FACULTÉ DE MÉDECINE ET J)E PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1902-1903 No 16
IDE LA
1 il
ijIf
J Ji
PENDANT
LA PÉRIODE SECONDAIRE DE LA SYPHILIS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 19 novembre 1902
par
Paul-Charles GUYET Élève de l'École principale du service de santé de
Né à Niort (Deux-Sèvres), le 6 avril 1878.
( MM. COYNE,
professeur. Président.
Eiamlnateursle la «se.
lanelongde,
POUSSON,professeur.
agrégé.'
DUBREUILH, agrégé.
Juges
Le Candidat
répondra
auxquestions qui lui seront faites sur les diverses
parties de l'Enseignement médical.
-x-
NIORT
IMPRIMERIE TII. MERCIER
1, rueYver,1 190 2
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. DP] NABI AS Doyen. | M. PITRES.. Doyenhonoraire.
PROFESSEURS :
MM. MICÉ
DUPUY j! Professeurs honoraires.
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Clinique interne Clinique externe Pathologie et théra¬
peutique générales.
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Médecine opératoire..
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histologie Physiologie Hygiène Médecinelégale
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Hydrologie etminéralogie
Le Secrétaire de la Faculté
mm. dubreuilh.
pousson.
moure.
régis. .
denuce.
rondot.
andérodias.
paciion.
princetfau.
lagrange.
carles.
lemaire.
Par délibération du 5 août1879, la Faculté aarrêtéqueles opinionsémisesdanslesThe minerni présentéesdoivent être considéréescommepropres à leurs auteurs, etqu'ellen'entencl lei approbation niimprobation.
A MON PÈRE ET A MA
MÈRE
4 MES
FRÈRES, SŒURS ET REAUX-FRÈRES
A MONSIEUR LE DOCTEUR ROURRU
DIRECTEUR DU SERVICE DESANTÉ DE LA MARINE
ANCIENDIRECTEUR DE L'ÉCOLEPRINCIPALE DU SERVICE DE SANTÉ
OFFICIER DE LALÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
A MONSIEUR LE DOCTEUR CHEVALIER
MÉDECIN EN CHEF DE 2o CLASSE DE LA MARINE ANCIEN SOUS-DIRECTEUR
DE L'ÉCOLE PRINCIPALE DU SERVICE DE SANTÉ
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
A MONSIEUR LE DOCTEUR TALAIRACH
DIRECTEUR DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
DIRECTEUR DE L'ÉCOLE PRINCIPALE DU SERVICE DE SANTÉ
COMMANDEUR DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
A Mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR COYNE
PROFESSEURD'ANATOMIEPATHOLOGIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
CHEVALIER DE LALÉGION D'HONNEUR OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
AVANT-PROPOS
Après avoir
inscrit
entête de cette étude les noms des
personnes àqui nous
la dédions comme un trop modeste
hommagede notre
affection
oude notre respect, il nous
estparticulièrement
doux de sacrifier à
uneautre tradi¬
tion, cellede témoigner notre
gratitude à tous ceux qui,
à des titres divers, nous ont
prodigué leurs encourage¬
ments, leur appui,
les lumières de leur science ou leur
amitié pour nous aider
dans
nosétudes et nous conduire
jusqu'au seuil de cette
carrière médicale où nous allons
entrer.
Quand nous aurons adressé un
souvenir reconnaissant
ànos maîtres de l'Ecole annexe de
Rochefort, notamment
à M. le DirecteurGuès et à MM. les
Médecins principaux
Grand-Moursel et Gorron, c'estvers
l'Ecole principale du
Service de Santé de la Marine qu'ira notre
première
pensée.
Si les trois années quenousy avons
passées furent des
années heureuses, nous
le devons à
noschefs et à nos
camarades. Parmi les
premiers, il
nousfaut distinguer
spécialement l'éminent Directeur,
M. le Dr Bourru, et le
distingué
Sous-Directeur,M. le Dr Chevalier, dont la
haute bienveillance nous a toujours
été acquise. A ce
dernier particulièrement
qui, dans
uneheure difficile,
nous a donné des marques
précieuses d'intérêt, nous
2
— 14 —
nous permettons d'adresser l'expressionde notre respec¬
tueux dévouement.
