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Les amoureux du printemps

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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DENYS VIAT

Les amoureux du printemps

Silène allait encore à l'école et croyait à l'amour. Une jeune fille capricieuse et insolente, Léocadie, le retient le temps de quelques étreintes et de quelques prome- nades au Bois de Boulogne. Puis, lors d'un vernissage de peinture, une silhouette à la Léonor Fini attire son regard. Cette rencontre avec Cynthia, une longue jeune fille aux yeux lascifs et verts, marque le début d'une patiente séduction. Journées rêveuses et trop courtes, ineffables extases, brefs instants de bonheur dans le famélique tourbillon du temps forment un douloureux et gracieux chassé-croisé des cœurs et des corps. Depuis les premiers jours, cette passion de jeunesse sensuelle et tendre est empreinte de la nos- talgie de la séparation. Se dessine une carte du Tendre des années soixante qui remet l'accent sur le thème de l'amour malheureux si classique dans le roman français du XVIII au XX siècle. Silène est-il le chevalier Des Grieux de la société mécanique moderne, son Valmont ou son Fabrice del Don- go? Que de réminiscences... De fait,

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LES AMOUREUX DU PRINTEMPS

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DENYS VIAT

Les amoureux du printemps

GALLIMARD

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris l'U.R.S.S.

© Éditions Gallimard, 1974.

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pour Isabelle

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« Ce qu'on appelle amour serait-ce donc encore un mensonge? » Stendhal.

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FLASH-BACK

Les trottoirs de Paris

Mes fleurs s'agacent. La mine des jours, stupéfiante, me ressemble. Les trottoirs de Paris sont aussi vides que mon cœur. Quelle heure est-il ? Quel jour est-ce ? Quelle année ? J'imagine mes vies possibles, inachevées, en lambeaux. Je les imagine anciennes, berceuses, rengaines, débris de l'illusion.

— D'où sortez-vous, l'oiseau ?

— Parlez plus fort!

— Mais... vous ne me reconnaissez pas ? Je suis venu tous les soirs pendant des mois avec cette fille, enfin... avec Cynthia... Vous m'ouvriez la porte...

— Vous devez faire erreur, l'oiseau.

— Mais... madame, je vous assure que...

— Voyons, c'est inutile d'insister. Vous n'êtes pas sur les listes.

— Quelles listes ? De quoi s'agit-il ? Y en avait-il, jadis, quand je dînais au

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Jockey, en 1926, chez Maxim's? Rêvais-je ? La gloire et l'amour sont le règne de l'éphé- mère. Oh, ces souvenirs qui me font la grimace !

Je suis sur toutes les listes, sur tous les livres d'Histoire, les agendas, paletots usés ou vespasiennes qu'on supprime... du Larousse au Gotha de Tolstoï... peut-être sur d'autres encore, à venir, incestueuses, inavouables, mélancoliques... Comme Paris sent bon le printemps, ce soir. Comme le printemps se fane vite. Mourrons-nous comme cet amour ?

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CHAPITRE PREMIER

Portrait incandescent d'une renoncule

Ces années-là, sereines, voluptueuses, j'allais canoter au bois de Boulogne. Sur son lac tranquille; parmi les cygnes au long cou, grandes folles blanches, et les bébés canards.

Il y avait de ces matins d'avril attendris de solitude et de paisible ivresse qui jouaient sur l'eau; rencontres sages, indolentes, avec les premières brumes printanières. Assez de lumignons, farandoles, magies anxieuses et endiablées ! Rose et douillette, la vie en sour- dine des passions calmes s'ébrouait comme une aube.

Ces années-là, Silène croyait encore à l'hamour, dur comme fer. C'est la saison nou- velle qui recommençait partout, tendre mais barbouillée, tel un écolier maladroit. Le soleil, à l'instant jaune et poltron, s'aventu- rait à chanter son refrain rouge et joyeux.

Rouges aussi, des fleurs étonnantes poussaient sur les pelouses. Ecarlates. Des feuilles

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timides et fragiles bruissaient avec inquiétude sur les arbres. Çà et là, dans la pénombre ocre-argentée des nuits déjà tièdes pleuvaient les serments, ces promesses de la tombée du jour : l'heure du square, banc public, baiser volé... Le temps coquin coulait alors avec une certaine grâce, agile et amusé.

Douce et agressive, ma jeunesse s'est éveillée comme ce printemps. La flattait son air frais, intolérant, majestueux. Ses couleurs vives, chatoyantes, baroques me retiennent désormais comme autant de blessures, de roses, de moineaux.

Léocadie ricane. Je n'aime pas du tout quand elle ricane au sujet des choses graves auxquelles elle ne comprend rien. Je l'asperge de gouttelettes avec mes rames. Va-t-elle enfin se taire, oui ou non ? Elle me rend des coups de pied. — Méchante! Aïe!

Au milieu du lac, nous faisons semblant de nous aimer. Mais quel ennui! Suit une courte période d'hostilités. Le bois est presque désert; à peine deux ou trois automobiles.

Il est trop tôt. Le bourgeois ventripotent du XVI repose dans son lit à ressorts. Léocadie se prélasse au fond de la barque. Encore une histoire de chiffons et je ne suis point bro- canteur le moins du monde. Seulement, je me délecte dans Théophile de Viau et les

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grands libertins du XVII siècle; un degré en dessus. Je les revois en smoking de taffetas bleu pâle et leurs mains baladeuses, ob- scènes.

