Louis Chiorino
Caractéristiques des bois de menuiserie e t du quotidien
Le choix des bois
Louis Chiorino (Compagnon Menuisier du Devoir, L’Argentière la Bessée)
Le grand nom bre des métiers du bois implique l'utilisation d 'u n e très grande diversité d'essences, suivant les ouvrages e t propre à ch a q u e pays ou régions. Néanmoins, le bois, c e m atériau vivant exige du respect, du temps e t des connaissances acquises par l'expérience.
Si vous le voulez bien, nous allons faire un retour en arrière qui nous mènera vers le thèm e d e la sélection e t du choix des bois. En voici les quelques règles e t conditions premières.
1. La période d’abattage
À c e tte étape, c'e st le bûcheron qui opère la sélection.
Les feuillus. L 'a b a tta g e se pratique hors période de végétation, c'est-à-dire du 15 o c to b re au 15 mars.
L'arbre est alors au repos e t la sève redescendue dans les racines. De c e fait, la grume est moins sensible aux altérations, à l'a c tio n des champignons, au piq u a g e des insectes e t la souche donnera des rejets b e a u co u p plus vigoureux. De plus, l'absence de feuillage am ènera une certaine co m m o d ité dans l'exploitation, c e qui procurera un gain de temps appréciable.
Les résineux. On pe u t ab a ttre les résineux to u te l'a n n é e mais plutôt durant l'été, en m ontagne, afin d 'é v ite r les difficultés causées par la neige.
Jadis, une règle é ta it toujours respectée : l'a b a tta g e ne se faisait q u 'e n lune descendante. Hélas, c e tte règle n'est plus d 'a ctu a lité .
2. Le sciage
Les scieurs pratiquent trois types d e d é b ita g e (Fig. 1) :
Sur dosse pour obtenir une bille reconstituée, se nom m ant plot, c e qui pe rm e t d e pouvoir garder une parfaite hom ogénéité dans la texture, la couleur, la fibre. C 'est le sciage le plus courant.
Après le séchage, apparaissent des déform ations : surtout pour la planche d e cœ u r qui a te n d a n c e à s'am incir c ô té extérieur, tandis qu'u n e planche d e dosse aura te n d a n c e à faire la douve du c ô té opposé au cœur.
Sur quartier, hollandais ou mailles. Les cernes sont perpendiculaires à la fa c e e t les rayons médulaires constituent un ensemble d e taches d 'u n bel effet.
Sur faux quartier ou Moreau. Ce d é b ita g e est réservé aux travaux d 'u n e grande qualité : la perte est im portante (cernes perpendiculaires à la surface) mais le résultat est beau (pas d e gauchissement).
Les avivés. C 'est un d é b it facile (co u p e en longueur seulement) sur 4 faces à vive arête dans des sections standard. Pratiqué depuis fort longtemps au C a n a d a e t en Scandinavie, il te n d à s'internationaliser depuis une trentaine d'années.
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Au fil du bois
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Fig. 1. Les différents types d e d é b ita g e
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3. Le séchage
Le bois se travaillant sec, il est indispensable d e le débarrasser d e to u te son hum idité (eau, sève) : pour cela, il fa u t le faire sécher.
Le séchage naturel à l’air libre
La bille qui vient d 'ê tre sciée va être reconstituée e t se nom m era « le plot ». C haque plan ch e est séparée par des liteaux. De préférence le plot est déposé bien au-dessus du sol afin d 'é vite r l'im prégnation d'hum idité. Il sera bon que le p lo t soit p la c é sous abri, bien aéré, perpendiculaire au vent.
Sous l'a c tio n de l'air, d e l'humidité, du vent, de la rosée, les fibres e ffe ctu e n t un lent travail. Il fa u t c o m p te r en m oyenne 1 cm par an.
L'inconvénient est la durée du séchage, la p la c e q u 'o c c u p e le stock, qui fa it aussi la fierté du menuisier.
L’artificiel ou séchage activé
- L'eau du torrent, le flo tta g e : afin d 'a c tiv e r le séchage, les billes é taient immergées dans la rivière, le co u ra n t d e l'e a u chassant la sève par pression.
