchyme (Bo et al. 2019). Bien qu’il soit probable qu’il y ait une régénération du coenenchyme (Bo et al. 2019), le broutage par les épibiontes ralentit la croissance tout en réduisant la mortalité des colonies (Gaino et al. 2013).

La faune associée trouve, au sein des antipathaires hôtes, quatre micro-habitats possibles : la surface des colonies vivantes, la surface des colonies mortes, les cavités dans les tissus ou le squelette ainsi que les espaces libres entre les « branches » (Love et al. 2007; Wagner et al. 2012; Gaino et al. 2013).

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Certains organismes tels que des Myzostomides (Annélides) ont étés rencontrés dans les canaux gastrovasculaires des antipathaires (Terrana et Eeckhaut 2017).

Certaines espèces symbiotiques induisent des modifications morphologiques au niveau du squelette et des branches de leur hôte. C’est le cas de nombreux polychètes qui induisent une modification de la conformation des branches pour former des tunnels dans lesquels ils se déplacent au sein de la colonie (Molodtsova et Budaeva 2007; De Assis et al. 2019) .

3. Ecologie

3.1. Distribution géographique

En ce qui concerne l’écologie des antipathaires et principalement leur distribution, on les retrouve à travers toutes les mers du globe et à toutes les latitudes, que ce soit dans les grandes profondeurs ou dans les eaux côtières peu profondes (Bo et al. 2009b; Wagner et al. 2012; Kumar et al. 2019).

Lors de conditions favorables, les antipathaires peuvent construire des communautés de forte densité, principalement dans les zones mésophotiques, appelés « champs » ou « forêts » de coraux noirs (Mullineaux et Mills 2004; Wagner et al. 2012; Terrana et al. 2020).

3.2. Profondeur

Les coraux noirs se retrouvent de 2m à 8600m de profondeur, avec environ 75% des espèces situées sous les 50 mètres (Cairns 2007). La pression ne semble donc pas être un facteur limitant (Grigg 1965).

La distribution verticale va dépendre de critères biotiques et abiotiques. La distribution des coraux noirs est conditionnée par la lumière, le type et l’inclinaison du substrat, la disponibilité en nourriture ainsi que par les courants (Grigg 1965; Oakley 1988; Sánchez 1999; Kumar et al. 2019). Dans les eaux peu profondes, une des composantes biotiques principales va être la compétition pour l’espace avec les coraux scléractiniaires. Ces derniers sont dépendants de la lumière étant donnés qu’ils possèdent des zooxanthelles symbiotiques (Sánchez 1999). Ils ont, en général, des croissances plus élevées que les coraux noirs et des stratégies d’exclusion des nouveaux colonisateurs. Lorsque la compétition est trop forte, les antipathaires se localiseront plus profondément ou dans des crevasses où l’apport de lumière est trop faible pour les coraux hermatypiques (Sánchez 1999; Tazioli et al. 2007; Wagner et al. 2012).

3.3. Type de substrat

La texture du sol est aussi un facteur important pour la fixation. En effet, toutes les espèces d’antipathaires vivent sur des substrats durs pour permettre leur attachement grâce à la synthèse

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d’une plaque basale (Grigg 1965; Warner 1981; Oakley 1988). Le genre Schizopathes possède un crochet modifié pour l’attachement à un substrat meuble (Wagner 2015b).

Etant donné que ce sont des organismes sessiles, c’est la larve pélagique qui va déterminer le site d’attachement lors de sa métamorphose. A l’heure actuelle, on estime que les larves d’antipathaires possèderaient une phototaxie négative qui les pousseraient à choisir un substrat situé dans des zones peu lumineuses et inclinées (Grigg 1965; Oakley 1988; Sánchez 1999). Cependant, la biologie et l’écologie larvaire des antipathaires restent presque totalement méconnues.

3.4. Zooxanthelles symbiotiques

La disponibilité en nourriture est essentielle étant donné qu’on a toujours considéré les antipathaires comme azooxanthellés, contrairement aux scléractiniaires hermatypiques. Cependant, la présence de Symbodinium dans des tissus d’antipathaires peu profonds et mésophotiques fut déjà mise en avant, bien qu’il ne semble pas exister de spécificité dans la symbiose (Bo et al. 2011; Wagner et al.

2011).

Les conséquences de leur présence chez certaines espèces restent actuellement méconnues. La plupart des coraux noirs étant situés en eaux profondes, il est probable que les zooxanthelles symbiotiques soient des parasites ou des commensaux plutôt que des mutualistes (Wagner et al.

2011).

3.5. Reproduction

En ce qui concerne la reproduction, les coraux noirs sont des organismes gonochoriques (i.e. les individus ont des sexes séparés). La fécondation est externe (Terrana et Eeckhaut 2019). De manière générale, les cnidaires ont une grande variabilité de stratégies de reproduction, qu’elles soient sexuées ou asexuées. Les antipathaires peuvent se reproduire par bourgeonnement, par fracture et par production de larves asexuées en condition de stress (Mullineaux et Mills 2004; Coppari et al.

2019; Terrana et al. 2019).

Les coraux noirs peuvent également être transplantés. La transplantation a généralement lieu avec une fragmentation de l’animal. La bonne réussite de celle-ci dépend majoritairement du milieu où elle a lieu (Montgomery 2002; Bo et al. 2009b).