— Tu passes ta vie à rêvasser. Réponds!

Elle vient d'attaquer, redoutable.

— Est-ce un reproche ?

— Oui.

— Eh bien, c'est vrai. Ça te plaît pas ? Que veux-tu ?

— J'ai vachement envie que tu m'sautes.

Oui, là, tout de suite. Tu t'en fous ? Goujat, salaud !

— Je ne veux plus.

— T'es qu'un con. Ça fait plus de cinq minutes.

— J'ai perdu la notion de l'heure.

Elle boude, petite Gauloise; elle fait même tanguer la barque pour se venger. Elle est idiote, elle va nous mettre à l'eau !

— Arrête! Tu m'agaces, maintenant. Ça suffit!

— Oh, dis donc, c'est toi qui m'agaces.

— La barbe !

— Quelle barbe? demande-t-elle mièvre.

Elle sourit; m'aura-t-elle longtemps à ce genre de chantage ? Je gâche mon existence avec cette midinette insupportable.

— T'as pas de barbe; t'es con comme un balai; tu rêves tout haut et tu m'emmerdes.

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Tu veux même pas me faire l'amour quand j'ai envie. La facilité, quoi...

Mode majeur, ouf...

— Oui, mais toi, t'as qu' ça dans la tête.

T'as envie trop souvent. Tiens, t'es comme une machine; tu devrais te faire pute à Dau- phine, tu ferais des pipes aux profs toute la sainte journée et on serait riches.

— Tais-toi, salaud! Tu m'dégoûtes, mac!

Tu pues le blé. Tu ne penses jamais à moi.

— Mais toi... toi... t'es quand même marrante...

On s'est couverts d'insultes minutieuses et une demi-heure plus tard, elle m'embrasse sauvagement sous la passerelle de fer, entre les deux îles qui bâillent. Les rayons nais- sants du soleil s'infiltrent entre les arbres.

Il n'y a guère que quelques rides sur l'eau car nous faisons catleya. Tout est si calme autour. La journée sera chaude. Où serai-je ce soir ? Dans ses bras, sans doute.

La tête légèrement inclinée vers l'épaule droite, le sourire à peine esquissé sur des lèvres froncées d'avance, la main délicatement posée à plat sur le genou, une cravate rayée à deux couleurs avec un gros nœud, j'avais mon jour Picpus et mon côté Lafayette.

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Broutilles. Certains soirs, col roulé et vieux pantalon de velours, je vendais à la criée des journaux américains dans le brouhaha mon- dain de La Coupole. Bains de foule lucratifs au demeurant. Quelques amis me reconnais- saient :

— Vous ne traînez plus Léocadie à vos basques ?

— Qu'avez-vous fait de votre suceuse en herbe ?

— Je lui ai acheté une sucette aux Tuileries.

— Bravo. Continuez. Ah, Silène... si vous preniez un verre avec nous ?

— Mais, mon cher, je suis pris tout à l'heure. Navré.

D'autres, visiblement gênés, refusaient sans mot dire la monnaie que je leur rendais.

Je baissais les yeux pour ne pas pouffer de rire. Léocadie languissait rue de Berri dans son Austin Cooper S. J'aurais les traits tirés de fatigue. Elle fonçait vers son appartement de Neuilly ou mon studio de la Rive gauche.

Elle raffolait aussi des grands palaces, Hilton, Meurice, Saint-James. Nous accomplissions les plus extravagants de nos cirques dans ces décors d'une fois; elle se déshabillait dans l'ascenseur et narguait les soubrettes.

Mais j'avais des devoirs à faire et à rendre.

J'allais encore à l'école, tandis qu'elle s'empa-

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rait de mon temps, sans prendre garde, à la renverse. Essoufflée. Ce rythme insensé m'obligeait à dormir entre mes dictionnaires grec et latin. On croyait que je travaillais tard la nuit. Merci Gaffiot. Les professeurs de khâgne me couvraient d'éloges invraisem- blables sentant la conspiration : le noctambule rêvait de lits persans à voilettes, d'amourettes de faubourgs, d'air pur. C'était l'heure : on me tirait par la manche ; mes camarades s'engouffraient au réfectoire.

Elle paraissait inquiète dans l'impasse déserte où nous nous retrouvions, derrière l'église Sainte-Geneviève. Flopées de passion débridée. Nous partions déjeuner dans un boui-boui de Saint-Séverin. Ponctuel, je pre- nais mes restes de cours l'après-midi. Le soir, elle était là, patiente, enveloppante, attirante. Elle avait un sacré culot de me demander si j'avais pu faire de beaux rêves;

sa bouche sensuelle avait un précieux parfum de chocolat. Elle siégeait chez Pons tant qu'il ahanait sur sa culture. Ma vraie journée débutait vers sept heures du soir. Je me rinçais les yeux au gin et me gargarisait au Pur Malt. Là-dessus, le sport venait tout confon- dre ; elle refusait mes dispenses médicales imaginaires; ses jambes onctueuses et fuse- lées, ses hanches nacrées à merveille me

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74-V

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

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