III. Résultats et discussion
III.4 Propriétés des agrégats de protéines en présence de protéines non agrégées
III.4.3 Propriétés des films isolés d’agrégats de protéines en présence de protéines non
III.4.3.1 Films isolés de mélanges contenant une forte proportion d’agrégats de
Les films interfaciaux contenant 96 % d’agrégats sont hétérogènes. Les structures que nous
avons observé à la surface du film ont une taille de quelques micromètres et sont donc
beaucoup plus grandes que les agrégats eux-mêmes. Cela indique que les agrégats
s’assemblent entre eux à l’interface. Ce phénomène d’agrégation à la surface du film a déjà
été observé pour les protéines non agrégées et pour les agrégats seuls (cf. paragraphe III.2.3).
Le comportement des films face aux changements de pressions dépend de la taille des
agrégats. Dans le cas des petits agrégats ayant un R
hde 35 nm, les films sont résistants à des
pressions pouvant aller jusqu'à 1000 Pa, quelque soit la manière dont la pression est appliquée
(progressivement, instantanément ou cycle de pression). Cette valeur est dix fois supérieure à
la résistance des films formés par des agrégats de même taille en absence de protéines non
agrégées. Un exemple de film contenant 96 % de petits agrégats ayant un R
h= 35 nm obtenu
durant un cycle de pression à 100 Pa sont représentées sur la Figure III.48.
100 Pa 100 Pa après un cycle
Figure III.48 : Exemple de film interfacial contenant 96 % d’agrégats de protéines avec un
R
hde 35 nm, obtenu en appliquant un cycle de pression 0 – 100 Pa – 0 – 100 Pa.
Nous observons des larges structures à la surface du film connectées entre elles qui semblent
couvrir la totalité de la surface. Nous observons également que la surface du film a la même
apparence avant et après le cycle : les structures à la surface sont à la même place. Ces
observations suggèrent donc la formation d’un réseau de type-gel.
Dans le cas des larges agrégats de protéines ayant un R
hde 117 nm et 197 nm, la résistance
des films aux changements de pression ainsi que l’aspect des films dépendent de la manière
dont la pression est appliquée. En effet, lorsque la pression est appliquée instantanément, les
films formés sont instables puisqu’ils se rompent après 1 minute. Nous observons des
anneaux concentriques dont le centre se déplace rapidement vers la périphérie du film
(cf. Figure III. 49). Ce phénomène appelé drainage asymétrique induit une rupture rapide du
film [146-147]. Il n’est donc pas possible de réaliser des cycles de pression à une pression de
100 Pa sur les films contenant 96% des larges agrégats.
6s 16s 40s 1min
Figure III.49 : Evolution en fonction du temps d’un film interfacial obtenu à partir d’un
mélange contenant 96 % d’agrégats de protéines ayant un R
hde 197 nm pour une pression
directement appliquée de 100 Pa.
En revanche, lorsque la pression est appliquée progressivement, il est possible d’obtenir des
films à partir des mélanges contenant 96% de larges agrégats. La Figure III. 50 montre un
10µm
exemple de film interfacial formé à partir des mélanges ayant un R
hde 197 nm en fonction du
temps dans le cas d'une augmentation de pression progressive. La pression est augmentée par
pas de 10 Pa toutes les 10 minutes. A 40 Pa, un film se forme et nous le laissons évoluer
pendant 10 minutes (Figure III.50a). Ensuite, la pression est augmentée à 50 Pa et le film est
observé pendant 10 minutes. Nous observons qu'au début seule la périphérie du film est
affectée par l'augmentation de la pression. Plusieurs domaines sont présents dans la périphérie
du film, formant des structures hétérogènes. Ces domaines ressemblent à de petits dimples et
sont mobiles dans le film avec le temps (Figure III.50 b à e). Cela implique que ces domaines
ne sont pas accrochés à la surface du film. Nous observons également qu’ils coalescent entre
eux menant à des domaines plus grands. La mobilité des domaines ainsi que leur coalescence
entre eux ont également été observées pour d’autres pressions.
a) b) c) d) e)
Figure III.50 : Evolution au cours du temps d’un exemple de film interfacial obtenus à partir
de mélanges contenant 96 % d’agrégats de protéines avec un R
hde 197 nm. La pression est
appliquée progressivement (par pas de 10 Pa toutes les 10 minutes).
