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stabilisation de mousses
Benedicte Rullier
To cite this version:
Benedicte Rullier. Rôle des agrégats de protéines dans la formation et la stabilisation de mousses.
Ingénierie des aliments. Université de Nantes, 2009. Français. �tel-02823360�
ECOLE DOCTORALE
Végétal, Environnement, Nutrition, Agroalimentaire, Mer
Année 2009
Rôle des agrégats de protéines dans la formation et la stabilisation de mousses
THESE DE DOCTORAT
Discipline : Sciences Agroalimentaires Spécialité : Physico-chimie des polymères
Présentée et soutenue publiquement par
Bénédicte RULLIER
le 30 octobre 2009, devant le jury ci-dessous
Président M. Legrand Jack, Professeur, Université de Nantes
Rapporteurs M. Saint-Jalmes Arnaud, Chargé de Recherche, CNRS Rennes M. Sanchez Christian, Professeur, Université de Montpellier Examinateurs Mme Michon Camille, Professeur, AgroParisTech, Massy
M. Leser Martin, Responsable de recherche, Nestlé, Lausanne, Suisse Directeur de thèse Mme Axelos Monique, Directeur de Recherche, INRA Nantes
Encadrant M. Novales Bruno, Chargé de Recherche, INRA Nantes
N° attribué par la bibliothèque
Je tiens à remercier tout d’abord les membres du jury d’avoir accepté d’évaluer ce travail : M.
Christian Sanchez (INRA Montpellier) et M. Arnaud Saint-Jalmes (Institut de Physique de Rennes) pour avoir été les rapporteurs ainsi que Mme Camille Michon (AgroParisTech) et M.
Martin Leser (Centre R&D-Nestlé, Lausanne) pour avoir été les examinateurs. Je remercie également M. Jack Legrand d’avoir accepté de présider le jury.
Je remercie M. Jacques Guéguen, directeur de l’unité Biopolymères Interactions Assemblages de l’INRA de Nantes, Mme Monique Axelos, responsable de l’équipe Interfaces Systèmes Dispersés (ISD) au début de ma thèse, et M. Marc Anton, actuellement responsable de l’équipe, de m’avoir accueillie au sein du laboratoire.
J’adresse mes sincères remerciements à Mme Monique Axelos, ma directrice de thèse et à M.
Bruno Novales, mon encadrant pour la confiance qu’ils m’ont témoignée tout au long de la thèse. Merci Monique pour l’autonomie que vous m’avez accordée et pour la rigueur dont vous avez fait preuve. Merci Bruno pour ta disponibilité, ta réactivité d’action, tes conseils pertinents et toujours constructifs qui m’ont aidée tant sur la démarche scientifique que sur la rédaction des articles.
Je tiens également à remercier Mme Anne Renault (Institut de Physique de Rennes) et M.
François Boué (Laboratoire Léon Brillouin CEA Saclay) d’avoir accepté d’être membres du comité de thèse. Merci François pour m’avoir également guidée dans les expériences de diffusion de neutrons.
Mes remerciements vont également à ceux qui ont apporté leurs compétences de spécialistes à ce travail : Tout d’abord, je tiens à remercier Mme Dominique Langevin (LPS, Orsay) qui m’a accueillie à deux reprises dans son équipe et m’a permis de réaliser les expériences sur les films interfaciaux. Merci pour votre disponibilité, vos précieux conseils et votre implication dans ce travail. Je garderai de mes séjours dans votre équipe un très bon souvenir.
Je remercie également Christian Schwieger de l’équipe ISD avec qui j’ai pris plaisir à
travailler. Merci pour les nombreuses discussions et ta bonne humeur toujours contagieuse.
aussi à Cédric Gaillard pour les clichés de microscopie électronique.
Merci à l’ensemble des personnes de l’équipe qui par leur sympathie ont fait de ISD un cadre de travail agréable. Je tiens notamment à remercier Lucie, Bérénice, Virginie et Marlène.
Merci Bruno pour avoir été un champion d’encadrant : en plus des discussions scientifiques, nous avons partagé de nombreux moments sympathiques, essentiellement gastronomiques il faut bien l’avouer et dire merci aux bons de réduction de Dell’arte! Merci aussi Jean-Paul, pour tes conseils scientifiques et professionnels ainsi que pour les pauses quatre-heures et les tours de SLK jusqu’au tramway.
Merci à toutes et tous les thésards et stagiaires que j’ai croisés durant ces trois années. Il m’a été agréable de partager avec vous tous ces moments aussi riches en discussions scientifiques qu’en fous rires : Carole, Guéba, Claire, Oscar, Anne-Laure, Jorge, Alberto, Claire, Pauline Agustin, et Mathieu (Je te passe le flambeau du secrétariat de Jean Paul et je suis certaine que tu en seras digne !).
Parfois, les relations entre collègues font place à l’amitié : Merci Helga et Corinne pour votre soutien et aussi pour vous être mariées durant l’été de ma rédaction, ces pauses m’ont fait du bien ! Merci Najet pour ton savoir-faire scientifique et tous les bons moments partagés. Merci Angélique pour tes conseils, ton soutien et nos pauses-déjeuners dépaysantes, elles me manqueront.
Enfin, ce travail de thèse est l’aboutissement de longues années d’études et mes
remerciements les plus profonds vont à ceux qui me sont les plus proches : Merci à mes
parents et ma famille pour leur soutien permanent.
Ce travail de thèse a pu être réalisé grâce un co-financement de l’INRA et de la Région Pays de la Loire. Il a été le fruit de nombreuses collaborations, tant dans l'utilisation de montages expérimentaux que dans l’analyse de résultats.
- Les mesures de diffusion statique ont été réalisées au Laboratoire Polymères Colloides Interfaces (Mans) afin de caractériser les structures des agrégats.
- Les expériences sur les films interfaciaux isolés ont été effectuées au Laboratoire de Physique des Solides (Orsay, France). Nous avons pu mettre en place cette collaboration grâce au Groupe de Recherches Mousses (GDR 2352). Les deux missions que j'ai effectuées en novembre 2007 et en septembre 2008 au sein de l'équipe Interfaces liquides dirigée par Dominique Langevin ont d'ailleurs été financées par le GDR Mousses.
- Les mesures et analyses de résultats de diffusion aux petits angles résultent d’une
collaboration avec François Boué (Laboratoire Léon Brillouin, Saclay) qui avec Monique
Axelos a initié l’application de cette technique aux mousses depuis quelques années [1-2].
Les résultats obtenus dans le cadre de la thèse ont fait l’objet des publications et communications suivantes :
Publications
B. Rullier, B. Novales, M.A.V. Axelos, Effect of Protein Aggregates on the Foaming Properties of β-lactoglobulin. Colloids and Surfaces A (2008), 330, 96-102.