4. Menaces et conservation

Les antipathaires sont considérés comme des coraux précieux du fait de leur squelette qui, une fois travaillé et poli, possède un aspect noir profond et brillant. Ils sont notamment utilisés en art (Tsounis

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et al. 2010) ou en joaillerie (Grigg 1993; Todinanahary et al. 2016). Au moins 10 espèces connues sont utilisées dans la joaillerie.

A l’heure actuelle, seul Hawaii organise une gestion durable de la pêche des coraux noirs. Les pêcheurs doivent respecter plusieurs règles telles que la pêche d’individus matures, respecter les zones de pêches ou de nurseries, ne pas dépasser un quota ou posséder une licence (Tsounis et al.

2010). Le prix du squelette de corail noir brut varie selon les localités mais reste lucratif pour les pêcheurs locaux (Tsounis et al. 2010; Todinanahary et al. 2016).

Malheureusement, la biodiversité abondante localisée autour des coraux noirs attire de nombreux pêcheurs de tous types. Par conséquent, il arrive régulièrement que des coraux noirs soient remontés dans les filets de ces pêcheurs sous forme de prises accessoires (Murillo et al. 2011). La croissance de la pêche et la modernisation des techniques associées sont donc d’autres menaces pesant sur ces espèces (Mullineaux et Mills 2004; Bo et al. 2009a).

Leur croissance lente, leur longévité, leur maturité tardive et la faible fréquence de colonisation rendent ces communautés de coraux d’eaux profondes très vulnérables (Tsounis et al. 2010). De ce fait, certaines espèces sont inscrites sur la liste des organismes en danger selon l’IUCN (International Union for Conservation of Nature and Natural Ressources), ainsi qu’au sein de l’Annexe II de la CITES (Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora) (Montgomery 2002).

5. Espèces cibles de ce mémoire : Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies 5.1. Cirrhipathes anguina

L’espèce Cirrhipathes anguina (Fig. 2 et 3) a été décrite par Dana en 1846 sous le nom d’Antipathes anguina.

Cette espèce se retrouve dans tout l’Indo-Pacifique, d’Hawaii (Wagner 2015b) à Madagascar (Terrana et al.

2020) en passant par l’Indonésie (Bo et al. 2009b). On retrouve cette espèce entre 9 et 150m de profondeur.

Cette espèce préfère un environnement avec de forts courants, changeant fréquemment de direction (Tazioli et al. 2007).

Figure 2 : Cirrhipathes anguina dans son milieu naturel avec, en B, détail de l'arrangement des polypes. Echelle de 5cm. Issus de Bo, et al. 2009b.

B

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Cirrhipathes anguina est une espèce droite ou courbée (en fouet) (Dana 1946; Bo et al. 2009b;

Wagner 2015b). Elle peut présenter différentes couleurs et différentes tailles, jusque 5 mètres de haut (Bo et al. 2009b; Terrana et al. 2020)

Les polypes sont positionnés tout autour de l’axe (Fig. 3F), à des distances variables, et sont donc capables de capturer de la nourriture venant de toutes les directions (Wagner 2015a). Leur diamètre est de 0,422 à 2,9 mm et la taille de la bouche varie entre de 0,085 et 0,277 mm (Wagner 2015a;

Wejieme 2019; Terrana et al. 2020).

Les épines sont coniques et leur surface est recouverte de papilles. Les épines sont identiques tout autour de l’axe central mais diffèrentes selon la position au sein de la colonie en apical, médial et basal (Bo et al. 2009b; Wagner 2015a; Terrana et al. 2020).

Cette espèce est gonochorique et aucun signe de dimorphisme sexuel n’est observé (Terrana et Eeckhaut 2019). La fécondation est externe et chez les spécimens du sud-ouest de Madagascar et le taux de maturité est plus faible au niveau basal de la colonie. La reproduction est saisonnière avec une diminution du nombre de gamètes présent au niveau des polypes ainsi qu’une diminution du nombre de polypes matures lors de la saison froide (Terrana et Eeckhaut 2019).

Figure 3 : (A) : Figure accompagnant la description originale de Cirrhipathes anguina par Dana en 1846 ; (B-E) : colonies de Cirrhipathes anguina dans leur milieu naturel dans les eaux Hawaïennes; (F) : polypes préservés d'une espèce Hawaienne sous microscope (échelle de 1mm) ; (G) : épines d'une espèce Hawaienne sous microscope (échelle de 1mm) ; (H-I) : épines d'une espèce Hawaienne sous microscope électronique (H échelle de 1mm, I échelle de 50µm). Issus de Wagner 2015a.

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5.2. Cupressopathes abies

Cette espèce a été décrite par Linnaeus en 1758 sous le nom de Gorgonia abies (Linnaeus 1758) (Fig. 4). Elle fut plus tard désignée comme espèce type du genre Cupressopathes lors de l’établissement de la famille Myriopathidae (Opresko 2001).

Cet antipathaire est présent aux Philippines (localisation du néotype Opresko 2001), au Sri Lanka (Thomson et Simpson 1905), aux îles Andaman (Kumar et al. 2019), aux Seychelles (Cooper 1903), au Mozambique (Summers 1910), en Indonésie (Van Pesch 1914) et à Madagascar (Terrana et al.

2020).

L’aspect général de cette espèce est en forme d’écouvillon (Fig. 5) (Opresko 2001; Tazioli et al. 2007).

