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LES ENCYCLIQUES ET LE MARXISME

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Academic year: 2022

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LES ENCYCLIQUES ET LE MARXISME

Dans un monde où tant d'empires et de mystiques se sont écroulés avec fracas, l'Eglise catholique demeure la première force spirituelle et une puissance considérable. Mais elle doit à la fois affronter les jeunes forces agressives du communisme et ordonner, maîtriser les réactions diverses des puissances de conservation- qui s'y opposent. Son expérience millénaire, qui n'est pas celle de l'Histoire, comme on le prétend parfois, mais celle de la transcendance de Dieu, lui permet d'aborder toutes les époques historiques et de les traverser victorieusement. Pour l'homme de notre temps, qui voit menacer ce qui lui est le plus cher : la" civilisation chrétienne et les pays où elle a donné sa plus belle fleur, quel réconfort n'éprouve-t-il pas quand les évé- nements dont il est le témoin le confirment dans sa volonté de durer et l'invitent à retrouver sa foi dans le monde ?

C'est sous cet angle que le résultat des élections italiennes, épisode exceptionnellement heureux de ces derniers mois, appa- raît comme un signe d'espérance pour notre Europe occidentale.

' La victoire remportée par l'intelligente activité des comitate civici, ces organes d'action catholique de la jeune Italie, cons- titue un enseignement que nous ne devons pas laisser perdre.

Pendant des semaines, ils ont tenu en haleine l'opinion, rappe- lant la triple consigne : voter, faire voter, bien voter. L'Eglise, de son côté, n'a pas craint de s'engager dans la grande bataille qui s'est livrée le 18 avril dans la Péninsule. Et les faits ont

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prouvé que c'est la hardiesse du pape Pie XII et ses courageuses p a r o i s du jour de Pâques qui ont déterminé le succès qu'on n'osait plus espérer. Lui-même, d'ailleurs, n'a-t-il pas proclamé, au lendemain du vote, sa satisfaction en quelques phrases cir- constanciées où l'on a pu voir un encouragement pour les chré- tiens à suivre le chemin qu'il avait tracé : « Vous venez d'assis- ter, a-t-il dit aux représentants des agences américaines pré- sents à Rome, à une journée qui restera mémorable dans les annales de l'histoire d'Italie. Un peuple entier a donné la preuve de son vif sentiment du devoir civique. Le ciel d'Italie est plus ' clair maintenant que s'affermit l'espérance dans la tranquillité et dans l'ordre. Cette journée a ravivé la confiance de l'Europe et du monde. Des messages qui nous arrivent de tous les conti- nents nous disent que, dans un accord spontané et unanime, nos fils se sont tournés vers Dieu en cette heure cruciale. » Voilà qui tranche la question et devrait suffire à rassurer ceux qui ont cru voir dans l'attitude pontificale une confusion du spiri- tuel et du temporel. ÏMsons à ces prudents que c'est parce que Je problème se posait spirituellement que l'Eglise n'a pas craint de se jeter dans l'arène politique. En effet, l'enjeu des élections dépassait les frontières de l'Italie,, comme l'événement l'a prouvé avec éclat.

i Parce que nous nous efforçons aussi de parler un langage chrétien, il est plus que jamais nécessaire de nous reporter aux textes des Encycliques et des messages pontificaux. Trop peu connus généralement en France, l'opinion aurait intérêt à se familiariser avec de tels documents et le public catholique à s'en pénétrer. N'est-il pas étrange, pour ne pas dire davantage, que notre presse ait pour habitude de les passer sous silence, ou bien de n'en publier que de faibles extraits ? Ces textes mémorables témoignent pourtant de l'éternelle jeunesse de l'Eglise, que la marche de l'Histoire n'empêche pas de pour- suivre, à travers les âges, une politique de présence et de con- tact qui fait ressortir l'invariable fidélité de S'es principes. C'est ainsi que l'Eglise opère à l'égard du problème du communisme, problème qui sollicite aujourd'hui sa vigilance doctrinale. La sagesse et la vérité doivent lutter ici contre le mensonge et l'ignorance. Le pape Pie XII l'a rappelé à Noël en termes précis aux chrétiens, aux catholiques, qui pourraient être tentés de l'oublier : « L'insincérité n'est plus seulement un expédient occa-

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sionnel* Elle apparaît comme érigée en système, élevée à la dignité d'une stratégie dans laquelle le mensonge, les traves- tissements des paroles et des faits, la tromperie sont devenus des armes offensives classiques. Certains les manœuvrent avec maîtrise, fiers de leur habileté, tant l'oubli de tout sens moral fait à leurs yeux partie intégrante de la technique moderne dans l'art de diriger l'opinion publique, de la plier au service de leur politique, résolus qu'ils sont à triompher à tout prix dans les luttes d'intérêts et d'opinion, de doctrine et d'hégémonie. »

Deux Encycliques ont été publiées à quelques-jours d'inter- valle, il y a onze ans, dont l'intérêt et l'actualité n'ont pas depuis cessé de s'accroître : Mit Brennender Sorge, du 14 mars 1937, sur « la situation de l'Eglise catholique dans le Reich alle- mand », en fait sur et contre le national-socialisme, Divini Redemptoris du 19 mars 1937, sur (et contre) le « communisme

* athée ». Pie XI a décrit là, avec une énergie et une rigueur de prévision que l'on pourrait dire prophétiques, les deux fléaux qui devaient successivement affliger les hommes dans une même suite d'événements. Ils n'ont échappé à celui-là, croirait-on, que pour être en proie à l'autre. Les Alliés avaient inscrit sur leurs drapeaux la liberté, la démocratie, la libre détermination et l'autonomie des peuples : peu de mois après la proclamation des armistices, on a pu voir que la nouvelle victoire de la civilisa- tion et du droit serait peut-être plus fragile et plus illusoire encore que celle de 1918, comme si les nations n'avaient eu à choisir, en ce terrible conflit, qu'entre deux formes-de servitude.