Que M. le Dr Talairach et M. le DrGirard, les nouveaux Directeur et Sous-Directeur de l'Ecole de Bordeaux, que
nous n'avons eu l'honneur d'avoir pour chefs que depuis
fort peu de temps, mais dont nous avons cependant pu
déjà éprouver la bienveillance, veuillent bien également accepter ici l'hommage de notre reconnaissance.
Nous n'oublierons pas non plusMM. les Médecins de la Marine, Professeurs de l'Ecole, qui nous ont secondé
dans nos études, en particulier M. le Médecin delrc classe Ghastangqui nous aprodigué ses soins avec un dévoue¬
ment dont nous ne saurions mieux le remercier qu'enlui promettant de nous en inspirerquand, à notre tour, nous
serons appelé à soignerdes misères physiques et morales.
Quant à nos camarades, parmi lesquels nous avons trouvé des collègues toujours cordiaux et aimables, par¬
fois des amis sûrs et dévoués, qu'ils reçoivent ici l'expres¬
sion de notre cordial attachement.
C'est à nos maîtres de la Faculté et des Hôpitaux
de
Bordeauxque nous devons surtout ce que nous savons.
Si le bagage en estléger, du moins le goûtque nousavons pris de l'étude et de la science en écoutant leurs doctes leçons et en suivant leurs travaux, nous
permettra-t-il de
travailleravec plusd'ardeur à étendre le champ encore
si
restreint denos connaissances.
De tous ces maîtres, c'est à M. le Professeur Coyne que
doit aller laplus grande partde notre reconnaissance.
En
lui, l'éminent savant atoujours été doublépournous
d'un
conseiller bienveillant, et c'est ainsi qu'après
avoir bien
voulu nous admettre dans son laboratoire de la Faculté,
dont nous avons suivi pendant deux années
les travaux
avec tant d'intérêt, il vient encore de nous
accorder le
— 15 —
grand honneur d'accepter la présidence de cette thèse.
Qu'ilnouspermette
de le remercier du fond du cœur de
toutes ces marques d'intérêt que nous
n'oublierons ja¬
mais.
Nousnous en voudrions de ne pas
dire aussi toute la
gratitudequenousdevons à MM. les Professeurs Démons,
Pitres, Moussous,
Lefour, Lagrange et Dubreuilh dont
nousavons suivi les savantes cliniques et
l'enseignement
magistral. Nous tenonsà remercier
enparticulier M. le
Dr Dubreuilh quiabien
voulu
nousaider dans l'élabora¬
tion de cette thèse et dans le service de qui nous avons
pu apprécier ce que
valent les leçons d'un maître qui
joint à une science étendue une
grande bonté et l'éléva¬
tion du caractère.
Nous adressons enfin nos meilleurs
remerciements à
M. le Dr Frèche, chef de clinique du
service de dermato¬
logie à l'Hôpital
Saint-André, et à M. le Dr Micheleau,
médecin résidant du même Hôpital, qui nous
ont égale¬
mentsecondé dans ce travail.
.Bordeaux,
le 2novembre 1902.
P. G.
INTRODUCTION
De toutesles manifestations
vasculaires de la syphilis,
laphlébite estune
des moins étudiées et des moins con¬
nues. La raison en est-elle qu'on ne
l'observe point fré¬
quemment?
C'est possible, mais à côté de sa rareté réelle
doivent êtreplacés, à notre
avis,
sescaractères spéciaux
quien font le
plus souvent
uneaffection plus gênante que
vraiment douloureuse. Ces
caractères suffisent pour
qu'ellepassesouvent inaperçue.
Elle est cependant
intéressante à étudier pour deux
raisons. Salocalisation aux veines
superficielles, surtout
auxveines
superficielles des membres inférieurs, sa symé¬
trie fréquente,
le
peude douleurs, l'absence de phéno¬
mènes généraux et
de phénomènes locaux, tels que
l'œdème, qui accompagne
habituellement son évolution,
en fontune phlébite
spéciale
;dans certains cas, elle peut
même existercomme seul accident
apparent de la syphi¬
lis ; l'observation
qui
nous ainspiré l'idée de ce travail en
estun bel exemple.