B. Rullier, M.A.V. Axelos, D. Langevin, B. Novales, β-lactoglobulin aggregates in foam films: Correlation between foam films and foaming properties. Journal of Colloid and Interface Science (2009), 336, 750-755.
B. Rullier, M.A.V. Axelos, D. Langevin, B. Novales, β-lactoglobulin aggregates in foam films: Effect of the aggregates size and amount. (2009) en cours de rédaction pour soumission à Journal of Colloid and Interface Science
B. Rullier, C. Schwieger, M.A.V. Axelos, B. Novales, M.H. Ropers, Organisation of β- lactogloubulin aggregates at the air/water interface by IRRAS measurements. (2009) en cours de rédaction pour soumission à Langmuir.
Communications orales
B. Rullier, B. Novales, M.A.V. Axelos, (2007) “Rôle des agrégats de protéines dans la formation et la stabilisation des mousses”. GDR Mousses, 19-21 septembre 2007, Dourdan, France.
B. Rullier, M.A.V. Axelos, D. Langevin, B. Novales, (2008) “Influence of aggregates in protein foams : Correlation between adsorption kinetics, thin liquid film and foam stability”.
9
thEufoam , 8-10 juillet 2008, Noordwijk, Pays-Bas.
B. Rullier, M.A.V. Axelos, D. Langevin, B. Novales, (2008) “Influence des agrégats de protéines dans les films interfaciaux’’. GDR Mousses, 4-7 novembre 2008, Dourdan, France.
C. Schwieger, B. Rullier, M.A.V. Axelos, B. Novales, M-H. Ropers, (2009) “Conformation of whey proteins at the interface : effect of heat treatment and perfluorinated contaminants”.
Workshop Vibrational Spectroscopy of Thin Films, 3-5 juin 2009, Postdam, Allemagne.
B. Rullier, B. Novales, M.A.V. Axelos, (2007) “Protéines isolées vs agrégats de protéines : De la structure aux propriétés moussantes”. 3
émeRencontres Physique-Biologie du Grand Ouest, 27-29 juin 2007, Batz-sur-Mer, France.
B. Rullier, B. Novales, M.A.V. Axelos, (2007) “Aggregation of Proteins : Role in air/water interfaces structuration and foaming properties”. 21
thConference of the European Colloid Interface Society, 10-14 septembre 2007, Genève, Suisse.
B. Rullier, M.A.V. Axelos, D. Langevin, B. Novales, (2008) “Protein aggregates in thin liquid
films and in foams”. 12
thFood Colloids, 6-9 avril 2008, Le Mans, France.
SOMMAIRE
Introduction ...1
I. Etude bibliographique ...5
I.1 Les mousses ... 5
I.1.1 Structure physique des mousses... 5
I.1.2 Formation des mousses ... 6
I.1.2.1 Mode de production des mousses ... 6
I.1.2.2 Adsorption d’agent de surface aux interfaces eau-air... 7
I.1.3 Déstabilisation des mousses... 8
I.1.3.1 Drainage gravitationnel et pression capillaire... 8
I.1.3.2 Mûrissement d’Ostwald ... 9
I.1.3.3. Coalescence des films ... 9
I.1.4 Paramètres gouvernant la stabilité des mousses ... 10
I.1.4.1 Taille des bulles et polydispersité ... 10
I.1.4.2 Nature du gaz ... 11
I.1.4.3 Nature de la phase liquide... 11
I.1.4.4 Nature de l’agent de surface... 13
I.2 Propriétés moussantes des protéines... 16
I.2.1 Rappels sur les protéines... 16
I.2.1.1. Structure des protéines ... 16
I.2.1.2. Relation structure -propriétés... 17
I.2.2 Adsorption des protéines aux interfaces ... 18
I.2.3 Films interfaciaux de protéines ... 20
I.2.4 Rhéologie des interfaces et de la mousse 3-D... 22
I.2.4.1 Rhéologie des interfaces stabilisées par des protéines... 23
I.2.4.2 Rhéologie des mousses de protéines ... 25
I.3 Agrégation des protéines ... 27
I.3.1. Dénaturation des protéines... 27
I.3.2. Agrégation des protéines dénaturées ... 27
I.3.3 Cas de la β-lactoglobuline : Structure de la protéine et formation des agrégats... 28
I.3.3.1 La β-lactoglobuline : Origine et structure... 28
I.3.3.2 Formation des agrégats ... 29
I.3.3.3 Influence des paramètres expérimentaux : pH et force ionique... 30
I.4 Conclusion ... 33
II. Matériel et techniques expérimentales ...35
II.1 Matériel ... 35
II.1.1 La β-lactoglobuline (β-lg)... 35
II.1.2. Formation des agrégats de protéines et purification ... 37
II.1.2.1 Formation des agrégats de protéines ... 37
II.1.2.2 Purification des solutions d’agrégats ... 37
II.1.3. Obtention des mélanges β-lactoglobuline/agrégats ... 37
II.2 Techniques expérimentales ... 38
II.2.1. Caractérisation de la β−lg et des agrégats en solution... 38
II.2.1.1 Chromatographie d’exclusion stérique ... 38
II.2.1.3. Diffusion de la lumière ... 39
II.2.2. Propriétés interfaciales de la β−lg et des agrégats... 44
II.2.2.2 Tensiomètre à goutte ... 44
II.2.2.3. Balance de Langmuir... 47
II.2.2.4. Spectroscopie Infra-Rouge d'Absorption - Réflexion (IRRAS) ... 49
II.2.3. Caractérisation des films interfaciaux de protéines ... 51
II.2.4. Caractérisation des propriétés moussantes de la β−lg non agrégée et des agrégats ... 53
II.2.4.1. Foamscan ... 53
II.2.4.2 Drainage forcé ... 56
III. Résultats et discussion ...59
III.1 Caractérisation de la solution de ββββ -lg non agrégée et des solutions d’agrégats ... 59
III.1.1 Solution de β-lactoglobuline (β-lg)... 59
III.1.2 Solution d’agrégats de protéines ... 60
III.1.2.1 Purification des agrégats ... 60
III.1.2.2 Détermination de la taille des agrégats par diffusion statique et dynamique de la lumière... 61
III.2 Propriétés des solutions d’agrégats de protéines ... 65
III.2.1 Propriétés moussantes des solutions d’agrégats de protéines ... 65
III.2.1.1 Formation de la mousse... 65
III.2.1.2 Stabilité de la mousse ... 67
III.2.2 Propriétés interfaciales des agrégats de protéines ... 69
III.2.2.1 Cinétiques d'adsorption ... 69
III.2.2.2 Propriétés viscoélastiques des couches adsorbées ... 72
III.2.2.3 Isothermes de compression ... 74
III.2.2.4 Conformation des protéines aux interfaces eau/air ... 78
III.2.3 Propriétés des films isolés d’agrégats de protéines ... 89
II.2.3.1 Films isolés de protéines non agrégées... 89
II.2.3.2 Films isolés d’agrégats de protéines ... 90
III.3 Discussion concernant le rôle des agrégats de protéines sur la formation et la
stabilisation des mousses... 95
III.3.1 β-lactoglobuline non agrégée ... 95
III.3.2 Cas des très larges agrégats (R
h= 197 nm) ... 96