Les colonies peuvent mesurer plus de 60cm (Kumar et al. 2019; Terrana et al. 2020). L’espèce est pinnulée avec des pinnules du 4e ordre voir plus (Opresko 2001). La pinnulation est complexe et non uniformément arrangée (Opresko 2001).

Les épines varient en taille et en forme en fonction de leur position, à savoir sur une pinnule ou sur l’axe principal. Sur ce dernier, elles sont en forme d’aiguilles ou dendritiques et mesurent environ 0,20mm, elles y sont aussi plus régulières et plus denses que sur les pinnules (Opresko 2001).

Les polypes sont positionnés en une seule série (Kumar et al. 2019) et parfois sur les deux côtés de l’axe. Ils mesurent de 0,3 à 0,9 mm de diamètre (Terrana et al. 2020) et la bouche a une taille entre 0,077 et 0,167 mm (Wejieme 2019).

Figure 4 : Cupressopathes abies (Linnaeus), néotype USNM 76956), colonie entière, taille d'environ 68cm. Issus de Opresko 2001.

Figure 5 : Cupressopathes abies dans son milieu naturel à Tuléar. Photographie de Lucas Terrana

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6. Ecologie trophique

C’est la morphologie et la taille des polypes qui vont déterminer le type de proies capturées (Lewis 1978). Une analyse des conduits stomacaux a permis de démontrer que les proies les plus consommées chez les coraux noirs sont des organismes faisant partie du plancton tels que des copépodes qui sont les proies principales, des polychètes, des amphipodes, des ostracodes et des chaetognathes (Grigg 1965; Tazioli et al. 2007). En plus du zooplancton, les coraux noirs capturent également de la matière particulaire en suspension, en particulier les formes buissonnantes (Williams et Grottoli 2010; Goldberg 2018).

Les coraux noirs sont également décrits comme des suspensivores (Lewis 1978). Leur croissance est fortement associée à la quantité de nourriture dans la colonne d’eau (Sánchez 1999).

Les aliments arrivent à la bouche grâce à un courant ciliaire créé par l’animal. Ceux-ci sont attrapés à l’aide de structures en forme de harpon appelées les nématocystes (Lewis 1978; Goldberg 2018) ou sont englués dans un mucus sécrété par l’animal et emmenés vers la bouche par les cils microscopiques des cellules ectodermes (Lewis 1978; Goldberg 2018).

7. Variabilités intraspécifiques

Chez les coraux noirs, une variabilité des caractéristiques écomorphologiques est observée au niveau interspécifique mais également au niveau intraspécifique (Wejieme 2019).

En effet, des populations naturelles possèdent des individus hétérogènes écologiquement et physiologiquement parlant. La variabilité inter-individuelle peut dépendre du sexe, du micro-habitat et de l’ontogenèse. Cependant, des individus du même sexe ou du même âge se nourrissant au même endroit pourront également être isotopiquement différents les uns des autres suite aux préférences de proies (Gorokhova 2018).

Les organismes coloniaux, tels que les antipathaires, font preuve d’une grande plasticité. Celle-ci se manifeste sous la forme de mécanismes d’adaptation morphologique permettant de tirer parti au mieux des spécificités de l’environnement (Ryaland et Warner 1986; Menezes et al. 2013). Ces mécanismes prennent notamment la forme de modifications du taux de croissance, de la ramification et de la réabsorption de certaines parties de la colonie (Marfenin 1997). Ces variations morphologiques intraspécifiques (inter ou intra-coloniales), bien documentées chez les scléractiniaires, peuvent donc être causées par un processus d’adaptation à l’hétérogénéité de l’habitat local, mais aussi par la génétique (notamment des mutations) et par l’isolement (Lang 1970;

Todd et al. 2004; Menezes et al. 2013; Schweinsberg et al. 2015). Malheureusement, les informations concernant la variabilité intraspécifique des coraux noirs sont plus réduites (Terrana 2018).

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En plus des nombreuses variations des caractéristiques biologiques, écologiques et chimiques des organismes marins liées à leur habitat, la localisation géographique, l’alternance des saisons ainsi que les étapes successives du cycle de vie des organismes vont être la source de nouvelles variations des caractéristiques précitées (Samorì et al. 2018). Cette grande diversité pouvant être présente au niveau intraspécifique va entrainer un recouvrement des caractéristiques de certaines espèces pourtant différentes, ainsi que des dissimilarités importantes au sein d’une même espèce (Lang 1970; Menezes et al. 2013). Dès lors, la description des espèces par les taxonomistes se voit fortement compliquée et doit reposer sur un nombre conséquent de critères (Lang 1970).

Au niveau de la variation de l’alimentation, la capacité des organismes filtreurs, et donc des antipathaires, à capturer des particules est proportionnelle à l’aire de la surface opposée au courant ainsi qu’à sa vitesse (Vogel 1981; Ryaland et Warner 1986). Ce taux de capture de particules en suspension varie selon les espèces en fonction de leur surface, leur morphologie et la taille de leurs polypes (Palardy et al. 2005). Les plus grands polypes, ouverts uniquement la nuit, ont une ingestion plus efficace que les petits polypes ouverts constamment comme par exemple chez Montrastrea cavernosa où une variabilité intraspécifique du taux de nutrition a été observée entre les deux types de morphologie (Lasker 1976). Certaines espèces ayant des taux très bas de capture de particules préfèrent se nourrir à l’aide de leurs tentacules et auront donc un régime alimentaire différent (Lewis 1976).