A unautrepoint devue,
il est intéressant de noter que
cette phlébite, avec
les caractères spéciaux qui nous
paraissent en faire une
affection distincte, se manifeste
surtout — nous serions même
tenté d'écrire exclusive¬
ment — à la période
secondaire de la syphilis. Les affi¬
nités de la vérole pourle
système vasculaire sont depuis
longtemps
connues :lymphangites et adénites qui
— 18 —
accompagnent l'accident primitif et qui soulignent les accidents cutanés et muqueux de la période secondaire
avec une telle fréquence et une telle régularité de locali¬
sation et aussi une tellepersistance que leur constatation permet si souvent de soupçonner ou môme d'affirmer l'existence de lasyphilis; artérites que l'on constatedéjà,
au moment du chancre, dans les artérioles du derme,
que l'on retrouve à la période secondaire et à la période
tertiaire où elles causent les accidents réellement graves de la maladie. Les veines auraient donc été les seuls vaisseaux épargnés ? Théoriquement on n'en trouvepoint
la raison. Pratiquement nous voyons qu'il n'en est pas ainsi. Au stade
lymphatique,
qui est la caractéristique vasculaire de la période primaire, qui se prolonge pen¬dant lapériode secondaire, succèdeun stade artériel qui
se manifeste surtout dans les deux dernières périodes,
presque exclusivement môme clans la période tertiaire.
La phlébite secondaire ne peut-elle être un peu con¬
sidérée comme unstade veineuxseconfondantsansdoute avec les deux autres, mais établissant entre eux comme une sorte de transition, de lien de passage?
Quoi qu'il en soit de ces considérations théoriques, il
nous paraît que la syphilis des veines mérite de retenir l'attention du clinicien. Précisément parce qu'elle ne constituepas un accident banal, elle doit être recherchée.
Saconstatation pourra mettre sur lavoie d'un diagnostic ignoréou confirmerundiagnostic douteux ; la clinique,
la
vraie tout au moins, ne se contente pas d'un seul signe
pouraffirmer une maladie. Notre travail n'a d'autre pré¬
tention ni d'autre but que de définir un symptôme, non point complètementignoré, maisassez rare pour être peu
connu.
L'observation qui nous a donné l'idée de cette thèse
nous aété communiquéeparM. le DrMicheleau,
suppléant
— 19 —
de M. le Dr Bouvet
pendant le mois cle septembre 1902.
M. le Dr Bouvet a bien
voulu
nousautoriser à continuer
l'examen de la malade pendant
le mois d'octobre. Nous
leur enadressons à tous deuxnos
remerciements.
CHAPITRE 1er
Historique
L'histoirede la syphilis
secondaire des veines, on peut
mêmedire dela syphilis
veineuse, est de date récente. Sa
rareté relative, la
bénignité de
sessymptômes l'ont fait
longtemps passer
à
peuprès inaperçue. A l'inverse des
lésions artérielles qui, elles,
produisent presque toujours
des accidents graves et
ont attiré de bonne heure l'atten¬
tion des cliniciens, les
lésions veineuses de la syphilis
n'ont été étudiées que depuis peu
d'années. Si bien qu'en
1881, alors que les travaux
de Iieubner sur la syphilis des
artères cérébrales étaient depuis onze ans
connus, alors
que ses propres
recherches
surle môme sujet avaient été
publiées depuis
dix
ans,M. Lancereaux écrivait dans son
Traité cfAnatom-ie
pathologique
: &La syphilis, qui localise
généralementses
effets
surle système lymphatique, affecte
peu lesystème
veineux; aussi la phlébite syphilitique est-
elle une affection des plus rares.
Après avoir écrit qu'il
n'en existait aucun cas certain
dans la science, j'ai eu
connaissance d'un fait observé et
publié
parDowse. » Il
s'agissait d'unegomme
de la dure-mère propagée au sinus
du voisinage; il y
joignait
un caspersonnel dans lequel
uneveineavaitpris partauprocessus
d'une gomme adja¬
centeà sesparois.
L'observation de
Dowse,
simple trouvailled'autopsie,
commed'ailleurs la plupart descas degommes
veineuses,
n'était cependant point la première en date. En 1860, un médecin militaire anglais,
Girdwood,
avait publié dans TheLancet troiscas de phlébite secondaire; il n'avaitpu les rapporter qu'à la syphilis parce que la guérison s'était produite sous l'influence du traitement spécifique.C'est la même raison qui fait admettre à Gosselin le même diagnosticpour les deuxcas qui sont publiés dans
ses
Cliniques chirurgicales.