- L'étuve : les sciages étaient entreposés dans des cham bres où la vapeur d 'e a u circulait à haute pression, chassant ainsi la sève.
- Le séchoir.
- Vide, rayonnem ent électrique, haute fréquence, déshum idification.
4. Le classement
Le classem ent d e la bille ava n t sciage - Ses qualités
La bille de pied : c'e st la plus belle partie de l'arbre.
L'étoffe de la bille : la régularifé d e son diamèfre, qui d o if être constant sur sa longueur.
Le droit fil : pas d e torsion ou vissé.
Les noeuds : doivent être absents.
- Ses défauts
Blessure, noeuds, excentricité du coeur, irrégularité d'épaisseur des cernes, cernes larges, gélivure, roulure, entre écorce, nœ ud e t gouttière, cœ ur pourri.
Le classement d e la bille après sciage - Ses qualités
Le droit fil : sens suivi sur axial.
Flammes : dessin constitué par la pousse dans le sens axial, suivant la montée.
Grain : certains bois, tel le Hêtre, com portent des petits grains serrés.
Couleur : elle doit être régulière.
Texture : elle doit être régulière.
- Ses défauts
Les fissures internes, les nœuds cachés, vicieux, pourris... Les piqûres, le contre-fil, le cœ ur noir...
5. Le débitage
L'essence d e bois choisie, le menuisier se dirigera vers son stock d e bois sec e t contrôlera le degré de siccité selon plusieurs facteurs :
- La couleur e t l'altération du museau des plots.
- Le bruit du c o u p d e m arteau en bout.
- Le poids, le c o n ta c t d e la main, ou mieux encore, la consultation d e son fichier m entionnanf ses mensurations, sa qualifé, sa d a fe de sciage.
Tel un berger reconnaît une brebis au milieu d e son troupeau, le bon menuisier reconnaît ses plots pour les avoir lui-même empilés.
De nouveaux défauts p euven t être découverts e t seront éliminés : cœ ur é c la té e t aubier, les défauts dus au séchage (gerces...), les taches, les altérations, les piqûres, les déformations, les fissures infernes, le contre- fil...
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6. La sélection suivant la destination
Menuiserie extérieure
Les résineux : pins, sapins, mélèze, cèdre, exotiques.
Les feuillus : chêne, châtaignier, noyer (luxe, monuments historiques).
Menuiserie intérieure
On utilise la majeure variété des essences (résineux e t feuillus).
A d a p ta tio n aux placages, panneaux jusqu'aux particules.
Le p a rq u e t : chêne, châtaignier, pin, mélèze, hêtre.
7. Le choix suivant les métiers
Le menuisier utilise la plus grande diversité d'essences.
L'ébéniste privilégie les essences riches, les fruitiers.
Le charpentier, en fonction de sa région, travaillera le sapin, le mélèze, les pins, le chêne, le châtaignier.
Le couvreur choisira le mélèze, l'ép icéa, le châtaignier, le pin pour les tavaillons, e t le mélèze pour les bardeaux.
Le charpentier d e marine utilise le chêne, le sapin, les pins Laricio, sylvestre et d'O ré gon, le mélèze, le cèdre, l'a c a c ia , l'orme, le frêne, le houx, le buis, le gaïac.
Le charron choisira l'orm e pour les moyeux, l'a c a c ia pour les raies, le frêne pour les jantes.
L'outilleur utilise le corm ier et le chê n e vert.
Le tonnelier sélectionne le chêne e t le châtaignier.
Q uant au luthier, il préfère l'ép icéa, l'érable, l'é b è n e e t les fruitiers.
8. Le progrès
Le progrès techniqu e présente des avantages, notam m ent par l'im portation des essences exotiques : ces dernières n 'o n t pas d e noeuds, sont d e grande longueur e t d e gros diam ètre ; leur droit fil, la grande diversité d e texture, d e dureté, de couleur possèdent des avantages ; le d é b ita g e est facilité en linéaire autom atiqu e ; elles sont idéales pour ia menuiserie extérieure de grandes dimensions e t d'épaisseur.
Mais to u te m édaille a son revers : on assiste à une standardisation des modèles e t d o n c à la disparition du savoir-faire e t à une perte d e la connaissance des bois.
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