III.3.3 Cas des agrégats de taille intermédiaire (R
h= 117 et 71 nm) ... 98
III.3.4 Cas des petits agrégats (R
h= 35 nm)... 99
III.4 Propriétés des agrégats de protéines en présence de protéines non agrégées .... 103
III.4.1 Propriétés moussantes des agrégats de protéines en présence de protéines non agrégées ... 103
III.4.1.1 Formation de la mousse... 103
III.4.1.2 Stabilité de la mousse ... 105
III.4.1.3 Drainage de la mousse... 109
III.4.2 Propriétés interfaciales des agrégats de protéines en présence de protéines non agrégées ... 118
III.4.2.1 Cinétiques d’adsorption... 118
III.4.2.2 Viscoélasticité des couches adsorbées ... 122
III.4.2.3 Isothermes de compression ... 123
III.4.2.4 Conformation des protéines aux interfaces eau/air ... 128
III.4.3 Propriétés des films isolés d’agrégats de protéines en présence de protéines non agrégées ... 133
III.4.3.1 Films isolés de mélanges contenant une forte proportion d’agrégats de protéines (de 90 à 96%)... 133
III.4.3.2 Films isolés de mélanges contenant une quantité intermédiaire d’agrégats de protéines (50%) ... 140
III.4.3.3 Films isolés de mélanges contenant une faible quantité d’agrégats de protéines (de 1 à 10%)... 142
III.4.3.4 Résumé des propriétés des films interfaciaux de protéines non agrégées et d’agrégats de protéines : Etablissement d’un diagramme de comportement ... 146
III.5 Discussion concernant le rôle des agrégats de protéines en présence de protéines non agrégées... 149
Conclusion générale & perspectives ...160
Références bibliographiques ...166
Annexes ...174
Introduction
Les produits alimentaires transformés forment des systèmes complexes structurés par un ensemble d’ingrédients tels que les protéines, les polysaccharides, les sucres, les lipides, les minéraux. Au cours de la transformation des aliments, ces éléments structuraux peuvent être modifiés conférant ainsi au système de nouvelles fonctionnalités. Les interactions existant entre ces différents composants déterminent la structure finale, la texture, les propriétés et la stabilité du produit obtenu.
Parmi ces ingrédients, les protéines correspondent au biopolymère le plus fréquemment utilisé dans l'industrie alimentaire pour contrôler les propriétés mécaniques, structurales ainsi que la stabilité et les propriétés organoleptiques des produits [3]. Les protéines jouent un rôle important dans la structuration et la stabilisation des systèmes dispersés tels que les mousses.
La mousse est formée de bulles de gaz dispersées dans une phase liquide et séparées par des films interfaciaux, eux-mêmes constitués d’interfaces. La formation de mousses aqueuses à partir de solutions de protéines dépend de la nature des protéines et de leur capacité à stabiliser les interfaces eau-air.
Jusqu’à présent, la plupart des études entreprises pour comprendre la stabilité des mousses ont
été réalisées sur des protéines non agrégées. Or, du fait des traitements thermo-mécaniques
qu’elles subissent lors des procédés industriels, les protéines sont agrégées. Les propriétés de
ces structures agrégées ne sont en général pas les mêmes que celles des protéines non
agrégées Dans ce contexte, il apparaît primordial de prendre en compte l’état d’agrégation des
protéines pour mieux comprendre leur capacité à former et à stabiliser les interfaces eau/air
puis les mousses.. L’étude des phénomènes de compétition aux interfaces pouvant se produire
entre les différentes espèces est prépondérante pour la compréhension des mécanismes de
formation et de stabilisation des mousses à partir de protéines. Peu de recherches ont été
cependant menées pour comprendre et mieux déterminer les facteurs clés de la stabilisation
des mousses par les agrégats de protéines. Les études entreprises sur les agrégats et leur
comportement aux interfaces eau/air et dans les mousses négligent en réalité les protéines non
agrégées résiduelles qui sont présentes à un minimum de 20% [4, 5]. Dans ce cas, les
protéines non agrégées gouvernent les propriétés interfaciales et moussantes du mélange car elles sont suffisantes pour couvrir les interfaces formées.
L’objectif de ce travail de thèse est donc de considérer la part d’agrégation des protéines dans la formation et la stabilisation des mousses. Il s’agira de mettre en évidence dans quelle mesure ces structures agrégées, en absence de protéines non agrégées, sont capables de stabiliser les mousses et cela en relation avec les structures présentes en solution, aux interfaces eau-air et au sein des films interfaciaux.
Une meilleure compréhension des mélanges protéines non agrégées/agrégats de protéines représente un enjeu fondamental important et c’est dans ce contexte que nous avons choisi de travailler sur un système modèle, la β-lactoglobuline, protéine majeure du lactosérum dont les mécanismes d’agrégation sont connus [6]. Des agrégats de taille et de forme diverses peuvent être obtenus en jouant sur les conditions du milieu. Ils ont été ensuite utilisés pour former des mousses modèles par bullage. Les caractéristiques physiques de ces mousses ont été étudiées aux différents niveaux d'organisation que présente la mousse : mousse prise dans son ensemble, film interfacial entre deux bulles d’air et interfaces eau-air.
Par la suite, cela pourra aider au développement de nouvelles conditions ou de nouveaux stabilisants pour des systèmes formulés alimentaires.
Ce manuscrit est organisé de la façon suivante :
La partie I est une étude bibliographique regroupant une description des mousses aqueuses, de leur formation à leur stabilité. Un paragraphe détaille plus particulièrement les propriétés moussantes des protéines. Enfin, l’étude bibliographique s’achève sur un état de l’art de l’agrégation des protéines et en particulier celle de la β-lactoglobuline, et pose les questions de recherche auxquelles la thèse doit répondre.
La partie II est consacrée à la description du système étudié ainsi qu'aux différentes techniques expérimentales utilisées au cours de la thèse.