Mais on admettait si peu encore lapossibilitéd'une inflammation aiguë des veinescomme accident secondaire de la syphilis, que Gosselin
hésite entre le diagnostic d'une phlébite spontanée et celui de gommes
développées
dans l'épaisseur des paroisveineuses; il rejette l'idéede phlébite parcequ'il latrouve
« insolite et pour l'origine et pour le siège » ; il déclare cependant que « la maladie à laquelle elle ressemble le plus est une phlébite avec oblitération ». S'il admet le
diagnosticde « gommeveineuse », appellation essentielle¬
ment
inexacte,
c'est à cause de « la difficulté d'admettreune phlébite spontanée chezun jeune homme de cet âge qui n'avaitpas devarices et qui n'étaitconvalescent d'au¬
cune maladie grave ».
Le type clinique n'est nettement défini et accepté que dans une leçon de
Gayraud,
faite à Montpellier en1882,
à propos de deux cas observés dans son service.
Les observations ne tardent pas à devenir plus nom¬
breuses.
Breda,
Mauriac en rapportent chacun un cas.Dans la Revue de
Chirurgie
de1891,
àpropos de deuxcas qu'il aétudiés,
Charvot décrit à nouveau laphlébite etlui
assigne des caractères nouveaux, des douleurs nocturnes dont il exagère peut-être un peu la fréquence. Maisles
observationsétaientencoretroppeunombreusesetVaquez pouvait encore les considérer comme des lésionsexcep-
tionnelles et. écrire, dans les
Cliniques de la Charité de
1894: « Leurconnaissance estdedaterécente.
Hutchinson
entrevit cette complication
possible de la syphilis; mais
c'estMauriacqui, le premier, rapporta
le
casd'un homme
qui, deux mois
après le chancre, vit
sedévelopper des
phlébites
multiples atteignant successivement les veines
de la jambe droite,
puis celles du bras et enfin la veine
crurale droite. La coexistence d'autres accidents
syphili¬
tiques rend compte
de la
causevraisemblable de ces
phlébites, bien quel'auteur
neveuille
pas seprononcer
catégoriquement à cesujet.
»C'est à Mendel
(Archives générales de Médecine, 1894),
qu'il nous paraît juste
de rapporter le premier travail
d'ensemble sur cette question. Il
divise les phlébites
syphilitiques ensecondaires et tertiaires; nous verrons
plus loin cequ'ilfaut
conserverde cette classification.
Dès lors, la
syphilis des veines paraît avoir acquis droit
de cité. Le travail de Mendel avaitporté sur
neuf observa¬
tions. Iieuzard en réunit vingt-deux dans sa
thèse inau¬
gurale de 1898, son
travail d'ensemble
surcette question ;
il maintientla division deMendelenphlébites
secondaires
ettertiaires.
A la même époque,
Proksch publie
uneétude d'en¬
semble sur les lésions syphilitiques
des veines viscérales
et des veines
superficielles. Il réunit lui aussi vingt-trois
observations.Anotre grand regret, nous
n'avons
pu nousprocurer son mémoire.
La littérature médicale de cesdernières
années est plus
riche encore. Fournier et Loeper présentent
à la Société
de dermatologie (janvier
1899) deux
casnouveauxde phlé¬
bite des membres d'origine
secondaire
;Thibierge égale¬
ment.
Danssa thèseinaugurale de
1899, Bondesio
enrapporte
un cas inédit et rassemble vingt-trois
observations. On
_ 24 —
peutyajouter les deuxcas de Le Noir
(Congrès
de l'Asso¬ciation française pour l'avancement des sciences,
1899).
Pour les auteurs étrangers non plus, cette localisation de la syphilis n'était point passée inaperçue. Nous avons
parlé descasde
Girdwood,
de Dowse; Greenhowensignaleun
également; Langenbeck,
en1881, publie deuxobserva- lions de gommes veineuses non reconnues etconfonduesavec des tumeurs malignes. Mais là aussi, comme en
France, les observations ont été isolées jusqu'à ces der¬
nières années, jusqu'au mémoire de Proksch de 1898. La littérature s'est enrichie depuis des communications et des travaux
d'Abramov, Blaschko,
Finger, Forsmann, Haslund, Lang, Ullmann, dont on trouvera l'indicationà labibliographie.