La guerre commencée en 1939 se prolonge en une querelle redou- table entre ceux qui l'ont gagnée. Et les griefs dont se nourrit leur discorde sont exactement de même nature que ceux qui avaient mis aux prises Hitler et le bloc d'Occident. Que faudra- t-il pour que le monde cesse de vivre sous la hantise et sous la menace de l'un ou de l'autre des systèmes de terreur si puis- samment caractérisés dans la double Encyclique de Pie XI ?

Pendant la guerre, et surtout à compter du 22 juin 1941, lorsque la Russie soviétique y a été mêlée, il n'a plus guère été parlé de l'Encyclique Divini Redemptoris, parmi les catholiques occidentaux. C'était le temps où il était convenu de vanter l'heu- reuse évolution de la politique religieuse des Soviets. On nous montrait Staline prêt à se réconcilier avec toutes les Eglises.

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Les plus prudents et les plus perspicaces nous assuraient qu'en tout cas, après leur victoire, les grandes démocraties sauraient mettre des bornes à l'influence de l'U.R.S.S. aussi bien qu'à son ambition et à ses conquêtes. Ce que ces augures proclamaient à l'envi, des hommes d'Etat, et des plus éminents, l'ont dit et cru en plus d'un pays. Toujours est-il que, du fait de la guerre, et pour des raisons humainement aisées à comprendre, l'Ency- clique Divini Redemptoris a été mise « sous le boisseau », l'En- cyclique Mit Brennender Sorge, « sur le chandelier ». Rappeler que le feu pape avait condamné le bolchevisme, c'eût été prendre un brevet de « collaborateur ». Il y a des circonstances et des époques où il devient très difficile et tout à fait vain d'avoir raison ; les passions régnantes s'opposent à tout usage régulier de l'esprit critique et du jugement libre. C'est un des traits les plus sataniques des guerres d'enfer. Celui qui échappe le plus sûrement à cette fatalité est le soldat, qui sert, se bat et meurt, sans parler, héros du devoir et du sens commun.

** *

La libération une fois accomplie, les catholiques de France ne pouvaient laisser dans l'oubli l'Encyclique Divini Redemp- toris ; cet acte pontifical, toutefois, ne tient généralement qu'une place fort restreinte parmi les bases doctrinales de leurs projets et de leur action. Cherchons à savoir pourquoi.

Pour l'Eglise de France, estiment-ils, il importe avant tout de seconder hardiment le mouvement irrésistible qui entraîne notre peuple libéré vers les réalisations les plus achevées de l'idéal démocratique. Qu'elle se garde de renouveler l'erreur fu- neste — source féconde et source unique de ses tribulations- — qu'elle avait commise, où elle n'a que trop longtemps persévéré, en liant son destin temporel à celui des partis conservateurs ! Qu'elle se dégage et s'affranchisse, au contraire, avec éclat, d'un passé historique où des critiques méfiants trouveraient prétexte à suspecter son zèle pour la cause du peuple ! Autant que des attaques du laïcisme, elle a souffert de l'étroitesse d'esprit du clergé qui avait choisi polir ses maîtres et ses guides Louis Veuillot, Dom Guéranger et le cardinal Pie. Il y aurait, chez les catholiques, des généalogies spirituelles à rectifier, des tra- ditions à dénoncer. Si l'on en croit l'auteur d'une récente his-

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toire des catholiques français, nos pères auraient gravement démérité au XIXe siècle et l'Eglise de France, en ce qui la con- cerne, serait responsable de l'apostasie des chrétiens. D'autres, décidés à battre leur coulpe, mais non point à s'humilier devant le magnifique effort des catholiques sociaux depuis cent ans, n'hésitent pas à présenter l'Eglise comme une ennemie des pau- vres et à voir là une des causes de la déchristianisation de la France. D'après ces réformateurs d'un genre spécial, l'avenir de l'Eglise serait donc à gauche. Il n'est pas pour elle de néces- sité plus pressante que de bien établir que rien, dans sa doc- trine, n'est contraire aux aspirations et aux droits des masses, plus généralement à « la tendance », aux idées, à l'esprit des temps nouveaux. Elle se montrera donc accueillante et « com- préhensive » aux théories et hypothèses scientifiques les plus neuves et le plus en faveur dans les milieux dits avancés.

Un des caractères les plus curieux de ce ralliement nous est révélé par l'optimisme intrépide qui s'est répandu dans une cer- taine littérature d'auteurs catholiques. Le présent état de l'Eu- rope ne passe pas d'ordinaire pour un spectacle réconfortant.