La partie III regroupe les résultats et leur discussion. Cette partie est divisée en cinq. La partie
III.1 est consacrée à la caractérisation des solutions de β-lactoglobuline et d’agrégats de
protéines. La partie III.2 traite du comportement des agrégats en absence de protéines non
agrégées aux différents niveaux d'organisation de la mousse. Ce comportement est comparé à
celui de la protéine non agrégée seule. L’objectif de cette partie est de mettre en évidence les
réelles propriétés interfaciales et moussantes des agrégats de protéines. La partie III.3 fait la
synthèse des résultats obtenus pour les agrégats en absence de protéines non agrégées et
donne une première conclusion concernant le rôle des agrégats de protéines dans la formation
et la stabilisation des mousses. La partie III.4 étudie les mélanges d'agrégats de protéines et de
protéines non agrégées. Les propriétés de ces mélanges sont déterminées aux différents
niveaux d'organisation de la mousse et sont comparées à celles des protéines non agrégées et
des agrégats. La partie III.5 synthétise les comportements de ces mélanges en corrélant les
résultats obtenus aux différentes échelles de la mousse.
I. Etude bibliographique
I.1 Les mousses
I.1.1 Structure physique des mousses
Une mousse est une dispersion de bulles de gaz dans une phase liquide. C'est un système thermodynamiquement instable parce que l’énergie libre associée à la mousse est supérieure à celle du système liquide-gaz séparé. Dès sa formation, la mousse évolue afin de minimiser l’énergie libre interfaciale [7].
Figure I.1: Représentation de la structure d'une mousse à différentes échelles
La mousse est un système multi-échelle c’est-à-dire qu’il présente différents niveaux d'organisation comme l'illustre la Figure I.1. La mousse peut être considérée :
• dans son ensemble (mousse 3-D - échelle macroscopique)
• au niveau des bords de Plateau qui séparent trois bulles de gaz
• au niveau des films interfaciaux qui séparent deux bulles de gaz
• au niveau des interfaces eau/air qui composent le film interfacial.
gaz liquide gaz
Film interfacial gaz
gaz
gaz
Bord de Plateau
gaz liquide
Interface liquide
gaz
Mousse
Bulles quelques mm quelques µm 1µm-10nm quelques nm
I.1.2 Formation des mousses
I.1.2.1 Mode de production des mousses
Il existe différents procédés qui permettent de générer une mousse [9]. Les deux méthodes fréquemment utilisées sont celles par bullage et par battage. La première consiste à former la mousse par injection de gaz dans une solution d’agents de surface à travers des orifices (tube capillaire, disque poreux,..). Dans la deuxième méthode, un appareillage mécanique (agitateur, fouet, mixer..) permet d’introduire des bulles de gaz au sein du liquide. Dans ce cas, au début de l’agitation, de grosses bulles sont formées, puis, elles sont fragmentées en plus petites bulles sous l’action prolongée de l’agitation. Dans l’industrie agroalimentaire, l’élaboration des mousses se fait en utilisant cette méthode.
Il existe d’autres modes de production de mousse comme par condensation (exemple des mousses à raser) [10] ou par réaction chimique (exemple du champagne et de la majorité des bières, où les bulles sont formées par le gaz carbonique produit durant les procédés de fermentation et gardé sous pression jusqu’à la détente et l’ouverture de la bouteille) [11].
Ces différents modes de production n’aboutissent pas à des mousses aux caractéristiques identiques. En particulier, la taille des bulles, leur distribution ainsi que la quantité de gaz incorporée varient selon la technique utilisée. Le battage conduit généralement à des mousses avec une petite taille de bulles et une quantité de gaz non maîtrisée. Quant au bullage, cette méthode conduit à la formation de mousses avec une taille de bulle moyenne et une quantité de gaz maîtrisée par le débit imposé. Du fait des nombreux paramètres influant sur la formation de la mousse, la technique par battage peut apparaître peu adaptée à une étude en laboratoire.
Dans ce travail de thèse, la technique choisie pour former des mousses sera celle par bullage
car c’est une méthode reproductible conduisant à une distribution en taille des bulles plus
homogène.
a) b)
Figure I.2: a) Photographie d’une mousse aqueuse; b) Structure et géométrie d’une mousse sèche [8].
Les mousses fraîchement préparées sont constituées de bulles sphériques (Figure I.2a). La fraction de liquide y est suffisamment élevée pour que les bulles soient séparées par des films épais. Lorsque la mousse vieillit, du liquide s’écoule sous l’effet de la gravité. La mousse sèche et les bulles sont comprimées les unes contre les autres. La mousse est alors constituée de cellules polyédriques remplies de gaz et sont séparées par des films minces. L’équilibre mécanique de la structure est maintenue lorsque ces films drainent jusqu’à se rejoindre en formant un angle de 120°, les ponts de jonction ainsi créés constituant les bords de Plateau (Figure I.2b). Lorsque le bord de Plateau est tétraédrique, il est appelé nœud. Comme nous le verrons dans les paragraphes suivants, les films minces et les bords de Plateau ont un rôle prépondérant dans le processus de déstabilisation des mousses.
I.1.2.2 Adsorption d’agent de surface aux interfaces eau-air
Quel que soit le mode de production, la formation de mousses nécessite la présence d’une molécule appelée agent de surface. Cette molécule doit posséder à la fois un groupe hydrophile et un groupe hydrophobe. L’agent de surface présente alors une double affinité : l’une pour le gaz et l’autre pour le liquide. Ce caractère est appelé caractère amphiphile.
Les bulles formées représentent une augmentation de l’aire interfaciale gaz-liquide. Cette
augmentation d’aire conduit à une augmentation de l’énergie libre du système. Or, tout
système instable tend à minimiser son énergie et à retourner à l’équilibre thermodynamique.
Pour limiter l’augmentation de l’énergie libre, la tension de surface peut être abaissée lors de la formation de l’aire interfaciale grâce à l’ajout d’agent de surface. La nouvelle aire créée est donc disponible pour que l’adsorption d’un agent de surface se produise. Une propriété fondamentale des agents de surface est leur forte tendance à s’adsorber aux interfaces, du fait de leur caractère amphiphile. Une fois adsorbés à l'interface, ces molécules produisent un abaissement notable de la tension de surface. Et c’est cette réduction de tension qui est à corréler avec la capacité à créer des systèmes dispersés comme les mousses [9].
I.1.3 Déstabilisation des mousses
Malgré l’adsorption d’un agent de surface, les mousses sont des systèmes instables à plus ou moins long terme qui tendent à retourner à leur état d’équilibre biphasique gaz-liquide. La mousse se forme et se déstabilise dès sa formation et au cours du temps. Plusieurs phénomènes de déstabilisation plus ou moins rapides se produisent :
- Drainage gravitationnel et succion capillaire - Mûrissement d’Ostwald
- Coalescence des films
I.1.3.1 Drainage gravitationnel et pression capillaire
Le liquide contenu dans une mousse s'écoule à travers les nœuds, les bords de Plateau et les films interfaciaux sous l'effet de la gravité et des forces capillaires auxquelles s'opposent les forces visqueuses. Ces écoulements constituent le phénomène appelé drainage. Des travaux théoriques [12, 13] ont montré qu'il est possible de décrire ce drainage à l'échelle macroscopique comme un écoulement à travers un milieu poreux dans lequel les pores (c'est- à-dire les bords de Plateau et les nœuds) sont déformables.