Tous ces auteurs admettent l'existence d'un type clinique que l'on peut aujourd'hui définir. Sitoutes les observationsnesontpasabsolumentidentiques,
toutes du moins sont publiées comme de phlébites syphi¬
litiques. Nous ne trouvons qu'une note discordante : Weber (.British Journal
Dermatology,
juin 1899) n'admetpas cette influence de la syphilis sur les veines. Sans doute, on peut observer de l'induration des veines super¬
ficielles chez des syphilitiques, mais cen'estpasàpropre¬
mentparler de laphlébite: cetépaississement,cetteindu¬
ration des vaisseaux seraient dus à la contractionchronique
de leurtuniquemusculaire; aussi l'observerait-on' surtout
surdeshommes vigoureux. Tout le mondea pu constater
en effet combien les veines superficielles sont saillantes
et
développées
chez certains ouvriers ; aussil'immobilité
qui amène la vacuité de ces vaisseaux et le relâchement des fibres musculaires lisses, fait-elle rapidement dispa¬raître cesaccidents. Nous n'insisteronspassurcette
inter¬
prétation ; elle est certainement subtile etpeut-être
ingé¬
nieuse; son exactitude nous paraît plus discutable.
M.
Thibierge (Festschrift,
I.Neumann, 1900)
apublié
un— 25 —
articleabsolumentremarquablesur
la question. De toutes
les études que nous avons
consultées
surla syphilis des
veines, c'est
celle qui
nous ale plus intéressé, dont nous
nous sommes aussi le plus
directement inspiré. Il n'est
que juste de
le constater et d'en rendre hommage à son
auteur.
Enfin, pour
terminer cet historique, mentionnons une
observation quiaété
publiée
parMM. Audry et Constantin
dans les Annales de Dermatologie et
de Syphiligraphie de
juin 1902, surun cas
de phlébite syphilitique, observation
intéressante à certains égards pour
notre travail et que
nous reproduisons
plus loin.
CHAPITRE II
Anatomie pathologique
Nous serons forcément un peu bref sur l'anatomie
pathologique. La syphilis des troncs veineux des mem¬
bres n'est, en effet, comme l'écrivait Letulle, ni commune ni bien connue, ce Les altérations spécifiques développées
autour des veines viscérales sont essentiellement consti¬
tuées par des gommes miliaires périveineuses en tout comparables aux tubercules périveineuxnon compliqués d'obstruction ou de caséification de la lumièrevasculaire.
Les recherches récentes des neuropathologistes démon¬
trent que, dans la moelle
épinière,
les gommes microsco¬piquess'accumulentavecuneprédilection marquéeautour des sinus veineux des méninges. Presque toujours on a affaire à une périphlébite gommeuse avec endophlébite banale, de
contiguïté,
pourrait-on dire. Ici, la syphilis, pas plus que latuberculose,
n'a d'action directe sur les pro¬cessus
thrombosiques
consécutifs. Laspécificité demeure extra-vasculaire, son rôle est purement accidentel. » L'auteur paraît n'avoir ainsi en vue que les lésions ter¬tiaires, la périphlébite gommeuse ; ce n'est pas elle qui
nousintéresse et nous n'en dirons que quelques mots.
A lapériode tertiaire,la syphilispeut frapper lesveines
de deux façons : ou bien sous forme de gomme, que
le
— 27 —
point de
départ
ensoit la paroi veineuse elle-même
oule
tissu cellulaire ou un organe voisin ; on trouve
alors
commedans les observations de Langenbeck une tumeur plus ou moins volumineuse,
plus
oumoins circonscrite
ou au contraire diffuse et envahissante dont l'examen microscopique n'offre pas d'autre
intérêt
quecelui des
gommes développées ailleurs; ou
bien
sousforme de
périphlébite gommeusevéritable, de phlébosclérose
avecinfiltration conjonctive chronique
des trois tuniques de la
veine, que cette infiltrationd'ailleurs amène la dilatation
variqueuse ou le rétrécissementde la lumière du vaisseau
malade.
Plus intéressantes seraient les altérations de lapériode
secondaire. Elles sont encore moins bien connues. En effet, aucun des malades
qui présentèrent de la phlébite
n'estmort; l'accident estheureusement troppeugrave,
et
il nous paraît assez délicat, pour une
recherche qui
ne peutavoir d'autre résultat qu'un intérêtpurement scienti¬
fique, d'aller réséquer une
portion plus
oumoins consi¬
dérable d'un vaisseau ainsi altéré. Mendel et Thibierge
l'ont fait; ils enfurent assez mal
récompensés
en netrou¬
vantque des lésions banales de
thrombose
;voici le résul¬
tatde leurs observations.