Des politiques fort divers en conçoivent des appréhensions qu'ils publient. Le Souverain Pontife lui-même, dans son admirable message de Noël, trop peu connu, n'a pas craint de stigmatiser

;« ces hommes d'après guerre qui auraient pu facilement oppo- ser à cette décadence leur propre supériorité morale. Malheu- reusement, ils ont, en nombre de cas, laissé échapper une occa- sion si opportune. » Ces alarmes et ces jugements sévères ne trouvent pas chez nous grand écho dans les paroles ou les écrits de tels conducteurs de l'opinion. Certes, les déclarations publiées par la réunion des cardinaux et archevêques de France traitent des problèmes du jour avec autant de modération que de sage liberté. Mais on rencontre ailleurs, sur les mêmes sujets, comme un parti pris d'optimisme et un désir de n'opposer aux rigueurs de ce temps qu'une confiance absolue en la sagesse des masses et en l'avenir de la planète. L' « infaillibilité des masses » est précisément un mot qui a été prononcé pour caractériser cette foi providentielle dans l'évolution humaine. Parlons net, tout un secteur du catholicisme, chez nous, apparaît depuis peu gagné à la très laïque religion du Progrès : le Progrès indéfini et né- cessaire, la grande invention de Condorcet, l'engin de guerre

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le plus efficace peut-être qui ait été mis en œuvre pour com- battre le christianisme.

Est-ce là l'explication de la discrétion que l'on a misé, dans les milieux dont il est ici parlé, à utiliser les enseignements de l'encyclique Divini Redemptoris ? Là où il n'était plus possible de la passer sous silence on s'est résolu d'en produire des interpréta- tions abréviatives et catégoriques qui semblent faites pour vous dispenser d'aller y voir... Plusieurs se sont distingués dans cette exégèse cavalière. Le Pape Pie XI, nous ont-ils représenté, n'a condamné le communisme qu'en tant qu'il est athée ; il ne nous est donc permis de combattre en lui que l'athéisme. D'où chacun est évidemment fondé à inférer qu'il y a dans la doctrine com- muniste des parties indemnes de censure et qui serviraient, à l'occasion, de base à quelque accord légitime entre chrétiens démocrates et démocrates staliniens. Ce commentaire ne serait- il pas abusif ou infidèle par quelque endroit ? C'est ce qui ne saurait se vérifier que par une analyse attentive du document pontifical.

* * *

Face au mal qu'il décrit, le Pape n'a pas manqué de remonter aux causes et d'indiquer les remèdes. Une des causes principales où son observation s'arrête, c'est le libéralisme économique, qu'il appelle aussi « libéralisme amoral », dont il marque avec vigueur les responsabilités. Quant aux remèdes, il les voit et il nous les montre dans la doctrine sociale de l'Eglise. Reliant son propre enseignement à celui de Léon XIII (Rerum Nova- rum) qu'il a déjà renouvelé et complété lui-même par Quadrar gesimo Anno, il exhorte le monde catholique à s'acquitter avec cœur, envers la classe ouvrière, de ses devoirs de justice et de ses devoirs de charité. Car il est évident que le mouvement communiste représente pour un grand nombre d'ouvriers le mouvement qui a pris en main — du moins s'efforce-t-il de le faire croire — leurs intérêts de travailleurs. Aussi le Pape de- mande-t-il au sacerdoce de se consacrer avec un soin particulier

à l'évangélisation des incroyants, en y appliquant, « toujours avec les précautions voulues, de nouvelles méthodes d'aposto- lat ». L'Encyclique contient donc un programme catholique d'ac-

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tion sociale, très précis dans sa nécessaire universalité, appro- prié aux conditions et aux besoins du monde moderne.

Nul ne songe à récuser les exhortations adressées aux catho- liques de ne pas s'adonner à un anticommunisme tout négatif.

Les instructions qui leur sont données là-dessus par leurs guides habituels s'accordent à la pensée de Pie XI comme à celle de son successeur. Encore qu'elles s'y accorderaient davantage s'ils voulaient bien rappeler en même temps ce que ces Papes ont dit de très positif du communisme. De même ces censeurs, ou d'autres, se montrent-ils fidèles à l'esprit de l'Encyclique en dénonçant les erreurs et les torts du libéralisme capitaliste. Ce que l'on peut dire, c'est qu'ils dévient des principes de l'ensei- gnement pontifical, s'ils nous parlent de la bourgeoisie et de son égoïsme, d'après le vocabulaire le plus banal de la déma- gogie. De fait, des clercs ont à ce point exagéré leurs sévérités à l'égard d'une classe prétendument privilégiée et possédante, en grande partie déchue et dépossédée maintenant, qu'une espèce de réaction s'est produite contre leurs blâmes déclama- toires ; dans une récente assemblée, les cardinaux et archevê- ques de France ont cru devoir inscrire les ci-devant bourgeois au catalogue des déshérités et des faibles à qui justice et charité sont dues.

Tout cela dit, quels sont au juste l'objet et les motifs de la condamnation portée dans l'Encyclique Divîni Redemptoris ?