Au début du drainage, il se produit une ségrégation gravitationnelle des bulles du fait que la poussée d’Archimède est plus forte sur les grosses bulles que sur les petites.
Le drainage se produit tout au long de la vie d’une mousse, menant ainsi à une mousse sèche présentant des bulles avec une forme polyédrique. La différence de courbure entre les bords de Plateau et la partie plane des films produit un gradient de pression qui d’après la loi de Laplace s’écrit :
P = 2 R γ
où γ est la tension superficielle du film et R le rayon de la bulle.
Ce gradient de pression est la force motrice qui déplace le liquide du centre des films vers les bords de Plateau. Ce mécanisme est appelé succion capillaire. Au fur et à mesure, les films présents dans la mousse deviennent de plus en plus minces et la mousse peut commencer à se dégrader par rupture des films. Dans des conditions favorables, la mousse peut persister et continuer à évoluer plus lentement.
I.1.3.2 Mûrissement d’Ostwald
A cause de la loi de Laplace énoncée précédemment, la pression est plus forte dans les petites bulles que dans les grandes. Il existe donc un gradient de pression de part et d’autre d’un film qui induit une diffusion de gaz à travers ce film.
Ce phénomène appelé mûrissement d’Ostwald ou disproportionnement fait que le gaz des petites bulles se déverse lentement dans les grandes jusqu’à la disparition des petites bulles.
Autrement dit, le nombre de bulles diminue et les bulles tendent vers une taille moyenne.
Figure I.3: Représentation schématique du phénomène du mûrissement d Ostwald
I.1.3.3. Coalescence des films
Avec le drainage, les films séparant les bulles deviennent plus minces et peuvent se rapprocher. En dessous d’une certaine épaisseur critique, les films ne sont pas suffisamment résistants, et un trou peut se former. Du fait de la forte courbure aux alentours du trou, la pression de Laplace le rend instable. Il disparaît alors : les deux bulles adjacentes fusionnent pour n’en former qu’une seule. Ce mécanisme appelé coalescence est schématisé sur la Figure I.4.
Figure I.4 : Représentation schématique du phénomène de coalescence
Le processus de rupture se déclenche lorsque la fraction volumique de gaz devient supérieure à une valeur seuil qui dépend du tensioactif et de sa concentration [14] : il semble que le seuil corresponde à la dilatation maximum que les films peuvent supporter lors des réarrangements induits par le drainage. Il ne dépend pas de la taille des bulles, mais la durée de vie des mousses est d’autant plus grande que les bulles sont petites car le drainage y est d’autant plus lent, ce qui retarde l'instant où le seuil est atteint.
L’épaisseur critique du film menant à sa rupture dépend aussi fortement de la nature de l’agent de surface et de la viscoélasticité de l’interface [15 - 17]. Du fait du drainage, les films les plus minces sont ceux de la mousse sèche située dans la partie supérieure de la mousse.
Ces films se cassent donc en premier, conduisant à la rupture de la mousse.
I.1.4 Paramètres gouvernant la stabilité des mousses
Pour gagner en stabilité, l’objectif est de limiter les mécanismes de déstabilisation des mousses que nous venons de décrire. Ces phénomènes dépendent fortement de plusieurs paramètres comme la taille des bulles, la nature de la phase liquide, du gaz et de l’agent de surface [18]. Nous détaillons dans ce paragraphe l’influence de ces paramètres sur la stabilité des mousses.
I.1.4.1 Taille des bulles et polydispersité
La taille des bulles varie selon la méthode de production de la mousse [19]. Dans le cas d'une mousse faite par bullage, la taille est imposée par le tube capillaire ou le disque poreux à travers lequel est injecté le gaz, tandis que dans le cas d'une mousse produite par battage, la taille de bulles est imposée par la force d'agitation du batteur. L'utilisation d'un capillaire tend à produire une mousse avec une taille de bulles monodisperse, ce qui est moins vrai dans le cas d’un disque poreux. Les mousses monodisperses sont surtout considérées d'un point de vue théorique même si elles sont réalisables et étudiées expérimentalement [20]. Elles permettent de s’affranchir du mûrissement d’Ostwald puisque celui-ci nécessite la présence de bulles de différentes tailles.
Dans le cas des mousses polydisperses, le mûrissement conduit à une distribution de tailles de bulles indépendante de celle qui existait initialement après la formation de la mousse [21]. Le rayon moyen des bulles croit au cours du temps tandis que le nombre total de bulles dans l'échantillon décroît.
La mousse est d’autant plus stable que la taille des bulles est petite. Les bulles de petite taille
offre une surface spécifique très grande, la surface spécifique étant définie comme le rapport de la surface d'une bulle et de son volume. Accroître la surface spécifique des bulles permet d’augmenter le taux de couverture d’agent de surface à l’interface, et ainsi de renforcer la stabilité des mousses.
I.1.4.2 Nature du gaz
Compte tenu du mécanisme du mûrissement d'Ostwald détaillé dans la paragraphe I.1.3.2, la nature du gaz dans la phase liquide et notamment sa capacité à diffuser d'une bulle vers l'autre est un élément important. Différents gaz peuvent être utilisés pour générer des mousses, selon les applications visées. En agroalimentaire, il peut s’agir de l’incorporation de bulles d’air ou de la formation de gaz carbonique par fermentation. Dans la plupart des recherches sur les mousses menées en laboratoire, le gaz utilisé est l'air ou l’azote.
Des études [22-25] ont montré l'effet de la nature du gaz sur la stabilité des mousses de tensioactifs. Cervantes-Martinez [23] ont comparé deux mousses produites par bullage en utilisant du diazote en présence ou non de C
2F
6.La coalescence est plus forte dans le cas des mousses sans C
2F
6, conduisant à un ralentissement du drainage. La coalescence des mousses formées en utilisant du perfluorohexane est réduite car ce dernier présente une plus faible solubilité dans l’eau que le diazote.
Plus généralement, l’ajout dans le gaz d’un faible pourcentage d’un autre gaz soluble dans le premier mais très peu soluble dans le liquide conduit à renforcer la stabilité des mousses. La différence de potentiel chimique qui se crée par la diffusion du gaz soluble constitue une force de rappel osmotique qui limite la diffusion de celui-ci. Ce résultat apparaît intéressant pour s'affranchir du mûrissement et de la coalescence. Seul le drainage des mousses peut alors être étudié en supprimant les deux autres mécanismes de déstabilisation.