Ces observations montrent que pour les larges agrégats ayant un R
hde 197 nm, la quantité de
protéines non agrégées présentes dans le mélange (4%) n’est pas suffisante pour immobiliser
les structures, comme le montrent les domaines mobiles à la surface du film.
Les films interfaciaux obtenus à partir des mélanges contenant 94 % d'agrégats présentent des
larges structures à la surface du film quelle que soit la taille des agrégats. En revanche, la
résistance au changement de pression de ces films diminue quand la taille des agrégats
augmente. Les films contenant 94% d’agrégats ayant un R
hde 35 nm sont résistants aux
changements de pression quelle que soit la manière dont la pression est appliquée. Dans le cas
50 Pa 16s 1min7s 1min24s 10min
40 Pa 10min
d’une augmentation progressive de la pression, ces films peuvent supporter des pressions
allant jusqu'à 1000 Pa alors que ceux contenant des agrégats avec un R
hde 71 nm peuvent
supporter des pressions allant jusqu’à 200 Pa.
Lorsqu’un cycle de pression (0- 100 Pa- 0- 100 Pa) est appliqué, ces films sont aussi
résistants. Un exemple de film contenant 94% d’agrégats avec un R
hde 35 et 71 nm est
représenté Figure III.51 lorsque des cycles de pression sont appliqués. Ces films peuvent
supporter des cycles de pression avec une pression maximale de 100 Pa. Nous observons
qu'après chaque cycle, la surface du film a la même apparence. Cela indique la présence d'un
réseau de type gel dans le film.
a) b)
100 Pa 100 Pa après un cycle 100 Pa 100 Pa après un cycle
Figure III.51 : Exemple de films interfaciaux contenant 94 % d’agrégats de protéines obtenus
en appliquant un cycle de pression 0 – 100 Pa – 0 – 100 Pa pour a) un R
hde 35 nm et
b) un R
hde 71 nm.
Quant aux films interfaciaux contenant 94 % de larges agrégats ayant un R
hde 117 nm et
197 nm, leur résistance aux changements de pression dépend de la façon dont la pression est
appliquée. Lorsqu’un cycle de pression (0 -100 Pa - 0 - 100 Pa) est appliqué, ces films se
rompent en quelques secondes, alors que lorsque la pression est augmentée de façon
progressive (par pas de 10 Pa), il est possible d’obtenir des films pendant plusieurs minutes.
Un exemple des films obtenus lors de l’augmentation progressive de la pression est représenté
sur la Figure III.52.
a) b) c)
Figure III.52 : Exemple de films interfaciaux contenant 94 % d’agrégats de protéines obtenus
pour a) R
h= 117 nm ; b et c) R
h= 197 nm. L’image a est prise 10 minutes après
l’augmentation de la pression. Les images b et c sont prises après l’augmentation de la
pression pendant l’évolution du film.
Les films contenant 94% d’agrégats avec un R
hde 117 nm présentent des structures
immobiles avec le temps pour une pression donnée (Figure III.52a) contrairement à ceux
contenant des agrégats avec un R
hde 197 nm où dans ce cas les structures sont mobiles à la
surface du film (Figure III.52b et 52c).
Les paragraphes suivants poursuivent l’étude des films de mélanges en considérant ceux
contenant une plus grande quantité de protéines non agrégées afin de déterminer la quantité à
partir de laquelle il y a à la fois formation d’un réseau de type gel et renforcement de la
stabilité des films.
La Figure III.53 montre un exemple de film interfacial obtenu à partir de mélanges contenant
90 % d’agrégats de protéines avec un R
hde 35 nm pour des pressions de 100 Pa et de 250 Pa
appliquées de manière progressive. Ces films sont hétérogènes, comme le montre la présence
de points blancs, généralement interprétés comme de larges structures d’agrégats [16]. Juste
après la formation du film, nous observons un dimple [16, 49, 141-142] au centre du film qui
y reste pendant le drainage du film (Figure III.53a). Ce phénomène est appelé drainage
centrosymétrique [16, 63]. Quand la pression est augmentée progressivement, le dimple
disparaît sans causer la rupture du film. De plus, seule la périphérie est immédiatement
affectée par l’augmentation de pression. Avec le temps, la différence d’aspect entre la
100 Pa 100 Pa 0s 100 Pa 25s
périphérie et le centre du film s’estompe et le film devient plus sombre avec toujours la
présence de points blancs (Figure III.53b). Ces films sont stables car ils peuvent être observés
pendant plusieurs minutes à une pression de 250 Pa. Le drainage centrosymétrique ainsi que
l’effet retard observé sur la surface du film pendant les changements de pression traduit le fait
que les films ont d’importantes propriétés viscoélastiques.