Dès les premières lignes, le Pape nous dit en termes aussi explicites et aussi clairs qu'il soit possible quels sont l'erreur et le danger contre quoi il a résolu de prémunir les catholiques :

« ...Au cours des siècles On a vu les bouleversements se suc- céder jusqu'à la révolution actuelle, qui est déjà déchaînée ou qui devient sérieusement menaçante, presque partout, peut-on dire, et dépasse par l'ampleur et la violence ce qu'on a éprouvé dans les persécutions antérieures contre l'Eglise. Des peuples entiers sont exposés à retomber dans une barbarie plus affreuse que celle où se trouvait encore la plus grande partie du monde à la venue du Rédempteur. Ce péril si menaçant, vous l'avez compris, c'est le communisme bolchevique et athée, qui prétend, renverser l'ordre social et saper jusque dans ses fondements la civilisation chrétienne. »

Par ces seuls mots « communisme bolchevique et athée », nous voilà tout de suite au fait de ce dont il s'agit. Ces simples

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mots suffiraient à prévenir toute confusion et tout malentendu sur le thème fondamental de la Lettre.

Pie XI, évidemment, n'entend traiter ni du collectivisme, c'est-à-dire d'une théorie de la propriété, de la production, de la consommation, des échanges, ni de l'athéisme en soi, tel qu'on le pourrait rencontrer chez des gens d'opinions politiques très diverses, socialistes, radicaux, libéraux, voire royalistes. Ce que vise le Pape, c'est une doctrine et le type d'organi- sation sociale et politique qui en dérive. ; c'est, si l'on veut, une doctrine philosophique avec un système de la société et de l'Etat qui s'y trouve étroitement relié.

Il ne procède point par définitions abstraites, comme un théologien qui voudrait opposer à des propositions hérétiques la rigueur du dogme ; il nous met en présence d'une réalité très concrète, désormais incorporée à l'histoire : le communisme tel qu'il est pratiqué dans la Russie des Soviets. Il l'appelle par son nom et par le nom que chacun lui donne. Le Pape s'était aupa- ravant prononcé contre une conception antichrétienne de l'hom- me et de son destin qui a inspiré l'organisation de l'Etat alle- mand ; chacun l'a compris. Maintenant il se prononce contre la conception tout aussi peu .chrétienne de l'homme et de son destin d'où procède l'organisation de l'Etat russe ; chacun peut le com- prendre.

L'Encyclique note la volonté et la puissance d'expansion propres au communisme russe. Onze ans avant que les Soviets n'aient dévoilé leur jeu et étalé leurs prétentions hégémoniques en Europe, elle observait que la révolution bolchevique « est déjà déchaînée ou... devient sérieusement menaçante ». Né russe, le bolchevisme déborde aujourd'hui ses frontières ; il vise à des fins totalitaires, universelles : « Des peuples entiers en sont exposés à retomber dans la barbarie », a dit Pie XI, barbarie plus affreuse que celle où se trouvait une grande partie du monde vers la fin de l'antiquité païenne.

Le Pape nous montre le bolchevisme en action, particulière- ment en Russie, au Mexique, en Espagne. Sur les ravages du

« fléau communiste » en ce dernier pays, il porte un jugement sévère et très explicitement motivé. Nous posons une question : quel journal à large diffusion, chez nous, y a fait allusion ?

Pour ce qui est de la philosophie même d'où le communisme russe tire son origine, il serait difficile d'en exprimer la subs-

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tance et d'en marquer les traits avec plus de vigueur expressive et de brièveté que l'a fait Pie XI :

« La doctrine que le communisme cache sous des apparences parfois si séduisantes a aujourd'hui pour fondement les princi- pes du matérialisme dialectique et historique déjà prônés par Marx ; les théoriciens du bolchevisme prétendent en détenir l'unique interprétation authentique. Cette doctrine enseigne qu'il n'existe qu'une seule réalité, la matière, avec ses forces aveu- gles ; la plante, l'animal, l'homme sont le résultat de son évolu- tion. De même, la société humaine n'est pas autre chose qu'une apparence ou une forme de la matière qui évolue selon ses lois ; par une nécessité inéluctable, elle tend à travers un perpétuel conflit de forces vers la synthèse finale : une société sans clas- ses. Dans une telle doctrine, c'est évident, il n'y a plus de place pour l'idée de Dieu, il n'existe pas de différence entre l'esprit et la matière, ni entre l'âme et le corps : il n'y a pas de survi- vance de l'âme après la mort et par conséquent nulle espérance d'une autre vie. Insistant sur l'aspect dialectique de leur maté- rialisme, les communistes prétendent que le conflit qui porte le monde vers la synthèse finale peut être précipité grâce aux efforts humains. C'est pourquoi ils s'efforcent de rendre plus aigus les antagonismes qui surgissent entre les diverses classes de la société ; la lutte des classes, avec ses haines et ses destruc- tions, prend l'allure d'une croisade pour le progrès de l'huma- nité. Par contre, toutes les forces qui s'opposent à ces violences systématiques, quelle qu'en soit la nature, doivent être anéanties comme ennemies du genre humain. »

Nous sommes là au cœur du problème. On ne saurait dire en termes plus nets que ceux employés par l'Encyclique les divergences irréductibles qui séparent le bolchevisme du chris- tianisme et qu'elles tiennent à des conceptions opposées de la destinée humaine.