Ces variations morphologiques des polypes sont en relation avec la vitesse et la direction des courants pour, notamment, éviter la flexion des parties filtratrices dans les courants fort. Dans ce cas, la taille des tentacules et du polype sera réduite, les polypes positionnés en « aval » ou « sous le vent » captureront plus de nourriture suite à la formation de tourbillons (Ryaland et Warner 1986).

Si, au contraire, le courant est multidirectionnel et faible, les colonies seront principalement en buisson et les polypes seront probablement plus larges. Ce sont les polypes face au courant qui captureront plus de nourriture (Warner 1981; Ryaland et Warner 1986).

Certains coraux noirs ont d’ailleurs des hauteurs pouvant dépasser les 5 mètres. Dès lors, l’ensemble de la colonie pourrait ne pas être sous le même régime hydrodynamique et ne pas disposer des mêmes sources de nourriture. Des différences d’accès à la nourriture pourraient se traduire par des différences de compositions isotopiques en carbone et azote, deux traceurs communément utilisés en écologie trophique. Des différences entre l’apex et la base ont été découvertes en ce qui concerne ces compositions isotopiques (Terrana et al. 2018).

Une variation de la taille des polypes, entre la base et l’apex, peut également être en relation avec la turbidité. En effet, de plus grands polypes ont été remarqués lorsque la turbidité était plus

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importante. Cette augmentation de taille pourrait donc être un avantage lors de la forte présence de sédiments dans la colonne d’eau (Todd et al. 2001; Pisapia et al. 2012). Par exemple, au niveau du substrat, un stress permanant est présent sur la colonie dû au mouvement des particules de sédiment, notamment avec l’action d’organismes fouisseurs (Menezes et al. 2013).

8. Isotopes

La plupart des éléments chimiques sont présents sous plusieurs formes isotopiques stables qui diffèrent de par leur nombre de neutrons (Zachleder et al. 2018). Ceux-ci sont présents en différentes proportions dans chaque organisme.

En général, la mesure des compositions isotopiques s’effectue par spectrométrie de masse (Peterson et Fry 1987). Dans le cadre des études écologiques, on utilise le plus souvent le carbone, l’azote, l’hydrogène, le soufre ou encore l’oxygène car ce sont les constituants majeurs de la matière organique (Zachleder et al. 2018; Carter 2019).

La composition isotopique d’un organisme reflète la composition isotopique de son alimentation ;

« on est ce que l’on mange » (DeNiro et Epstein 1978). L’analyse isotopique permet d’avoir une indication sur l’ensemble des proies consommées pendant une période de temps plus étendue que les analyses stomacales (Hesslein et al. 1993).

Toutefois, entre chaque niveau trophique il y a une rétention des isotopes considérés comme lourds.

Cette augmentation du ratio isotopique est nommée le « fractionnement isotopique » (Peterson et Fry 1987; McCutchan et al. 2003). Les consommateurs seront enrichis en isotopes lourds par rapport à leurs sources de nourriture. Le fractionnement est donc un « saut de valeur » entre la source et le consommateur. Celui-ci va dépendre de l’organisme considéré. Ce fractionnement est plus important pour le 15N ce qui permet d’utiliser ce rapport isotopique comme indicateur de la position trophique. Les fractionnements isotopiques pour le soufre et le carbone sont limités, ce qui permet d’utiliser ces deux éléments comme indicateurs de sources de nourriture (Peterson et Fry 1987;

McCutchan et al. 2003).

Plusieurs études préalables se sont intéressées aux compositions isotopiques des coraux noirs pour notamment déterminer leurs sources de nourriture (Williams et Grottoli 2010; Terrana 2018;

Cabrera 2019; Coppari et al. 2020; Rakka et al. 2020).

L’étude de Cabrera en 2019 concerne l’alimentation de différentes espèces et familles de coraux noirs du sud-ouest de Madagascar. Le plancton est la source de nourriture principale pour les coraux noirs avec en général un apport similaire le jour et la nuit malgré une ouverture des tentacules principalement la nuit. Les particules de matière organique benthiques contribuent plus dans le

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régime alimentaire des espèces en fouet que dans celui des espèces branchues. Pour ces dernières, des détritus sont également consommés.

En ce qui concerne nos deux espèces, l’alimentation de Cirrhipathes anguina se compose principalement de plancton nocturne et de particules de matière organique. Cupressopathes abies est quant à elle beaucoup plus détritivore mais consomme également du plancton de jour. Cette capacité à consommer des détritus de taille très faible demande une certaine spécialisation notamment grâce à la création d’un filet de mucus (Cabrera 2019).

Au niveau de la composition isotopique des sources, les détritus sont appauvris en δ15N par rapport au plancton. Au sein de ce dernier, ce sont les espèces planctoniques nocturnes qui sont enrichies en δ15N et en δ13C. Par ailleurs des variations saisonnières ont également été démontrées parmi les coraux noirs. En effet, le plancton et les détritus ont un δ15N plus élevé de près de 2‰ lors de la saison des pluies. Cette variation au niveau des coraux n’est significative que pour l’azote chez les coraux branchus (Cabrera 2019).