I.1.4.3 Nature de la phase liquide
La nature de la phase liquide est un paramètre qui va influer sur l’écoulement du liquide dans la mousse. En effet, si le liquide s’écoule lentement dans la mousse, le drainage de la mousse est ralenti et la mousse est plus stable. Il existe plusieurs approches pour ralentir l’écoulement du liquide en jouant sur la nature de celui-ci.
La première consiste à augmenter la viscosité de la phase liquide. Il est largement admis que
la viscosité est inversement proportionnelle à la vitesse de drainage [26]. Il est important de
distinguer la viscosité de la phase liquide et celle de surface des bulles, même si l’augmentation de ces deux paramètres conduisent à renforcer la stabilité d‘une mousse, la viscosité au niveau de la surface des bulles étant davantage à relier avec la nature de l’agent de surface et la mobilité des interfaces [27, 28]. La viscosité de la solution peut être augmentée par l’ajout d’un additif comme le glycérol. Outre son influence sur la viscosité de la solution, il a été montré que le glycérol influe aussi sur la mobilité des interfaces pour des faibles débits d’écoulement [27].
Une très forte augmentation de la viscosité aboutit à la formation d’un gel dans la phase liquide. C’est le cas notamment des polysaccharides connus pour être de bons viscosifiants et gélifiants [29-31-33]. Par exemple, les dérivés cellulosiques (principalement hydroxyproprylmethyl cellulose et methylcellulose) ont la propriété de s’agréger et de former des gels réversibles avec la température. Sarker et al [34] ont montré que la stabilité des systèmes dispersés était améliorée en présence de méthylcellulose, limitant la coalescence. La formation d’un gel dans la phase liquide constitue donc la deuxième approche pour ralentir l’écoulement.
La troisième approche consiste à ajouter des particules à la phase liquide. Plusieurs mécanismes de stabilisation sont discutés dans la littérature dont principalement la formation de réseau gélifié et le colmatage des nœuds dans la mousse par les particules. Selon Horozov [35], la formation d'un réseau de type gel serait le mécanisme le plus efficace pour stabiliser les mousses car le réseau de particules peut garder les bulles bien séparées et limiter ainsi le phénomène de coalescence.
Concernant le colmatage des particules, Fritz et al. [27] ont étudié l’effet du transport de
particules sur le drainage des mousses. Selon la nature de l’interface mobile ou rigide, et la
taille des particules, l’écoulement est plus ou moins ralenti. Si la particule a une taille
équivalente au diamètre de section du bord de Plateau (diamètre limitant), ces auteurs ont
observé un contre-écoulement dominant, ralentissant la particule. Si la particule est petite
devant ce diamètre limitant, ils ont observé une accélération de la particule, dû à son faible
confinement dans le bord de Plateau. Les auteurs ont également montré que des points de
blocage générés par les particules peuvent apparaître dans la mousse : une ou plusieurs
particules peuvent obstruer le passage du liquide, entraînant des modifications de chemins et
un ralentissement de l’écoulement. La stabilité des bords de Plateau et des nœuds est alors
renforcée [27]. Guignot [36] a également étudié la capacité d'agglomérats de particule de
silice à colmater les cavités d'un milieu poreux modèle et celles d'une mousse réelle. Il a
déterminé en fonction du paramètre de confinement qu'il définit comme le rapport de la taille
des particules et du diamètre des canaux modèles, une valeur critique pour laquelle les agglomérats sont capables de colmater localement les cavités d'un milieu poreux. Lorsqu'un nombre suffisant de sites colmatés est atteint, il y a percolation de ces zones colmatées et plus aucun chemin n'est accessible à l'écoulement du liquide. Dans le cas d'une mousse réelle, Guignot a observé un ralentissement du drainage des mousses mais pas un arrêt total comme dans le cas des canaux modèles. La mousse étant un milieu déformable, contrairement aux canaux modèles, les différences de comportement d'écoulement du liquide ne sont pas surprenantes. La quantité de liquide retenu aux temps longs est d'autant plus importante que la concentration en particules dans les suspensions moussantes est élevée [36].
L’effet de stabilisation des mousses par l’ajout de particules est fonction de leur caractère hydrophobe [35, 37]. Si les particules sont hydrophiles, elles vont avoir tendance à rester dans la phase liquide et peuvent jouer le rôle de bouchon en colmatant la mousse comme nous venons de le voir. Si les particules sont hydrophobes, elles peuvent s'adsorber à l'interface et former autour des bulles une couche protectrice, ralentissant ainsi fortement le transfert de gaz entre les bulles [38]. Binks et al [37] ont observé par des clichés microscopiques des agrégats de particules percolant à la fois dans la phase liquide et à la surface des bulles. Dans d'autres conditions, si les particules sont trop hydrophobes, les mousses ne sont absolument pas stables : les particules peuvent agir comme des anti-moussants [14, 39, 40].
En résumé, une phase liquide visqueuse et la formation d’un gel de polymère améliorent la stabilité des mousses en ralentissant le drainage et en limitant la coalescence. L’ajout de particules peut également influer sur le ralentissement du drainage, les particules pouvant bloquer l’écoulement du liquide par formation d’un réseau de type gel ou par obstruction des bords de Plateau et des nœuds de la mousse.
I.1.4.4 Nature de l’agent de surface
L'agent de surface utilisé pour stabiliser les mousses peut être de différente nature, du moment qu'il possède un caractère amphiphile. Il existe principalement deux grandes classes d’agents de surface : les tensioactifs et les protéines.
Les tensioactifs sont des petites molécules qui comportent un tête hydrophile (polaire
ou chargée), et une ou plusieurs queues hydrophobes de solubilité beaucoup plus
faible dans l’eau.
Figure I.5: Structure d’un tensioactif
Les tensioactifs abaissent rapidement la tension de surface et les couches qu'ils forment à l'interface ne présentent pas de comportement viscoélastique, contrairement à celles formées par les protéines. Saint-Jalmes et al. [41] ont étudié des mousses de SDS et ont montré que le taux de coalescence est environ cinq fois plus élevé dans le cas d’une mousse de tensioactifs comparée à celui d’une mousse de protéines à fraction de liquide donnée et taille de bulles équivalentes.
Quant aux protéines, elles s’adsorbent lentement à l’interface eau/air. Mais, une fois adsorbées, les protéines ne se désorbent pas et forment des couches viscoélastiques aux interfaces eau/air, résultantes de fortes interactions intermoléculaires. Ce réseau formé à l'interface permet ainsi de renforcer la stabilité des mousses [42]. Prins [43] a d'ailleurs corrélé l'augmentation du module dilatationnel de surface à une réduction des mécanismes de déstabilisation des mousses. Martin et al. [44] ont suggéré qu’un réseau interfacial rigide formées par les couches de protéines est le plus efficace pour stabiliser les mousses. Cox et al [45] ont récemment mis en évidence les remarquables propriétés moussantes de l'hydrophobine : La protéine peut former des couches très denses, induisant des films avec une grande viscosité et rigidité de surface. Les mousses résultantes de cette protéine sont extrêmement stables : la mousse a été observée plusieurs jours sans se déstabiliser.