a) b)
Figure III.53 : Exemple de film interfacial obtenu à partir de mélanges contenant 90 %
d’agrégats de protéines avec un R
hde 35 nm, quand la pression est augmentée de manière
progressive : a) à 100 Pa et b) à 250 Pa. Les images sont prises dix minutes après
l’augmentation de la pression.
De plus, ces films sont résistants aux changements de pression car ils peuvent supporter des
pressions allant jusqu’à 500 Pa quelle que soit la manière dont la pression est appliquée.
L’aspect des films diffère cependant selon que la pression est appliquée progressivement
(Figure III.53) ou instantanément. La Figure III.54 représente un exemple de film obtenu
lorsqu’un cycle de pression (0- 100 Pa- 0 - 100 Pa) est appliqué. Nous observons que ce film
présente des anneaux concentriques. Ce comportement classiquement observé pour les films
stabilisés par les protéines est indicatif d’interfaces viscoélastiques [63]. Cela indique que les
mélanges contenant 90% d’agrégats avec un R
hde 35 nm forment des couches viscoélastiques
à la surface du film. De plus, la présence du dimple centrosymmétrique (cf. Figure III.53a) est
significatif d’une interface viscoélastique. Ces deux points nous amènent à penser qu’un
réseau interfacial peut se former à partir des agrégats et des protéines non agrégées. Le fait
que nous n’observons pas visuellement le réseau à la surface du film peut s’expliquer par la
petite taille des agrégats et la résolution limitée (de l’ordre du µm) de la balance à films avec
laquelle les films sont générés.
100Pa 250Pa
Figure III.54 : Exemple de film interfacial contenant 90 % d’agrégats de protéines avec un
R
hde 35 nm, obtenu en appliquant un cycle de pression 0 – 100 Pa – 0 – 100 Pa.
Un exemple de film obtenu à partir de mélanges contenant 90% d’agrégats de protéines ayant
un R
hde 197 nm est montré sur la Figure III.55. Nous observons des larges structures
connectées entre elles à la surface du film. Ces films sont stables car pour une pression
donnée, ils peuvent être observés durant plus d’une heure. La pression peut être augmentée
progressivement jusqu’à 1500 Pa sans causer la rupture du film (Figure III.55 images de
a à c). Quand la pression est diminuée, le film garde l’apparence qu’il avait avant la
diminution de pression (Figure III.55d).
a) b) c) d)
Figure III.55 : Exemple de film interfacial obtenu à partir de mélanges contenant 90 %
d’agrégats de protéines avec un R
hde 197 nm quand la pression est augmentée : a) 100 Pa,
b) 250 Pa, c) 1500 Pa et d) 250 Pa. Les images sont prises dix minutes après l’augmentation
de pression.
Lorsqu’un cycle de pression (0- 100 – 0 – 100 Pa) est appliqué sur les films (Figure III.56),
nous observons qu’après chaque cycle, la surface du film a la même apparence que celle avant
le cycle.
20µm
20µm
Figure III.56 : Exemple de film interfacial contenant 90 % d’agrégats de protéines avec un
R
hde 197 nm, obtenu en appliquant un cycle de pression 0 – 100 Pa – 0 – 100 Pa.
Cela indique qu’il n’y a pas de réarrangement de structures à la surface du film puisqu’elles se
situent à la même place avant et après le cycle. Dans ce cas, nous pouvons considérer qu’il y a
formation d’un réseau de type gel dans le film. Ce phénomène renforce la stabilité du film car
la pression qu’il peut supporter (1500 Pa) est trois fois supérieure à celle observée pour des
films de protéines non agrégées (500 Pa).
III.4.3.2 Films isolés de mélanges contenant une quantité intermédiaire d’agrégats de
Dans le document
Rôle des agrégats de protéines dans la formation et la stabilisation de mousses
(Page 146-153)