Les valeurs des rapports isotopiques varient selon la morphologie des organismes. En effet, les coraux branchus ont des valeurs plus basses de 2,4‰ en δ15N par rapport aux coraux « en fouet » (Cabrera 2019). Une autre étude, réalisée au même endroit avait également remarqué cette différence de valeur entre les deux types de morphologies (Terrana et al. 2018). Cela suggère que les deux types de morphologies sont à des niveaux trophiques différents car l’on considère qu’une variation d’approximativement 2,3 ‰ sépare deux niveaux trophiques (McCutchan et al. 2003). Les coraux branchus seraient donc à un niveau trophique inférieur aux coraux « en fouet ». Une variation dans la morphologie d’un corail noir peut donc avoir une influence sur son écologie trophique (Cabrera 2019).

Par contre, pour le carbone, il semble y avoir beaucoup moins de différence entre les morphologies.

Enfin, les analyses isotopiques en lien avec le soufre suggèrent que l’ensemble des espèces reposent sur une alimentation d’origine de la colonne d’eau et non sédimentaire (Cabrera 2019).

9. Objectifs de ce mémoire

L’objectif de ce mémoire est de déterminer la variabilité de la composition isotopique en δ13C, δ15N et δ34S aux niveaux intra et intercoloniales mais également interspécifiques. La comparaison interspécifique se base sur deux espèces de coraux noirs, Cirrhipathes anguina et Cupressopathes abies, localisées au large du Grand récif de Tuléar dans le sud-ouest de Madagascar.

La variabilité intrinsèque à l’individu, à l’espèce ou à la population a déjà été étudiée chez les scléractiniaires (Foster 1985; Menezes et al. 2013; Nahon et al. 2013; Sekizawa et al. 2017). Ce travail

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aura, notamment, pour but d’investiguer les variations intraspécifiques chez deux espèces d’antipathaires pour la première fois, en comparant les compositions isotopiques du (i) squelette, qui, du fait de sa croissance lente et concentrique peut permettre de retracer les compositions isotopiques passées et (ii) les tissus du coenenchyme, qui ont une composition isotopique reflétant la nutrition récente.

Au regard des précédents travaux, les deux espèces sont susceptibles de présenter une variabilité au niveau de leur composition isotopique étant donné leurs différences de morphologie (en buisson ou en fouet), leurs différences de taille (environ 30 cm ou plutôt 2 mètres), la différence dans la taille de leurs polypes respectifs et donc probablement dans leur alimentation, ect. En effet, Ci. anguina possède des polypes plus grands et sera donc à même de capturer des proies plus importantes et probablement de niveaux trophiques plus élevés. Ces espèces seront également rencontrées dans des environnements différents ; Ci. anguina sera ainsi plus exposé aux courants et se nourrira principalement la nuit, les sources de nourritures vont donc varier.

En ce qui concerne les variations intercoloniales au sein de chaque espèce, nous pouvons également prévoir une variation néanmoins plus faible étant donné qu’il s’agit de colonies de la même espèce malgré un probable changement dans l’environnement. L’écologie trophique est supposée plus proche.

De même, la variation trophique intra-coloniale est supposée beaucoup plus faible étant donné que nous considérons ici des organismes coloniaux avec un partage des ressources alimentaires par l’intermédiaire des canaux gastrovasculaires. Il est normal de remarquer des différences étant donné la possibilité de rencontrer des microenvironnements le long de la colonie. Les variations sont, par ailleurs, attendues plus importantes en ce qui concerne l’espèce Ci. anguina par rapport à l’espèce Cu. abies qui est d’une taille plus faible. En effet, si la colonie est plus petite, il est peu probable qu’elle rencontre de grandes différences au sein de son environnement.

II. Matériel et Méthode

1. Aire d’étude

Les échantillons utilisés dans ce travail furent collectés en juin 2018 au niveau du Grand Récif de Tuléar qui se situe dans le sud-ouest de Madagascar.

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La ville de Tuléar est protégée au large, à 2km, par un récif corallien de type barrière (Grand Récif de Tuléar, GRT) ayant une longueur d’environ 19km (Maina et al. 2012) et une largeur de 3 à 4km (Rasoamananta 2012). Ce récif est situé entre deux embouchures de fleuves, le Fiherenana au nord, et l’Onilahy au sud (Fig. 6). La Fiherenana se déverse au niveau de la passe nord du GRT et y apporte beaucoup de matières organiques

terrigènes mais se retrouve à sec une partie de l’année (Pichon 1974).

L’Onilahy a une embouchure plus éloignée du récif et possède des débits importants, il ne se retrouve que très rarement à sec. La température de surface de l’eau au niveau du GRT évolue au cours des mois et varie de 22 à 30°C. La turbidité est quant à elle en augmentation depuis les années 70.

La marée est semi diurne et peut atteindre 3m d’amplitude. On peut donc retrouver de grands courants de marée entre le Grand Récif et la côte (Bemiasa 2009).

Le lagon séparant le récif de la côte a une profondeur de 11 à 17m (Rasoamananta 2012) et est ouvert vers l’océan au nord par un passage de 2km de large et d’une profondeur moyenne de 20m.

Le passage au sud est deux fois plus large, mais moins profond, et est composé de plusieurs patchs récifaux (Chevalier et al. 2015).

2. Echantillonnage

Le Grand Récif de Tuléar abrite, entre autres, une vingtaine d’espèces d’antipathaires déjà décrites (Terrana et al. 2020). Dans ce travail, l’échantillonnage s’est focalisé sur Cirrhipathes anguina, de la famille des Antipathidae, et Cupressopathes abies, de la famille des Myriopathidae.