Contrairement aux tensioactifs, les protéines une fois à l’interface ne peuvent pas être
désorbées par dilution avec le solvant : leur adsorption est irréversible. En revanche, en
présence de molécules plus tensioactives, les protéines peuvent être déplacées des interfaces
[46]. Il est nécessaire de distinguer l’efficacité de l’adsorption et l’activité de surface
lorsqu’on compare l’adsorption de protéines à celle de petites molécules tensioactives. Ainsi,
aux faibles concentrations massiques, les protéines abaissent plus la tension interfaciale que
les tensioactifs et à des concentrations plus fortes, l’interface est saturée. Une protéine
s’adsorbe donc de façon plus efficace qu’un tensioactif mais est considérée comme moins
tensioactive car elle peut être déplacée de l’interface par les petites molécules tensioactives.
Les particules peuvent également stabiliser les mousses et depuis quelques années, sont l’objet de nombreuses études [35, 38, 47]. Binks et al [37] ont décrit des mousses stabilisées seulement par des nanoparticules de silice dont leur taille varie de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres. Ils ont mis en évidence l’importance de contrôler leur caractère hydrophobe, car dans certaines conditions, les mousses sont très stables et résistantes à la coalescence et au mûrissement. Elles s’adsorbent à l’interface, ralentissant ainsi fortement le transfert de gaz entre les bulles.
Figure I.6 : Définition de l’angle de contact définissant la position de la particule à une interface eau-air.
Le placement de la particule à l’interface dépend de la balance hydrophile-hydrophobe. La valeur de l’angle de contact θ dépend de l’affinité des particules pour l’une ou l’autre des phases en présence (cf. Figure I.6). Une valeur de θ inférieure à 90° (respectivement supérieure) correspond à une particule hydrophile (respectivement hydrophobe). Ces propriétés de mouillabilité peuvent être modifiées par la présence de molécules tensioactives dans le milieu. Safouane et al. [22] ont étudié plus en détail l’influence de l’affinité des particules sur les modules viscoélastiques d’une interface eau/air. Le caractère hydrophobe des particules est modifié par fonctionnalisation chimique, rendant les particules plus hydrophiles. Les résultats montrent qu’à partir de 60% de groupements fonctionalisés, l’interface présente un module élastique de cisaillement supérieur au module visqueux. En dessous de cette valeur, le comportement visqueux prédomine.
Dans la partie suivante, nous nous intéresserons uniquement aux protéines en décrivant leurs
propriétés moussantes, en relation avec leur structure et leur adsorption aux interfaces eau/air.
I.2 Propriétés moussantes des protéines
Dans les systèmes agroalimentaires, les protéines sont utilisées entre autre pour stabiliser les mousses [48]. La formation et la stabilité des mousses de protéines résultent de l’aptitude des protéines à s’adsorber aux interfaces eau/air pour abaisser la tension interfaciale. La stabilité de ces systèmes dispersés est gouvernée par l’organisation des protéines au sein de la couche interfaciale située autour des bulles d’air. L’ensemble de ces propriétés, à savoir la capacité à s’adsorber aux interfaces eau/air et à les stabiliser, dépendent de la structure des protéines.
I.2.1 Rappels sur les protéines
I.2.1.1. Structure des protéines
Les protéines sont des macromolécules omniprésentes dans les systèmes vivants d’origine soit végétale (blé, maïs, soja), soit animale (viande, lait) [49]. Elles sont constituées de l’enchaînement d’acides aminés unis par des liaisons peptidiques, qui constitue la chaîne polypeptidique.
On distingue quatre niveaux d’organisation pour une protéine :
- La structure primaire correspond à la séquence d'enchaînement des acides aminés, reliés entre eux par des liaisons peptidiques.
- La structure secondaire est constituée par des régions ordonnées périodiquement où la chaîne polypeptidique linéaire présente une structure tridimensionnelle régulière de type hélices α ou feuillets β. Certaines régions protéiques ne sont pourtant pas structurées dans ce type de conformation, leurs formes irrégulières constituant des boucles. Leur organisation est maintenue par des liaisons hydrogène entre acides aminés.
- La structure tertiaire correspond à une organisation tridimensionnelle des éléments de la structure secondaire, et résulte d'interactions non-covalentes (forces de Van der Waals, ponts hydrogène) et parfois de ponts disulfures.
- La structure quaternaire se définit par l’état d’association des différentes sous-unités de
structure tridimensionnelle.
D’un point de vue structural, deux grands types de protéine peuvent être distingués :
- les protéines fibreuses telles que celles des tissus, comme le collagène ou la kératine, qui sont de longues molécules de protéines en forme de filaments jouant un rôle structurel et constitutif.
- les protéines globulaires comme la β-lactoglobuline ou l’α-lactalbumine qui ont une structure compacte.
Les protéines comme la β-caséine sont assez peu structurées et ne sont donc ni fibreuses ni globulaires. Dans la littérature, elles sont souvent appelées protéines flexibles [50].
Au cours de la thèse, nous nous sommes plus particulièrement intéressés aux protéines globulaires. Les paragraphes qui vont suivre décriront leur structure en relation avec leurs propriétés physico-chimiques.
I.2.1.2. Relation structure -propriétés
Les différents niveaux de structure des protéines leur confère des propriétés physico- chimiques [51]. Un des intérêts majeurs de la structure des protéines est l’existence d’un état natif. La structure dite native d'une protéine correspond à une conformation cœur/surface thermodynamiquement stable dans un environnement donné c’est-à-dire ayant une énergie libre minimale. Elle résulte d’un repliement qui met en jeu de nombreuses interactions inter- et intra moléculaires. La structure native est spécifique pour chaque protéine et présente une stabilité définie et une flexibilité restreinte. Tout facteur affectant les interactions du système modifie la stabilité de la protéine. La structure des protéines globulaires et en particulier la répartition des zones hydrophobes et hydrophiles constituées par les différents résidus plus ou moins polaires détermine la solubilité de la protéine. Cette dernière dépend en effet de l’exposition des résidus hydrophobes et est le résultat d’une compétition entre les interactions hydrophiles (protéine-solvant) et hydrophobes (protéine-protéine) [51].