D'abord celle de Mendel; examen
microscopique
pra¬tiqué par M. le docteur Lion :
« La lumière du vaisseau est complètement
oblitérée
parun caillot organisé presque en
totalité..Sur les parties latérales,
ce caillot, rétracté parl'alcool, s'est séparé de
la paroi interne de la veine; il ne reste en
contact
avec* elle que sur deux points
diamétralement opposés. Sur
l'un d'eux, il se continue avec
la paroi
par unpédicule
très étroit, doublesur certaines
préparations. Sur l'autre,
il estdifficile de dires'il y a plus que contact et
s'il existe
une adhérence réelle entre le caillot et la veine. En ce
point, une partie qui constitue environ un cinquièmede l'étendue totale du caillot, est constituée par une sortede tissu aréolaire dont les mailles, lesunes très petites, les
autres en moins grand nombre,
considérables,
sontlimi¬tées par des travées cellulaires, minces, contenantpeude
noyaux et dont les lumières sont remplies de sangvivant.
Une mince bandefibrillaire limitetout à fait à lapériphérie
du caillot les espaces remplis de sang et c'est elle qui
entre en contact avec l'endothéliumvasculaire. Cet endo-
tbélium, du reste, semble ici plus sain que partout ailleurs, ce qui fait repousser l'idée d'une adhérence véritable.
» Le pédicule est comme formé par le prolongement
des cellules plates de la tunique interne qui se dévient obliquementversla lumière de la veine en untissu dense.
La plus grande partie dunoyauorganisé estconstituéepar des cellules plates à noyaux allongés orientées un peu dans tous les sens. Au milieu de ce tissu, on trouvepar endroits des amas de petits blocs jaunâtres, qui sont à
n'en pas douter formés par la matière colorante du sang
envoie de régression.
» Parplaces, mais plus particulièrement dans le voisi¬
nage du pédicule, on voit desfentes étroites etanastomo¬
sées bordées de cellules plates, et en d'autres points des
lumières bordées de cellules plates en couchesconcentri¬
ques qui sont, comme le démontrentles globules rouges
placés danscertainsd'entre eux, des vaisseaux déjàorga¬
nisés.
» Les tuniques veineuses varient avec les points
qu'on
observe : la tunique externeprésente une congestion
très
intense au niveau du point d'insertion des pédicules; par¬
tout
ailleurs,
elle parait normale.)) La tunique moyenne n'offre pas d'altération
appré¬
ciable. Les fibres musculaires sont très nettes et ce n'est
— 29 —
qu'au
point d'insertion du pédicule qu'elles sont un peu
plusépaisses,
sansqu'on puisse attribuer cet épaississe-
mentà autre chose qu'un peu
d'œdème.
» La tunique interne paraît
absolument saine dans près
de lamoitié de lalumière de laveine et surtoutau
niveau
des points
diamétralement opposés
aupédicule. Dans le
reste de son étendue, elle présente un
épaississement
avec des altérations cellulaires du reste peu considé¬
rables. Le passage de la
région saine à la région malade
se fait d'un côté par une espèce
de rehaussement de la
paroi ; de l'autre,
il s'est produit
unesorte d'encoche de
la hauteur de la tuniqueinterne.
» Les cellules qui constituent
la tunique sont, dans
ces points, arrondies, d'uneforme irrégulière
;elles ont perdu
leuraspectplatet leur
disposition parallèle. Elles sont, de
plus, augmentées de
nombre,
cequi donne à la tunique
une épaisseur quadruple oumême quintuple de l'épaisseur
normale. A la surface, les cellules
endothéliales sont
gon¬fléesavec un oudeuxprolongements
dont certains sont di¬
rigés vers la périphérie,
les
autrestransversalement. Au
niveau du pédicule,ce sont
les cellules plates de la tunique
interne qui font tousles
frais de la néoformation
sans quele processus irritatif pénètre
ici,
pasplus qu'ailleurs, dans
latunique moyenne. »
Thibierge, lui non
plus, n'a trouvé
aucunealtération
spécifique :
« La cavité vasculaire est complètement
oblitérée
parun caillot. Ce caillot, compact au centre, est sur
toute
sa périphérie pénétré etdissocié
pardes travées cellulaires;
celles-ci proviennent de
la végétation de la tunique
interne et se continuent directement avec elle. L'endo-
veine ainsi bourgeonnant dans
la cavité vasculaire et
pénétrant le caillot par ses éléments
proliférés, est très
épaissie à la fois par ses éléments propres
et l'augmenta-
3
tion de la substance amorphe intercellulaire. Des leuco¬
cytes en diapédèse se voient aussi dans son tissu, mais répandus d'une manière diffuse et sans former en aucun
point de foyer ou d'accumulation nodulaire.