L’espèce Ci. anguina est présente sous forme de colonie droite ou légèrement sinueuse pouvant atteindre les cinq mètres de haut avec un diamètre allant jusqu’à un centimètre. Cette espèce possède de nombreux phénotypes et peut être de diverses couleurs au niveau du coenenchyme et des polypes. Ceux-ci sont disposés de façon irrégulière le long de l’axe principal et mesurent jusqu’à

Figure 6 : Carte de Tuléar, des deux fleuves et du récif barrière.

Réalisée à partir de Ocean Virtual Laboratory

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2,9 mm de diamètre. On peut trouver de 3 à 6 polypes par centimètre. Tous les phénotypes ont la même morphologie au niveau des épines distales. Elles sont disposées en 7 rangées (Terrana et al.

2020).

L’espèce Cu. abies forme une colonie buissonnante en forme d’écouvillon pouvant mesurer jusqu’à 70 centimètres. Généralement, l’espèce ne possède qu’un seul axe principal mais certaines colonies en possèdent jusque cinq. Chaque axe principal possède des pinnules primaires disposées en environ 4 rangées. Ces pinnules primaires mesurent jusque 5 centimètres et sont courbées vers le bas. Ces pinnules possèdent jusqu’à 6 ordres de sous-pinnules. Concernant les polypes, ils sont répartis en une à deux rangées. Pour ce qui est de leur coloration, elle peut être brune ou blanche. Ils peuvent mesurer entre 0,3 et 0,9 millimètres et sont caractérisés par une densité allant jusqu’à douze polypes par centimètre carré. La morphologie des épines varie en fonction de la taille de la pinnule sur laquelle elles se trouvent (Terrana et al. 2020).

Cinq colonies entières de chaque espèce furent prélevées en mai-juin 2018 en plongée en scaphandre autonome à des profondeurs de 20 à 28 mètres, au niveau de la passe Nord du GRT. Chaque colonie fut photographiée aux côtés d’un mètre ruban et d’une plaquette d’identification, avant d’être prélevée avec sa plaque basale à l’aide d’un marteau et d’un burin. Sur le trajet vers le laboratoire, les colonies de Cu. abies taguées furent maintenues dans un fût rempli d’eau de mer. Sous l’eau, les colonies de Ci. anguina décrochées furent introduites dans des tubes en PVC d’un diamètre de 100 mm et d’une longueur variable d’1m50 à 2m50, composés de bouchons à pas de vis à chaque extrémité. Ce dispositif permet le transport de ces colonies en préservant au maximum les tissus et les polypes, très fragiles aux frictions. Une fois au laboratoire, les colonies furent maintenues dans leur fûts de transports avec l’aide d’un bulleur, le temps d’être traitées.

Pour Ci. anguina, un prélèvement de tissus et de squelette tous les 10 cm à partir de la base fut effectué (Fig. 7). Les tissus furent disséqués sur une longueur de 1 à 2 cm à l’aide d’une lame de scalpel, et directement séchés dans l’étuve à 60°C pour 48h au minimum. Un fragment de squelette Figure 7 : Colonie 2 de Cirrhipathes anguina avec les emplacements d'échantillonnages annotés en rouge. Cette colonie mesure 130 cm

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fut également prélevé au même niveau sur une longueur d’environ 1 cm à l’aide d’un outil rotatif muni d’une lame diamant et séché selon le même procédé.

Pour Cu. abies, l’extrême finesse des tissus vivants ne permet pas une séparation optimale du tissu par rapport au squelette. Pour minimiser la quantité de squelette échantillonnée, ce sont les ramifications terminales, appelées sub-pinnules, qui furent échantillonnées tous les 10 cm le long de la colonie. Celles-ci présentent un squelette extrêmement fin par rapport aux polypes qui s’y retrouvent.

Au final, le nombre d’échantillons obtenus varie selon la longueur totale de la colonie, qui est de 127 à 174 cm pour Ci. anguina et 18 à 44 cm pour Cu. abies. L’échantillonnage standardisé à 10 cm permet de se retrouver au niveau de polypes vivant à la même hauteur dans la colonne d’eau pour chaque colonie par rapport au substrat.

3. Analyses isotopiques du carbone, de l’azote et du soufre 3.1. Préparation des échantillons

Les échantillons secs furent préparés au sein du laboratoire de Biologie des Organismes Marins et Biomimétisme de l’Université de Mons, et analysés au sein du laboratoire d’Océanologie de l’Université de Liège.

Pour les échantillons de tissus, chaque échantillon sec fut broyé à l’aide d’un mortier et d’un pilon afin d’obtenir une fine poudre homogène. Il ne fut pas nécessaire d’acidifier les poudres étant donné qu’il n’y a pas de carbonate de calcium au sein des tissus des antipathaires.