Au vrai, il y a dans le marxisme, tel qu'il est enseigné et pra- tiqué à Moscou, une sorte d'imitation ou de 'contrefaçon de l'Evangile. Ce n'est pas sans quelque apparence de raison dia- lectique que le philosophe Berdiaeff a pu dire qu'en tant que chrétien le communisme lui apparaissait comme un rappel de l'enseignement du Christ et, dans une certaine mesure, repré- sentait la tâche non réalisée du christianisme. Mais entendons- nous sur le sens des mots.

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Une partie capitale du message évangélique, c est le retour du Seigneur, qui viendra juger les vivants et les morts. Juge- ment qui marquera la fin des temps, la consommation des siè- cles, mais aussi le commencement d'une vie nouvelle à laquelle le chrétien subordonne sa vie terrestre . car, nous dit Bossuet, il doit « se tenir toujours en attente du grand jour de l'éter- nité, où toutes choses seront démêlées par une décision dernière et irrévocable ». Le marxiste, lui aussi, croit à un monde futur, à une vie meilleure, qu'il attend et prépare, qu'il estime digne d'être méritée et obtenue par les plus grands travaux et les plus

grands sacrifices. Seulement, il professe que ses espérances • s'accompliront ici bas, dans le cadre de la nature et de la pla-

nète, si l'on peut ainsi parler. Alors ce sera « la fin de l'His- toire », l'avènement d'une société égale, libérée de l'injustice et de la haine comme des contraintes de la loi. Ce grand change- ment aura lieu, non par l'action surnaturelle d'une divinité transcendante, mais par la vertu propre de la matière, ou plu- tôt d'une « dialectique » immanente à la matière et qui conduit à cette « synthèse finale » dont parle le Pape : dialectique capable, et seule capable, de résoudre les contradictions et les antagonismes dont la vie présente est faite. Encore que l'homme soit lui-même un produit et un rouage de la matière, il a le pou- voir et le devoir d'aider la dialectique et de hâter la synthèse.

De là la pugnacité des partis communistes affiliés à Moscou et l'extraordinaire ardeur de leur propagande. Des luttes sans trêve au service des mystérieuses puissances de la matière, des générations peut-être nombreuses sacrifiées au bonheur futur de l'humanité, une règle sociale tirée de la croyance à une Jérusalem... terrestre « où habitera la Justice », c'est ce que l'on peut appeler 1' « idéal » communiste.

Nous n'avons pas à dire ici ce qui nous paraît contradictoire dans l'acte de foi que le communisme propose à ses adeptes -, il nous suffit de savoir qu'il y a un acte de foi et en quoi il consiste. Car c'est tout justement par les points où il semble se rapprocher de l'Evangile que le marxisme bolchevique demeure le plus nécessairement hostile à la religion chrétienne.

Dieu transcendant, rédemption, vie éternelle d'un côté, de l'au- tre évolution matérialiste et paradis sur terre : ce sont dogmes inconciliables. Parce qu'il prend d'abord parti sur et contre l'idée de Dieu, et que toute sa doctrine découle de cette option :

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initiale, le communisme ne peut être que fondamentalement antireligieux. L'Encyclique nous le montré avec une clarté par-

faite.

L'athéisme est à ce point inséparable de l'idéologie mosco- vite qu'il conditionne naturellement l'organisation du travail

et qu'il n'est point de solution sociale communiste qui soit exempte de cet athéisme. C'est que le communisme — du moins le communisme pratiqué dans les républiques soviétiques — est un système complet de doctrines qui prétend dévoiler à l'homme le sens de son origine et de son existence et répond à toutes les questions fondamentales de la vie humaine. Autrement dit, c'est une religion qui se croit destinée à remplacer toutes les reli- gions, une religion athée, dogmatique et formelle. M. Jacques Maritain a fait ressortir avec force, dans son livre Humanisme intégral, que l'athéisme, selon la doctrine communiste, « n'est

pas exigé (ce qui serait incompréhensible ) comme une consé- quence nécessaire du système social, mais qu'il est présupposé au contraire comme un principe de celui-ci ». On ne saurait mieux dire pourquoi le préjugé matérialiste, la passion antire-

ligieuse tiennent une si grande place dans la pensée communiste, ni pourquoi, dans ses conclusions pratiques, le communisme n'offre au catholicisme aucune garantie acceptable et sincère.

Comme le national-soialisme germanique, le communisme implique donc une profession de foi sur la destinée de l'homme et des sociétés humaines. L'un et l'autre exigent de leurs fidèles une adhésion totale, un don de soi-même qui ne laissent rien au for intérieur. L'un et l'autre annexent la personne à la commu- nauté sociale, celui-là au nom du mythe de l'évolution matéria- liste, incarné dans l'Etat russe, celui-ci au nom du mythe du sang et de la race, incarné dans l'Etat allemand. Deux sys- tèmes qui devaient s'affronter en une lutte terrible, mais équi- valents par leur structure, par leur propension à la tyrannie, le Pape nous en avait averti clairement. Il y a une profonde unité de doctrine entre les deux actes pontificaux du mois de mars 1937 : Mit Brennender Sorge et Divini Redemptoris.