La présence de résidus hydrophobes et hydrophiles donne également à la protéine un caractère
amphiphile. Les zones hydrophobes ont une affinité avec un milieu non polaire comme l’air
alors que celles hydrophiles en ont une avec un milieu polaire comme l’eau. Cette double
affinité confère à la protéine l’aptitude de s’adsorber à des interfaces séparant deux milieux
non miscibles. Plus le caractère amphiphile de la protéine est fort et plus les propriétés
interfaciales seront importantes. Dans les protéines globulaires, les régions hydrophobes sont
en général peu exposées et sont au cœur de la structure. Exposer les régions hydrophobes de la protéine revient à renforcer leur caractère amphiphile. Pour cela, différentes approches sont possibles : La première consiste à activer le dépliement de la protéine en utilisant des agents dénaturants [52, 53], ou en appliquant des traitements thermo-mécaniques [54]. La seconde approche consiste à exploiter la réactivité chimique des chaînes latérales en greffant des groupements permettant de faire varier la balance hydrophile/hydrophobe de la protéine [55- 57].
Une autre conséquence de l’exposition des régions hydrophobes d’une protéine est leur capacité à s’agréger par des liaisons intra et intermoléculaires plus ou moins fortes (cf. paragraphe I.3.Agrégation des protéines). Comme nous l’avons rappelé précédemment, la structure quaternaire correspond à l’assemblage de plusieurs unités de structure tertiaire pour former la protéine fonctionnelle. Cette association peut être covalente ou non. Dans le cas où elle n’est pas covalente, elle est souvent due à l’effet hydrophobe. Le tableau suivant résume les caractéristiques des interactions impliquées dans la stabilisation des structures agrégées des protéines.
Types d’interaction Energie de liaison (kJ.mol
-1) Distance d’interaction (nm) Covalente
Liaison disulfure 320-380 0,1-0,2
Non covalente
Interactions électrostatiques Liaison Hydrogène
Interactions hydrophobes Forces de Van der Waals
25-50 10-40 3-10 1-20
0,2-0,3 0,2-1,3 0,3-1 0,1-0,4
Tableau I.1 : Caractéristiques des interactions impliquées dans la stabilisation des structures agrégées des protéines [2]
I.2.2 Adsorption des protéines aux interfaces
Les propriétés d’adsorption des protéines aux interfaces dépendent de la capacité de la protéine à diffuser vers l’interface et de son aptitude à s’ancrer et à s’orienter dans la couche interfaciale. En conséquence, de nombreux paramètres comme la taille de la protéine, sa flexibilité et la répartition des zones hydrophiles et hydrophobes conditionnent fortement ses propriétés.
Le mécanisme d’adsorption des protéines a été mis en évidence par Graham et Phillips [58-
60]. Ce mécanisme, représenté sur la Figure I.7 est découpé en trois étapes : une phase de
diffusion (étape 1), une phase de pénétration dans la couche (étape 2) et une phase de réarrangement (étape 3) durant laquelle la concentration interfaciale atteint un plateau tandis que la pression interfaciale continue à augmenter.
Figure I.7: Représentation schématique de l’adsorption des protéines [61].
La première étape de ce mécanisme est caractérisée par une tension de surface proche de celle de l’eau et consiste en la diffusion des molécules de la solution à l’interface. Le début de la diminution de la tension de surface apparaît après un certain temps appelé temps de latence.
Une concentration minimale en agents de surface est requise pour visualiser cette première étape car pour une concentration plus élevée, cette étape n’est pas visible, seule la deuxième étape est observée immédiatement. La diffusion d’une protéine est gouvernée par sa masse moléculaire et sa taille. Les protéines sont des molécules à haut poids moléculaire et ont donc une taille importante. En conséquence, les protéines ont des coefficients de diffusion plus faibles que les tensioactifs moléculaires conduisant à une mobilité réduite [50].
La deuxième étape est caractérisée par une décroissance rapide de la tension de surface et correspond à la formation de la première couche interfaciale. Enfin, la troisième étape se traduit par une décroissance lente de la tension de surface jusqu’à un plateau correspondant à l’équilibre de la couche adsorbée. Ces deux dernières phases du mécanisme d’adsorption des protéines impliquent des changements conformationnels de la structure de la protéine. Leur importance dépend du type d’interface [62], de l’environnement local, de la structure et de la flexibilité de la protéine utilisée et de sa concentration [50]. La plupart des résidus apolaires étant enfouis dans le cœur hydrophobe des protéines globulaires, l’adsorption résulte généralement en un changement conformationnel qui a été mis en évidence par des études en Spectroscopie d’Absorption Réflexion Infra-Rouge (IRRAS) [50, 63].
D’un point de vue énergétique, ces changements de conformation sont favorisés car lors de leur adsorption, les protéines se déplient de manière à minimiser leur énergie libre interfaciale. L’état dans lequel elles sont, une fois adsorbées, n’est plus l’état natif mais un état dénaturé dont l’énergie libre est supérieure à celle de l’état natif.
2
La flexibilité des protéines joue alors un rôle important sur les temps de réarrangement conformationnel : les protéines flexibles de type caséine β se réarrangent rapidement, contrairement aux protéines globulaires de type β-lactoglobuline. Les protéines flexibles se déplient et abaissent la tension de surface rapidement alors que les protéines globulaires, présentent une structure stabilisée par des ponts intermoléculaires et se déplient plus lentement. La dénaturation des protéines globulaires lors de l’adsorption à l’interface est plus difficile et plus longue, et nécessite plus d’énergie. L’épaisseur effective de la monocouche des protéines globulaires est souvent proche de la taille connue de la structure native de la protéine, et les différences observées peuvent être dans l’orientation interfaciale. Cependant, les protéines tendent à former des interactions intermoléculaires plus fortes et stabilisent plus efficacement l’interface. Le réseau ainsi formé de protéines globulaires est plus résistant et cohésif que celui formé par les protéines flexibles (Figure I.8).
Figure I..8 : Représentation schématique de la conformation adoptée pour les protéines flexibles et globulaires en fonction de leur concentration de surface à l’interface air/eau [61].
I.2.3 Films interfaciaux de protéines
Les propriétés des films interfaciaux ont une importance dans la compréhension de la stabilité des mousses [47]. Certains résultats concernant les propriétés des protéines aux interfaces sont déjà bien connus [51, 64-66] et ont mis en évidence des phénomènes différents de ceux rencontrés pour les tensioactifs [50, 67]. Comparés aux films de tensioactifs, les films de protéines drainent plus lentement : quelques heures pour les films de protéines contre quelques minutes pour les films de tensioactifs. Le drainage lent est dû à la formation de couches visco-élastiques à la surface du film [66]. Ce comportement a été observé pour plusieurs protéines : la β-lactoglobuline [46], la sérum bovine albumine (SAB) [69, 70] ou encore la caséine [71].
Protéines flexibles Protéines globulaires Concentration
en protéines