Pour les échantillons de squelette, ceux-ci furent divisés en deux parties : une partie interne (Fig. 8) et une partie externe (Fig. 9). La croissance du squelette chez les antipathaires se fait de manière radiale par ajout de stries de croissance. Par conséquent, le squelette pourrait être un traceur de

Figure 8 : Squelette interne de Ci. anguina mesurant 2 mm de diamètre

Figure 9 : Squelette externe de Ci. anguina mesurant entre 1 et 2 mm

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l’évolution des compositions en isotopes stables pour plusieurs éléments dans le temps. Cette division est exploratoire et a pour but de déterminer si deux parties grossières du squelette présentent des différences au niveau de leur composition isotopique, grâce à l’âge plus élevé de la partie centrale du squelette par rapport à la partie externe, composée de stries plus récemment synthétisées. Une comparaison des compositions isotopiques des parties externes par rapport aux tissus vivants permettrait également de déterminer s’il existe un fractionnement isotopique lors de la synthèse du squelette. Quelles que soient la section et la partie, tous les échantillons de squelette furent broyés afin d’obtenir une poudre homogène de la même manière que pour les tissus. Une acidification ne fut pas nécessaire étant donné la composition moléculaire de l’antipathine.

3.2. Analyse au spectromètre de masse

Chaque échantillon fut pesé au moyen d’une balance (Metler Toledo, précision 1 µg) dans des cupules en étain avec un ajout d’oxyde de tungstène pour une combustion optimale. Les compositions isotopiques sont mesurées à l’aide d’un spectromètre de masse (Isoprime 100, Isoprime UK) couplé avec un analyseur élémentaire (VarioMicro, Elementar, Germany) pour la combustion et l’analyse automatisée.

Les compositions isotopiques sont exprimées en valeurs δ (‰) en utilisant le sulfate d’ammonium IAEA-N1 (δ15N=0,4 ± 0,2‰, moyenne ± déviation standard), le sucrose IAEA-C6 (δ13C=-10,8 ± 0,5‰, moyenne ± déviation standard) et le sulfide de fer IAEA-S1 (δ34S=-0,3 ± 0,3‰, moyenne ± déviation standard) comme substances certifiées par l’agence internationale atomique pour l’azote, le carbone et le soufre respectivement. Ces références sont calibrées en rapport avec les références isotopiques internationales que sont le Vienna Pee Dee Belemnite (vPDB) pour le carbone, l’air atmosphérique pour l’azote et le Vienna Canyon Diablo Troilite (VCDT) pour le soufre. Les déviations standards sur les réplicas multi-batches du tissu d’antipathaires sont de ± 0,1 ‰ pour le carbone, de ± 0,2 ‰ pour l’azote et de ± 0,2 ‰ pour le soufre.

4. Traitement des données – Analyse statistique

L’ensemble des données ont été traitées grâce au logiciel R (R Development Core Team). Des graphiques bidimensionnels δ15N/ δ13C ainsi que δ34S/δ13C ont été réalisés pour les deux espèces Ci. anguina et Cu. abies afin d’explorer les résultats. Ces graphiques ont ensuite été combinés afin de déterminer une différence isotopique entre les deux espèces de coraux noirs. Le package SIBER (Stable Isotope Bayesian Ellipses in R) (Jackson et al. 2011) va permettre de déterminer les paramètres des niches isotopiques des deux espèces (ou communautés) et de les comparer. Cette comparaison est rendue possible par la modélisation de la niche principale des spécimens étudiés.

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Cette niche modélisée prend la forme d’une ellipse (SEA ou « Standard Ellipse Area ») contenant 40%

des données obtenues grâces aux différentes mesures isotopiques. Cette ellipse ne prend pas en considération les valeurs extrêmes contrairement aux convex hulls qui représentent la surface la plus faible contenant toutes les données. Dans cette étude, le nombre de résultats concernant Cu. abies est inférieur à 30, raison pour laquelle il est nécessaire de corriger l’aire de l’ellipse. La SEAc (corrected) va prendre en compte la faible taille de l’échantillon (Jackson et al. 2011).

Les valeurs isotopiques moyennes des deux espèces ont été comparées à l’aide de T-test pour le carbone et du test de Wilcox pour le soufre et l’azote dans R. Les tests paramétriques n’ont pas pu être utilisés sur les échantillons de soufre et d’azote de Ci. anguina étant donné la distribution non normale des résultats déterminée à l’aire du test de Shapiro-Wilk.

Pour les deux espèces, les métriques de Layman ont été calculées. Celles-ci sont au nombre de 6 : (1) la gamme de δ15N (NR) qui est un proxy du niveau trophique, (2) la gamme de δ13C (CR) représentant la diversité des ressources, (3) la surface convexe (TA) ou l’aire totale exploitée par la colonie, (4) la distance au centroïde du nuage (CD) qui est dépendante des valeurs extrêmes, (5) la distance moyenne du plus proche voisin (MNND) exprimant la redondance ou la divergence écologique et (6) la déviation standard de la distance au plus proche voisin (SDNND) qui diminue lors de fortes densité de points (Layman et al. 2007).

En ce qui concerne la comparaison des différentes colonies, les test ANOVA (pour δ13C, δ15N, δ34S de Cu. abies et δ13C de Ci. anguina) et les test Kruskal-Wallis (pour δ15N, δ34S de Ci. anguina) ont été réalisés. Des analyses post-hoc de Tukey et Wilcoxon sont aussi réalisées en fonction du test paramétrique ou non. Ces résultats sont représentés sous forme de Boxplot (package ggplot2) comprenant 50% des données comparant chaque colonie en fonction d’un rapport isotopique.

De nouveau, pour chaque colonie, par espèce, les métriques de Layman ont été calculées afin de déterminer les différences au sein des niches isotopiques des colonies.