De cette deuxième Encyclique, on négligerait, une partie essentielle, si l'on omettait de méditer ce que le Souverain Pon- tife dit de la stratégie du bolchevisme, après avoir analysé sa philosophie. Relisons ces lignes que bien des catholiques fran- çais semblent avoir ignorées au cours de ces années dernières :

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« ...Sans rien abandonner de leurs principes pervers, ils (les communistes) invitent les catholiques à collaborer avec eux sur le terrain humanitaire et charitable comme on dit, en pro- posant parfois même des choses entièrement conformes à l'es- prit chrétien et à la doctrine de l'Eglise. Ailleurs, ils poussent l'hypocrisie jusqu'à faire croire que le communisme, dans les pays de plus grande foi et de civilisation plus avancée, revêtira un aspect plus doux, n'empêchera pas le culte religieux et res- pectera la liberté de conscience. Il y en a même qui, s'en rappor- tant à certaines modifications introduites depuis peu dans la législation soviétique, en concluent que le communisme est près d'abandonner son programme de lutte contre Dieu. Veillez, Vénérables Frères, à ce que les fidèles ne se laissent pas trom- per. Le communisme est intrinsèquement pervers, et l'on ne peut admettre sur aucun terrain la collaboration avec lui de la part de quiconque veut sauver la civilisation chrétienne. Si quelques- uns, induits en erreur, coopéraient à la victoire du communisme dans leur pays, ils tomberaient les premiers victimes de leur égarement ; et plus les régions où le communisme réussit à pénétrer se distinguent par l'antiquité et la grandeur de leur civilisation chrétienne, plus la haine des « sans-Dieu » se mon- trera dévastatrice. »

Il nous était réservé de vérifier, après la mort de Pie XI, la justesse vraiment prophétique de l'avertissement adressé là au peuple chrétien. Nous avons vu jusqu'où Moscou pouvait pousser la souplesse et la diversité de ses manœuvres, de sa tac- tique. C'est qu'aux yeux des communistes, leurs attitudes con- tradictoires sont à la fois naturelles, légitimes, scientifiques et parfaitement cohérentes puisqu'elles correspondent à des « mo- ments » divers de la dialectique et de l'Histoire. Le Pape nous avait fait voir l'ubiquité et les formes multiples de leur action en même temps qu'il nous invitait à nous en défier.

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Il est aisé de discerner, en se reportant au texte comme nous venons de le faire, en quoi sont critiquables les commentaires elliptiques qui ont été souvent présentés en France, de l'Ency- clique Divini Redemptorîs.

Affirmer, sans plus, que l'Encyclique ce jette le communisme

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parce qu'il nie Dieu, c'est dire vrai tout en ne disant pas toute la vérité. C'est ôter à l'acte pontifical dont on prétend rendre compte une très grande partie de sa signification et de sa por- tée.

Le Pape ne se borne pas à constater que le communisme est athée : il nous montre jusqu'à quel point il l'est, qu'il ne peut pas ne pas l'être, dans tous ses desseins et dans toutes ses entre- prises, bref que l'athéisme est de son essence même, principe ou « présupposé », et non pas conséquence, du système dont il commande et assure les applications pratiques. La doctrine bolchevique contredit foncièrement toute religion chrétienne : c'est l'enseignement qui ressort à l'évidence du texte pontifical pour tout lecteur quelque peu réfléchi. Et c'est ce que bien des croyants ne sauront pas, si l'on s'obstine à leur dire que, dans le communisme, la négation de Dieu a été seule condamnée : ce qui donne à croire que l'idéologie moscovite comporte des parties demeurées indemnes de cette erreur et qu'un chrétien peut donc accepter.

L'Encyclique, on ne saurait trop y insister, ne se compose pas de généralités philosophiques ou théologiques sur les théories communistes ou sur telles de ces théories qui auraient pour trait distinctif de rejeter la croyance en Dieu. Elle nous décrit une vaste action révolutionnaire, étroitement liée aux idées de Karl Marx, organisée à Moscou, « dirigée par Moscou ». Rien de plus concret, rien de plus reconnaissable, rien dont il soit plus facile aux hommes, d'aujourd'hui de se faire une représentation exacte.

Le texte tout entier nous en assure, le sujet de l'Encyclique c'est le bolchevisme, le communisme des Soviets.

Les catholiques français, est-il besoin de le dire ? n'ont qu'une question fort simple à se poser s'ils entendent, en ce sujet, régler leur conduite sur les directions pontificales. Le communisme qu'ils voient agir en France est-il bien ce commu- nisme « bolchevique et athée » dont il est parlé dans la lettre de Pie XI ? Les chefs du parti et ceux qui forment ses cadres sont-ils, si l'on peut dire, en communion avec le Kremlin ? Mais il est clair que les catholiques ne se poseront aucune question, s'ils ignorent la sentence portée par le Pape ou s'ils n'en ont qu'une notion confuse.

Telle qu'elle leur est résumée, ils n'en connaîtront pas l'es- sentiel, s'ils n'ont pas lu les textes. Ceux que nous avons tran-

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scrits en dernier lieu nous découvrent l'omission pratiquement la plus grave,qui vicie ces interprétations abusives ou tronquées.