)) Les couches musculaires sont aussi notablement
épaissies. La couche celluleuse paraît tout à fait saine.
)) Ces lésions se présentent en somme avec l'apparence
habituelle des inflammations veineuses consécutives à la thrombose. »
Nous n'avons aucune recherche personnelle à ajouter;
notre malade n'a été examinée qu'au point de vue dela clinique. Nous ne connaissons pas non plus de nouveaux
examens anatomiques, et il est probable que seule la présence de l'agent pathogène de la syphilis, si on
le
découvre, permettra de donner à ces lésions leur signa¬turespécifique. Jusqu'à ce moment, nous nepouvons que les considérer comme comparables à toutes les lésions thrombosiques. Remarquons, cependant, avantde
termi¬
ner ce chapitre, qu'il paraît exister entre la
phlébite
tertiaire et laphlébite secondaire une différence
anatomi-
que : la première estsurtoutune périphlébite gommeuse,
la seconde uneendophlébite, sinon au début, dans la
pé¬
riode initiale où l'inflammation de la veine retentitsurle
tissu cellulaire, tout au moins un peu plus tard
lorsque
l'affection est nettement localisée. Il serait évidemment
intéressant, commele conseille Mendel, de faire l'examen anatomo-pathologique dès le début de la maladie et àson point de localisation primitif. On pourrait ainsi
détermi¬
ner si l'inflammation est primitivement endo ou
périphlé-
bitique. Nous verrons, plus loin, que pareilleconstata¬
tion ne serait pas indifférente au point de vue
pathogé-
nique.
CHAPITRE III
Etiologie — Pathogénie
L'étiologie
ressortit nettement à la syphilis et la phlé¬
bite superficielle peut
être considérée comme un acci¬
dent de la période
secondaire. Mais la syphilis est-elle en
cause ou bien est-elle aidéepar une
infection surajoutée?
En l'absence de lésions nettement
spécifiques
cons¬tatées au niveau des veines, en l'absence
surtout de la
constatation de l'agent
pathogène,
on nesaurait l'affirmer.
C'est cependant
infiniment probable. Dans toutes les
observations, en effet, sauf
celle de Richard d'Aulnay où
lapleurésie et
l'ictère concomitants peuvent faire penser
àune infection surajoutée, et
celle de Cautru où le malade
euten même tempsuneattaque
de rhumastime articulaire
aigu, — encore
la
naturede la phlébite n'y est-elle pas
absolument indiscutable — dans toutes
les observations
publiées, on n'a
trouvé
quela syphilis pour expliquer la
phlébite. C'est même
l'absence de toute autre maladie qui '
adécidé les premiers auteurs
à admettre cette étiologie ;
aussi ne l'ont-ils fait qu'avec
hésitation et presque en
désespoir decause.Il n'était point
irrationnel cependant d'admettre l'in¬
fluence de la syphilis sur
des veines; elle s'exerce bien
surles artères et personnene
met
endoute l'existence de
l'artérite secondaire. Pourquoi les veines auraient-elles été plus épargnées? Ne sont-ellespas comme les artères
en contact direct avec le sang, en contact plus prolongé
mêmeavec ses mêmes éléments? Or, le sang est infectéà lapériode secondaire, cela ne fait plusaujourd'hui aucun
doute, et les lésions de l'appareil vasculaire ensontpréci¬
sément le témoignage.
« Contrairement aux lésions de l'appareil lymphatique qui sont essentiellement des réactions de défense et tra¬
duisent avant tout la lutte de l'organisme contre l'infec¬
tion, les lésions de l'appareil sanguin dénotent une prise
de possession de l'agent infectieux : pour causer ces
lésions, il adû forcer d'abord la barrière endothéliale et, établi dans laplace, il peut s'y multiplier et atteindre les
tissus périvasculaires. y>
(Thibierge).
Les causes occasionnelles qui peuvent déterminer la localisation de la syphilis sur les veines sont des plus
incertaines. La fatigue a été quelquefois incriminée et dans quelques observations son rôle paraît des plus nets.