Pour déterminer la variation intra-coloniale, une colonie moyenne avec un résultat environ tous les 10cm est créée, avec les écart-types correspondants. Un graphique de la composition isotopique moyenne en fonction de la hauteur est réalisé pour chaque isotope. Une interpolation de cette colonie moyenne est également calculée afin d’obtenir une valeur tous les 3 centimètres pour les deux espèces grâce à la fonction approx. Le package viridis fut utilisé pour les différentes couleurs, le package lattice et la fonction levelplot ainsi que les logiciels Adobe® Photoshop® et PowerPoint (Microsoft®) ont été employés pour la représentation de l’interpolation.

Par ailleurs une différenciation de 3 niveaux (apex-milieu-base) a été réalisée sous forme de Boxplots sur base de test ANOVA (pour δ13C, δ15N, δ34S de Cu. abies et δ13C de Ci. anguina) et les test Kruskal-

(29)

Wallis (pour δ15N, δ34S de Ci. anguina) ont été réalisés. Des analyses post-hoc de Tukey et Wilcoxon sont aussi réalisées en fonction du test paramétrique ou non. Ces trois niveaux ont été déterminés en divisant la colonie en quatre parties égales, le premier quart correspond à la base, les deux suivants au milieu de la colonie et le dernier quart équivaut à l’apex de la colonie.

Les différences de l’ensemble des test statistiques sont considérées significatives si la p-valeur < 0,5.

III. Résultats

1. Les variations interspécifiques

Les rapports isotopiques du carbone et de l’azote sont tous les deux significativement différents entre ces deux espèces (T-test : p = 0,001 ; Wilcox-test : p < 0,001 respectivement).

Chez Cu. abies, les valeurs de δ13C du mélange tissus-squelette varient de -20,0‰ à -18,9‰, celles de δ15N varient entre 4,6‰ et 6,2‰ (Fig. 10) et celles de δ34S varient entre 18,4 ‰ et 20,0‰ (Fig.11).

Chez Ci. anguina, les valeurs de δ13C des tissus varient de -20,7‰ à -18,9‰, tandis que celles de δ15N varient entre 6,6‰ et 17,2‰ (Fig. 12) et celles de δ34S varient entre 18,4‰ et 20,4‰ (Fig. 13).

δ34 S (‰)

δ13C (‰) δ15 N (‰)

δ13C (‰)

Figure 11 : Variations des rapports isotopiques en soufre (δ34S) en fonction du carbone (δ13C) chez l'ensemble des colonies de Cupressopathes abies.

CU01 : colonie 1 (n=4) ; CU02 : colonie 2 (n=4) ; CU03 : colonie 3 (n=4) ; CU04 : colonie 4 (n=3) ; CU05 : colonie 5 (n=4).

Figure 10 : Variations des rapports isotopiques en azote (δ15N) en fonction du carbone (δ13C) chez l'ensemble des colonies de Cupressopathes abies.

CU01 : colonie 1 (n=4) ; CU02 : colonie 2 (n=4) ; CU03 : colonie 3 (n=4) ; CU04 : colonie 4 (n=3) ; CU05 : colonie 5(n=4).

(30)

La figure 14 montre l’ensemble des données isotopiques en carbone et en azote pour les deux espèces étudiées ainsi que les niches isotopiques centrales occupées par l’espèce. Les deux ellipses, représentant 40% des données, et les convex hulls, représentant la plus petite surface comprenant l’ensemble des données, ne se recouvrent pas, ce qui traduit des niches isotopiques différentes.

Les tissus de Ci. anguina sont enrichis en 15N par rapport à ceux de Cu. abies. La différence entre les moyennes par colonie est de 3,2 ± 1,5‰ pour les valeurs de δ15N entre les deux espèces. Les ellipses représentant les niches isotopiques de chaque espèce ne se recouvrent pas et présentent des aires différentes (Fig. 14). Celle de Ci. anguina est plus importante avec une aire de 2,71‰2 (SEAc) tandis que celle de Cu. abies a une valeur de 0,46‰2 (SEAc).

Pour le soufre (Fig. 15), les moyennes des compositions isotopiques δ34S sont significativement différentes entre les deux espèces (Wilcox-test : p < 0,001). Les ellipses standards des deux espèces se recouvrent à hauteur de 0,108‰², ce qui équivaut à 14% de l’ellipse de Cu. abies. L’aire de l’ellipse de Cu. abies est à nouveau plus réduite et correspond à 0,31 ‰2 et tandis que celle de Ci. anguina est de 0,56‰².

δ34 S (‰)

δ13C (‰) δ13C (‰)

δ15 N (‰)

Figure 12 : Variations des rapports isotopiques en azote (δ15N) en fonction du carbone (δ13C) et chez l'ensemble des colonies de Cirrhipathes anguina. CSP01 : colonie 1 (n=13) ; CSP02 : colonie 2 (n=11) ; CSP03 : colonie 3 (n=15) ; CSP04 : colonie 4 (n=10) ; CSP05 : colonie 5 (n=12).

Figure 13 : Variations des rapports isotopiques en soufre (δ34S) en fonction du carbone (δ13C) et chez l'ensemble des colonies de Cirrhipathes anguina. CSP01 : colonie 1 (n=13) ; CSP02 : colonie 2 (n=11) ; CSP03 : colonie 3 (n=15) ; CSP04 : colonie 4 (n=10) ; CSP05 : colonie 5 (n=12).

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