Lorsqu'un Souverain Pontife nous représente que « le commu- nisme est intrinsèquement pervers » et qu'il ne saurait être admis « sur aucun terrain » aucune « collaboration avec lui de la part de quiconque veut sauver la civilisation chrétienne », c'est vraiment mal traduire sa pensée, c'est — sur un point capi- tal — l'offusquer, ou la déformer que de nous dire, comme dans une clause de style où l'on prétend la faire tenir tout entière, que ce Pape a condamné le communisme en tant seulement qu'il niait Dieu.

*

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Il n'est que trop aisé de comprendre que certains, la guerre terminée, ne se soient pas souciés de mettre au jour de pareils textes.

Aujourd'hui, cependant, bien des choses sont changées dans la France gouvernée comme dans la France gouvernante.

L'une et l'autre sentent vivement les périls que les prétentions hégémoniques de la Russie font courir à l'Europe. A la Cham- bre et dans la pratique gouvernementale, il arrive que les com- munistes soient traités par leurs alliés d'hier moins en parle- mentaires d'opposition qu'en ennemis publics. Il n'empêche que le vocabulaire marxiste demeure toujours en usage et que, dans un récent débat sur les écoles libres, la phobie religieuse s'est emparée à tel point des esprits que les communistes n'ont pas eu de peine à accorder leurs violons à ceux de leurs partenaires de gauche. Certains catholiques, qui se disent « progressistes », n'en pensent pas moins qu'il faut passer outre à l'antagonisme marxisme-christianisme et préconisent l'adhésion pure et simple au parti communiste. Pour ceux-ci, le point capital, en l'état présent du monde, est d'abattre un prétendu fascisme renais- sant. D'ailleurs, familiarisés avec les thèses marxistes, ils tien- nent que la France se retrancherait du réel et, comme ils disent eux-mêmes, se couperait de l'Histoire si elle prétendait réaliser la démocratie contre ceux qui parlent au nom des masses. De tels chrétiens entendent ne le céder en rien aux démagogues les plus remuants. On sent combien il serait vain de vouloir modé- rer leur élan par des considérations tirées de l'encyclique Divini

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Redemptoris ou par un rappel des messages pontificaux. N'est-;il pas surprenant qu'un quotidien authentiquement catholique, rendant compte du discours de Pâques, ait feint d'ignorer ce passage essentiel du texte papal ? « Si les consciences restent assoupies, ce sera un terrible verdict, car qui n'est pas avec le Christ est contre lui. Il n'y a plus de place pour les poltrons, les irrésolus, les hésitants. Il faut comprendre qu'on ne peut servir deux maîtres à la fois. »

ê

Ces observations, nous y insistons, s'appliquent aux con- seils et directions proposés aux croyants de France, touchant le communisme, par certains clercs qui ont, à des titres divers, charge d'âmes. Leur soin le plus pressé est d'éviter tout ce qui passerait pour contradiction absolue à l'idéologie communiste.

Or, ne craignons • pas de le rappeler, les papes n'ont traité que d'une seule sorte de communisme pris comme un tout, qu'ils désignent' de la façon la plus nette, sans y distinguer des sec- teurs damnables et des secteurs innocents. Sa Sainteté Pie XI l'a qualifié bolchevique et athée parce tels sont bien les deux traits les plus distinctifs à noter dans son signalement. Mis devant les termes de l'Encyclique, les catholiques français n'au- raient aucune peine à comprendre. Car ils ne connaissent, non plus que les catholiques polonais, hongrois, slovaques ou croates, qu'un communisme, qui est précisément celui dont a parlé Pie XI et dont c'est le propre d'être russe et athée en tous pays.

Les faits n'ont que trop prouvé en ces dernières années à quels contresens conduit l'oubli de ces vérités essentielles.

Ignore-t-il le texte des Encycliques, le fidèle ne saura pas, par exemple, que l'Eglise se désintéresse si peu des « attitudes pra- tiques » du parti de Moscou que Pie XI a adjuré l'épiscopat de

« veiller » à ce que les fidèles « ne s'y laissent pas tromper », affirmant que nul ne peut coopérer avec le bolchevisme « sur aucun terrain », s'il est chrétien ou s'il « veut sauver la civili- sation chrétienne ». Il ne saura point davantage à quel point la pensée de Sa Sainteté Pie XII, en son message_de Noël 1947, se relie à celle de son prédécesseur : « A vous tous donc, fils et filles bien-aimés, Nous disons : votre heure est venue !... Aux jours de lutte, votre place est au premier rang, au front de com- bat... Déserteur et traître serait quiconque voudrait prêter sa collaboration matérielle, ses services, ses ressources, son aide,

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son vote à des partis et à des pouvoirs qui nient Dieu, qui subs- tituent la force au droit, la menace et la terreur à la liberté, qui font du mensonge, de l'opposition, du soulèvement des masses autant d'armes de leur politique, qui rendent impossible la paix intérieure et extérieure. »

Voilà qui est dit et devrait suffire à clore toute discussion.

Mais il faut bien convenir que les enseignements pontificaux touchant le cqnimunisme ont été rappelés ou résumés, chez nous, aux croyants, de telle sorte que les chances sont pour qu'un grand nombre d'entre eux n'en soient pas instruits.