Mais à côté nous en trouvons d'autres, celle de Mauriac
par exemple, où le malade observa un repos à peu près
absolu sans avoir échappé pour cela à la phlébite; chez lui, au contraire, les accidents furent très marqués. Le
traumatisme n'est invoqué nulle part ; l'existence de
lésions veineuses antérieures, phlébites, ou actuelles, varices, n'est pas non plus signalée. Existe-t-il chezcer¬
tains individus une susceptibilité particulière du système
veineux?C'estpossible, mais ilestbien difficile del'établir.
Nous devons nous demander maintenant parquel pro¬
cessus se développe la phlébite, quelle est lavoie suivie
parle virus. C'est ici qu'un examen anatomique
pratiqué
dès le début fournirait cle précieux renseignements.
L'endophlébite
qui est signalée dans les deux examens,les seuls, de Mendel et
de Thibierge, existe-t-elle seule
dèsle début?Succède-t-elle à la
périphlébite? Sont-elles
contemporaines l'une del'autre? On
nepeut faire
quedes
suppositions àce
sujet.
Les lésions signaléessont en
effet des lésions thrombo-
siquesvulgaires. Nous ne nous
attarderons
pasà discuter
sila production du
caillot thrombosique est antérieure ou
postérieure à lalésion de l'endoveine
;la théorie de
Virchow a vécu et il est bien démontré et bien
admis
aujourd'hui que leslésions veineuses sont toujours pri¬
mitives etprécèdent la
formation du caillot. Mais la paroi
interne de la veine est-elle lésée par le
dépôt direct à
soncontact d'un agent pathogène
inconnu charrié
parle
cou¬rantsanguin, comme
l'a démontré Widal
pourle strepto¬
coque dans la phlegmatia
alba dolens de la puerpéralité?
Selocalise-t-il au contraire dès le début dans
la tunique
externe en suivant le trajet soit des vasa vasorum,
soit
des vaisseauxlymphatiques, et
dans
cesconditions, l'alté¬
ration de la tunique interne
n'est-elle
queconsécutive?
C'est leprocessus
qu'a invoqué M. Martin pour les artéri-
teschroniques, celui
qui paraît le plus constant pour les
phlébites tertiaires,
les phéboscléroses. Il est impossible
d'affirmer la réalité de l'un ou l'autre des
deux
pourla
phlébite secondaire tant que
l'agent pathogène de la
syphilis resterainconnu et
tant
queles recherches anato-
miques n'auront été
faites ni plus près du début de la
phlébite ni plus
complètement.
Quoi qu'il en soit,
le rôle de la syphilis dans l'étiologie
des phlébites
superficielles
neparaît
pasdouteux. Il est
au contraire très important et
le deviendra peut-être plus
encore à mesure que cette
localisation particulière sera
plus attentivement
recherchée. Gomme le dit très juste¬
ment Gharvot, il est
probable
que «du groupe si mal
— 34 —
étudié où l'onjette pêle-mêle les inflammationsveineuses dont on n'a pu encorepénétrer la patliogénie, nombre de
cas sans doute pourraient relever de la syphilis secon¬
daire )).
CHAPITRE IV
OBSERVATIONS
Observation I
(Inédite. Obligeamment
communiquée
parM. le I> Miciieleau)
MarieH...,25ans,entrée le
7 août 1902 à l'hôpital Saint-André,
salle3, lit5; douleurs dans
les jambes et fatigue générale.
Antécédentshéréditaires et collatérauxsans
intérêt.
Antécédents personnels : à six ans,
rougeole qui l'a laissée
très cliétive ; pas de susceptibilité
particulière de l'appareil
respiratoire à ce moment
là. Réglée à quatorze ans, toujours
trèsbien depuis. Deux grossesses à
terme
:l'une à dix-neuf ans,
l'autre à vingt et un. Deux enfants
bien portants : l'un mort à
quatre ans de méningite, l'autre
mort,
ennaissant, d'une affec¬
tion inconnue. Pasd'avortement.
Depuisun an, sasanté a
beaucoup changé. Des chagrins, des
privations peut-être aussi, vinrent
la compromettre. La malade
maigrit, perdit ses forces et eut
à plusieurs reprises des bron¬
chitesavec un peu d'expectoration,de
la fièvre le soir, quelques
sueurs nocturnes,le tout
aujourd'hui
àpeuprès disparu. Jamais
d'hémoptysie, pas de
modification des règles.
Un mois avantd'entrer àl'hôpital, elle commença
à
setrou¬
ver très fatiguée ; le soir, surtout