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Au surplus, nous ne suspectons ici les intentions de per- sonne. Nous savons le « désir de conquête », selon la juste expression d'un évêque de France, qui anime le clergé de notre pays devant les « masses déchristianisées ». Ce qui a été déjà accompli pour remédier à ce malheur, les fruits qu'ont donnés l'action catholique, les missions de France, l'apostolat selon ses méthodes nouvelles témoignent précisément de la vitalité du catholicisme français et représentent des signes tangibles de redressement. Mais tout ce travail intérieur ne serait-il pas faci- lité et bien des équivoques évitées si la grande masse des Fran- çais recevait d'abord l'enseignement des messages pontificaux, si les paroles du pape ne lui restaient pas aux trois quarts étran- gères ? L'apôtre des Gentils ne pénètre pas de nos jours les couches profondes du prolétariat pour témoigner seulement de sa « compréhension ». Son but est de convertir. Plus ceux aux- quels il s'adresse sont conscients et sincères, plus manifestes apparaîtront les divergences qui distinguent l'Espérance chré- tienne du Progrès humain, le règne de Dieu de la Cité marxiste.

Il ne semble pas exagéré de dire que le parti communiste, met- tant à profit la naïveté et les erreurs de ceux qui l'ont admis à gouverner, a acquis une puissance que ne lui eût peut-être pas donnée un siècle de discours, d'agitations, de grèves, et de scrutins. Le secret de ses progrès tient aussi au fait que des hommes, des croyants qui dirigent leurs semblables, se défen- dent de partager les alarmes qu'il cause, comme s'ils jugeaient le dogme marxiste conciliable par quelque endroit avec les prin- cipes chrétiens. Ne cherchons pas plus loin l'origine de ces

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étranges formules qu'on relève dans leurs écrits, telles que

•marxisme humain, hy,manisme soviétique, autant d'équivoques grâce auxquelles les dictatures soviétiques, à Moscou, à Varsovie ou à Prague, sont représentées comme des démocraties accep- tables, dans la ligne d'une évolution providentielle.

Le problème obscur que pose une adhésion aussi manifeste au parti pris laisse percer chez certains catholiques un nouveau conformisme à base de mauvaise conscience. Qu'un écrivain reli- gieux, fort digne de respect et d'estime, s'en prenne, par exem- ple, à la bourgeoisie et l'accuse de ne pouvoir « entendre parler de la misère du peuple sans hurler au communisme », n'est-ce pas une manière de proclamer qu'il n'appartient pas lui-même à cette classe méprisable, ou tout au moins qu'il s'est purifié de ses souillures ? Qu'un autre nous annonce gratuitement que, dans cinquante ans, la classe bourgeoise aura totalement dis- paru et, en conséquence, qu'elle n'est déjà plus défendable, n'est- ce pas une anticipation insoutenable du seul point de vue chré- tien ? Un tel calcul procède, on le sait bien, du désir de libérer à jamais l'Eglise de France des liens qui l'ont unie jadis aux partis de droite, étant bien entendu qu'elle ne saurait s'inféoder à aucune classe ni à aucun parti. Le malheur veut qu'on ne puisse guère, en de certaines circonstances, se dégager à droite sans s'engager à gauche, et que parfois ce soit encore faire de la politique que de protester très haut qu'on n'en fait point.

Quoi qu'il en soit, c'est parce qu'elle demeure fidèle à son indé- pendance originelle que l'Eglise, qui n'est pas, répétons-le, une phase du déroulement de l'Histoire, poursuit à travers les siècles sa marche glorieuse. Le chrétien, qui veut agir comme tel, doit mener le combat contre toutes les forces du mal avec la même fidélité, mais aussi, bien que le mot ne soit plus guère en faveur, avec une totale charité.

Sur les idées mères du communisme et sur son action dans le monde, l'Eglise a une doctrine qui s'est clairement exprimée par les écrits et les paroles des papes Pie XI et Pie XII. Par son essence même, nous ont enseigné ces deux pontifes, en rai- son du sens qu'il donne et des fins qu'il assigne à la vie de l'homme, le communisme soviétique se trouve en opposition irré- ductible avec la foi chrétienne. Dussent des partisans sincères protester, son objectif, proche ou lointain, n'en est pas moins de travailler à abattre l'Eglise catholique et de n'en pas laisser

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subsister pierre sur pierre. Ce ne sont point là considérations spéculatives sur la conduite de la Cité, mais préceptes de morale religieuse où la conscience des chrétiens est intéressée. Serait-ce trop demander, au moment où le communisme russe tient une telle place dans les soucis des gouvernements et dans la vie des peuples, que cet enseignement fût rappelé aux catholiques fran- çais autrement que par des allusions vagues ou par des com- mentaires restrictifs ?

Roma locuta est. La fière devise qui a consacré à travers les siècles le magistère de l'Eglise n'a rien perdu de nos jours de son autorité. Puisque sur des questions d'un intérêt actuel et pressant des actes mémorables ont mis en pleine lumière la pen- sée, le jugement, les prescriptions des papes, tous les catholiques ne sauraient mieux faire que de s'y conformer.

JEAN DE SAINT-CHAMANT.

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